Incitation au viol sur un site de
coaching en séduction
Signalement publié sur internet
par une dizaine de blogs le 05/09/2013
Nous, militantes féministes et
citoyennes, avons récemment dénoncé un site de
coaching en « séduction » appelé Seduction By Kamal comme incitant au viol.
Seduction By Kamal est un site
d'apprentissage des techniques de « pick up artist », à
savoir « artiste de la drague ». Il s'agit de techniques
de
« drague » et de conseils en matière de
sexualité. Le site est géré par la société
SBK Coaching, et génère du profit grâce à
la vente de livres numériques (« e-books »).
L'indignation s'est focalisée
sur un article violent en accès libre et gratuit. Intitulé
« Comment Bien Baiser : les 3 Secrets du Hard SEXE »,
il nous apparait en réalité comme une incitation au
viol, particulièrement toxique en raison de l'aspect éducatif
du site.
Nous estimons que les propos sont
explicites : pour bien « baiser », l’important est de
ne pas tenir compte du consentement de sa
« partenaire ».
Une capture d'écran est conservée ici. Les extraits les
plus choquants sont cités ci-dessous, dans la lettre au
Procureur, ainsi que chez la blogueuse Diké.
Cet article a été écrit
par Jean-Baptiste Marsille, rédacteur web, auto-entrepreneuret écrivain. Le directeur de publication du site se fait
appeler Kamal. Il ne s’agit pas d’un petit blog
isolé. D'après son créateur, ce site reçoit 20 000 visiteurs par jour, le chiffre d’affaire de la société
« SBK Coaching » est de l’ordre de 10 000 euros par mois. Sa page Facebook est suivie (« likée ») par près de 17 000 personnes. Nous notons aussi que les frais de fonctionnement du site semblent peu élevés, compte-tenu des avantages fiscaux de la Pologne par rapport à la France, et du caractère dématérialisé des publications électroniques vendues. Malgré de multiples sollicitations depuis octobre 2012, Kamal n’a jamais réagi. L’article était toujours en ligne à l'heure où nous écrivons cette lettre.
« SBK Coaching » est de l’ordre de 10 000 euros par mois. Sa page Facebook est suivie (« likée ») par près de 17 000 personnes. Nous notons aussi que les frais de fonctionnement du site semblent peu élevés, compte-tenu des avantages fiscaux de la Pologne par rapport à la France, et du caractère dématérialisé des publications électroniques vendues. Malgré de multiples sollicitations depuis octobre 2012, Kamal n’a jamais réagi. L’article était toujours en ligne à l'heure où nous écrivons cette lettre.
Depuis 2012, cet article a également
été signalé en vain au Ministère de l'Intérieur. Pourquoi la
loi n’est-elle pas appliquée ? Est-ce un problème
managérial (manque de moyens pour traiter tous les
signalements) ou un problème culturel (mauvaise formation et
sensibilisation des agents du Ministère à la misogynie
en ligne et à la culture du viol) ?
Nous joignons donc à cette
tribune une plainte au Procureur de la République concernant
le délit d'incitation au viol en ligne sur la page signalée. Appel aux autorités et aux
acteurs du web : stopper la misogynie en ligne
Ceci dit, notre objectif n’est pas de
nous focaliser sur ce seul type de site Internet à la marge,
mais sur l'ensemble de la misogynie globalement répandue sur
l'espace Internet, et trop tolérée.
De nombreux agresseurs et leurs
complices se sentent autorisés, en toute impunité, à
exhiber sur Internet leurs infractions misogynes (viol, agression,
non-assistance à personne en danger, recel de médias à
caractère pédo-criminel...). Leurs victimes sont
réduites au silence ou humiliées à l'échelle
planétaire, subissant la reproduction perpétuelle de
leurs agressions sur les réseaux sociaux.
Comment les Internautes peuvent-ils
encourager un tel laxisme envers des criminels, et une telle sévérité
envers les victimes ? Certainement à cause d'un amalgame
toxique entre sexualité et violence érotisée
(culture du viol) combinée à une mauvaise appréciation
du sexisme sur Internet, perçu à tort comme “virtuel”.
Or le sexisme en ligne n'a rien de
virtuel : le harcèlement subi par des personnalités
connues comme par des adolescentes anonymes (ou qui auraient voulu le
rester), le racolage des mineures par les pédo-criminels ou
les proxénètes, l'omniprésence des images de
femmes hypersexualisées et objectivées, dans les
contenus personnels, journalistiques, culturels et commerciaux –
clichés parfois pris à l'insu du sujet, l'humour
sexiste qui alimente la tolérance envers le sexisme, les
discours vindicatifs, stéréotypés et dégradants
à l'égard des femmes, tout ceci est bien réel.
Ailleurs, sur le web anglophone
notamment, des voix se sont élevées pour exposer
l'ampleur de la misogynie sur Internet, et exiger des actions
concrètes pour y mettre fin. Ainsi la campagne #FBRape a
permis un début de dialogue avec Facebook, dans le but
d'améliorer les systèmes d'identification et de modération des discours de haine misogyne.
Côté français,
l'incitation à haine, à la discrimination ou à
la violence est interdite par la Loi sur la liberté de la presse, article 24. Nous exigeons que l’alinéa 7 soit
appliqué, à savoir que l’incitation à la
violence en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du
handicap soit réellement pénalisée.
Nous demandons également une
modification de l’alinéa 6 de cette même loi
(concernant l'incitation à la discrimination et à la
haine) pour qu'il soit étendu au sexisme. Actuellement, seules
sont concernées les discriminations et la haine motivées
par des raisons ethniques, raciales ou religieuses.
