jeudi 12 avril 2012

D'Atergatis à Arielle

Reculons le plus loin possible dans le temps et apprenons d'où vient exactement le personnage de la "princesse" mi-femme mi-poisson qui dans le conte d'Andersen/Disney est nommée "Arielle" (nom hébreu formé d'Arieh et El et qui peut être interprété au sens de "lion de Dieu"). A l'origine, on trouve une divinité : Atergatis. Ci-dessous diverses informations sur cette divinité :


1 - Déesse de la lune, "Atergatis" fut dotée d’une queue de poisson parce qu’elle (...) émergeait de l’océan pour y retourner au terme de son long voyage à travers le ciel nocturne.

Elle devait donc avoir une nature amphibie, moitié humaine, moitié poisson. Ce fut sans doute ainsi que naquit la première déesse à corps de poisson. Bientôt ses vertus prirent de l'ampleur et les légendes à son sujet se mirent à proliférer. Si bien qu'Atergatis a créé des " doubles " que l'on rencontre dans d'autres mythologies sous d'autres noms.
(Site sur les Sirènes ici)
Wallpapers Ariel And Eric Disney Cartoon   1024x768

2 - Déesse des Syriens ; on croit que c'est la mère de Sémiramis ; elle étoit représentée avec le visage & la tête d'une femme, & le reste du corps d'un poisson. Atergatis, dit Vossius, signifie sans poisson ; & il conjecture que ceux qui honoroient cette déesse s'abstenoient de poisson.
(Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ici)

3 - Dercéto ou Adergatis, adorée à Ascalon était-elle la même divinité qu'Astarté ? Différents témoignages d'auteurs anciens porteraient à le croire. L'auteur du second livre des Machabées parlant de la ville d'Astéroth-Carnaïm qui adorait Astarté dont elle portait le nom dit que cette ville était le temple d'Atergata. (...) Les peuples de Syrie, dit-il, mangent du poisson excepté ceux qui adorent Astarté. Strabon (...) il remarque que la déesse de Syrie qui était certainement Astarté adorée à Hiérapolis était la même qu'Atergatis. Si elle était effectivement la même, sa représentation ne l'était point. La statue de la première à Hiérapolis, représentait, selon Lucien, une femme dans toutes ces parties, au lieu que, (...) la têt et le corps était d'une femme et le reste à partir de la ceinture jusqu'en bas était d'un poisson. Elle était ainsi représentée à cause de la fable suivant laquelle s'était précipité dans un lac voisin d'Ascalon où elle avait été métamorphosée en poisson. Ce qui lui avait fait donner les deux noms qu'elle portait de Dercéto et Atergatis ou Adergatis. Dercéto exprimait la chute (...) de darag (...) tomber, se précipiter.
Le second de (...) addir, dag le grand ou magnifique poisson indiquait la métamorphose mais cette prétendue métamorphose n'était qu'une allégorie qui exprimait le pouvoir et l'influence qu'on lui donnait sur les eaux depuis son apothéose, qui avait fixé son séjour dans la Lune.
(Extrait de : "Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres" ici).

4 - Les noms de la Grande Mère sont nombreux : Inanna pour les Sumériens, Ishtar pour les Akkadiens, Anat à Ugarit, Atargatis en Syrie, Artémis-Diane à Ephèse, Baubo à Priene, Aphrodite-Vénus à Chypre, Rhea ou Dictynna en Crète, Déméter à Eleusis, Orthia à Sparte, Bendis en Thrace, Cybèle à Pessinus, Ma en Cappadoce, Bellone à Rome. Les noms pour désigner Isis sont innombrables.
(site sur Isis)

5- Sur le Wiki allemand Atargatis apparaît sur le revers d'une pièce de monnaie. Il y est indiqué que l'attribut de la déesse était la grenade...(tiens, tiens, le fruit* de Proserpine).

* (la grenade est un fruit qui représente l'unité ou l'unification. En effet, il est composé de grains divisibles réunis en un fruit).
6 -Atargatis, la déesse syrienne (Dea Syria), était adorée dans l'Asie mineure hellénistico-romaine dans l'actuelle région qui couvre Israel, la Turquie, le Liban, l'Égypte, Rome et la Grèce. Le lieu de culte [principal] était Bambyke (Hierapolis) en Syrie. On a [aussi] trouvé une statue d'Atargatis à Rome avec un serpent enroulée autour d'elle (tiens, encore une Eve ! (note d'Euterpe)) avec dans ses sept spirales se cachaient sept oeufs.
Ces lieux d'adoration étaient les vergers et les fleuves. Probablement que le nom Atargatis était une contraction d'Astarte et d'Anath, dont les fonctions étaient essentiellement celles de divinités de la fécondité. Leur trône étaient flanqué de lions ; des épis et une couronne murale étaient leurs attributs.

(...)Le dieu de la Vegetation Ichthys était son amant et la légendaire Sémiramis, fondatrice de la ville de Babylone, sa fille.
Atargatis confia l'éducation de sa fille à une colombe, pendant qu'elle se transformait en divinité mère poisson et démarrait une vie aquatique. En hommage à Atargatis et Semiramis les Syriens évitaient de manger du poissons et des pigeons (colombes).
(Traduit de ce site)
En creusant profondemment pour trouver d'où vient une figure aussi mièvre et débilitante que le personnage de Disney, on finit presque toujours par trouver la femme originelle...
On voit par là ce qui a été recyclé à travers les âges en passant dans diverses mains (Andersen était le conteur de Christian IX du Danemark), entièrement acquises à l'accumulation des richesses et à une économie de marché qui aspire tout tel le fatal trou noir cosmique, les femmes originelles en premier, les déesses mères ainsi que leurs représentations.

Mais Atergatis apparemment se venge. L'eau, son nouvel élément, peut se transformer en très destructeur tsunami. Juste un peu d'eau...

7 commentaires:

  1. La mer ( ma mère?) nourricière , celle dont nous sommes paraît-il issu(e)s a été notre premier berceau .D'êtres mi-humain(e)s mi-poissons nous avons perdu nos nageoires et nos écailles pour aller gambader sur les champs inconnus.
    Je ne sais pas d'où vient cette légende Altergatis mais curieusement elle serait la représentation de cette magnifique transition , notre ancêtre très lointaine.

    Quant à cette "Arielle" elle porte le même prénom que cette poupée Barbie , femme d'un certain "philosophe" nommé BHL . Elle a d'ailleurs tourné dans je ne sais quel spectacle le rôle d'une sirène!

    On est effectivement loin , très très loin d'Altergatis , cette "femme originelle" dont vous parlez !

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  2. A coup de grisou : si vous saviez d'où vient le mythe d'Atergatis vous seriez très fort !:) Néanmoins avant d'être une petite chose sexy ni femme ni enfant et épilée sous les bras comme on peut le voir dans l'image + à la recherche de son prince charmant, il s'agissait de l'une des nombreuses représentations, celle-ci zooanthropomorphique de la Ur-Mutter (comme la ville de "Ur" pour signifier "originel" en allemand on ajoute le préfixe "Ur", d'ailleurs or-igine, vient également de "Ur" la ville mésopotamienne et peut-être toute première ville). Ceci pour rappeler encore une fois que le féminin fut vénéré et sacré au lieu d'être chosifié et nunuchifié :(

    Arielle Domsballe est la femme qui ne veut pas dire quand elle est née. Quelque part elle aimerait aussi devenir un mythe ! :)

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  3. Ces recyclages permanents : mythologie, poteries, parois de temples, contes, dessins animés, cinéma... sont absolument fascinants. Finalement, nous sommes une espèce qui raconte toujours la même histoire qui défie le temps et change de support narratif. Et les déesses sont, malgré les efforts du patriarcat, insubmersibles et indestructibles.

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  4. A Hypathie : oui, c'est exactement cela : nous racontons toujours la même histoire tout en croyant en raconter une autre. En fait, le temps n'est rien. Ce qui est important c'est que l'humain.e sache qui ille est. C'est ce que Platon disait et c'est la seule vérité, je crois.

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  5. Comme Hypathie je trouve cette récurrence de notre histoire, de ce que nous sommes, tout à fait passionnante.
    "Pouvoir et influence sur les eaux", dotée de vrais pouvoirs...nous sommes loin de Dysney!
    Sur un site espagnol j'ai lu qu'on pouvait, dans une certaine mesure, assimiler Atergatis à Cibeles (nous avions déjà parlé de cette dernière en référence à la statue de Madrid, tu t'en souviens?)
    Bon week-end.

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  6. Et pour tirer le fil je pense aux légendes mélusiniennes... la queue de poisson est en fait un phallus...

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  7. A Colo : Oui je me souviens de cette statue associée à Atalante et Hypomène, non ?
    Cybèle est la déesse de la Terre que l'on appelle aussi Déméter. Mais elle a peut-être aussi fait un séjour aquatique. Oui, la déesse mère a plusieurs noms, plusieurs histoires, plusieurs formes.
    Les peuples dits primitifs n'ont pas d'"Histoire" mais une cosmogonie orignelle. Nous aussi nous en avons une, en fait. Or nous la refoulons, la masquons, la triturons dans tous les sens, tandis que les peuples primitifs l'honorent.

    A Elihah : à moi il me semble que Mélusine cache sa nature divine à son époux et sa nature divine se traduit par cette apparence mi-femme mi-poisson. Un phallus ? Peut-être...

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