lundi 17 juin 2013

Dans la littérature, les femmes se livrent par lots de treize

Le Magazine littéraire nous refait la condescendance de s'intéresser au paquet indifférencié nommé "femmes" qui doit apparemment faire de la littérature en bande organisée comme des "malfaitrices", style les Femen en Tunisie, n'est-ce pas, puisqu'il paraît qu'il faut les présenter en bloc ou pas du tout.
Après les romancières françaises d'il y a trois ans, voici les romancières américaines. Mais la couverture de ce magazine très virilo-viriliste ne nous montre même pas la photo reconnaissable d'une écrivaine un peu connue (oxymore). Elle nous fait voir un tableau américain connu représentant des créatures d'aspect féminin par leur vêtement (porte-manteaux ?) anonymes, oeuvre d'un mâle américain hyperprésent partout que je ne nommerais pas pour ne pas participer au matraquage masculino-masculiniste ambiant à tous les étages.

Il y eut les romancières italiennes en...2002, les romancières anglaises quelque part en 2008, un exceptionnel numéro consacré à une seule femme (caricaturée en couverture) : Virginia Woolf (en 2004), l'exception faisant la règle. Avec les romancières françaises en 2010, voilà pour les années 00.
Et trois ans après les romancières françaises, voilà un nouveau tas de femelles qualifiées d'américaines (comme dans la prostitution, on distingue les femmes par leur nationalité) sur une trentaine de pages (pour 98 en tout), les autres étant toutes consacrées à la divine mâlitude. Pas moins de 42 trombines d'hommes illustrent cet hymne aux merveilleuses Américaines qui écrivent au lieu de servir le thé, avec comme Dieu des dieux, l'insipide Paul Auster portraitisé pas moins de 4 fois dans ce numéro dont une en couverture !

Car il ne faut pas s'y tromper : la littérature américaine a ses femelles, certes et on peut les encenser un peu genre machisme bienveillant pour pas trop faire sectaire, mais son vrai héros des Lettres avec un grand "L" made in America, c'est le grand neutre universel Paul Auster qui ne doit rien à ses couilles, bien entendu.
C'est pourquoi pas une seule photo des treize femmes présentées à l'intérieur ne figure sur la couverture d'un magazine soi-disant consacré aux dames, par contre, la bobine de monsieur yeux-globuleux-front-déployé façon : "j'ai un cerveau de ouf" y est partout car il est le seul qui compte vraiment.
Quant à ce que la Magazine littérature consacre encore un numéro à une seule femme comme ce fut la cas il y a 9 ans pour Virginia Woolf, il ne faut pas rêver, cela restera la rareté des raretés. Même un magazine pour deux, trois, quatre voire cinq femmes en couverture serait déjà trop honorifique pour une espèce dépourvu du vénéré des vénérés service trois pièces externes (plutôt qu'interne).
Il faut au moins une suicidée (les femmes qui se suicident sont particulièrement bien vues par la mâlitude ).
Pour les coriaces qui tiennent le coup jusqu'à leur mort naturelle, il en faut treize pour égaler un homme, et encore, car sur la double page 80/81 quelques autres noms féminins sont cités en sus.
Lisez ce numéro et si vous vous rappelez ensuite sans effort d'un seul de tous ces noms féminins, je vous dis bravo.      

6 commentaires:

  1. Première fois que je lis chez autrui ce que je pense de Paul Auster : à mourir d'ennui et de vide. J'ai lu un bouquin de lui vers 20 ans en préparant un voyage aux Etats Unis. Je m'étais dit qu'il fallait que je connaisse un peu la culture américaine (au delà des séries TV), j'avais pris plusieurs bouquins au hasard sans connaitre les auteurs ni leur réputation. A l'époque mon esprit était bien façonné par mon éducation scolaire et la culture ambiante il n'y avait de littérature que male (en cours je n'ai jamais jamais jmais étudiée que des auteurs hommes, pendant des années scolaires disont de la sixième à maths spé, ça fait quelques années!) donc dans mes choix il y avait cet auteur qui m'est tombé des mains et d'autres qui me sont aussi tombé des mains, j'ai découvert après qu'ils étaient très célèbres et reconnus. Je ne sais vraiment pas pourquoi.
    En revanche, quand Toni Morrison a eu le prix Nobel, j'ai découvert son oeuvre, je crois que c'est l'un des auteurs les plus forts que j'ai lu, beloved ou paradise sont d'une force que je n'ai jamais trouvé ailleurs. Carson est tout en subtilité, après avoir lu ses livres on grandit.
    J'ai pris le contre pied de mon éducation scolaire et culturel et je lis des bouquins écrits par des femmes ( j'ai eu mon compte des bouquins écrits par des hommes) je suis beaucoup moins souvent déçue. Je prends des auteures très reconnues, il y en a tellement que le choix est vaste d'ailleurs.

    17 juin 2013 22:21

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    1. N'est-ce pas ? Moi non plus je ne sais pas pourquoi il faut porter un auteur si inintéressant aux nues. Tout ce qu'il écrit est plat, incolore, inodore et sans saveur.
      A mon avis, la plupart des critiques littéraires reconnaissent chez lui le vide de leur propre perception. Plus d'originalité et de relief les déstabilisent alors que Paul Auster les rassure.
      Quant à Toni Morrison, pareil : j'adore. En plus elle a écrit des livres pour enfants formidables.
      (Excuse-moi si ton commentaire n'apparaît que maintenant mais je ne sais pas pourquoi tes commentaires atterrissent chaque fois dans mes spams !).

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  2. Vous avez entièrement raison. En voyant ce titre en librairie (oui ça arrive même jusque dans nos petites communes) je me suis dit exactement la même chose: on ne fait jamais une "édition spéciale écrivains hommes" .
    On a l'impression qu'ils nous disent "C'est vrai elles existent mais parlons-en vite en bloc de ces extra-terrestres et repassons aux choses sérieuses" le mois prochain.
    Il est vrai que cette revue ne compte à sa tête que des hommes dont Joseph Macé-Scaron ,transfuge du Point puis du Figaro, omniprésent sur tous les plateaux télé de canal Plus à C à vous...on n'est jamais si bien servi que par soi-même!
    Le magazine littéraire "détenu par la Financière Tallandier (filiale du Point, propriété de François Pinault)." ceci expliquant aussi cela.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Magazine_litt%C3%A9raire

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    1. Par contre dans le comité de rédaction, il y a plein de femmes. Mais sans doute n'ont-elles que peu de conscience féministe et de toute manière peu voix au chapitre quand il s'agit de choisir un titre de couverture et le dosier apparenté.
      Merci pour le lien. Je vais m'en servir pour potasser le sujet "Le Magazine littéraire" de plus près. Je rêve toujours de le voir abandonner sa ligne machiste mais c'est un vain espoir que j'ai là,je crois...

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  3. A propos, on ne cite souvent l'écrivaine Siri Hustvedt qu'en qualité d'épouse de Paul Auster alors qu'elle fournit d'elle-même un travail remarquable. Elle étudie notamment dans ses écrits romanesques et ses essais les recoupements entre sciences cognitives, psychologie et poésie, disant que l'on ne peut comprendre le monde par le seul prisme de la raison, la sensibilité et les émotions sont essentielles à l'avancée de notre pensée. Sa fille Sophie Auster est également artiste, chanteuse, pas ma préférée mais sa voix vaut le coup !

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    1. Merci Ismène, je ne la connaissais pas et je ne sais pas si elle est mentionnée dans la liste des treize + !
      Apparemment Paul Auster adapte des poèmes français (Desnos, Eluard, e.a.) en chansons pour sa fille. Il ne se foule pas pour en écrire lui-même, donc.

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