Enfin, nous appelons les pouvoirs
publics à mettre en place une plateforme dédiée
au signalement de sites misogynes, à la sensibilisation des
acteurs du web sur le sujet, et à l'accompagnement des
victimes de discrimination, de haine ou de violences misogynes sur
Internet.
Nous appelons également les
entreprises du web ou présentes sur Internet à mettre
en place des pratiques éthiques pour lutter contre le sexisme
sur Internet, en coopération avec la société
civile.
Collectif féministe et citoyen
Plainte au Procureur
Paris, le 05/09/2013
Lettre R.A.R.
Monsieur le Procureur de la République,
Nous, citoyennes, tenons par la
présente à vous signaler les faits délictueux
visés par l’article 24 de la Loi sur la Liberté de la
Presse qui punit de "cinq ans d’emprisonnement et de 45 000
euros d’amende ceux qui (…) auront directement provoqué,
dans le cas où cette provocation n’aurait pas été
suivie d’effet, à commettre l’une des infractions
suivantes : les atteintes volontaires à la vie, les atteintes
volontaires à l’intégrité de la personne et
les agressions sexuelles définies par le livre II du code
pénal".
Sur le site Seduction By Kamal, cette
page (URL : www.seductionbykamal.com/comment-bien-baiser - capturesd’écran ci-joint) intitulée "Comment Bien Baiser
: les 3 Secrets du Hard SEXE" constitue une apologie du viol et
une incitation à la violence contre les femmes. Quelques
extraits explicites :
• "Montrez-lui qu’elle n’a
pas vraiment le choix"
• "Attaquez sa poitrine"
• "créer rapidement une
image du mec qui sait ce qu’il veut et qui l’obtient quand il
veut".
• "vous décidez [...]
tout est entre vos mains (ou vos cuisses devrais-je dire)"
• "perdre tout contrôle de
la situation est un "turn on" majeur pour les femmes".
• "appliquez-vous à aller
en profondeur et à ne stopper la cadence que quand VOUS le
décidez ! Elle se plaint ? Pas pour longtemps ! C’est un
phénomène naturel de rejet de l’autorité, mais
une fois cette barrière franchie, elle s’abandonnera à
vous et vous demandera de la défoncer [...] c’est ça
en fait la véritable notion du fameux "BIEN BAISER".
• "Imposez votre puissance".
• "Donnez des ordres et soyez
inflexible. Ne lui demandez pas gentiment si, éventuellement,
vous pourriez avoir une fellation et éjaculer dans sa bouche…
La décision est prise, retirez-vous et faites la descendre
vers votre sexe afin d’affirmer votre posture."
• "Si seulement vous saviez
combien de femmes rêvent de se faire démonter par un
inconnu au chibre géant".
• "Cette méthode est
relativement efficace quand on rencontre une inconnue qui nous ramène
chez elle. Si elle en arrive là, c’est sans doute parce
qu’au fond, ce qu’elle veut, c’est tirer un coup."
• "Ne lui demandez pas si vous
pouvez la pénétrer comme un animal sauvage, faites-le
!"
• "il vous suffit [...] de
laisser parler vos envies, sans vous restreindre. Prenez le contrôle
du rapport sexuel et pensez que votre masculinité passe par
des coups de boutoir infligés."
• "ne vous refusez rien".
Nous avons signalé ce lien à
internet-signalement.gouv.fr sans aucune conséquence concrète.
La présente faisant valoir ce
que de droit.
Copie à
Monsieur Manuel Valls, Ministre de
l'Intérieur
Madame Vallaud-Belkacem, Ministre des
Droits des femmes,
Madame Christiane Taubira, Garde des
Sceaux, Ministre de la Justice
Haut Conseil à l'Egalité
entre les Femmes et les Hommes
Observatoire des Inégalités
Le Monde
Le Figaro
Médiapart
Rue 89
Libération
Les Nouvelles News
Slate
Fédération Nationale
Solidarité Femmes
Bonjour, Euterpe. Y a-t-il une pétition en ligne pour appuyer cette plainte ?
RépondreSupprimerOui, merci Tania. Voici la pétition : https://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/agir-contre-la-misogynie-et-l-incitation-%C3%A0-la-haine-sexiste-sur-internet-2
SupprimerMerci pour le lien, voilà qui est fait.
SupprimerMerci Tania !
Supprimersigné
RépondreSupprimerMerci jfs47 !
SupprimerMe revoilà enfin, merci de publier ici cette dénonciation Euterpe, je signe à deux mains!!!
RépondreSupprimerSuper ! ;)
SupprimerMerci Euterpe pour ce texte, et les références y afférentes. J'ai évidemment signé la pétition. Je me suis permis de publier l'article de l'huma sur mon blog. ( en vous citant évidemment) J'espère que n'y voyez pas d'inconvénient. Mon métier me met en contact avec des femmes victimes de violences sexuelles, et les traumatismes sont conséquents. L'omerta autour de ce sujet m'inquiète, me révolte.
RépondreSupprimerLa bienvenue à vous, Olivier ! ;) Merci pour la signature et le relai de l'article. Oui l'omerta est terrible. Beaucoup trop de femmes et filles souffrent terriblement dans l'indifférence quasi générale.
SupprimerBonne nouvelle à toutes et à tous : il paraît que l'auteur de cette incitation au viol vient de retirer son article. Mais son immense public de fans se rue dans les commentaires pour conspuer les affreuses féministes qui "persécutent une fois de plus" un agneau si tendre dont les propos ont été mal interprétés par des esprits aussi mal tournés que malfaisants.