mercredi 4 avril 2012

La princesse comme modèle de la féminité au profit de l'homme

Trouvée sur le blog " Je putréfie le patriarcat" sous la rubrique "Disney, l'apprentissage du sexisme", cette image sur les bêêêlles princesses des films de Disney qui ont alimenté notre imaginaire de petite fille (oh la belle robe rose ! Oh la belle robe bleue !) m'a donné envie d'en faire un billet.

1. Blanche-Neige : sa sexualité naissante représentante une menace pour une autre femme, elle est donc tuée. Son unique atout, sa beauté physique, est ce qui la sauve à la fin.

2. La Belle au Bois dormant : fiancée dès la naissance pour consolider une position politique, elle est tout de même tuée par une autre femme. Son propriétaire..hem...fiancé la sauve avec un baiser. Le sexe est donc son unique recours.

3. Jasmine (Aladin) : cette princesse doit être mariée parce que la loi le requiert. Sa répugnance pour le mariage cause à son puissant père toutes sortes de problèmes. Elle est réduite en esclavage par un autre homme puissant et ne doit son salut qu'à la ruse d'un vagabond.

4. Arielle (La petite Sirène) : Celle-ci change radicalement son apparence afin d'être plus attirante pour un homme. Le prix à payer : ne plus pouvoir parler. Pas de problème, elle n'a rien à dire de valable de toute façon. Elle est sauvée par un prince.

5. Belle (La Belle et la Bête) : Elle sauve la vie d'un prince avec son seul atout : sa sexualité.

6. Cendrillon : Elle est sauvée de terribles conditions de vie par un prince. Il ne le fait pas parce que ces qualités de travailleuse acharnée le séduit mais parce qu'elle est belle.


Conclusion : Mesdames soyez belles et taisez-vous, c'est tout ce que l'on attend de vous.


Ces contes sont anciens et d'inspirations diverses :

1. Blanche-Neige est une déformation de la légende de Proserpine. Elle ne doit manger aucun fruit en Enfer où elle est recluse, enlevée par Pluton, le Dieu des Enfers. Mais comme elle a mangé une grenade et donc de la nourriture des morts, elle doit rester en Enfers. Sur cette trame de base s'est greffé des histoires de second mariage et de jalousie de belle-mère à belle-fille, apparemment un problème récurent au XVIIIe siècle quand les frères Grimm ont écrit leurs contes.

2. La Belle au Bois dormant a pour origine un conte du XIVe siècle "Perceforest"
: Le vent Zéphyr, se présentant sous la forme d’un oiseau, propose à Troïlus de le transporter dans la tour où la belle Zellandine, victime d’un enchantement a été condamnée à se piquer d’une écharde la première fois qu’elle filerait, par Thémis qui n’avait pas trouvé comme ses consœurs fées de couteau sur la table du repas de naissance et se venge. Troïlus s’éprend de la jeune endormie et couche avec elle sans la réveiller.Toujours endormie, elle accouche neuf mois plus tard d’un nouveau-né, qui cherchant le sein de sa mère, tète son doigt. L’écharde sort et Zellandine revient à la vie.
L'histoire selon Disney et les frères Grimm pioche également dans celle de Brunehilde, personnage mythologique allemand :
(extrait) pour la punir de lui avoir désobéi, Odin maudit Brunehilde d'un sommeil magique et l'enferme dans un mur de flammes que seul un homme qui ne connaît pas la peur pourra traverser. Après avoir tué le dragon Fáfnir, le héros Sigurd goutte son sang et comprend alors par magie le langage des oiseaux, et il est conseillé par des mésanges de libérer la valkyrie Brunehilde. Il se rend au lieu de repos de celle ci et traverse le mur de flamme avant de réveiller la valkyrie. La valkyrie enseigne sagesses au héros, secrets et conseils, puis ceux-ci se quittent en se faisant serment de mariage.

3. Aladin et Jasmine : tiré des Mille et une Nuits, la version disneyenne est très éloigné du conte d'origine : Aladin qui parvient à maîtriser les pouvoirs d'une lampe magique devient assez riche et puissant pour obtenir la main de la fille du roi. Mais son méchant maître tente alors de récupérer la lampe, notamment en exploitant l'ignorance de la femme d'Aladin, qui cède la lampe pour des babioles. Aladin doit alors de nouveau faire preuve de ses capacités à récupérer ou conserver la lampe, et finalement triompher. Sa femme dont on ne connaît pas le nom joue un rôle négligeable dans l'histoire.

