samedi 29 septembre 2012

Une promesse de strip-tease ou quand la publicité s'empare de la subversion féminine pour l'exploiter et l'anéantir

On a vu qu'à travers les âges l'action de se dénuder les seins servit au moins une femme à la fois, soit à déjouer des intrigues fomentées contre elle, soit à affirmer sa liberté individuelle, soit à affirmer sa gynilité, soit à protester contre une morale dont elle ne voulait plus. Un jour tout a changé et durablement. Ce jour-là, les seins nus sont devenus synonyme de la promesse d'un strip-tease. Les seins nus sont devenus ce qu'ils n'étaient pas auparavant : l'expression de la servitude volontaire. Que dis-je l'expression ? Sa proclamation pure et simple.

Au début des années 1980 : stupeur totale ! une équipe occulte d'inconnus payés par une agence de pub fabriquent de toute pièce une femme pseudo-rebelle qui s'adresserait personnellement aux passants pour les avertir de ses actions de déshabillage à venir. Une strip-teaseuse raccoleuse s'affiche hors des bars spécialisés avec un look "nature" à la Uschi Obermaier mais qui vous fixe en rigolant droit dans les yeux (U.O. ne rigole sur aucune de ses photos pour le magazine allemand "twen" (1959-1971).

La femme "libérée" de 1968 pervertie en femme publique de papier est née.
Eric Hélias, codirecteur de création de l'agence Young & Rubicam
dit de cette opération : "C'est la pub parfaite" (lire ici).

Le 31 août 1981, dans les rues de Paris et de 6 villes de province (de plus de 500 000 habitants), 900 grandes affiches 4 par 3 sont collées à une hauteur qui empêche absolument d'échapper au regard scrutateur de l'exhibitionniste de papier et de ces avertissements datés.

La publicité fait de la publicité pour la publicité en inventant le concept de la strip-teaseuse amatrice qui aguiche la population comme si cette population était tout entière un homme et de plus un intime.
La femme des mouvements de libération de la femme des années 60/70 est kidnappée et mise au turbin et nous assistons à à la plus grande truanderie psychologique de toute l'histoire du patriarcat. 

À l'époque, des associations montent au créneau. A Lille, l'association "Du côté des femmes" dépose plainte pour "outrage aux bonnes mœurs, atteinte à la dignité des femmes et incitation au voyeurisme". Le 5 septembre, le tribunal de Lille condamne l'afficheur à recouvrir partiellement ou totalement les affiches, à l'initiative de Pierre Mauroy, alors maire de la ville.


A Paris, l'association "Choisir la cause des femmes", dirigée par Gisèle Halimi,  tente en vain de convaincre l'Assemblée Nationale de la nécessité de voter une loi antisexiste. Yvette Roudy, alors ministre socialiste des Droits de la femme, s'insurge dans les médias contre ce qu'elle considère à juste titre être "une instrumentalisation du corps de la femme et une atteinte à sa dignité". Et Pierre Berville, le directeur artitisque de la campagne de réagir : "...Myriam est un pur produit de 1968 (sic), elle a une relation parfaitement saine avec son corps, la nature, un rapport totalement déculpabilisé à la nudité... Son côté sportif, mince et musclé désamorce tout le côté douteux, voire "glauque", qui pourrait être reproché à l'affiche". 
Bien entendu, il ne parle pas des "promesses" que fait par affiche interposée le "pur produit de 68" parce que dénuder une femme à la vue de tous pour un produit publicitaire même si ce produit publicitaire est la publicité elle-même est déjà du sexisme en soit, mais nous faire croire que cette femme n'est pas dénudée par la publicité, que c'est elle qui fait de son plein gré l'annonce et le geste, est du sexisme masqué en soit-disant "féminisme" ou le "rapport déculpabilisé à la nudité" selon le jargon soixante-huitard utilisé par le responsable de ce coup fumant a été compris ou fait semblant d'avoir été compris comme une sorte de prostitution "nature" sans maquillage et hauts talons. Car ce n'est pas "l'érotisme" que les vrais féministes remettent en cause mais le fait que la liberté de se dénuder soit confisquée à des fins mercantiles.
Dans cette publicité l'action topless au lieu de transmettre un message de liberté transmet un message de sujétion consentie impliquant toutes les femmes  !
La libération serait maintenant la prostitution sous une forme "plus proche de la nature".
Une autre personne qui n'a rien compris aux réactions des féministes, c'est le modèle nu Myriam Szabo, petite amie du photographe qui a posé pour cette affiche et a permis au pubeux qui employait son bien-aimé de gagner des fortunes considérables : 
Interviewée dans de nombreux magazines, notamment VSD, à ceux qui lui demandaient s'il elle n'avait pas honte d'avoir posé nue, elle répondait cette phrase : "L'obscénité n'est pas dans l'image mais dans l'œil de celui qui regarde".

L'obscénité n'est pas dans l'image, non, chère Myriam, mais dans le fait d'avoir offert sa nudité sans autre but que de faire gagner de l'argent à un annonceur.
D'avoir galvauder sa nudité. De lui avoir enlevé sa subversivité en échange d'une somme d'argent. En un mot de l'avoir bel et bien prostituée. Voilà où est l'obscénité.  

Car l'intention de la société Avenir était de démontrer à ses clients qu’il est possible de poser une affiche en quelques heures, puis d’en changer si on le souhaite tous les deux jours. La campagne Myriam a largement débordé sa cible composée alors de 4500 publicitaires français et de leurs annonceurs, puisqu’en septembre 1981, elle avait déjà rapporté près de 300 000 euros de retombées presse.
Car la publicité se définit elle-même comme une entreprise prostitutionnelle. Ici un article sur le plus "vieux beau métier du monde" (titre réel) évoquant la campagne de strip-teasing "Myriam" de 1981.
Et cette "obscénité" dont parle notre agnelle blanche, une fois administrée impunément et de force, va entraîner une avalanche d'autres obscénités plus terribles pour la femme les unes que les autres via la publicité et tout ce qui s'y apparente.  

(Alors il est normal que les groupes féministes de Paris se posent aujourd'hui la question du bien fondé de montrer ses seins pour la cause féministe comme le font les Femen d'Ukraine qui n'ont pas 30 ans de milliards de "campagne Myriam" dans la tête). 
Pour clore cette retrospective une fausse pub empruntée à Emelire :

   

ou mes seins....

Ajout du 2.10.12 : pour voir jusqu'où on en est arrivé dans la maltraitance du corps des femmes aujourd'hui, ne manquez pas les pubs trash publiées par Sophie Gourion ici

vendredi 28 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 9. Uschi Obermaier

"Révolution sexuelle / Antifascisme au lit"

 


Photo : Mangold

[La top modèle internationale d'origine allemande] "Uschi Obermaier pose seins nus à ciel ouvert (photo d'archive de 1970).
Pour la bourgeoisie des années 60 sa vie complète a été un scandale : l'amour libre, la vie en communauté, la drogue, les fêtes débridées avec des stars du rock : beaucoup y virent la définition même de la décadence.
Militante pour la libération sexuelle, la nouvelle gauche allemande alla jusqu'à comparer l'ère Adenauer avec le troisième Reich". (...)
"En 68, on voyait un rapport étroit entre l'oppression sexuelle et le fascisme, du fait de la redécouverte de la théorie de de Wilhelm Reich (1897-1957) selon laquelle le sadisme et la satisfaction sexuelle s'exclueraient l'un l'autre.
Vu sous cet angle, les horreurs du 3e Reich apparurent comme la conséquence d'une sexualité réprimée (...)".(Le sexe devenait politique, le privé devenait politique).
Texte de BEATE SCHAPPACH et ANDREAS SCHWAB (traduit et résumé par Euterpe)



Photo : Kommune 1 (source) première communauté politique allemande (créée en 1967). 

Uschi Obermaier (2e en partant de la d. sur la photo), militante pour la révolution sexuelle, dira plus tard ne pas s'être jointe à cette communauté pour des raisons politiques mais pour se rapprocher de Rainer Langhans avec qui elle était liée. Rainer Langhans était un célèbre activiste politique allemand entre autres jugé puis acquitté pour avoir distribué des tracts protestataires contre la société de consommation incitant à mettre le feu aux centres commerciaux. Plus tard Andreas Baader et Gudrun Ensslin mettront réellement le feu à deux centres commerciaux.

