dimanche 23 janvier 2022

Moravagine (mort au vagin) ou la fascination de l'écriVAIN pour les féminicidaires

    À la recherche d'un endroit où vivre en "commu" loin des injecteurs de mort subite qui nous retirent nos droits fondamentaux et par ailleurs à la recherche du pourquoi un café dans le Berlin des années 80 s'appelaient "Mora", j'ai réussi, ô surprise, à trouver un point commun entre les deux recherches!

   Étonnant comme des choses d'apparence étrangères peuvent se retrouver liées. 
 
  Le café s'appelait Mora en l'honneur du livre "Moravagine" de Blaise Cendrars.
Ah bon.

  À la source de ce livre, on trouve entre autres une "commu" des années 1900 où un psychiatre prônait une forme d'utopie féministe matriarcale!

Oui mais Moravagine veut dire "Mort au vagin" en fait. 

Alors ?
En y regardant de plus près, on ne peut s'empêcher de penser qu'Otto Gross, le psychiatre anarchiste désavoué par Freud (quoique cela ne veut pas dire grand chose), se voulait féministe mais c'était surtout la liberté sexuelle qui l'intéressait. Poursuivi par la police pour son implication dans la mort de Lotte Hattemer et de Sophie Benz et dépendant de diverses drogues, il décède dans une clinique de Pankow (quartier de Berlin) en état de manque. Autre version: il décède dans un entrepôt de Spandau (autre quartier de Berlin).

C'est donc une enseignante berlinoise, Lotte Hattemer (Berlin 1876- Ascona 1906), qui cofonda la comunnauté de Monte Verità (le mont de la Vérité) à Ascona avec la pianiste et féministe Ida Hofman, sa soeur Jenny ainsi que les frères Gustav et Karl Gräser. Crée en 1900, la communauté pratiquait entre autres le nudisme et le végétarisme. Fille du maire de Berlin et d'une mère conservatrice wilhelminienne, Lotte fuit sa famille d'origine pour travailler comme serveuse dans un bar du port de Hambourg où elle rencontre d'autres jeunes gens issus de la bonne société allemande en rupture avec celle-ci. Ensemble, elles et ils cherchent un lieu où démarrer un autre concept de société basée sur l'anarchisme. Après avoir séjourné un temps au bord du lac de Côme où la baronne Antoinette de Saint-Léger née Antonietta Bayer s'adonnait à la botanique, le groupe s'installe à Ascona. Il pratique le végétarisme auquel Lotte ajoute le jeûne et où elle témoigne d'un intérêt grandissant pour la théosophie. Elle meurt empoisonnée par un cocktail de cocaine et d'opium. Otto Gross quitte Ascona deux jours plus tard.
 


                                                         Ida Hofman et Lotte Hattemer

La pictoresse Sophie Benz, enceinte d'Otto Gross, est tuée ou se suicide, cinq ans plus tard, en 1911, d'une overdose de cocaine à l'âge de 26 ans. Suite à la mort des deux jeunes femmes, la police recherche Otto Gross pour enquêter sur une éventuelle participation à leur suicide. Il reconnaît avoir donné cinq grammes de cocaine et dix grammes de morphine à Lotte Hattemer. Il l'aurait fait pour lui éviter de souffrir en se tuant. La police ne va pas chercher plus loin. Lotte était une excentrique et surtout une femme, circulez, il n'y a rien à voir. 

Il semble que le personnage principal du Moravagine de Blaise Cendrars est un mélange des deux criminels féminicidaires, Otto Gross d'une part et Adolf Wölfli d'autre part, emprisonné pour tentative de viol sur deux mineures. 

Malgré son titre, le film ci-dessous, concocté l'année dernière en Allemagne, est un divertissement sur le thème de l'anti-bourgeoisie du début du vingtième siècle dans lequel une jeune femme découvre sa passion pour la photographie en rejoignant Monte Verità pour fuir son mari violeur. Les fondateurices de Monte Verità n'y sont représenté.e.s que comme figurantes. La personn(ag)e principale est totalement fictive. La blonde qui se jette à l'eau tout habillée représenterait Lotte Hattemer. L'autre blonde dans la maison (les deux blondes ont les mêmes vêtements et la même coiffure) interpréterait Ida Hofman. Bref, en plus d'avoir la difficulté de ne pas les confondre, on n'y apprend rien du tout sur elles.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire