J'ai longtemps cru qu'un.e personnage célèbre qui faisait l'objet d'un roman mais dont l'image n'apparaîtrait pas sur la couverture du livre dont le nom (ou le surnom) ferait oeuvre de titre, serait du moins remplacé.e par un objet lui ayant appartenu, un paysage qui lui fut familier, je ne sais pas moi, quelque chose qui ne dénaturerait en rien la personne pour laquelle l'auteur/trice aurait consacré une oeuvre tout entière.
Et bien je me trompais.
Lorsqu'il s'agit d'une femme, il n'est plus du tout indispensable de voir apparaître son visage sur la couverture du livre la concernant ni quoi que ce soit en rapport avec elle !
On peut sans problème aucun remplacer son visage par celui d'une autre femme. Cette autre femme n'a pas besoin d'être parente, ni contemporaine, ni même compatriote.
La preuve : dans la librairie du château de Pau, je suis tombée sur ce livre...
"Mais c'est Sibylle de Clèves de Cranach ! me suis-je exclamée, que fait-elle sur cette couverture ?"
La libraire a retourné le livre et lu la légende. Le personnage que je venais de citer y était bien indiqué. La dame ne fut pas moins surprise que moi et s'est mise à chercher désespérément une explication.
Sibylle de Clèves ferait une meilleure reine Margot que la reine Margot...euh...
Oui ce portrait tronqué d'une Sibylle aux cheveux défaits...très importants les cheveux défaits, plus importants que la réelle identité, dans le monde de l'Oréal....
Il n'y a pourtant pas la moindre ombre de rapport entre Sybille de Clèves ou plus exactement la duchesse Sibylle von Jülich-Kleve-Berg (1512-1554), devenue électrice de Saxe par alliance, une grande chasseresse allemande, donc, du début du XVIe siècle, qui vous transperce un daim au galop d'un seul coup de lance et qui fut très heureuse en amour, la soeur d'Anne de Clèves et d'Amalia de Clèves dont j'ai déjà parlé ici et la pauvre Marguerite de Valois (1553-1615), juste une reine de France parmi les autres mais quand même sujet du livre "La reine Margot" d'Alexandre Dumas.
C'est que l'on s'en fiche, n'est-ce-pas ?
Quel tollé si à la place de la tête d'Henri IV, roi de France (1553-1610), on décorait un roman à lui consacré avec le portrait de l'électeur de Saxe, Jean-Frédéric le Magnanime !
Mais quand il s'agit de nous, les femmes, notre identité étant sans la moindre sorte d'importance (voir post précédent sur les noms et prénoms des peintresses), on ne va pas en faire un fromage, n'est-ce-pas ?
Ajout du 30.07 : cliquez ici pour avoir la réponse à l'argumentation des éditions folio justifiant le choix de cette couverture.
Ça c'est tout à fait incroyable!!!
RépondreSupprimerPourquoi pas Claudia Schiffer tant qu'ils y sont....Mais bon, pourquoi ne pas envoyer ton billet à la maison Folio?
Une idée positive, non?
A Colo : Avant cela, il y avait Isabelle Adjani dans le film "La reine Margot". Cela se justifiait encore à peu près comme image de couv', mais cette fois, c'est vraiment abusif.
RépondreSupprimerEnvoyer mon billet à la maison Folio ? Oui, tu as raison. Je vais le faire.
Ils se choisissent une jolie peinture, une jolie fille (les filles doivent être jolies, c'est plus vendeur sur une couv, ici en l'occurence) et peu importe qui elle est ! Soit ils sont incultes eux-mêmes (les éditeurs ne valent pas mieux les autres), et ils jouent sur l'absence de référents féminins, soit ils poursuivent un programme politique de négation des femmes historiques et auteures. L'un n'exclut pas l'autre, ni l'autre l'un, tout bénef de toutes façons. Toi tu l'as vu, mais moi, je n'aurais vu que du bleu. Ils jouent en plus sur l'ignorance des gens ! Ça fait trois excellentes raisons de les trouver méprisables.
RépondreSupprimerMieux vaut tard que jamais? Le 10 mai 2012, le pape Benoît XVI a étendu le culte liturgique de sainte Hildegarde à l'Église universelle, dans un processus connu sous le nom "canonisation équivalent». Le 28 mai 2012 le pape Benoît XVI annonce la future proclamation d'Hildegarde de Bingen comme Docteur de l'Église le 7 octobre 2012, faisant d'elle la quatrième Docteur de l'Église femme après Catherine de Sienne, Thérèse d'Avila et Thérèse de Lisieux. Cette reconnaissance est la plus grande reconnaissance de l'Église catholique, reconnaissant par là même l'exemplarité de la vie mais aussi des écrits d'Hildegarde comme modèle pour tous les catholiques.
RépondreSupprimerA Hypathie : oui tu as raison, il faut qu'elle soit belle avec quelque chose de dévergondé dans l'allure et peu importe si ni la personne ni l'époque ne correspond. Qui connaît son vrai visage et qui distingue le début du XVIe de la fin du XVIe ? De plus, on a estompé le tissu blanc qui recouvre le décolleté ce qui donne l'impression que le collier du portrait repose sur sa peau nue.