Apparemment on savait déjà à la fin des années 60 où allait nous mener tout ce cirque consumériste mais la plupart des révoltes de l'époque se sont assez stupidement dissoutes dans la drogue.
 
Uschi Obermaier qui aimait expliquer en public comment rouler un joint n'a pas fait exception, néanmoins elle dénonce le fait : "Kunzelmann et ses partisans devinrent sous nos yeux des junkies et en même temps de plus en plus militants" raconte t-elle dans ses mémoires.
Elle préserva cependant toujours jalousement sa liberté. Très sollicitée par le monde du cinéma en raison de sa beauté, elle refusa un contrat du réalisateur Carlo Ponti qui voulait lui faire tourner des rôles majeurs dans dix films en dix ans, le premier sous la direction de Michelangelo Antonioni, mais, peu intéressée par le star-business, elle préféra faire un tournée hippie en Inde avec un bus et le propriétaire d'une café-galerie de Hambourg dont elle était amoureuse. Ce dernier mourut dans un accident de moto en 1983.
Obermaier
 Arrivée au bout de sa quête du sens de la vie, elle fit une formation d'orfèvre aux USA, prit la nationalité américaine et épousa le métier de créatrice de bijoux d'un genre plus ou moins "ethnique" et zoodiacal.

Sur sa vie un film a été tourné (BA sous-titrée en anglais sous le lien) en 2006.

Âgée aujourd'hui de 66 ans, elle refuse absolument d'avoir recours au moindre lifting et autre traitement "esthétique" pour conserver sa beauté : "Ces pratiques sont grotesques" dit-elle. Et elle ajoute "autrefois je levais toujours les yeux au ciel quand les personnes âgées répétaient "l'essentiel est d'être en bonne santé". Maintenant, je suis aussi de cet avis. C'est vraiment l'essentiel".

jeudi 27 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 8. Joséphine Baker


  
En 1925, à seulement 19 ans, Joséphine Baker s’embarque pour la France. Elle a en effet été engagée au sein de la troupe de la Revue Nègre qui va faire les beaux jours du Théâtre des Champs-Elysées. Joséphine Baker y fait sensation. Ce sera la première  femme noire de l'histoire à atteindre le statut de star.
A Paris, elle découvre également qu’elle peut se promener au bras d’un homme blanc sans se faire insulter ni jeter en prison. Obtenir la même liberté pour les femmes noires américaines sera l’un des combats de sa vie. 
Joséphine Baker enrôlée dans le spectacle burlesque que pratique la Revue Nègre danse seins nus. Comme la ceinture de bananes et les plumes décorant le bas de son dos, les seins nus renvoient le spectateur et la spectatrice blanche à sa représentation imaginaire de la femme sauvage pour la flatter tout en s'en moquant.
La bourgeoisie conservatrice est scandalisée :
Robert de Flers, membre de l'Académie Française et critique au Figaro, écrit : ce spectacle est "l'offense la plus directe qu'ait jamais reçue le goût français. (...) Vous chercherez en vain, à travers ses tableaux, quelque charme exotique. (...) A l'instant même où elle [Joséphine] paraît, elle contraint ses genoux aux cagnosités les plus affreuses, ses yeux à la loucherie la plus hideuse, son corps à une dislocation qui n'aboutit à aucun tour de force, tandis qu'elle gonfle ses joues à la mode des guenons qui cachent des noisettes." (Le Figaro, 16 novembre 1925).
"Aux yeux des observateurs blancs, les danses africaines exprimaient une telle indécence, une sensualité si débridée, qu'elle ne pouvait que résulter de l'infériorité propre aux primitifs." (in www.jobaker.ifrance.com).

Néanmoins, la célébrité de la Revue Nègre est désormais assurée. Tant et si bien que le spectacle reste à l'affiche pendant six semaines consécutives, allant de prolongation en prolongation. A Bruxelles, la Revue reste une semaine (jouant même devant le roi Albert Ier) sans réaction particulière à noter. Le succès revient à Berlin, de la même manière qu'à Paris. En Allemagne, et en moins de deux mois, Joséphine voit sa notoriété rejoindre celle des stars du moment : Marlène Dietrich et Greta Garbo. L'image même de Joséphine sert d'étendard pour les partisans du naturisme allemand (la Freikörpercultur) ou d'exemple à la haine raciale (les Chemises Brunes de l'Extrême-Droite la traitant de untermensch ou sous-humain dans leurs tracts).

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Dans cet article on peut lire comment les seins nus de Joséphine Baker ont encore fait scandale en 2007.

mercredi 26 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 7. Théroigne de Méricourt

Datei:Eugène Delacroix - La liberté guidant le peuple.jpg

Theroigne de Mericourt, engraved by Charles Devrits (19th century) 1845.Après avoir vécu à Paris et à Londres, Anne-Josèphe Théroigne se trouve à Naples lorsqu'elle apprend la convocation des États généraux par Louis XVI. Elle rentre aussitôt à Paris et se jette dans la Révolution française. On est le 11 mai 1789. Après la prise de la Bastille, elle prend le nom d'Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt. Le 5 octobre 1789, Théroigne, portant sabre et pistolet, est à la tête du cortège qui va à Versailles pour ramener le « boulanger, la boulangère et le petit mitron ». Elle aurait été le modèle choisi par Eugène Delacroix pour représenter La Liberté guidant le peuple*, tableau censé dépeindre cet épisode de l'histoire.
Théroigne de Méricourt présente alors les revendications populaire à Marie-Antoinette, qu'elle dévisage avec mépris. Habillée en « amazone d'écarlate et de panache de geai », portant une paire de pistolets et le sabre qui lui fut offert après la prise de la Bastille, Théroigne, plus connue à Paris sous le nom de « la Belle Liégeoise », de « l'Amazone rouge » ou de « la furie de la Gironde », tient salon rue du Boulay. Elle sera l'une des plus ardentes révolutionnaires, espérant sans doute qu'un monde égalitaire entre les hommes et les femmes était en train de naître.
Elle est souvent représentée le ou les seins nus. En tant que féministe radicale Théroigne de Méricourt sera fessée publiquement par les anti-féministes, les "Aufseherinnen" du patriarcat, gardiennes zélées du sexisme.


15 mai 1793 - Femmes Jacobines fouettant
Théroigne de Méricourt. 

Après cette humiliation publique qui lui enlève tout crédit, elle sombre dans la folie. Internée 23 ans à la Salpêtrière, elle s'y promène nue et  et verse sur son corps des baquets d'eau glacée.
Hormis le célèbre tableau de Delacroix, elle a inspiré nombre d'oeuvres.
En dernier : Théroigne de Méricourt ou la femme écrasée (2001) de Christiane Marciano-Jacob, édit. Le Sémaphore.

*Rappelons cependant que Delacroix n'est pas le contemporain de notre héroine et son célèbre tableau révolutionnaire a été concu d'après des croquis des barricades de juin 1848. Il n'est cependant pas impossible que Théroigne de Méricourt ait participé aux émeutes populaires de la fin du XVIIIe siècle, la poitrine découverte (en signe de liberation de la femme ?).

Actions topless à travers les âges : 6. Agnès Sorel

Avec Agnès Sorel on ne peut pas vraiment parler d'"action topless" car elle ne semble avoir montré ses seins que par plaisir de charmer son entourage ou pour allaiter ses enfants. Néanmoins cette exhibition n'est pas passée inapercue.
Agns_Sorel_atelle_t_assassine_

Fichier:Agnes-sorel1.jpg
D'après le Wiki allemand Agnès Sorel (1422-1450) aimait se montrer à la cour les seins nus et ce serait la raison pour laquelle le peintre qui en a fait le portrait ci-dessus l'aurait représentée en mère allaitante. Cette information n'est pas confirmée par le Wiki francais.
Personnellement je note que le bébé est un garcon alors qu'Agnès Sorel a mis au monde quatre enfants tous de sexe féminin.

