À force de répression et d'insuccès, le mouvement d'Emmeline Pankhurst se radicalisera et optera pour le vandalisme. E.P. dira : "L'argument de la vitre brisée est le meilleure argument en regard de la politique moderne". Elle exportera le modèle de la combattante pour le suffrage aux États-Unis auprès d'Alice Paul et de Lucy Burns qui crééront l'antenne américaine du mouvement.
Emily Davison posera, entre autres, des fumigènes à la paraffine dans trois boîtes aux lettres, mettra le feu à une corbeille de sciure dans une poste et posera une bombe dans la maison du premier ministre David Lloyd Georges.
De l'autre côté de l'Atlantique, les Américaines ne seront pas en reste.
Si bien qu'après cinq longues années d'assauts suffragistes du mouvement américain pour les droits civiques des femmes, le président des États-Unis,Woodrow Wilson, finira enfin par être favorable à un amendement qui accorderait aux Américaines le droit de vote et prononcera cet étonnant discours féministe devant le sénat :
"Devons-nous seulement demander à nos femmes, et prendre tout ce qu'elles peuvent donner en service et en sacrifice, tout en continuant à affirmer que nous ne voyons pas quel droit cela leur confère pour se joindre à nous et veiller aux affaires de la nation ainsi qu'aux nôtres ? Dans cette guerre [la première guerre mondiale où les femmes ont remplacé les hommes dans les usines entre autres "services rendus à la nation"], nous avons fait de nos femmes nos partenaires ; devons nous les accepter seulement dans un partage de la souffrance, du sacrifice et du labeur et leur refuser le partage du privilège et du droit ?"
Mais le sénat restera insensible à ces paroles et attendra encore un an avant de voter l'amendement (à une majorité d'une seule voix) le 4 juin 1919. On se rappelle que le 4 juin fut également le jour où Emily Davison fut tuée par une collision avec le cheval du roi Georges V).
Les femmes qui menèrent le combat pour le droit de vote des femmes ne manifestaient pas les seins nus car il n'en était encore nul besoin pour être visible aux yeux de la presse et pourtant elles n'ont pas été mieux traitées que leurs arrière-arrière-petites-filles, les Femen. D'ailleurs, il me semble que pour la visibilité/audibilité, ce soit les seins nus ou la vitre brisée, pas les deux*.
Et en attendant que nous ayons à mettre nos slogans sur nos fesses pour ne pas être maintenues dans l'ombre du foot, du pape, de la guerre (israélo-palestinienne, syro-syrienne, égypto-égyptienne, etc, au choix), du bébé des Windsor, et autres glorifications virilo-virilistes habituelles (pendant que la banquise du pôle Nord fond, la centrale de Fukushima fuit, un défenseur des tortues est assassiné, infos quand même nettement plus urgentes à communiquer) soutenons les femmes en lutte contre le patriarcat mortifère : Sacha, Oksana et Alexandra, les Pussy Riot, Amina et leurs ami.e.s emprisonné.e.s, tabassé.e.s ou simplement intimidé.e.s.
L'argument du maintien de LEUR ordre est leur seul argument.
Le droit de vote fut cédé par eux à force d'usure et à la condition (cachée) que nous ne leur laissions le pouvoir. Maintenant, nous ne voulons plus de leur autorité appuyée par les "hauts dignitaires" de leurs religions phallocentrées. Il faudra qu'ils le comprennent également.
Concernant le combat pour le suffrage et le cinéma, je suis tombée par hasard sur ce film de 1949 "Adventure in Baltimore" traduit voluptueusement en frenchy par "Un délicieux scandale", film qui bien sûr, se sert des suffragettes pour alimenter les fantasmes sexuels masculins. Car de la sorcière à la suffragette, tout est bon pour alimenter les fantasmes sexuels de ces messieurs. Les Femen n'y sont pas pour grand chose et se mettre nue ou non n'y change(ra) rien. La preuve :
A propos du personnage qu'est censée jouer Shirley Temple ici, il y a bien eu une suffragette peintre : Louise Jopling (1843-1933), mais, bien entendu, cette grande artiste fut sans rapport avec la petite fille gâtée mettant en danger la gloire de la mâlitude de cette stupide comédie américaine.
*Aujourd'hui le vandalisme a des fins politiques est tout bonnement assimilé à du terrorisme et est beaucoup plus réprimé que dans les années 1900/1910. Il n'est pas étonnant alors que les seins nus le remplacent.