4. Arielle : Andersen a entièrement crée la conte de la Petite Sirène mais à l'origine
les sirènes étaient des femmes normales, elles auraient été les compagnes de Proserpine (en grec Perséphone ; ce qui nous ramène à Blanche-Neige), et auraient laissé Pluton (en grec Hadès) l'enlever. Comme punition pour ce crime elles furent transformées en sirènes et chantaient par la suite des prophéties ou des chansons relatives aux Enfers, le royaume d'Hadès. Euripide évoque le caractère funéraire des sirènes ce que confirment les représentations de sirènes sur des stèles funéraires.

5. La Belle et la Bête : Apulée en a fait un conte appelé l'Âne d'or mais en fait il s'agit du mythe d'Amour et Psyché. Extrait de l'Âne d'Or : Un roi et une reine ont trois filles très belles mais la plus jeune est d’une telle beauté qu’elle éclipse celle de Vénus, au grand dépit de celle-ci.
Vénus appelle son fils Amour. « Venge ta mère. Rends Psyché amoureuse de l’homme le plus vil. »Psyché est admirée comme une belle statue, personne ne demande sa main, elle pleure sa solitude. Ses deux sœurs ont épousé des grands rois. Le père consulte les oracles: « Expose ta fille pour un hymen funèbre, un monstre l’emportera. » Désolation. Psyché est abandonnée sur un rocher. Zéphyr l’emporte dans un lieu paradisiaque, près d’un merveilleux palais. Psyché y entre. Elle entend des voix mais ne voit personne. Bain, repas, concert, elle est somptueusement servie. Elle va se coucher. Dans l’obscurité, un mari inconnu fait d’elle sa femme et part avant le jour. Et ainsi jour après jour. L'histoire complète est très longue. Voir ici.

6. Cendrillon qui n'a pas de nom dans le conte que nous connaissons, s'appellerait
d'après le géographe grec Strabon, Rhodopis (Yeux de rose), du moins en ce qui concerne l'affaire de la pantoufle de vair : « Un jour, comme elle était au bain, un aigle enleva une de ses chaussures des mains de sa suivante, et s'envola vers Memphis où, s'étant arrêté juste au-dessus du roi qui rendait alors la justice en plein air dans une des cours de son palais, il laissa tomber la sandale dans les replis de sa robe. Les proportions mignonnes de la sandale et le merveilleux de l'aventure émurent le roi; il envoya aussitôt par tout le pays des agents à la recherche de la femme dont le pied pouvait chausser une chaussure pareille; ceux-ci finirent par la trouver dans la ville de Naucratis; et l'amenèrent au roi qui l'épousa et qui, après sa mort, lui fit élever ce magnifique tombeau. » (à savoir la pyramide de Mykerinos à Gizeh). Là-dessus c'est greffé au fil du temps l'histoire de la fille d'un premier mariage persécutée par la nouvelle épouse pour que l'héritage aille aux enfants du second lit.
conte_de_fee


AH ! L'univers des contes ! Il n'est pas aussi féérique que cette image voudrait bien le fait croire !

J'ai l'impression que ce billet fait un peu écho à celui de Sandrine qui parle des représentations de femmes sans tête en train de se multiplier dans notre paysage iconographique. La tête c'est la parole. Les princesses de Disney sont priées de se taire. Celles qui ont des voix tombent dans un profond sommeil (donc ne peuvent parler) ou doivent cacher leur véritable identité (Cendrillon, par exemple (mais qui n'a, en fait, pas d'identité)).

13 commentaires:

  1. Ça prouve que l'humanité n'arrête pas de recycler ses vieux mythes à travers les époques et les supports artistiques. Mais quand même, les animations et histoires sucrées de Disney pour faire passer la pilule de l'injonction sexuelle sous peine de mort, ou en tous cas d'inutilité aux femmes, c'est terrifiant.

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  2. A Hypathie : j'ai un peu l'impression que l'on demande à la fille de se mettre en état de coma profond en attendant l'homme qui voudra bien d'elle. En état de passivité absolue, en fait. Bon, OK, la passivité absolue c'est la mort, finalement.

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  3. L'état de coma: ça dit tout!! Ca veut surtout dire qu'ils nous préfèrent à l'état de cadavres, d'absentes et de mortes vivantes - juste suffisamment vivantes pour qu'ils puissent continuer de se servir de nous. Leur idéal de femme c'est la femme-robot-poupée-gonflable: la quintessance de l'objet déshumanisé.

    Toutes les motivations et stratégies de domination des hommes sont contenus dans leurs mythes patriarcaux, il suffit de les renverser pour voir leur réalité. C'est comme pour la psychanalyse, ils sont complètement limpides dans leurs intentions.

    C'est super d'avoir traduit les descriptions!

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  4. @ A ginva : il me semble qu'avec le temps la violence des contes est plus insidieuse. Par exemple, dans le mythe de Proserpine, il y a enlèvement et viol. Dans les contes selon Walt Disney, les jeunes filles décident elles-mêmes de s'esclavagiser : de se piquer le doigt, de se priver de leur propre voix, d'accepter un cadeau empoisonné, etc...Elles n'ont plus qu'à s'en prendre à elles-mêmes. Les éléments masculins n'ont que des beaux rôles et à part dans "Aladin" les méchants sont toutes des méchantes.

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  5. Oui c'est très juste ce que tu dis, et justement: ça inclut toutes les stratégies patriarcales:
    inversion de la responsabilité (tout est de sa faute), isolement de la victime (toutes les héroïnes ont perdu leur mère) division pour mieux conquérir (les femmes sont mises en compétition entre elles pour gagner l'attention des hommes) faire le vide autour de la victime et organiser sa détresse de sorte qu'il puisse lui faire croire qu'elle ne soit rien sans lui - pour déclencher un attachement traumatique à lui; rapprochement de la victime par la mise en confiance et la séduction, pour renforcer chez elle le sentiment d'obligation et de redevabilité.
    Sadisme envers elles; soit par les hommes ou par des alliés qu'il a recrutés pour faire le sale travail de "dressage" à sa place. Verrouillage du secret(elles ne peuvent pas parler de leurs souffrances), promotion et érotisation du coït et de l'appropriation des femmes par les hommes, et promotion de l'appropriation des femmes par les hommes et le coït comme unique moyen pour les femmes de se sauver de leurs souffrances (mensonge et inversion). Promotion érotisation des hommes comme tout-puissants et les femmes comme toutes impuissantes et faibles. Il y en plein d'autres encore, là c'est juste les premiers mécanismes qui me viennent à l'esprit!!

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  6. Je partage cette analyse, mais venant de lire quelques contes de Grimm (version + ou - originale) à mes enfants, je crois que c'est encore pire que Disney. Les héroïnes ne sont décrites que pour leur beauté, et dans leur caractère la douceur, la piété, l'humilité sont les vertus cardinales... et moins elles causent mieux elles se portent ! Aujourd'hui nous avons vu Merlin l'enchanteur de Disney, où il n'y a pas de princesse, et pour cause, il n'y a à peu près pas de femme du tout (la sorcière Mim + 2 femelles écureuils). Je suis partagée entre leur faire découvrir ce que j'ai apprécié dans mon enfance et faire le tri (il ne va pas rester grand chose :/). Sans doute une option intermédiaire en commentant avec eux...

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    1. Bonjour,il existe aussi toute une littérature jeunesse non sesiste qui fait rêver les enfants.
      Il faut apprendre à sortir des sentiers traçés. Ne pas hésiter à narrer à ces nouvelles générations des histoires ou les Femmes sont l'égales des Hommes!

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    2. A Anonyme : très juste mais cette littérature reste marginale et les adaptions ciné encore plus. En attendant que cela change, il faut continuer à dénoncer le bourrage de crâne de masse. C'est indispensable.

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  7. A A. Ginva : tout à fait d'accord et du coup la majorité des femmes s'accrochent aux hommes comme à des bouées de sauvetage sans savoir qu'elles sont victimes d'un piège mental mis au point par les hommes eux-mêmes.