Sur le Wiki francais, il est dit de ses moeurs :

(...) "Les voiles et autres guimpes sont abandonnés, et elle invente le décolleté épaules nues qualifié de « ribaudise et dissolution » par quelques chroniqueurs religieux de l’époque [sans doute Jean Jouvenal des Ursins que je cite ci-dessous]. De vertigineuses pyramides surmontent sa coiffure. Des traînes allant jusqu’à huit mètres de long allongent ses robes bordées de fourrures précieuses : martre ou zibeline. Rien qu’en 1444, le roi lui offre vingt mille six cents écus de bijoux dont le premier diamant taillé connu à ce jour."

Car Agnès Sorel comme Phryné aurait été d'une beauté hord du commun.
D'après l'auteur de "Agnès Sorel assassinée", les seins nus à la Cour de France sous Charles VII (le roi qui livra Jeanne d'Arc aux Anglais) auraient été initiés par elle.
Selon Jean Jouvenal des Ursins , Agnès Sorel et ses tenues incite à la débauche et au vice.
  Car les décolletés d'Agnès  laisse non seulement apparaître le haut des seins mais les tétons :  " en son hostel mesme il mist remesde tant en ouvertures de par devant par lesquelles on voit les tétins, tettes et seings de femme…. "
 Pour J.J. d.U. , encore, ceci est " puterye et ribaudie, et tout autre péché qui ne plut à Dieu".


Bref, les religieux la détestaient. Agnès Sorel est morte assassinée à 29 ans empoisonnée au mercure.

Par ailleurs, une tapissserie alsacienne du XVe siècle représente la "femme sauvage" vêtue d'un manteau de plumes, les seins apparents :
 Tapisserie alsacienne Jeune Fille bleue    Hors de tout contexte érotique, les seins dénudés semblent avoir été associés à la "natureté" (mot d'époque) de la femme.
Ici un article sur cette représentation.

mardi 25 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 5. Eléonore d'Angleterre

"Renaud II était marié avec Eléonore [ou Aliénor], la sœur du roi Édouard III d'Angleterre. Leur mariage n'était pas heureux alors, à un moment donné, Renaud répandit une rumeur selon laquelle Eléonore était lépreuse. Sur ce, Eléonore apparut brusquement lors d'une fête que Renaud donnait au château de Barberousse et découvrit sa poitrine devant les invités! Elle sut ainsi démentir les propos de son mari".

(Source)

Wiki : "Elle [Aliénor] épousa Renaud II de Gueldre dit « le noir » à Nimègue en 1332. Le mariage fut arrangé par une cousine de sa mère, Jeanne de Valois (1294-1352). Son fiancé, connu pour être sombre en couleur comme en caractère, était veuf et avait déjà eu quatre filles. Il était connu pour avoir fait emprisonner son père Renaud Ier de Gueldre pendant plus de six ans. Elle lui donna deux fils.
Fichier:Eleonor Provence.jpg
Cependant, sans doute à cause de son enfance malheureuse, elle devint nerveuse et soucieuse à l'extrême de plaire à son mari, qui s'en lassa et la renvoya de la cour en 1338, prétextant qu'elle était lépreuse. Il voulut ensuite faire annuler le mariage. Mais Aliénor revint à la cour pour contester l'annulation, et n'hésita pas à se déshabiller pour prouver qu'elle n'avait pas de lèpre et obliger son mari à la reprendre auprès de lui. Il mourut après une chute de cheval le 12 octobre 1343".

Actions topless à travers les âges : 4. Lady Godiva

Bien que ce ne soit pas une action juste "topless", je la rapporte parce qu'elle m'a été soufflée par Kalista du blog en noir et blanc : l'une de nos ancêtres s'est dénudée complètement pour obtenir plus de justice sociale.
En effet, en Angleterre vers l'an 1000, une certaine Lady Godiva a traversé nue à cheval les rues de Coventry afin de convaincre son mari de diminuer les impôts qu'il prélevait pour financer ses campagnes militaires.


 Fichier:Lady Godiva by John Collier.jpg


L'histoire raconte qu'elle était la belle épouse de Léofric (968-1057), comte de Mercie et seigneur de Coventry. Les habitants de cette ville souffraient sous l'imposition accablante du comte. À plusieurs reprises, Dame Godiva fit appel à son mari, qui refusait obstinément de diminuer les taxes. Enfin, las, il prétendit satisfaire à sa demande si elle montait à cheval nue dans les rues de la ville. Dame Godiva le prit au mot, et traversa la ville, vêtue seulement de ses longs cheveux. Son mari tint parole et supprima les impôts.



Le cortège de Godiva, commémoration du tour légendaire institué le 31 mai 1678, en tant qu'élément de la foire de Coventry, a été célébré régulièrement jusqu'en 1826. De 1848 à 1887 il a été rétabli, et continue encore aujourd'hui. Les participants s'habillent en costumes du XIe siècle. Le défilé commence à partir des ruines de l'ancienne cathédrale et emprunte l'itinéraire suivi autrefois par la courageuse lady, passant bien sûr près de son monument. On joue des musiques d'époque et divers concours sont organisés, dont le plus populaire celui de la meilleure lady Godiva. Il faut préciser que seules des femmes y participent, vêtues de costumes du XIe siècle ; la seule condition, absolue, est d'avoir des cheveux longs et dorés.

(Source)

lundi 24 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 3. Eugénie de Rome

Wiki : "Fille d'un gouverneur, elle se promène avec deux de ses valets lorsqu'elle entend une prédication et des chants qui la ravissent. Elle décide alors de rejoindre les chanteurs, qui sont des moines, et de mener leur vie. Pour cela, elle se fait couper les cheveux, revêt des habits d'homme et prend le nom d'Eugène. Elle acquiert une grande renommée au sein du monastère, notamment par son pouvoir de guérir les malades.
Apprenant cela, une femme nommée Mélanthia, gravement malade, la fait venir chez elle. Eugénie la guérit, mais Mélanthia, persuadée d'avoir un homme en face d'elle, souhaite la récompenser en lui offrant ses charmes. Bien entendu Eugénie refuse, et la dame, humiliée, la fait traîner devant le tribunal en l'accusant d'avoir voulu la violer.
Près d'être jetée aux lions, en présence du gouverneur Philippe qui est son père, Eugénie décide de révéler la vérité : elle déchire sa tunique, montrant à la foule des seins qui n'ont rien de masculin. Son père la reconnaît, et l'affaire s'arrête là.
Mais l'empereur Valérien a repris les persécutions contre les chrétiens. Eugénie est à nouveau arrêtée et condamnée à mort (...) (et exécutée en l'an 257).


La scène où Eugénie montre ses seins est représentée sur le triptyque de Sainte Eugénie de l'église de Saint-Pierre-ès-liens à Varzy dans la Nièvre :

Retable de Sainte Eugénie du XVIème siècle. Au centre, la vocation et le martyr ; volet de gauche, son accusation par Mélanthia et Eugénie exhibant ses seins ; volet de droite, Eugénie apparait à sa mère.

vendredi 21 septembre 2012

Actions topless à travers les âges : 2. Phryné

On ne sait que dire de la démarche du groupe féministe ukrainien Femen qui connaît la célébrité grâce à ses "action topless" à savoir en agissant toujours et partout les seins dénudés.
Le cas du féminisme est-il à ce point désespéré qu'il faille montrer ses seins pour se faire entendre ?
Par le passé, le recours à l'exhibition des seins a toujours été un moyen ultime pour obtenir l'adhésion d'un public masculin doté de pouvoirs importants.

L'un des exemples qui a traversé le temps : celui de l'hétaïre grecque Phryné qui se préserva par ce moyen d'une condamnation sans doute sévère. Encore n'est-ce pas elle qui se découvrit la poitrine mais son amant qui la découvrit pour elle.

photo


Wikipédia nous dit qu'étant l' "Organisatrice d'une confrérie religieuse vouée au culte d'un dieu thrace, elle fut accusée par l'un de ses anciens amants d'introduire une divinité étrangère à Athènes et par là-même de corrompre les jeunes femmes. Elle est défendue par l'orateur Hypéride, l'un de ses amants.
 Selon Athénée, celui-ci, sentant la cause perdue, aurait déchiré la tunique de Phryné, dévoilant aux Héliastes [membres du tribunal populaire] sa poitrine et emportant ainsi la faveur du jury : Phryné est acquittée et portée en triomphe au temple d' Aphrodite tandis que le rhéteur adverse est chassé de l'Aréopage".