RépondreSupprimerAutre détail : sur ce portrait Sibylle de Clèves est âgée de 14 ans. C'est une gamine !
A jfs47 : voilà une excellente nouvelle qui me console de cette supercherie historique dont je parle plus haut. Merci beaucoup à vous pour l'info ! Une docteur de l'Église, voilà qui n'est pas rien ! Hildegarde de Bingen serait comblée, je pense.
@Euterpe, je crois bien que de son vivant elle n'a pas été ménagée par "sa""hiérarchie. Alors oui juste retour des choses.
RépondreSupprimerQuelle légèreté, c'est incroyable ! Cela mérite en effet un courrier vers Gallimard/Folio. Je me joins à ta protestation.
RépondreSupprimerA Tania : merci. Peut-être devrions-nous être plusieurs à écrire ? J'ai envoyé un courrier à presse-folio@gallimard.fr. mais est-ce la bonne adresse ?
RépondreSupprimerDes femmes interchangeables et surtout très jeunes ? Tiens ça m'inspire d'autres sujets brûlants évoqués ailleurs!
RépondreSupprimerHeureusement qu'il existe des "portraitistes" telles que vous . D'accord avec Tania,ça mérite au minimum une protestation auprès de l'éditeur et si c'est la bonne adresse je leur écris aussi.
A coup de grisou : n'est-ce pas ? C'est tout le temps la même "histoire" ! Il est vraiment indispensable de donner des noms et des biographies aux femmes sans quoi elles sont exploitées même mortes avec pour finalité d'abuser les vivantes.
RépondreSupprimerC'est consternant.
Merci d'avance pour votre intervention et votre solidarité ! En fait, je n'ai pas trouvé d'autre adresse. Ils feront suivre, je pense.
Je profite de l'occasion et du thème pour vous réencourager à allonger (un peu) vos billets pour en faire des biographies sinon complètes, du moins publiables en recueil.
RépondreSupprimerDe nombreux blogs franchissent le pas (Aliocha, Maitre Mo, Petiteanglaise...) même en auto-publication: les techniques actuelles permettent de faire du faible tirage à pas cher. Et cela permettrait à vos lecteurtrices (comme dirait Gotlib) de diffuser votre travail au-delà du web (qui est encore loin d'être la vraie vie).
Merci Anonyme. Mais, en fait, ce blog est réalisé en marge d'un autre projet. Lorsqu'au cours de mes recherches je tombe sur une biographie ou un traitement particulier de la femme dans l'histoire, j'en fais un billet.
RépondreSupprimerMais lorsque mon projet initial sera achevé, je reprendrai mes esquisses de bios jetées à la va-vite ici, les corrigerai, les complèterai et les imprimerai, en effet. Actuellement, je tente de ne pas trop me disperser, ce qui n'est pas évident.
Mais c'est du grand n'importe quoi!!
RépondreSupprimerComme dit Hypathie, j'y aurais cru aussi, car je n'ai pas les connaissances historiques et artistiques aussi développées que les tiennes. Heureusement qu'il y a des personnes averties qui montent la garde! ;¬)
Bien hâte de voir quelle sera la réponse de Folio ; si réponse il y aura...
Non mais... maintenant que je suis au fait, je me sens insultée!
A Lucrecia Bloggia : oui on se moque vraiment de nous ! Si encore on ignorait complètement qui est représenté dans ce portrait...et même ! Il y a assez de portraits de Marguerite de Valois ! Juste, ils ne correspondent pas à l'image de traînée qu'en a donné Patrice Chéreau. Normal, elle n'en était pas une et les tenues françaises étaient plus strictes que les tenues allemandes. En Allemagne, les femmes étant plus libres depuis longtemps. Cette différence entre la France et l'Allemagne n'a d'ailleurs pas changé.
RépondreSupprimerincroyable effectivement!
RépondreSupprimerDes détails qui n'en sont pas, et qu'il est important de relever!
A Eimelle : oui, on ne peut pas accepter que tous les moyens soient bons pour vendre et se laisser raccoler par le biais d'une telle supercherie.
RépondreSupprimerDécidément de plus en plus de blogs ne passent plus intégralement via Internet explorer, je n'ai retrouvé le tien en entier que via Google chrome, je ne sais pourquoi.
RépondreSupprimerJ'ai écrit à l'adresse suivante : presse-folio@gallimard.fr mais l'important c'est que cela atteigne son but. Je vais le transférer à l'adresse que tu donnes, insister ne fera pas de tort.
A Tania : oui, explorer est dépassé par Mozilla firefox, chrome et d'autres navigateurs maintenant. Moi, j'ai firefox, en fait. Je ne sais pas comment se fait le passage entre certains navigateurs, apparemment entre firefox et chrome ainsi qu'entre explorer et chrome, il y a des facilités mais pas trop entre explorer et firefox.
RépondreSupprimerGénial ! Je suis ravie que tu aies écrit ! Je suis vraiment intriguée de connaître leur réaction. Moi je n'ai toujours pas de réponse. Je vais insister également si à la fin de la semaine je ne vois toujours rien venir !
J'avais jamais réalisé ce genre de chose, et pourtant je suis persuadée que ça arrive bien souvent. Je m'amuserai à regarder ça la prochaine fois en librairie !
RépondreSupprimerEn fait, au début de ton billet je me suis dit "bof, c'est normal" ; c'est quand tu as fait la comparaison avec Henri IV, que je me suis dit "non, ce n'est pas normal"
Merci Euterpe ;)
A Elfvy : en fait, c'est une cercle vicieux. On est invisibilisé, cela nous rend plus facilement interchangeable. Moins on a d'identité et moins notre identité a d'importance. Et moins notre identité a d'importance plus on peut nous interchanger. C'est exactement l'inverse chez les hommes. Ils sont suridentifiés. On est en permanence matraqué par leurs noms, leurs visages, leurs biographies (affiches, magazines, télé, livres, films, etc..). Il est donc impossible d'opérer une telle substitution avec eux.
RépondreSupprimerJ'ai apprécié le roman pour sa qualité littéraire mais surtout la vraie biographie de cette femme qui était libre dans ce monde-là, et n'a jamais vraiment été dupe du mariage de raison qu'on lui avait imposé.
RépondreSupprimerElle s'en est libéré très vite.
C'est vrai que changer la couverture est quand même problématique...
Je tacherai de passer plus souvent.
Bon article.Amicalement.
A Rosa L. : merci pour ton passage.
RépondreSupprimerComme sa mère Catherine de Médicis, Marguerite de Valois était une brillante politique. A postériori, on a fait de la mère un monstre et de la fille, on est en train de faire une putain/une légende (les deux), bref, elles perdent tout caractère humain. Pendant ce temps on humanise des tyrans sanguinaires.
Que fera t-on de nos femmes politiques actuelles dans quelques temps ?
Sinon, oui, le roman en lui-même est plutôt de grande qualité.
Bonjour, je travaille chez Gallimard pour la collection Folio classique; j'ai répondu par mail à l'une de vous dès réception du message, le 2 juillet. Je m'étonne que ma réponse ne figure pas ici. La voici:
RépondreSupprimerLes couvertures de Folio, et tout particulièrement de Folio classique, sont rarement illustratives. Elle sont évocatrices d'une atmosphère, d'une idée, d'un message. Il ne s'agit de privilégier ni la vérité historique, qui n'est pas le propos principal d'une oeuvre de fiction, ni la beauté, bien discutable de manière générale. La reine Margot de Dumas n'est pas simplement l'héroïne historique: elle est aussi et surtout un personnage de fiction, recréé et rêvé par Dumas. Nulle démagogie de notre part quand nous illustrons La Reine Margot par une magnifique photo de Jeanne Moreau dans le film de Jean Dréville de 1954, dans notre ancienne édition de l'oeuvre. Nulle erreur historique quand, dans notre nouvelle édition du roman, nous l'illustrons par un autre personnage. Nous refusons simplement les lectures au pied de la lettre. Et nous appliquons ce principe aux personnages féminins comme masculins: pour illustrer Jeanne d'Arc de Michelet nous mettons une photo de Jean Seberg dans le film d'Otto Preminger, Sainte Jeanne; pour illustrer Henry V de Shakespeare, nous ne choisissons pas un portrait du roi Henri V mais une miniature médiévale représentant deux chevaliers. Enfin, quant à la question du féminisme, il est mal à propos d'accuser une profession, celle d'éditeur, mais aussi de graphiste et d'attaché de presse, particulièrement féminisée, notamment chez Gallimard. Nous sommes sensibles à la question des femmes, attentifs à ce que nos couvertures ne heurtent aucune sensibilité, sans pour autant nous interdire de susciter la réflexion. Et nous ne mettons pas de politique dans des domaines, la littérature et l'art, qui ont souvent pour rôle de transcender les préoccupations politiques et communautaires.
Blanche C.
A Blanche C. : je n'ai pas eu votre réponse (peut-être un problème avec ma boîte mail) mais une autre personne l'a reçue et me l'a fait parvenir. J'ai donc rédigé un billet sur une réponse de vous qui ne m'est pas adressée. Elle se trouve ici :
RépondreSupprimerhttp://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2012/07/affaire-sibylle-de-valois-suite.html
Vous y verrez que vos arguments ne sont pas recevables et ne justifient en rien le choix de cette couverture.
Vous y apprendrez, entre autres, que contrairement à Jeanne Moreau, Sibylle de Clèves n'a jamais interprété le rôle de Marguerite de Valois au cinéma et n'a jamais rien eu à faire avec elle de près ni de loin étant morte un an après sa naissance et dans un tout autre pays que la France.
Et ceci n'est que la réponse à l'un de vos arguments. Lisez plutôt le billet-réponse et vous comprendrez que pas un seul des arguments que vous utilisez ne tient la route.
RépondreSupprimer