samedi 13 juillet 2013

Notre 14 juillet devrait être le 4 juin


Je viens de lire une très belle bio de Emily Davison dans le magazine féministe allemand Emma mais je n'ai pas le temps de la traduire. Heureusement, à l'occasion du centenaire de sa mort, le 4 juin 1913, un journaliste de Mediapart a fait un article sur elle. J'ai juste remplacé un paragraphe (et quelques bouts de phrases par ci par là), après avoir copier/coller l'article, afin qu'il ressemble un peu plus à celui d'Emma que je trouve bien meilleur. Néanmoins, merci à Jean-Louis Legalery pour ses efforts pro-féministes.
D'ailleurs, au sujet des hommes qui veulent être nos alliés, un excellent article de Hypathie est à lire ici.

Emily Davison, martyre de la cause féministe (le vrai titre était Emily Davison, pionnière de l'égalité mais je l'ai changé).

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Photo Hulton Archive/Getty images.
Le 4 juin 1913, il y a cent ans, lors du célèbre Derby d’Epsom, traditionnelle et annuelle course hippique de plat, dans le Surrey, dans laquelle la famille royale engageait toujours un cheval, reconnaissable au fait qu’il n’arborait pas de couleurs attachées à la selle, une femme sortit de la foule, dans la courbe de Tattenham Corner, et fut heurtée violemment par Anmer, le royal équidé. Jusqu’à un passé récent l’histoire britannique a fait passer cet événement tantôt pour le geste d’une déséquilibrée, tantôt pour le suicide d’une désespérée. Il est désormais avéré que ce n’est ni l’un ni l’autre. La jeune femme s’appelait Emily Wilding Davison. Elle avait quarante ans et était militante du WSPU, Women’s Social and Political Union et elle voulait accrocher à la selle d’Anmer un ruban aux couleurs du WSPU pour promouvoir le droit de vote des femmes, mais préjugea tragiquement de la vitesse du cheval lancé au galop.

La suite est connue. Elle fut conduite inconsciente à l’hôpital d’Epsom où elle mourut de ses blessures quatre jours plus tard, aux confins d’un anonymat que l’establishment tenta de créer à travers la mise en scène d’un fait divers. Mais, lorsque sa dépouille fut ramenée en train jusqu’à sa ville natale de Morpeth, dans le Northumberland, au nord-est du Royaume-Uni, comme l’a raconté Val McDermid dans le Guardian du 31 mai, des milliers de gens attendaient à la gare pour lui rendre hommage, preuve d’une popularité extraordinaire. Emily Davison, issue d’un milieu modeste et d'une famille nombreuse, avait obtenu une bourse pour aller étudier la littérature et les langues, dites modernes à l’époque, en 1891 au Royal Holloway College, à l’âge de 19 ans. Mais le décès de son père la contraignit à abandonner, en raison des frais d’inscription trop élevés que sa mère ne pouvait assumer. Elle devint gouvernante, pour subvenir à ses besoins, puis enseignante et économisa suffisamment d’argent pour reprendre ses études supérieures au St Hugh’s College d’Oxford. Cependant les femmes n’étaient pas autorisées à obtenir les mêmes diplômes que les hommes, elle obtint néanmoins les plus hautes distinctions dans chacune des matières préparées.

[Elle] adhér[a] au WSPU, créé par Emeline Pankhurst. Les nombreuses demandes de cet organisme envoyées au gouvernement pour obtenir le droit de vote des femmes obtinrent systématiquement une fin de non recevoir. Les femmes devaient garder le même statut que les enfants, les handicapés mentaux et les fous. Alors Emily Davison décréta qu'il fallait passer aux actes et se radicalisa à chacune de ses actions consistant, par exemple, en jets de pierres et incendies contre les élus qui faisaient obstruction au droit de vote pour les femmes. Elle fut emprisonnée à plusieurs reprises car, à chaque incarcération, elle commençait une grève de la faim qui la faisait libérer, et, une fois qu’elle avait repris des forces, elle était à nouveau incarcérée. L’exploit qui scella sa notoriété eut lieu au soir du recensement national, le 2 avril 1911. Elle s’enferma dans un placard à balais de la chambre des communes, y passa la nuit et indiqua comme adresse, sur la feuille de recensement, the House of Commons. En 1999, le ministre travailliste Tony Benn, qui devint le plus jeune élu, en 1950, en remportant la circonscription de South Gloucestershire, rendit hommage  à Emily Davison et aux suffragettes. en posant une plaque commémorative à leur noms.
(...)
 Le droit de vote fut octroyé [par la suite] aux femmes, victoire posthume d’Emily Davison, dont la devise était deeds not words, des actes pas des mots.
A voir ici les trois vidéos rétrospectives de British Pathé :
http://www.youtube.com/watch?v=fJBdPFfnZHU
http://www.youtube.com/watch?v=siZ1rcIECdk
http://www.youtube.com/watch?v=-G4fJ9I_wQg

Le féminisme a sa martyre. Nous devrions commémorer chaque année la mort d'Emily Davison.
Ce serait notre 14 juillet à nous car celui des hommes ne compte pas. Pour LEUR révolution, ils se sont juste servis de nous. Et quand nous avons réclamé le droit de vote, ils nous ont décapité en la personne d'Olympe de Gouges ainsi que d'autres peut-être dont nous ne savons plus rien puisqu'ils effacent notre mémoire.

