«Seul avec la nature et vous, je passe
dans mes promenades champêtres des heures délicieuses, et je tire un
profit plus réel de votre Philosophia Botanica, que de tous les
livres de morale. » Cette phrase que Jean- Jacques Rousseau (...) écrit à Carl von Linné en 1771, est celle d’un
élève à son maître.
Linné est la figure emblématique de
l’histoire naturelle européenne au XVIIIe siècle. Ce naturaliste suédois
publie en 1735 l’ouvrage qui allait l’immortaliser : le Systema naturae.
Il y expose une classification rigoureuse des trois règnes de la nature
qu’il scinde en classes, ordres, genres et espèces. Sa classification
des plantes, notamment, lui vaut une renommée planétaire. Linné divise
le règne végétal en vingt-quatre classes selon le nombre des étamines et
leur position par rapport au pistil. La première classe réunit les
plantes n’ayant qu’une étamine, la suivante celles qui en ont deux, et
ainsi de suite, à quelques détails près. La vingt-quatrième classe
réunit les végétaux n’ayant pas d’organes sexuels visibles comme les
fougères ou les algues. Pour bien faire comprendre son système, Linné
explicite la description scientifique de chacune de ses classes par des
métaphores anthropomorphiques que ses détracteurs dénonceront comme «
lubriques ». Avec lui, la botanique devient une science populaire.
Le règne animal est divisé par Linné en six grandes classes. L’être humain,
étudié comme n’importe quelle autre espèce, est placé par lui dans la
classe des « Quadrupèdes », au sein de l’ordre des Anthropomorpha,
en compagnie du singe et du paresseux. (...), nombreux seront ceux
qui, à l’image de La Mettrie, Buffon ou Diderot, protesteront contre ce
traitement infligé à l’homme.
Mais Linné entendra les critiques [de ses collègues franchouillards, entre autres] et, dans la dixième édition de son Systema naturae, publiée en 1758, il substituera au nom de « Quadrupèdes » celui de « Mammifères », et nommera « Primates » ses anthropomorphes. C’est aussi dans cette dixième édition que Linné généralise l’emploi d’une nomenclature binomiale latine pour nommer chaque espèce animale : désormais l’espèce humaine s’appellera Homo sapiens.
(source 1 et 2)
Trois de nos machos français : La Mettrie, Buffon et Diderot ont donc réussi (avec d'autres) à imposer en sciences naturelles la notion de singe humain masculin qui serait un puits de sagesse et qui dominerait le monde y compris le non-masculin.
Même si la religion s'opposait à cette classification depuis toujours et que Linné était un grand croyant, il avait, par son observation attentive de la nature, trouvé tout de même naturel de situer l'être humain parmi les singes.
Notons également le terme de "primate" qui contient la notion de "premier" et donc de hiérarchie chère à la mâlitude.
L'illustration ci-dessous (qui a disparu) provient de l'article du blog "Banquet avec Onfray : "L'homme ne descend pas du singe, nous sommes des singes".
Bon billet, très intéressant! Tu admettras qu'il est franchement difficile de traiter une femme de primate, alors que ça va tellement bien à certains hommes, ce mot...soit dit juste en passant! Bonne fin de journée :)
RépondreSupprimerC'est la mâlitude qui a créé ce mot, pas nous. Ils ont décidé que bon, nous faisions quand même partie des singes (comment le nier complètement ?) mais des singes "supérieurs", attention !
SupprimerCela dit certaines femmes sont très "primates" mais on préfère dire "connes", c'est plus sexiste.
Très intéressante cette histoire de hiérarchisations et de storytelling. Le lien cité du Banquet avec Onfray est assez jouissif aussi.
RépondreSupprimerN'est ce pas ? L'évolution de la femme est particulièrement croustillante ! Malheureusement les images prélevées sur overblog buggent toutes sur Blogger.
Supprimer« (…) Nous formons, nous les femmes, un hémisphère humain. Toutes les lois, tous les mouvements de liberté ou de culture, nous ont laissé dans l'ombre pendant longtemps. Nous sommes toujours arrivées à partager le festin du progrès, non comme l'individu récalcitrant qui tarde à répondre, mais comme le camarade timide que l'on invite avec retard et que l'on dissimule bientôt au milieu du bouquet comme un sot rouge de honte. Mais il sait dans son inconscience que la nature pose sa lumière sur les deux côtés de la planète. Et c'est une loi inféconde que toute loi qui conduit à transformer des peuples sans tenir compte des femmes. Ne croyez pas que je sois en train de faire une profession de foi féministe. Je pense que la femme apprend pour être plus femme encore. (...) »
RépondreSupprimer« Gabriela Mistra, publique et secrète. Biographie du premier prix Nobel latino-américain. » par Volodia Teitelboim. Page 71 . Edition l'Harmattan.
Première femme prix Nobel de littérature.
Gabriéla Mistral
RépondreSupprimerSuperbe ! Dommage qu'elle se sente obligée de dire "Ne croyez pas que je sois en train de faire une profession de foi féministe" d'autant qu'elle FAIT une profession de foi féministe en disant ce qu'elle dit. Faire remarquer que l'humanité est composée de femmes est per se une profession de foi féministe.
Supprimerhttp://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2005/11/gabriela_mistra.html
SupprimerIl me semble que je suis déjà allée sur ce lien mais merci beaucoup !
SupprimerJe me demande effectivement si les hommes sont vraiment des "homo sapiens" mais ne sont pas restés des "homo erectus" car on peut avoir des des raisons de constater que ce n'est pas forcément avec leurs cerveaux...qu'ils pensent. "Erectus" étant bien entendu dans ce cas tout le contraire de l'homme qui se tient debout!
RépondreSupprimerOui "erectus" et aussi "puerilus" ! Je voulais faire un billet sur la néotonie propre à notre espèce : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9ot%C3%A9nie mais je suis dubitative car cette théorie contient beaucoup d'éléments douteux dus à sa perspective comme d'habitude) machiste.
SupprimerNéanmoins "sapiens", c'est vraiment de la vantardise infondée !
Pardon : néoténie et pas néotonie !
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