mardi 17 avril 2012

De Rhodopis à Cendrillon

Cendrillon est composé de deux noms. D'une part le mot cendre, symbole d'humiliation et de pénitence (dans la Bible Jérémie se roule dans les cendres, dans l'Odyssée, Ulysse est assis dessus, les pères de l'Église parlent de pénitents se couvrant la tête de cendres ou vivant dans la cendre), d'autre part, le mot souillon.

Cependant la condition de souillon n'exclut pas de faire un mariage somptueux et est peut-être même un atout. Pourquoi ? Parce que s'humilier et se salir est très bien vu de la part d'une femme dans le système patriarcal. Ceci promet un certain sens de la soumission et de la capacité de réaliser le plus de tâches dégradantes possibles sans broncher.
Il en est tout autre de la condition de souillée qui voudrait dire violée ou abusée.

Cette sorte de figure féminine n'est pas représentée dans les contes car la souillée ne peut être qu'une victime de l'homme, tandis que la souillon peut être la victime d'une méchante vieille femme.
Et je m'arrêterai prochainement sur cette figure récurente qui semble être l'éternel pendant de la gentille jeune fille dans la forme contemporaine que revêt ces contes.
Dans le conte le plus ancien, celui de Rhodopis, la maîtresse de "Cendrillon" est un homme et non pas une femme. Rhodopis est une esclave grecque qui travaille pour un maître égyptien passant la plupart de son temps à dormir et laissant tout le travail à ses servantes. Comme Rhodopis est d'une complexion délicate et qu'en plus elle est étrangère, elle est maltraitée par les autres servantes qui ne cessent de la commander toute la journée.
Mais un jour que son maître la voit par hasard danser toute seule, il lui donne des sandales roses dorées. Les autres servante jalouses de cette faveur traitent Rhodopis plus brutalement que jamais.
Un jour, le pharaon invite le peuple d'Egypte à une célébration à Memphis. Les servantes en profitent pour donner à Rhodopis une liste énorme de tâches à accomplir.
Lavant des vêtements au bord de la rivière, elle pose au soleil pour les sécher ses sandales qui se sont mouillées. Soudain le faucon Horus les voit, en prend une et s'envole au loin.
Rhodopis ne remporte qu'une unique sandale chez elle.
Lors de la célébration qui a lieu à Memphis, Horus laisse tomber la sandale sur les genoux du pharaon. Celui-ci réalise qu'il s'agit d'un signe du Dieu Horus. Il décrète alors que toutes les jeunes filles du royaume doivent essayer cette sandale et qu'il épousera celle dont le pied est assez petit pour y entrer.
Le Pharaon fait chercher sa future épouse dans la maison de Rhodopis qui se cache mais il la voit et lui demande d'essayer la sandale. Elle lui va parfaitement et celle-ci possède même l'autre sandale. Le pharaon annonce donc son mariage avec Rhodopis.
Fin de l'histoire.
Ésope en fait également mention dans ses fables.
(Traduction résumée du Wiki anglais).

L'histoire diffère de celle que nous connaissons en deux points principaux :
1.L'homme est celui qui réduit Rhodopis en esclavage mais du moins il est capable de remarquer que son esclave possède un talent opprimé (le sens du rythme, la grâce et la souplesse que requiert la danse).
2. Le Dieu Horus semble vouloir sortir Rhodopis d'une condition qui ne l'honore pas.
Par contre, le conte ancien comme le conte moderne, donnent à l'homme tout pouvoir sur le destin des femmes. Cendrillon ne s'en sort pas du tout par ses propres moyens. Tout au plus est-elle récompensée par le destin pour avoir un instant laissé libre cours à sa vraie nature (une nature artistique).
Horus qui dans le conte ancien représente une vraie autorité sur toute la société égyptienne de bas en haut, ce qui fait que le pharaon se soumet immédiatement à ses signes, est remplacé dans le conte moderne par une petite fée ventripotante qui n'a d'influence et encore, limitée, que sur des objets à savoir ceux qui vont permettre un cours instant à Cendrillon de se faire voir par l'homme censé la sortir de sa situation d'esclave.
Encore une fois, on voit dans l'"évolution" des contes un très net renforcement du message patriarcal.

2 commentaires:

  1. Tous ces contes, mythes et légendes, c'est au fond du dressage social pour filles !

    RépondreSupprimer
  2. Oui, en effet. Et apparemment ça fait un moment que ça dure !

    RépondreSupprimer