Le peintre Jean-Léon Gérôme en fit en 1861 cette toile où Phryné totalement dénudée se cache le visage.
Le corps entièrement nu blanc comme neige sur fond de toges rouges est plus frappant que la seule poitrine dénudée, en effet. Les graphistes publicitaires n'ont rien inventé et les peintres savaient avant eux se servir du corps de la femme pour (se) vendre sans respect pour l'histoire véritable.

Les Femen auraient-elles donc "raison" ?
Pour obtenir quelque chose d'un aréopage masculin, ne faut-il pas s'humilier plus qu'un homme, se réduire soi-même à son propre corps, renoncer à toute pudeur et perdre (se voiler) la face ?

Ce tableau très connu au XIX siècle fut détourné à maintes reprises (par exemple comme ceci) comme on détourne aujourd'hui encore une image connue de tous pour se moquer des politiques.

Mais il existe d'autres représentations où Phryné ne se voile pas la face. Comme celle-ci d'un certain José Frappa :
File:Jose Frappa - Phryne.jpg
On dirait un peu le marché aux esclaves, non ?

jeudi 20 septembre 2012

Action topless à travers les âges : 1. Héĺène

Jacques-Louis David, Les amours de Pâris et d'Hélène (1788), © [Louvre.edu]
Ménélas, quand il eut tué Déïphobe, voulut faire subir à Hélène le même sort, mais Hélène se présenta à lui à demi nue ce qui suffit à faire tomber sa colère.

(Dans l'Iliade, rapporté ici

Gemälde: Paris bestaunt Helena, die von zwei Frauen begleitet wird. (Rechte: AKG) 

Achiles and Patroclus

mercredi 19 septembre 2012

Liberté _Seins dénudés_Décapité

Retour du thème des seins dénudés comme "visuel" dans la lutte pour la liberté.

Après les seins dénudés surmontés d'une tête anonyme pour symboliser les luttes féministes du XXe siècle,


voici les seins dénudés sans tête :


C'est la version XXIe siècle avec le mouvement FEMEN. Les femmes qui luttent pour la liberté n'ont plus de têtes mais elles ont un sexe maintenant.

Le sexe sans la tête pour des féministes abolitionnistes c'est pas un peu contre-productif comme message ? 

Ave Maria

Maintenant que nous savons que Marie n'est que l'une des nombreuses représentations d'Isis la mère de toutes les déesses, l'archétype du féminin sacré, j'ai envie de publier ici l'Ave Maria de Schubert interprété (paroles modifiées) par celle qui est de mon point de vue le symbole de la gynilité moderne, celle de laquelle l'une de ses amies la comique allemande Hella von Sinnen dit qu'elle incarne : "la puissance féminine à l'état pur", à savoir l'immense Nina Hagen.
(il faut dire que je suis allée l'écouter chanter sur Alex (Alexander Platz) samedi dernier, étant l'une de ses plus grandes fans, mais comme l'enregistrement que nous avons essayé d'en faire, avec un pote, est assez peu probant, j'empreinte un enregistrement sur youtube).

dimanche 16 septembre 2012

Madame Mim ou le prix de l'égalité des salaires

Au cours des siècles, la position de la femme dans la société a perdu ou gagné en avantages sans que l'impression générale de progrès apparaisse de facon vraiment significative. On a alors tendance à parler de long chemin, de lentes avancées voire de pénibles avancées, etc...
Selon moi et au risque de choquer du monde, il n'y a pas d'avancée et il n'y en aura jamais de véritable tant que nous n'aurons pas bien conscience d'une chose :

Ce que nous obtenons de haute lutte d'un côté nous est toujours repris sournoisement d'un autre.

Sournoisement.

Si sournoisement que nous ne nous en apercevons pas du tout.

J'y avais déjà fait allusion à propos du féminin des noms de métiers qui étaient employée couramment dans notre langue jusqu'au XXe siècle et qui a brutalement disparu pile en même temps que la généralisation de l'emploi des femmes. Ce détail n'est pas anodin et a de grandes conséquences sur la perception que l'on a du travail.

Car cette censure a une fonction de taille. Elle est tout bonnement la poutre de soutènement du plafond de verre.

Maintenant prenons le cas de Madame Mim puisqu'on me l'offre sur un plateau :


D'où sort donc un tel personnage ? Qu'a t-il à voir avec la légende de Merlin l'Enchanteur ? Wikipédia nous dit qu'il "semble avoir été conçu comme l'étape intermédiaire entre une jeune fille gâtée et une vieille sorcière grincheuse". Et ailleurs qu'il a été pensé comme quelqu'une qui se serait décernée elle-même le titre de magicienne la plus puissante et enfin qu'il s'agit d'une créature "égomaniaque, excentrique et instable".
Nous savons tou.te.s que dans la véritable légende de "Merlin et le roi Arthur", il y a bien une "magicienne" mais celle-ci est une fée dont Merlin est amoureux et qu'elle s'appelle la fée Viviane.

Alors pourquoi a t-elle été remplacé par une certaine Madame Mim ? Il fallait, semble t-il, changer la fin de la légende qui suit : la fée Viviane enferme Merlin dans neuf cercles pour l'éternité et le voilà pris lui-même au sortilège qu'il a indiqué à la fée à sa demande.

Dans l'Amérique du début des années 1960, tandis que les féministes réclament à cor et à cri l'égalité des salaires c'était le moment de présenter à un immense public qui plus est enfantin et donc particulièrement malléable, au lieu d'un surhomme qui se fait piéger même involontairement par une fée, une femelle revendicatrice et qui se croit la plus forte, astucieusement éliminée par un susbstitut d'image paternelle.

Cette femelle ne devant ressembler en rien à la fée Viviane mais bien à l'idée que se faisait le patriarcat de la féministe, elle se devait d'être :
1. vieille
2. laide
4. égoiste ou mieux : "égomaniaque"
3. anticonformiste ou mieux "excentrique"
4. hyperactive ou mieux "instable"
5. immature ou mieux avec des manières de "jeune fille gâtée"
6. méchante ou mieux une "vieille sorcière grincheuse"

Dès qu'une femme en lutte contre le sexisme menace de faire des émules quelque part, ce personnage permet désormais de lui coller sur la face ce visage de soit-disant féministe de base et de la désigner à la vindicte populaire sans relâche depuis 1963, l'année où il a été créé.

Au fait, que se passait-il donc en Amérique en cette fameuse année 1963 ?

Le gouvernement ratifait le Equal Pay Act qui assurait aux femmes le même salaire que les hommes.







Mais, pendant ce temps dans les studio Disney on préparait une arme efficace contre celles qui l'avaient obtenu. Elles allaient le payer....cher, très cher.

Simple coincidence, direz-vous ? Voire !

vendredi 14 septembre 2012

Le macho tel qu'il se voit

En direct de la blogosphère politique : Sur cette image nous distinguons un tout petit oiseau perdu à la merci d'un personnage proportionnellement immense, à la tête surdimensionnée et au corps grotesque qui le regarde avec des yeux (verts) de serpent hypnotiseur, les doigts maigres et écartés comme des serres prêt à le saisir (les prédateurs du petit oiseau étant le serpent et le rapace), la bouche édentée (comme celle d'une poule) est ouverte et exactement à la hauteur de sa victime. Ce personnage que l'on identifie à la fois comme humain à certains signes, dont le vêtement, et comme féminin au type de vêtement qu'il porte ainsi qu'à sa glabreté, a d'autre part des cheveux violets et désordonnés, symbole apparemment du mouvement féministe (d'ailleurs le vêtement combine lui-même rose, bleu et violet), et dont les militantes refuseraient d'aller chez le coiffeur/la coiffeuse.
Walt Disney a pensé à ce qu'il fallait et l'invention de ce personnage, on le verra, est utile au système.
Le petit oiseau, quant à lui, est jaune comme un poussin mais pas complètement pour ne pas être ridicule (il a plutôt la plume en bataille façon Gavroche, car, au fond, c'est un révolutionnaire), la tête humblement baissé, les yeux gentiment levés et les ailes écartés comme pour montrer qu'il est désarmé et prêt à la paix, et il est posé sur le bord d'une table, cela afin que le dramatique de sa situation soit plus apparent. Car que fait-on sur une table sinon manger à moins que l'on ne dissèque ?
Il s'y trouve des cartes à jouer symbolisant la cruauté du hasard et parmi les cartes retournées un quatre de pique indicateur de mauvaise compagnie en cartomancie. Autre élément menaçant : dans le fond de l'image apparaît une cheminée béante qui évoque la cuisson des aliments,certes, mais elle nous est présentée éteinte, froide et surtout noire comme une sortie bouchée.

