Stadhouderesse des Pays-Bas de 1531 à 1555, Marie de Hongrie, dont on parle le moins possible aujourd'hui, fut une personnalité du XVIe siècle de premier plan. Elle évita à Charles Quint de commettre un certain nombre de bourdes irréparables comme de tenter avec des moyens bien insuffisants de reconquérir Constantinople annexée par les Turcs. Elle était appréciée pour ses talents oratoires et ses efforts en faveur de la paix en Europe. Erasme l'admirait et Luther en fit des éloges appuyés.
J'ai trouvé un chant de sa main qui montre que comme tous ces contemporains ou presque elle s'appuyait fortement sur la Foi pour supporter les épreuves de sa vie et se donner du courage.
Colère, humilité, goût de donner ce qu'il y a de bien en elle se mêlent dans ce poème.
On cherche un peu en vain une telle modestie et une telle franchise dans les personnes qui prétendent nous gouverner aujourd'hui.
Chant de Marie de Hongrie après la perte de son mari et du royaume de Hongrie confisquée par les ottomans. Chant intégré dans l'Enchiridion (chansonnier) d'Erfurt en 1531 :
Mag ich unglück nicht widderstan,
Si je ne supporte pas le malheur,
muss ungnad han
il me faut croire en la disgrâce
der welt für mein recht glauben:
du monde pour ma raison :
So weis ich doch, es ist mein kunst
Ainsi sais-je bien, j'ai ce talent,
Gotts huld und gunst,
la bienveillance et la faveur de Dieu,
die mus man mir erlauben.
on doit me les autoriser.
Gott ist nicht weit,
Dieu n'est pas loin,
ein kleine zeit
[même si] un petit temps
er sich verbirgt.
il se cache.
bis er erwürgt
jusqu'à ce qu'il étrangle
die mich seins worts berauben.
ceux qui me volent sa parole.
Richt, wie ich wöll, ytzundt mein sach,
(...), mette le feu (?)
weil ich bin schwach
parce que je suis faible
und Got mich furcht lest finden,
et Dieu me fait connaître la peur,
So weis ich daß kein gwalt bleibt fest,
ainsi sais-je qu'aucun pouvoir n'est durable,
ists aller best, das zeitlich muß verschwinden:
c'est très bien ainsi, le temporel doit disparaître
Das ewig gut
L'éternel bien
macht rechte mut!
donne vraiment du courage !
dabey ich bleyb,
je continue
mag gut unnd leib,
d'être bonne et aimable
Gott helff mir uberwinden!
Dieu m'aide à surmonter [les difficultés] !
All ding ein weil ein sprichwort ist:
Le tout est en un car il existe un proverbe :
Herr Jhesu Christ,
Jésus Christ,
du wirst mir stehn zur seyten,
tu seras toujours à mes côtés,
Und sehen auff das unglück main,
Et regarderas mon malheur
als wer es dein,
comme si c'était le tien,
das widder mich wirdt streitten
cela aussi me sera disputé
Mus ich denn dran
dois-je donc dire
auff diser han:
de la même façon :
Welt, wie du wilt!
Monde, comme tu veux !
Got ist mein schilt,
Dieu est mon bouclier,
der wird mich wol begleiten.
il m'accompagnera bien.
Amen
(traduit au pied très levé d'un vieil allemand de la région rhénano-néerlandaise).
Monogramme de Marie de Hongrie, stadhouderesse des Pays-Bas dont j'ai déjà parlé ici
(Je suis ouverte à tous renseignements complémentaires sur les activités littéraires de Marie de Hongrie + des éventuelles corrections de traduction).
tant que se moquer de son bouclier ne se terminait pas dans les flammes...
RépondreSupprimerA JEA : je cale complètement sur la phrase enflammée : "Richt, wie ich wöll, ytzundt mein sach," ! Mais à part ça elle n'a brûlé personne, elle, pas comme Charly Five son frangin :)
RépondreSupprimerBeau poème dont je partage l'esprit.
RépondreSupprimerLe pouvoir temporel passe, Dieu demeure.
Il faut bien s'appuyer sur quelque chose, quelqu'un (?) lorsque les hommes se dérobent ...
Fa#
@ Euterpe
RépondreSupprimerl'actualité nous le rappelle aujourd'hui encore, sont parfois voués aux flammes celles et ceux qui caricaturent un bouclier au nom du droit de douter de dieu(x)...
"Dieu me fait connaître la peur"...étrange alors qu'il semble lui apporter apaisement.
RépondreSupprimerMes recherches sur la toile espagnole n'ont rien donné du point de vue d'écrits d'elle, désolée.
Bonne journée, grise-pluie ici.
C'est l'éternel débat entre ceux ou celles qui croient et les autres qui doutent . Au nom d'un dieu que d'horreurs ont pu être commises !
RépondreSupprimerMais le principal n'est-il pas de vivre en bonne harmonie avec nos proches et nos voisins et surtout avec soi-même ?