Et à propos des actes (pas des mots) : voir la vidéo ici (chez Emelire) des féministes solidaires d'Amina Tyler, devant la préfecture de Toulouse, venues demander sa libération et qui n'ont pas hésité à faire un sitting torse nu pour faire relâcher la Femen toulousaine embarquée par la police pour exhibition sexuelle (sic). Oui, Deeds not words, telle devrait être aussi notre devise !

14 commentaires:

  1. Extraordinaire militante dont j'ignorais le nom jusqu'à présent. Encore une fois merci.
    Je suis d'accord avec vous pour le 14 Juillet qui m'a toujours causé un grand malaise à cause de ses défilés militaires, de ces cars à tuer accompagnés de "ses mecs, des vrais" réflexion si stupide qu'on entend si souvent.
    Un révolution pourtant faite par et grâce aux femmes mais tellement récupérée de nos jours y compris par les tenants du machisme le plus débridé et des femmes ultra-catho comme Christine Boutin.
    Au passage excellent article chez Hypathie avec son "guide pour les alliés masculins" dont je partage les bases à 100% et que j'essaie d'appliquer au maximum.

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    1. ...ses "chars" à tuer... j'ai un clavier consonnophage :)

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    2. Je vous lis en silence depuis des mois.
      Là, je suis tellent touchée que je voulais vous le dire: merci de votre blog, il est formidable!

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    3. @coup de grisou : il s'agissait soi-disant d'abolir les privilèges. En fait c'était pour les mettre dans d'autres mains masculines. Aujourd'hui les privilèges sont tellement plus importants que même les membres de la monarchie de l'époque auxquels on les a retirés seraient scandalisés par l'injustice qui règne aujourd'hui.
      Mais à part ça, on continue à faire comme si on avait "aboli les privilèges". Quelle blague !
      Quant aux privilèges masculins, il ne faut même pas en parler. C'est un non-sujet.

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    4. @ Natacha S. : oh merci, Natacha ! Cela me fait tellement plaisir ! Voilà un commentaire qui me donne plein de force !

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  2. Merci pour sortir de l'ombre toutes ces femmes extraordinaires !

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    1. Merci aussi beaucoup à toi Nadezda pour ton commentaire !

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  3. Eva Joly a été huée, médiatiquement écrasée, lors du 14 juillet de l'année dernière, parce qu'elle avait émis l'idée de supprimer le fameux défilé et de passer à autre chose !

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  4. Oui, le joujou des militaires et des militaristes, tu penses ! Le mâle armé et en uniforme étant la quintessence du modèle viril, une femme qui plus est, "étrangère", qui parle de choisir une autre forme de fête nationale (moins coûteuse et moins analogue à celle d'une dictature, ce en quoi elle a raison) c'est proférer un grave blasphème !

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  5. Hélas, je ne la connaissais pas, mais je vais réparer ça et la mettre dans mon "Hall of fame". Quelle femme formidable ! Rien ne vaut l'activisme vigoureux pour faire avancer les choses. Ça frappe les esprits.

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    1. Et je remarque aussi sa superbe devise "Deeds not words" que toutes les militantes devraient adopter. Moins de blabla et plus d'actes d'insoumission, la face du monde en serait changée. Je pense aux féministes réformistes qui font le contraire de ce qui va dans leur intérêt la plupart du temps.

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  6. Merci Hypathie ! J'en avais parlé plusieurs fois dans les commentaires depuis que je fais ce blog mais je ne l'avais jamais présentée. Les femmes les plus intelligentes, comme elle, qui auraient pu apporter une contribution de taille à la société, ont souffert plus que les autres d'être mises ainsi arbitrairement à l'écart par une flopée de bonshommes plus stupides les uns que les autres qui n'ont eu comme unique qualité que la possession d'une bite.
    Et cela n'a changé que de manière hypocrite. Dans les faits, le droit de vote ne vaut plus rien puisque Goebbels est passé par là et les femmes qui accèdent à des postes gouvernementaux sont toutes sur un siège éjectable au moindre écart de la "ligne" ce qui n'est pas le cas pour les hommes.
    Notre place dans le monde reste donc aussi caduque qu'avant.
    Oui "Deeds not words".....et elle n'y allait pas par le dos de la cuillère ! Dire que les Pussy Riot ont été traitées de hooligans !

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  7. Arriverons-nous, ensemble, à sortir de l'ombre-néant toutes ces femmes de qualité? Celles du passé, tu le fais si bien, les présentes qui ont encore souvent la vie dure, et celles de demain que nous devons armer...

    Merci, belle journée Euterpe.

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    1. Je me réjouis chaque fois que tu en sors une aussi, ce que tu fais de plus en plus et c'est vraiment un bonheur car, bien entendu, je ne connais pas celles que tu connais et inversement. C'est donc très enrichissant !
      Nous ne les sortirons pas toutes, certes, mais celles que nous parviendrons à exhumer vengeront les autres (peut-être).

      Merci Colo, il fait un temps magnifique ! ;)

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