Car l'oiseau n'a pas d'issu. Il est à la merci du monstre.

Pourquoi publie-je cette image ?

Il se trouve que depuis que j'ai rédigé mon billet proposant la création du terme "gynilité", je suis devenue par des biais détournés, la cible de certains blogs machos qui ont pour habitude de faire des billets goguenards sur les blogonistes qui leur déplaisent afin d'amuser leur public au moyen de blagues enfantines qui tiennent lieu d'analyses.

Le macho n'est donc psychiquement rien autre qu'un poussinet, à savoir un être volatile, immature et angoissé qui se sent seul à la merci d'une féminité hideuse et dévorante, qui plus est féministe.
La féministe est donc juste une sorte de mauvaise poule, une goule qui prend plaisir à persécuter son/un poussin (le macho étant incapable de voir la femme autrement que dans le rôle maternel avec lui-même dans le rôle du materné).
Ce serait assez ridicule si cette vision déformée du monde n'avait pas des conséquences désastreuses pour ledit monde.

Si vous avez le coeur à lire des platitudes puériles, je vous donne ici le lien du macho même si cela le booste sur la liste des top blog du web, ce concours auquel il est tant attaché (le macho étant un amoureux des concours "qui a la plus etc...").

Mais vous ne pourrez pas laisser de commentaires, la peur qui le domine l'ayant poussé à fermer l'accès de ses commentaires aux non-membres après que j'eûs laissé quelques remarques moqueuses qui ne l'ont pas fait rire. Ah non, tiens, il les a rouvert.

 Un autre blog de machos mais moins dominé par la peur et le manque d'assurance (machos assumés ?) puisque le blogoniste ne trie pas ses commentaires, avait précédemment clouer au pilori mon article sur la gynilité (mais sans le dire explicitement) afin que ses copains puissent se distraire en lançant sur ma personne les traditionnels tomates et oeufs pourris du moyen âge.
Pour finir il est bon de signaler qu'un blog politique non macho tenu par un homme existe (heureusement il n'est pas le seul), c'est celui des coulisses de Juan qui, du coup, est l'objet de nombreuses attaques et moqueries des piafs apeurés, et un autre blog qui subit ces mêmes attaques, c'est celui de Rosaelle qui a le toupet, étant femme, de ne pas faire du blog politique principalement ironique comme les autres blogueuses s'y astreignent sur le reste du web. Au lieu de cela, elle prétend s'indigner et ceci n'est autorisé aux blogueuses dans le domaine de la politique générale réservée aux hommes, comme nous le savons, que sous certaines conditions. Le faire à titre personnel ne faisant pas partie de ces dites conditions, bien évidemment.

jeudi 13 septembre 2012

Encore une poétesse française

ANTOINETTE DE LOYNE.

Antoinette de Loyne a vécu entre 1520 et 1580, dirais-je. Elle épousa en première noce un certain d'Allier dont elle eut une fille qui épousa Jean Mercier, spécialiste de langue hébraique. Devenue veuve elle se maria ensuite avec un gentilhomme provencal du nom de Jean de Morel, qui était lié à Erasme et le vit même mourir. Le couple eut trois filles très brillantes surnommées "les trois perles" : Camille, Lucrèce et Diane de Morel.
Antoinette de Loyne traduisait Pythagore du grec en latin et correspondait avec Michel de l'Hospital.
Jean Maledent un savant limousin dit d'elle dans l'une de ses lettres dans laquelle il parle de poètes, entre autres de Dorat et de Ronsard : Antonia de Loina, quae mulier, meo judicio, in eo genere, viris nihil concedit. (Antoinette de Loyne est une femme qui selon moi de ne le concède en rien aux hommes par le talent). Il la met donc au même niveau que Ronsard lui-même.

Quelques-uns des cent distiques* de la poétesse sur la mort de la reine de Navarre.


En ce sainct lieu sont enclos
Et les cendres et les os
De la royne Marguerite :
O lieu sacré qui comprend
Un corps mort/toutes fois grand,
En terre par trop petite.

              *    *   *

 Combien que le corps soit mort
Sa gloire n*est pas esteinte :
Qui plus est , la mort ne mord
En sa poesie saincte.

              *    *   *

Elle est au ciel désormais,
 Et rien n'en reste , sinon
Que rentier et hault renom
Qui ne mourra jamais.

              *    *   *

 Avec sainct Pol je dirai
Et croirai
 Que la royne ici sommeille ;
 Et que son corps, n'est point mort,
Ains' qu'il dort
 Jusqu'au jour qu'il se reveille.

              *    *   * 

Vous, médecins, s'il vous plaist,
Ne travaillez plus pour elle :
Par son médecin elle est
Maintenant toute immortelle.

              *    *   * 

La royne entrant à la fin 
C'est lors qu'ell' commence à vivre
Elle meurt au monde affin
Qu'avec Dieu puisse revivre.

              *    *   * 
 Que veit-elle en ces bas lieux
Qu'une tristesse aspre et dure ?
Que voit-elle là hault aux cieux ,
Qu'un plaisir qui tousjours dure ?

              *    *   * 
Elle est morte, mais à Christ,
Et morte estant,
Son esprit vit à Christ de mort délivre.
Tel mourir comme est escript ,
N'est sinon qu'à toy Christ vivre.

              *    *   *

Si le monde doit fâcher
Oh tant de malheur abonde,
Moy donc fille de la chair
Qui m'arreste encor au monde?

              *    *   *

Si le vivre m'est mourir,
Et le mourir ce m'est vie :
Que crains-je? en toy je me fie,
O Christ! Viens me secourir.

              *    *   *

La chair qui fut tant contraire
A l'esprit, luy a (?).
Contencieux fut l'affaire,
Or, paix y a succédé.

              *    *   * 
 Mon corps est refaict tout beau
Et belle est la forme mienne ,
Ayant despouillé ma peau
Comme le serpent la sienne.

(Antoinette de Loynes fait parler la reine de Navarre morte)

              *    *   *

Christ seul à qui je servois
Eut et mon coeur et mon âme
Dont je suys et royne et dame ,
Plus grand' que quand je vivois.

(idem)

              *    *   *

Qui a fait qu'en ces bas lieux
De vivre n'eut onc envie?
La mort lui a faict aux cieux
Chemin de meilleure vie.


              *    *   * 

 Faisaint de ma vie eschange
A la mort qui m'a ravie
Dieu au ciel soudain me range
De mort en seconde vie.

              *    *   *

Le peintre , de son pinceau,
 L'engraveur, de son cyseau ,
Rendront-ils sa forme feinte
 En leur ouvrage parfaict,
 Si bien que sa plume a faict
 Quand soy-mesme elle s'est peinte?

              *    *   * 

Mille, non un argument,
Si mille aucun en demande :
Monstrent qu'ores pleinement;
La royne est heureuse et grande.
D'une infinite de sainctz
 Ta saincte ame est toute ceincte
Et sainctement tu te ceinctz
D'une aultre infinite saincte.

              *    *   *
Que dirois-tu , ô heureuse Minerve ,
Si du hault ciel tu descendois pour voir, ,
De ces trois seurs le tant, divin Savoir
Par qui l'honneur de ton loz se conserve?
L'une meintient que tu as rendu serve
La chair, afin que I'esprit pût prévoir
Par vive foy le but de son debvoir
Et les grans biens que Dieu aux siens réserve.

Les autres deux poursuivant le propos,
Louent la mort qui t'a mise en repos :
Diras-tu pas, oyant leur mélodie

Tant doctement célébrer ton grand bien,
Mes seurs il faut que ce mot je vous die :
Christ est mon tout, sans luy je n'estois rien.


In : le Tombeau de la reine de Navarre, Paris, Fezandat, 1551, in-8.

*en fait il s'agit pour la plupart de quatrains mais je les ai trouvés sous l'appelation "distique". Peut-être découvrirais-je le pot aux roses un jour ou l'autre).

