à l'occasion du couronnement de la reine d'Angleterre (17.6.1911), une militante du WSPU défila à cheval et habillée de blanc : Marjorie Annan Bryce costumée en Jeanne d'Arc.
Cette photo a un certain intérêt à l'heure où l'on reparle de la visibilité des féministes depuis que l'incursion des Femen sur la scène internationale provoque la controverse. Et pour inciter à la réflexion sur le sujet, voici des extraits d'un article intitulé "vision et visibilité : la réthorique visuel des suffragistes..." qui donne la troublante impression que l'on parle en fait des Femen... :
"Comment le mouvement suffragiste dans son ensemble s’est-il mis en scène
dans l’espace public et notamment dans la rue ? Toutes les militantes
sont convaincues que la visibilité est la donnée fondamentale de la
campagne pour le suffrage ; les légalistes se limitent à la légalité ;
les suffragettes, surnommées ainsi depuis janvier 1906, développent des
tactiques de plus en plus spectaculaires au service exclusif de la
visibilité. L’autocratique Christabel Pankhurst, publicitaire de génie,
mène avec vigueur et imagination l’invasion de la rue et la perturbation
de la vie politique.
(...)
La visibilité de la suffragette est essentielle ; elle se décline avant
tout en une bénévole mais aussi en victime, en femme respectable, en
combattante, en travailleuse, en femme molestée aux vêtements en
lambeaux, en incendiaire de bâtiments publics, de maisons privées ou de
boîtes à lettres, en destructrice de tableaux (lacération), en briseuse
de vitrine, en femme-sandwich, en sportive qui escalade des monuments
pour les occuper ou contourner les services d’ordre des réunions
politiques, en femme enchaînée à des grilles (surtout celles du
Parlement), en perturbatrice de réunions publiques (surtout celles du
parti Libéral), en rebelle recourant à la désobéissance civile comme le
refus de payer l’impôt ou de répondre aux questions du recensement de
1911. C’est une stratégie menée avec l’assentiment de chacune intégrée
dans un groupe d’intervention rapide et, après 1912, dans des opérations
de commando. Une visibilité de la personne ou/et de ses actions, une
visibilité qui relègue le verbe à la seconde place, sont à défendre à
tous prix. Arme exclusive des légalistes, le verbe sous toutes ses
formes légales, n’a pas apporté le suffrage féminin malgré une campagne
d’un demi-siècle.
(...)
Une autre tactique des suffragettes est de se déplacer temporairement
dans une ville et d’installer en quelques heures un petit groupe de
militantes dans une boutique très bien située, c’est-à-dire visible.
(...)
Dans une veine moins délinquante, il y a une utilisation systématique du
costume régional/national [on pense à la couronne de fleurs ukrainienne] tout comme d’ailleurs du costume
professionnel ou du vêtement ouvrier. L’uniforme réapproprié par la
cause devient alors un grand classique de la propagande visuelle. Il est
utilisé à des fins publicitaires : une photographie prise en mai 1909
montre, par exemple, une fanfare, martiale et colorée, avec pour annonce
la Women’s exhibition ou encore les tabliers portés par de
jeunes femmes invitent les passants à un meeting suffragiste à
Manchester (juillet 1908). L’uniforme présente également une vision des
femmes au travail, au service de la Cause et de la société.
(...)
Sylvia Pankhurst écrivit à propos de la Procession du couronnement :
It was a triumph of organisation, a pageant of science, art, nursing,
education, poverty, factorydom, slumdom, youth, age, labour, motherhood,
a beautiful and imposing spectacle.
Le message est clair : aucun lieu, ni
aucune classe, n’échappe à la revendication du suffrage. D’autre part,
la représentation ainsi construite présente des femmes génériques, des
femmes qui ne sont pas seulement des individus convaincus mais une
catégorie à laquelle il devient difficile de ne pas s’identifier, soit
par la classe, le lieu, l’âge et donc la revendication. Enfin, cette
ambition généralisante permet d’anéantir un argument anti-suffragiste,
celui qui affirme que les femmes dans leur grande majorité ne veulent
pas le droit de vote, à part quelques excitées, héritières de la « hyène
en jupons », Mary Wollstonecraft.
A lire tout l'article ici.http://lisa.revues.org/3116?lang=fr
Passionnant texte ! Elles auraient inventé l'activisme ? Quand on lit "Utilisation de la photographie", aujourd'hui, on dirait "Utilisation des médias sociaux" ou d'Internet.
RépondreSupprimerOui, n'est-ce pas ? Les femmes sandwichs peignent aujourd'hui directement sur leur corps mais c'est le même principe. Les sportives qui escaladent les monuments comme les Femen belges dernièrement ont escaladé l'ambassade d'Ukraine... C'est le retour d'un militantisme actif et qu'est-ce qu'on voit ? Les suffragistes l'avaient déjà pratiqué. Je parie qu'il y a eu ce même militantisme féministe à d'autres périodes mais qu'il ne nous reste presque pas de documents sur la question. Sous la Révolution, les femmes ont milité pour avoir les mêmes droits citoyens que les hommes. Ont-elles utilisé des méthodes spectaculaires ? Voilà ce que les chercheuses en féminisme devrait chercher au lieu de se masturber l'esprit avec des conneries narcissitico-maternalistes : exhumer l'herstorique des femmes dans tous ses détails. Sans notre herstoire la lutte n'est qu'un éternel recommencement avec retour en arrière obligé.
SupprimerNous ne devrions plus jamais avoir à chanter : "nous qui sommes sans passé, nous qui n'avons pas d'histoire".
Avoir conscience de nous-mêmes c'est cela qui doit compter, c'est cela qui nous manque le plus !
Dimanche matin, j'écoute France Inter, on parle des suffragettes...c'est fort intéressant. TU pourras sans doute l'eçouter plus tard!
RépondreSupprimerhttp://www.franceinter.fr/emission-doc-hebdo-les-suffragettes-de-michele-dominici
Merci Colo ! Je crois que j'ai déjà vu le film de Michèle Dominici sur Arte mais je ne suis pas sûre. J'espère le trouver après sa projection à la télé.
Supprimer