    A La poule pondeuse : j'aurais tendance à penser que Disney est pire parce qu'il a fabriqué des personnes totalement inhumains et invraisemblables. Des filles qui ne sont QUE belles, des belles-mères qui ne sont QUE méchantes.
    Elles sont effrayantes pour l'âme féminin. Les unes parce qu'elles présentent un idéal auquel aucune fille ne peut accéder puisqu'il est irréel et les autres parce qu'elles font croire à un sadisme féminin illimité. Les unes sont des grandes saintes et des miss univers, les autres d'horribles criminelles qui ne pensent qu'à tuer. Dans les contes de Grimm les personnages sont un peu plus nuancés. La belle-mère de Blanche-Neige n'est pas réellement une sorcière (Disney fait croire que c'est son vrai visage) elle est juste méchante et Blanche-Neige s'en venge cruellement ce qui prouve qu'elle peut aussi l'être !
    Le mieux est peut-être de raconter aux enfants toutes les versions existantes et de les amener à comprendre le sens qui s'y cache. Les faire dessiner et raconter ce qu'ils/elles en ont retenu et ce qu'ils/elles en pensent.

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  8. Je trouve que votre analyse des princesses de Disney est très juste. En effet, les injonctions sur les rôles des sexes, mais surtout sur le rôle des femmes, ne changent pas beaucoup, malgré un féminisme qui l'a très tôt dénoncé. Mais lorsque je vois ma fille devant la version dessin animé de Barbie, je trouve que ce n'est vraiment pas mieux que Disney et qu'il dépasse les bornes. De plus, lorsqu'on lit les génériques, il n'y a presque uniquement des hommes derrière ces dessins animés qu'ils destinent aux petites filles.
    Mais, je me pose quand même une question. Quel comportement avez-vous lorsque vos filles demandent à regarder ces programmes ?

    Mickaël

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  9. A Mickaël : je ne sais que vous dire car moi je suis très radicale et j'ai évacué la télé de mon existence ce dont ma fille me remercie aujourd'hui. Néanmoins je me demande ce que cela aurait été si je ne l'avais pas fait parce que j'observe que cela ne l'empêche en rien de se montrer archi conditionnée et Barbie semble aussi être son principal modèle. Par opposition ? Je n'en sais rien. En tout cas il me semble que chercher à éveiller l'intérêt des filles vers les sports ou les arts peuvent les aider à se détourner de l'obsession de l'apparence que tous ces films et émissions leur inculquent à leur insu.
    Pas complètement mais cela peut limiter les dégats.
    Les parents ont les mains liées, en fait. On ne peut qu'essayer de limiter les dégats mais c'est tout. Le conditionnement se fait à trop de niveaux.

    Ne la blâmez pas pour ses goûts mais si vous aimez le foot jouez au foot avec elle. Faites comme si c'était un garcon. Le père a beaucoup plus d'influence sur ses filles que la mère. Elle aimera tout ce que vous aimerez partager avec elle. Cela l'aidera beaucoup à ne pas devenir trop formatée.

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  10. Je suis totalement d'accord avec l'article, et merci de remonter jusqu'aux origines de ce contes que nous connaissons tous.
    Mais bon... Dans la Belle et la Bête, la version Disney, la Belle a quand même un cerveau : elle aime lire plus que tout, elle refuse la main du macho Gaston et tombe amoureuse de la Bête malgré une apparence très repoussante. Elle le sauve avec son amour, nous sommes d'accord, mais le sauve toute de même. Je suis féministe dans ma tête et dans mon coeur, et pour moi il n'est pas question de comparer la Belle, qui va sauver son père et se sacrifie pour lui, et qui est tout de même l'héroïne du dessin animé, à Blanche-Neige qui pour le coup fait figure de fausse héroïne/vraie potiche.

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  11. A Anonyme : oui, je comprends. Mais la femme n'est pas là pour "sauver" un homme. Les couples qui démarrent de cette manière : un homme dans une situation critique et la femme qui le sauve ou l'inverse sont tous dysfonctionnels. Il doit y avoir égalité entre deux êtres, il n'y en a pas un qui doit se mettre au service de l'autre. Or dans ce cas, comme dans celui d'Arielle par exemple, les qualités d'indépendance de l'héroïne doivent être mis en retrait au bénéfice de l'époux potentiel qui est dans le besoin.

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