"Dès la fin des années 1540, la famille de Jean de Morel accueillait dans sa maison de la rue Pavée à Paris les poètes et les humanistes les plus éminents de la capitale: Nicolas Bourbon, Jean Salmon Macrin, Jean Dorat parmi les néo-latins; Joachim Du Bellay, Ronsard, Jean-Antoine de Baïf, pour ne citer que quelques-uns des poètes de langue vulgaire. Or, la femme de Morel, Antoinette de Loynes, et ses trois filles, Camille, Lucrèce et Diane, avaient toutes les quatre reçu une éducation humaniste, leur permettant non seulement de participer aux activités littéraires et humanistes de ce que l'on a appelé le premier salon en France, mais encore d'attirer l'admiration du monde cultivé de l'époque. En examinant la correspondance des membres de la famille ainsi que certains ouvrages imprimés, cet article se propose d'illustrer les relations que les membres de la famille ont entretenues avec les visiteurs du salon ainsi que les changements d'attitude qui ont eu lieu au cours du XVIe siècle à l'égard de l'éducation des jeunes filles."

Introduction d'un PDF en anglais sur le salon des Morel.
(Les recherches sur les grandes figures féminines francaises de la Renaissance sont plus importantes en Amérique et en Allemagne qu'en france).

dimanche 9 septembre 2012

La gynilité, "jument" à inventer


Oui, je sais que ce néologisme n'est guère orthodoxe dans sa construction mais nous avons bien "autobus" ou "surdouance" et encore quelques autres substantifs étranges forgés au petit bonheur, alors pourquoi ne pas créer "gynilité" comme pendant à "virilité ?

La virilité n'a pas de sens bien défini à en croire Wikipédia qui s'évertue à cerner tant bien que mal le concept sans tomber dans la vulgarité.
Malheureusement, il me semble à moi qu'il se résume quand même à l'érection. Il désigne "l'être" qui se dresse par rapport à celui qui se courbe. C'est pourquoi une femme qui se dresse au lieu de se courber est aussitôt assimilée à ce concept simple mais immédiatement compréhensible à tout cerveau masculin de base.
Bien sûr, quelques esprits un petit plus affutés comme celui de La Fontaine voit dans le fait de rester dresser ou de préférer se courber autre chose que de la virilité et de l'absence de virilité (cf. : la fable du Chêne et du Roseau) mais dans l'ensemble être droit, dur et actif, semble être la quintessence de la virilité pour l'homme qui fait de son sexe l'instrument de mesure de tout ce qui se meut (ou pas) en ce monde.

Or il y a une vie en dehors du pénis humain et les qualités prétendument "viriles" prêtées aux femmes citées dans le billet précédent n'ont rien à voir avec ce concept réducteur et simpliste qui se veut "intelligent".

Que serait donc alors la gynilité, concept qui faire fort défaut dans cette société, si, pour l'homme, la virilité est synonyme de puissance sexuelle (pénis en érection), d'affirmation de soi jusqu'à la violence physique et morale car ne supportant aucune barrière (pénis perçant l'hymen), le verbe haut jusqu'aux hurlements façon Hitler (éjaculation), être capable de faire taire les femmes et de les contraindre à filer doux telles les domestiques moyennes (leur faire porter "leur" "fruit", l'allaiter et s'en occuper), prendre le plus de place possible et terroriser au besoin son entourage pour conserver cette place (faire au besoin de son pénis une arme), être hyperactif et doué d'une force physique particulièrement voyante ("honorer" plusieurs femmes pour être sûr de perpétuer ses gènes), être plus arrogant que réservé et plus narcissique que charitable (se battre sans merci pour la domination du troupeau de femelles) ?

La gynilité doit-elle être une métaphore de l'activité clitorido-vaginalo-utérine ou non ? A mon avis, il n'est point besoin de singer la "pensée" mâle et de descendre jusqu'en dessous de la ceinture pour trouver les qualités que l'ont peut associer à ce concept. Il suffit de reprendre les exemple précédents et d'interroger la prétendue "virilité" attribuée aux personnages célèbres féminins cités précédemment :

Clélie : "Porsenna, vaincu par le courage d'Horatius Coclès, par l'action forcenée de Mucius Scevola, par la résolution virile de la jeune Clélie" (Lésveque)

Parce que Clélie décide de s'évader, elle serait un homme ? (Elle s'est dressée tel le membre viril) Comme si le propre de la femme était d'accepter l'état d'esclave !
Non. La gynilité consiste à réagir en humain libre et à chercher par tous les moyens à échapper à une tyrannie quelle qu'elle soit.


Marguerite de Navarre : "corps féminin, coeur d'homme et tête d'ange". (Clément Marot).

Clément Marot appelle "coeur d'homme" le courage dont témoignait Marguerite de Navarre lorsqu'elle n'hésitait pas à prendre sous sa protection des gens persécutés par les censeurs et à exprimer librement ses opinions personnelles (elle se dressait comme le membre viril) car ce qu'il lui était le plus cher était de défendre toujours et partout ce que nous appelons aujourd'hui la "liberté d'expression".
Or ceci n'est pas l'apanage de l'homme et n'a rien à voir avec l'érection.
C'est justement une qualité que l'on peut qualifier de gynile d'autant qu'elle émane d'une femme et une femme, quoi qu'en aient dit des hommes comme Marot, n'est, par définition, pas un homme.

Marie de Hongrie : « c’est une femme qui tient beaucoup de l’homme, car elle pourvoit aux choses de la guerre et elle en raisonne, ainsi de la fortification des places et de toutes les matières d’état. […] » (un ambassadeur vénitien)

Marie de Hongrie fut probablement (?) la seule femme de son siècle à chevaucher à califourchon et à avoir exercer la charge de grand veneur (grande veneuse) alors que c'était un titre que se confiait normalement à un homme. (Le grand veneur débusquait l'animal faisant ensuite l'objet d'une chasse) et, en effet, elle s'occupait elle-même de ce qui concernait la défense du pays ainsi que de son gouvernement puisqu'elle gouvernait les Pays-Bas (en fait, la Belgique actuelle). (Elle se dressait comme etc...).
Est-ce à dire qu'elle était un homme ? Non. Sa gynilité consistait à ne pas céder de son pouvoir aux hommes qui l'entouraient et dans quel domaine que ce fut car elle savait pertinemment qu'ils seraient tentés de la dominer sous prétexte qu'elle était une femme.
Son attitude soit disant virile était dictée par la volonté de garder le pouvoir ce qui n'est pas chose facile pour une femme et elle fut plusieurs fois tentée de démissionner.
La gynilité de Marie de Hongrie consista donc à user de toute son énergie et de de mobiliser toutes ses capacités pour garder un pouvoir sans cesse remis en question par son entourage, à fournir les efforts qu'il fallait pour le garder, à se battre, s'endurcir et à s'astreindre à rester physiquement à égalité avec l'homme voire à le surpasser (c'était, par exemple, une cavalière hors pair). 

Jeanne d'Albret : "n'ayant de femme que le sexe, l'âme entière aux choses viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires, le coeur invincible aux adversités" (Agrippa d'Aubigné)

Jeanne d'Albret n'était évidemment pas le moins du monde "virile" mais bien tout ce qu'il y a de "gynile" car il lui fallait, entre autres, protéger et assurer l'avenir de son fils le premier prince du sang Henri de Navarre au milieu de troubles religieux extrêmement sévères en ce temps où la menace de la Saint-Barthélémy approchait.  
Très au fait des mensonges et intrigues de cour et de ceux des représentants de la papauté, elle (se dressa) déjoua bien des pièges destinés à la détruire, elle, son fils et sa fille.
La gynilité suppose lucidité, diplomatie et sang-froid, qualités que toutes femmes d'exception possèdent naturellement ou par expérience (il suffit de penser à Aung San Suu Kyi).

Charlotte Corday : "Ce qui plus qu'aucune chose rendait mademoiselle Corday très-frappante, impossible à oublier, c'est que cette voix enfantine était unie à une beauté sérieuse, virile par l'expression, quoique délicate par les traits". Jules Michelet 

Charlotte Corday ne fut pas un homme, elle n'aurait donc pa spu  avoir quoi que ce soit de viril, dans ses traits ou ailleurs.
Ce que l'on a peut-être pu lire sur son visage c'est sa détermination. Encore que Michelet n'en sut rien puisqu'il ne fut pas contemporain de Charlotte Corday.
Cette femme estima rendre un service à l'humanité en tuant un tyran/assassin assoiffé de sang qui faisait guillotiner à la chaîne tout et tout le monde ou presque afin de faire régner l'épouvante sur la France. (Elle se dressa contre lui).
La détermination et l'esprit de sacrifice afin de sauver son prochain ressemblent également à des qualités éminemment gyniles.


