* On a vu qu'au XV s., la bulle du pape Innocent VIII,
Summis desiderantes affectibus (1484) encouragea la persécution des sorcières. C'est à la suite de cette bulle que deux dominicains allemands, Heinrich Institoris et Jakob Sprenger, composèrent le
Marteau des sorcières (
Malleus maleficarum, 1487), ouvrage qui prétendait donner les moyens de les identifier infailliblement. Le livre décrit les sabbats, les rapports sexuels avec le diable, les métamorphoses animales pour tromper les humains, etc.; ainsi que la possession diabolique qui se reconnaît à des signes psychiques (comme la perte soudaine de la raison) ou physiques (crispations nerveuses du visage, taches sur la peau, insensibilité a la douleur, etc.).
Dans les pays germaniques, on procéda aussitôt à des exécutions massives : en trois mois, 600 dans le petit évêché de Bamberg, 900 à Würzburg. Mais la chasse aux sorcières devait prendre une ampleur et une férocité plus grandes encore au XVIe s., surtout en France, en Allemagne et en Angleterre- L'Italie, moins repliée sur elle-même, ne se prêta guère à ces pratiques.
Loin de tempérer les préjugés populaires sur la sorcellerie, la Réforme les aggrava.
Erasme et Luther croyaient à la présence active du démon dans les âmes ce qui pouvait donner lieu à une interprétation un peu trop littérale. On se passionna rapidement partout pour la démonologie.
Luther et Calvin réclamèrent des châtiments impitoyables pour toutes les personnes suspectes de sorcellerie.
Cependant, des le XVIe s., commença a s'affirmer un courant de protestation contre la démonomanie. Son initiateur fut un médecin calviniste allemand attaché au duc de Clèves (Guillaume II), Johann Weyer, auteur d'un ouvrage de démystification, le
De praestigiis daemonum (1563) dont j'ai déjà parlé
ici.
*Néanmoins la guérisseuse lorraine
Claudette Clauchepied reconnut coupable de sorcellerie fut brûlée en 1601 alors qu'elle allait avoir 66 ans.
Les femmes ont fourni 80 % des condamnés au bûcher. Pour Armelle Le Bras-Chopard (autrice des "Putains du diable") la féminité et le fantasme de sa dangerosité seraient le mobile même de cette persécution. Un phénomène plus politique que religieux. Aujourd'hui, avec la place grandissante des femmes dans l'espace public, les sorcières seraient-elles de retour ? Pourquoi avoir peur de la mixité des sexes ? se demande l'autrice. Il ne s'agit pas de " partager le gâteau ", simplement d'en modifier la recette, sans craindre qu'une sorcière y introduise quelque poison diabolique !
*Personnellement je vois plutôt cette violence liée à la culpabilité des hommes envers leurs propres méfaits et la femme en bouc (chèvre) émissaire. Dans
Fukushima au XVIe siècle j'expliquai quel était le point de vue de Corneille Agrippa sur le pillage des ressources naturelles pour un confort plus nuisible qu'utile. Celui-ci exprimait ouvertement ses craintes. Il s'opposait d'autre part activement à la persécution des "sorcières". Ceux qui persécutent les sorcières ne s'avouent pas leur crainte et préfère trouver un.e coupable.
D'après
Jean-Claude Diedler, les procès en sorcellerie ont particulièrement abondé dans des secteurs miniers : comme autour des mines de fer du Framont et de Grandfontaine dans le massif du Donon, dans la vallée de la Bruche et la région de Schirmeck qui connaissent une activité métallurgique importante au XVIe siècle. Claudette Clauchepied a justement vécu à Sainte-Marie-
aux-Mines. Elle est aussi allée travailler dans les mines de Giromagny. Les travailleurs/euses du fer tel Zeus domestiquent en quelque sorte la foudre et le tonnerre. L'épée qu'ils/elles fabriquent rappelle le lien entre la Terre et l'au-delà. La verge de houx de Jeanne Bosdeau (autre "sorcière") est fabriquée avec le bois d'un arbre considéré comme diabolique. Quant au métal, il est extrait des
entrailles de la terre.
A ce propos : mauvaise nouvelle, les sorcières sont de nouveau pourchassées et
mises à mort. Il est intéressant de constater que cela se passe dans un secteur géologique aussi significatif que l'était la Lorraine en occident au XVIe siècle pour son minerai de fer et d'argent : l'Arabie Saoudite, sans le pétrole duquel nous ne sommes plus du tout ces surhumain.e.s défiant chaque jour de nos sacro-saintes machines la force créatrice universelle !
Et à part cela, * La chasse aux sorcières peut également se faire par des femmes comme
celles-ci qui n'ont rien de mieux à faire que de rédiger des insanités sur les vilaines féministes (pléonasme) qui voudraient soi-disant faire du viol
le crime des crimes s'appuyant sur les théories de je ne sais quel diplômé scientifique qui trouve pour sa part que l'on "sacralise" la sexualité (il est bien entendu question de participer à l'entreprise de revirginisation d'un certain homme politique bien connu).
M'enfin un petit viol mesdames c'est quand même pas la mer à boire !
Ce qu'il y a de pratique avec les doctorats et les titres de journaliste c'est que l'on peut dire des stupidités qui se résumeraient aussi bien à la phrase citée ci-dessus en les tournant plus doctement pour faire penseur/seuse qui a longuement réfléchi à la question et connaît bien le sujet, ce qui, bien sûr, est exactement le contraire (méconnaissance totale du sujet et zéro réflexion).
Ces gens ne veulent pas "désacraliser la sexualité", ils veulent chasser les sorcières.
Prétendre que les féministes (tiens, il y a "mine" dans féministe !) sacralisent la sexualité c'est faire comme les prêtres qui prétendaient que des femmes sacralisaient le démon et lui vouaient un culte.
Nous ne vouons de culte ni à la sexualité ni à quoi que ce soit d'autre. Foin de ces fausses accusations pour nous livrer aux couteaux !
Ah j'allais oublié de le préciser : la sorcière saoudienne a juste été un peu torturée avant d'être exécutée.
(Ill. : oeuvre de l'artiste forgeronne Yzo
www.yzo-forge.com)
Edit 17.42 h. : j'ajoute que Hypathie a écrit il y a un an, un
excellent billet sur le livre d'Armelle Lebras-Chopard "Les putains du Diable" avec en question finale le retour des chasses aux sorcières est-il possible ? Oui malheureusement car on y est : dans la province de Jawf en Arabie Saoudite, Amina bint Abdul Halim bin Salem Nasser âgée de 60 ans a été décapité le 11 décembre 2011 pour "sorcellerie".