Je sais trop bien que la perte d'un être cher peut nous amener à nous protéger derrière ce qu'elle appelle un "bouclier" .
Mais un bouclier veut dire qu'on se protège d'un ennemi ce qui n'empêche pas de souffrir pour autant car l'ennemi est en nous autant que dans les autres.
Tout l'art étant de retrouver l'ami(e) qui nous veut du bien car pour ma part un Dieu tout puissant et censé protéger mais qui m'ôte ce que j'ai de plus cher ne peut être un ami bienfaisant .
Je sais qu'en disant cela je m'expose à être brûlé vif pour la seule et simple raison comme le dit JEA que je doute .
A Fa# : oui je comprends aussi ce qu'elle ressent en fait. On peut d'ailleurs remplacer Dieu par la Nature. "La Nature demeure". La nature comme force divine. Car Dieu n'est pas forcément un italien barbu ! :)
RépondreSupprimerA JEA : oui l'actualité est un éternel recommencement. Au XVIe siècle, il fallait aussi brûler ceux qui doutaient ou qui remettaient en cause certains fondements de la religion. Mais tous les croyants n'étaient pas des assassins en puissance. La charia par contre c'est le fascisme religieux dans toute son horreur.
A Colo : merci pour tes recherches. La toile est de plus en plus sélective en infos malheureusement. J'ai trouvé ce poème dans un livre et peut-être dois-je trouver un autre livre pour complément d'informations.
A propos de "Dieu me fait connaître la peur" : Dieu dans l'esprit de l'époque soumet le fidèle à des épreuves mais il est en même temps là pour seconder la personne ainsi éprouvée. C'est comme cela que je comprends ce poème.
A coup de grisou : "Dieu" est avant tout cette force qui nous dépasse et qui fait que nous n'avons pas entièrement le contrôle de notre vie.
Certaines personnes s'en remettent à cette force.
Lui accorde sa confiance quoi qu'il arrive. Avez-vous lu le livre de Job ?
Il y a un excellent film humoristique danois qui en parle très bien "Les pommes d'Adam" d'Anders Thomas Jensen. Je vous le conseille !
Aujourd'hui, on lui dirait à cette noble femme que Dieu et la religion sont l'opium du peuple, qu'elle rejette le temporel, qu'elle échange l'ici et maintenant contre un hypothétique bonheur dans l'au-delà. Mais bon, c'est le 16ème siècle. Et sans doute le malheur qu'elle éprouve est trop grand pour trouver la force de combattre ce genre de croyances.
RépondreSupprimerA Hypathie : personnellement j'ai tendance à penser que la religion de Marie de Hongrie est l'ancienne mais que ce n'est pas comme si aujourd'hui on était libre de toute croyance. Aujourd'hui sans railler le fait, mais en le constatant seulement, surtout que je suis parfaitement dans ce siècle avec la mentalité que je vais décrire : on croit aux sciences, à la psychologie et aux méthodes pour se "recentrer sur soi-même" venues de l'orient mêlées avec des découvertes occidentales. On a recours à toutes sortes de prêtres, à commencer par les psys, à des bibles : les conseils pour être en relation/en harmonie avec soi et avec les autres, et chacun.e se faconne sa religion à partir de ces trois grandes religions actuelles : la médecine, la psychologie et la conception orientale de l'être humain.
RépondreSupprimerL'au-delà du XVIe siècle c'est, en effet, notre "ici et maintenant" qui doit nous permettre de mieux accepter la mort (car il s'agit toujours de cela) puisque nous serions en train de vivre chaque seconde comme si c'était la dernière. En réalité cela ne marche pas mieux que les méthodes anciennes : prières et sauvegarde de son âme pour accéder au Paradis. Aujourd'hui nous avons la même démarche de chercher à écouter la voix en nous qui saurait mieux que nous ce que nous avons à faire et nous avons autant de mal à la trouver qu'autrefois la voix de Dieu car cette voix dont nous parle les psys est celle que les prêtres appelaient Dieu au XVIe siècle. Je ne crois pas que la différence soit aussi immense.
Sauf que nous nous avons connu une religion mécanique dans une période industrielle et nous rejetons cela. Oui la religion a été instrumentalisée par les détenteurs du pouvoir et a servi d'opium mais maintenant c'est la consommation. Et les gens du XVIe siècle avaient une tout autre perception de la religion que seules les personnes qui ont extrêmement souffert et ont trouvé secours dans la religion peuvent peut-être encore comprendre aujourd'hui et encore.
Ou en lisant beaucoup d'ouvrages sur le XVIe siècle comme je le fais mais tout le monde n'en a pas envie :)
Quant à l'idée recue que des gens "éclairés" comme Rabelais se moquaient de la religion, elle est fausse.
L'être humain, l'animal, tout ce qui vit sont des êtres spirituels. La spiritualité est là qu'on le veuille ou non.
Merci pour tes billets culturellement et humainement instructifs...
RépondreSupprimerEt merci à toi Bleue Azur pour le compliment :)
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