Michelle Delaunay, députée de Bordeaux à propos de Ségolène Royal : "une femme qui en a !

 Qu'a donc Ségolène Royal de spécial à part l'envie de gouverner parce que s'en sentant capable ? (Elle se dresse). Faut-il avoir de plus gros ovaires que les autres femmes pour cela ? C'est bien là une mentalité "virile" mais pas le moins du monde "gynile". La femme gynile ne place pas l'intérieur de sa culotte en avant-plan. Elle n'a pas besoin d'exhiber un arrière-train rouge comme certains singes le font pour en imposer aux autres. Ce n'est pas du tout une caractéristique gynile.

Le Canard Enchaîné à propos de Valérie Trierweiler : sévèrement Burney (jeu de mots sur un certain Burney) 

Valérie Trierweiler n'est en réalité pas "sévèrement" quoi que ce soit. Elle s'est rapprochée du pouvoir et s'en empare de manière illégitime. Elle est plus virile que gynile, en effet, puisqu'abusive. Mais elle reste une femme et ces dépassement de limites sont adoubés par son compagnon qui en est le seul responsable étant le président de la République. Il faudrait donc plutôt s'interroger sur ce compagnon en question. Ce que le Canard enchaîné se garde bien de faire, par esprit de corps...viril.

Jean-Pierre Mocky à propos d'actrices talentueuses (Deneuve, Moreau) "ce sont des hommes" (à entendre ici).

Pourquoi Moreau et Deneuve seraient-elles  des hommes ? Parce qu'elles prennent leur profession au sérieux (elles se dressent) ? Parce qu'elles ne mendient pas leurs rôles ? Parce qu'elles n'ont pas peur d'endosser des interprétations difficiles ?

Depuis quand les femmes sont-elles des poltrones qui ne prennent pas leur boulot au sérieux et reculent devant des "challenge" nouveaux ?
Deneuve et Moreau sont gyniles, rien de plus, rien de moins.

quant aux hommes qui déplaisent :

« Ce qui frappe le plus en lui, c'est l'absence de toutes les qualités de l'intelligence virile. Son esprit même, qui est incontestable et, je l'avoue, de rare valeur, est surtout un esprit de femme, et encore l'esprit d'une femme de la cour. L'élégance y domine, mais maniérée (...)

(Bernard de La Monnoye (1641-1728) à propos du poète Mellin de Saint-Gelais (1494-1558) dont j'ai publié un poème ici).

Hormis le fait que La Monnoye n'a pas connu Saint-Gelais puisqu'ils ne sont pas contemporains, je ne vois pas ce qu'il y a de féminin à aimer l'élégance et un certain maniérisme.
Il s'agit là d'artificielles constructions de genre qui voudraient qu'un homme soit une sorte de brute manquant de subtilité et n'ayant aucun intérêt pour la forme et l'apparence des choses alors que l'artiste a forcément du goût pour elles sans quoi il ne serait pas artiste. C'est donc très stupide de parler ainsi d'un poète et de rabaisser des valeurs typiquement artistiques en les attribuant aux femmes alors même qu'on dénie à ces dernières toute capacité artistique...
Résultat de cette sorte de jugement c'est que les poètes "modernes" se donnent des allures de baroudeurs négligés, mal rasés et si possible avinés pour ne pas passer pour des "gonzesses" parce qu'ils écrivent en rimes ou manient tout simplement leur langue avec un raffinement et une subtilité admirables
Ce qui prouve bien que voir l'univers autrement que par comparaison avec le pénis est possible aux deux sexes.
J'ajouterais que ce qui est gynil peut tout aussi bien se retrouver dans l'autre sexe, bien sûr. Je souhaite juste que l'on n'use pas du terme viril pour une femme, terme qui "vire" très facilement en "virago" (comme certains appelaient d'ailleurs Marie de Hongrie).
 
A part ca je recommande la BD "Moi, Jeanne d'Arc", l'histoire vue par des femmes d'une autre femme qui s'est dressée et qui en est morte à l'âge de 19 ans :

jeudi 6 septembre 2012

La virilité, "étalon" universel

Citations :

Clélie : "Porsenna, vaincu par le courage d'Horatius Coclès, par l'action forcenée de Mucius Scevola, par la résolution virile de la jeune Clélie" (Lésveque)


Marguerite de Navarre : "corps féminin, coeur d'homme et tête d'ange". (Clément Marot)

Marie de Hongrie : « c’est une femme qui tient beaucoup de l’homme, car elle pourvoit aux choses de la guerre et elle en raisonne, ainsi de la fortification des places et de toutes les matières d’état. […] » (un ambassadeur vénitien)

Jeanne d'Albret : "n'ayant de femme que le sexe, l'âme entière aux choses viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires, le coeur invincible aux adversités" (Agrippa d'Aubigné)

Charlotte Corday : "Ce qui plus qu'aucune chose rendait mademoiselle Corday très-frappante, impossible à oublier, c'est que cette voix enfantine était unie à une beauté sérieuse, virile par l'expression, quoique délicate par les traits". Jules Michelet

Michelle Delaunay, députée de Bordeaux à propos de Ségolène Royal : "une femme qui en a !"
Le Canard Enchaîné à propos de Valérie Trierweiler : sévèrement Burney (jeu de mots sur un certain Burney)

Jean-Pierre Mocky à propos d'actrices talentueuses (Deneuve, Moreau) "ce sont des hommes" (à entendre ici)

quant aux hommes qui déplaisent :

« Ce qui frappe le plus en lui, c'est l'absence de toutes les qualités de l'intelligence virile. Son esprit même, qui est incontestable et, je l'avoue, de rare valeur, est surtout un esprit de femme, et encore l'esprit d'une femme de la cour. L'élégance y domine, mais maniérée (...)

(Bernard de La Monnoye (1641-1728) à propos du poète Mellin de Saint-Gelais (1494-1558) dont j'ai publié un poème ici).

mardi 4 septembre 2012

La Femme-loup

Psychanalyste et conteuse, Clarissa Pinkola Estés dans son livre "Femmes qui courent avec les loups" (Women Who Run With the Wolves: Myths and Stories of the Wild Woman Archetype (Ballantine 1992/ 1996, USA) (en allemand "Die Wolffrau (= la femme-loup)), nous propose sa réflexion sur  l’identité féminine.
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/0a/Dore_ridinghood.jpg/200px-Dore_ridinghood.jpg
(et si le chaperon rouge et le loup n'étaient qu'une seule et même personne qui se nourrirait du savoir de la grand-mère pour devenir "femme" ?) 
Cette autrice américaine spécialiste des maladies post-traumatiques, présente les contes et les mythes très différemment de Walt Disney avec ses orientations idéologiques hyperpatriarcales.


Dans le conte de la Princesse Grenouille, par exemple, Clarissa Pinkola Estés met en lumière la part dans les contes qui dit l'importance pour l'homme d'intégrer les valeurs féminines sans lesquelles les valeurs masculines sont nuisibles à l'humanité. Dans ce conte, un roi, préoccupé par sa succession, demande à ses trois fils de tirer chacun une flèche dans une direction différente : ils devront alors épouser les femmes qui ramasseront leur flèche. Le premier épouse la fille d'un général, le second la fille d'un riche marchand, la flèche du 3e, le plus jeune, (le plus "viril", qui a tiré plus loin que les autres) tombe dans un marais et voilà l'archer obligé d'épouser la grenouille qui a trouvé sa flèche. Mais, la bestiole est en réalité une jeune magicienne du nom de Vassilissa, "la très belle". Frappée par un sort jeté par son père, elle a l'apparence d'une grenouille. Son jeune époux ayant découvert qu'elle était en réalité une princesse qui plus est dépassant de loin en intelligence et en habileté les femmes de ses frères, décide de détruire une nuit sa peau de grenouille qu'elle retire parfois afin qu'elle ne l'endosse jamais plus. Mais une fois sa peau détruite, Vassilissa disparaît. Pour la retrouver, le jeune Ivan devra accomplir toutes sortes d'épreuves "féminisantes" : dérouler une pelote comme le lui conseille un vieillard qui lui reproche d'avoir détruit quelque chose qui ne lui appartenait pas, résister à la tentation de tuer un ours et épargner également un faucon ainsi qu'un brochet, écouter la Babayaga (sorcière russe) qui lui annonce que le père de Vassilissa est un squelette dénommé Kochtei l'invincible, qu'il tient sa fille prisonnière et qu'il se trouve dans le châs d'une aiguille, elle-même enfouie à l'intérieur d'un oeuf qui se trouve dans le ventre d'un canard qui lui-même se trouve dans le ventre d'un lièvre qui dort dans une cage d'or accrochée aux branches d'un chêne géant. 
L'épreuve paraît insurmontable mais les animaux qu'Ivan a épargnés l'aide alors à délivrer Vassilissa en même temps que meurt Kochtei le père squelette, père qui représente la domination suprême de l'homme ayant rejeté toutes valeurs féminines et qui oppriment la féminité à commencer par celle de sa fille née plus intelligente que lui.
Le trop viril Ivan abdique un peu de sa virilité et permet la destruction de "l'invincible" et hyperviril Kochtei vaincu par un homme qui a intégré sa propre féminité.

On voit par ce conte que les valeurs féminines sont liées au respect de la vie des animaux, à l'humilité (suivre une pelote de laine) et à l'écoute des personnes âgées. Mais l'analyse de Clarissa Pinkola Estés est plus subtile encore que ce résumé succinct et d'autres contes et mythes sont interprétés aussi brillamment par elle dans cet ouvrage.

QUATRIÈME DE COUVERTURE DU LIVRE :
"Chaque femme porte en elle une force naturelle riche de dons créateurs, de bons instincts et d'un savoir immémorial. Chaque femme a en elle la Femme Sauvage. Mais la Femme Sauvage, comme la nature sauvage, comme l'animal sauvage, est victime de la civilisation. La société, la culture la traquent, la capturent, la musellent, afin qu'elle entre dans le moule réducteur des rôles qui lui sont assignés et ne puisse entendre la voix généreuse issue de son âme profonde. Pourtant, si éloignées que nous soyons de la Femme Sauvage, notre nature instinctuelle, nous sentons sa présence. Nous la rencontrons dans nos rêves, dans notre psyché. Nous entendons son appel. C'est à nous d'y répondre, de retourner vers elle dont nous avons, au fond de nous-mêmes, tant envie et tant besoin.

De par sa double tradition de psychanalyste et de conteuse, Clarissa Pinkola Estés nous aide à entreprendre la démarche grâce à cet ouvrage unique, parcouru par le souffle d'une immense générosité. A travers les " fouilles psycho-archéologiques " des ruines de l'inconscient féminin qu'elle effectue depuis plus de vingt ans, elle nous montre la route en faisant appel aux mythes universels et aux contes de toutes les cultures, de la Vierge Marie à Vénus, de Barbe-Bleue à la Petite Marchande d'allumettes.

La femme qui récupère sa nature sauvage est comme les loups. Elle court, danse, hurle avec eux. Elle est débordante de vitalité, de créativité, bien dans son corps, vibrante d'âme, donneuse de vie. Il ne tient qu'à nous d'être cette femme-là."



"Within every woman there is a wild and natural creature, a powerful force, filled with good instincts, passionate creativity, and ageless knowing. Her name is Wild Woman, but she is an endangered species. Though the gifts of the wildish nature come to us at birth, society's attempt to "civilize" us into rigid roles has plundered this treasure, and muffled the deep, life-giving messages of our own souls. Without Wild Woman, we become over-domesticated, fearful, uncreative, trapped." -Clarissa Pinkola Estes


Et pour ceux et celles qui l'ont déjà lu, vos réflexions sont les bienvenues...

dimanche 2 septembre 2012

Le bétail se doit d'être jeune et sans volonté propre




Dans les contes revisités par Disney, un industriel capitaliste dont la réussite phénoménale s'est inscrite dans un système auquel la consommation de produits industriels sert d'unique credo, les femmes s'affrontent par deux : l'une jeune, belle et possédant toutes les qualités les plus sublimes pour une fille selon l'idéologie machiste doit triompher de l'autre qui est vieille, laide et témoigne d'un grand désir + pouvoir de nuisance.
La vieille est l'ennemie de la jeune qui manque de ressources pour se défendre parce qu'il faudrait être aussi mauvaise que celle qui attaque pour vaincre, c'est à dire perverse et violente comme l'est la vieille et une vraie jeune fille n'est ni perverse ni violente.

Ces deux sortes de femmes, prisonnières de leurs rivalités, ont besoin d'un arbitre.



On remarquera que dans le patriarcat qui est en réalité un viriarcat, les hommes n'assumant pas leur rôle de père puisqu'ils sont occupés à imposer partout leur pouvoir à l'extérieur de la sphère familiale, les vieux hommes ne sont que des potiches sans grand intérêt. Ils font de la figuration, passent pour foncièrement gentils mais aussi incapables, donc irresponsables (à l'exception de Jaffar "pour Aladin", car on est dans un conte oriental et que l'orient ne comporte que des femmes soumises, paraît-il).

C'est donc un beau jeune homme qui met d'accord ces femmes et comme il a le droit d'être violent, lui, c'est même à cela que l'on reconnaît un homme dans cette société viriarcale, il se sert de la violence contre les vieilles.

Grâce à son entremise la jeune fille l'emporte sur la vieille. Sans lui, ce serait l'inverse. Car le jeune homme n'a pas plus besoin que la jeune fille de la sagesse d'une vieille femme. Le jeune homme n'a besoin que d'un cheval et d'une épée (d'une voiture et d'un portable). On est dans un monde où la technique est tout et où la jeunesse doit venir à bout de la vieillesse. Non dans un monde de solidarité entre les générations. C'est donc la jeunesse qui triomphe.

(Il n'y a pratiquement jamais de jeunes ennemis dans ces histoires où règne la gérontogynéphobie).


Blanche-Neige triomphe de sa méchante belle-mère grâce au beau prince.
La Belle au bois dormant triomphe de sa méchante marraine grâce au beau prince.
Jasmine triomphe de deux vieux (Jaffar et son père) grâce à un beau jeune homme du peuple et son génie (deux vieux se battent contre deux jeunes pour une fille incapable de s'en sortir elle-même).
Arielle triomphe de sa condition en se faisant avoir par Ursula la sorcière des mers pour la conquête d'un jeune homme qui aime les muettes.
La Belle doit apprivoiser seule un monstre auquel elle est livrée sans aucune protection, ces deux vieux parents étant incapables de la lui assurer.
Cendrillon triomphe de sa méchante belle-mère grâce au riche prince.


(Image extrait du film parodique Die 7 Zwerge de Blanche-Neige et les sept nains avec Cosma Shiva Hagen dans le rôle d'une Blanche-Neige infantile jouant aux poupées Barbie. (Elle n'a pas de modèle transmis par sa mère, juste des modèles transmis par l'industrie moderne)). 


Cette jeune fille (Blanche-Neige, La Belle au bois Dormant, etc...) n'a pas d'individualité propre, elle n'est que l'objet d'un combat entre l'avenir du patriarcat incarné par un jeune homme et le passé d'un certain matriarcat ou d'une forme de société non patriarcale (avec des vieilles femmes comme guides sociales) incarnée par une personne féminine âgée diabolisée.

Cette jeune fille a pour mission de  S'ÉVERTUER À ÊTRE UN OBJET.

Comme dirait Shulamith Firestone, la féministe radicale canadienne qui vient de mourir à l'âge de 67 ans : 

Son identité entière [de la jeune fille] est dans la balance de sa vie amoureuse ; il lui est permis de s'aimer elle-même uniquement si un homme la trouve digne d'amour".


Et pour qu'un homme la trouve digne d'amour elle doit tuer en elle tout ce qu'elle pourrait avoir hérité en sagesse et en savoir d'une ou plusieurs ancêtres féminines. Elle doit avoir fait le ménage et n'avoir laissé de place que pour la technoscience masculine pour laquelle elle devra montrer une admiration sans borne.