En recherchant des caricaturistesses et des journaux satiriques du XIXe siècle, j'ai surtout trouvé des femmes caricaturées mais aussi une pléthore de journalistes féministes. J'ai mis ici des liens sur chacune d'elle dont la biographie est passionnante et sur la plupart desquels au moins un livre a été écrit.
Eugénie Niboyet (1796-1883) fonde à Lyon en 1833 le premier journal féministe en province avec la création du titre
Le Conseiller des femmes, hebdomadaire sans illustration imprimé chez Boitel. Ensuite elle participe à la création de
La Paix des deux mondes, et en 1834 d'une
L’Athénée des femmes.
En juillet 1836, de retour à Paris, Eugénie Niboyet fonde
La Gazette des Femmes avec l'aide d'amis
tel Charles Frédric Herbinot de Mauchamps. Une sorte de club,
réunissant les rédacteurs et les abonnés, soutient et
gère le journal, mais aussi débat notamment de la lutte pour l’exercice des droits politiques et civiques des femmes.
Eugénie, rassemble de nombreuses femmes lors de ces réunions
hebdomadaires du jeudi, au 27 de la rue Lafite. On peut y rencontrer,
Flora Tristan,
Hortense Allart (1801-1879),
Anaïs Ségalas (1819-1895)
Jeanne Deroin (1805-1894) ,
Désirée Gay (1810-1891),
Suzanne Voilquin,
Elisa Lemonnier (1805-1865) et de nombreuses autres féministes.
La
révolution de 1848
provoque un nouvel espoir, notamment la levée des restrictions de
réunion permet le développement des groupes qui militent pour les droits
des femmes.
En mars 1848, Eugénie Niboyet fonde et dirige un journal ne traitant que de la question des femmes et de leurs droits.
La Voix des femmes, sous titré
« Journal socialiste et politique, organe d’intérêts pour toutes les femmes », est le premier quotidien français féministe.
"Si l'âme des femmes et des hommes, l'esprit de jugement, l'imagination,
le coeur, les sentiments qui sont l'apanage de l'un et de l'autre sexe,
pouvaient être confondus et exposés en public, le plus prévenu en
faveur de sexe masculin prendrait souvent en partage le jugement, le bon
sens d'une femme, comme ce qu'il y aurait de meilleur".(extrait de
L'Athénée des Femmes source)
Parallèlement
Marie-Reine Guindorf (1812-1837) a 20 ans en août 1832 et fonde, à Paris, avec
Désirée Véret, une petite brochure, conçue et réalisée uniquement par des femmes. Le premier titre est
La Femme libre ; sous sa direction la revue devient l'
Apostolat des femmes au deuxième numéro.
« Cette publication n'est pas une spéculation, c'est une œuvre
d'apostolat pour la liberté et l'association des femmes. Ayant senti
profondément l'esclavage et la nullité qui pèsent sur notre sexe. Nous
élevons la voix pour appeler les femmes à venir avec nous, réclamer la
place que nous devons occuper dans le temple, dans l'état, et dans la
famille. Notre but est l'association. Les femmes n'ayant eu jusqu'ici
aucune organisation qui leur permit de se livrer à quelque chose de
grand, n'ont pu s'occuper que de petites choses individuelles qui les
ont laissées dans l'isolement. (...) Nous sommes Saint-Simoniennes, et
c'est précisément pour cela que nous n'avons pas cet esprit exclusif qui
repousse tout ce qui n'est pas soi. (...). »
L'article est signé
Marie-Reine il ne comporte pas de nom de famille, comme l'ensemble des articles de cette publication.
«
Lorsque tous les peuples s'agitent au nom de Liberté, et que le
prolétaire réclame son affranchissement, nous, femmes, resterons-nous
passives devant ce grand mouvement d'émancipation sociale qui s'opère
sous nos yeux. Notre sort est-il tellement heureux, que nous n'ayons
rien aussi à réclamer? La femme, jusqu'à présent, a été exploité,
tyrannisée. Cette tyrannie, cette exploitation, doit cesser. Nous
naissons libres comme l'homme, et la moitié du genre humain ne peut
être, sans injustice, asservie à l'autre. (...) Jeanne-Victoire. (
Jeanne Deroin)
Suzanne Voilquin devient co-directrice à la sixième livraison. Marie-Reine et
Suzanne vont poursuivre leur co-direction et le groupe de femme qui
soutient la publication se regroupent en association, prenant le nom de
La Femme Nouvelle, titre de la revue fondée par
Claire Bazard (1794-1883). Marie-Reine se suicide et laisse la direction du journal à
Suzanne Voilquin (180-1877) qui poursuit la publication en changeant le titre. Il devient
La Tribune des femmes.
« Étonnant périodique au ton parfois insolent, tenu par des femmes,
jeunes pour la plupart, qui osent afficher leurs opinions et qui signent
de leur prénom, "le seul qui leur appartienne en propre". Elles
réclament un nom, une place dans la cité et s'insurgent contre les
multiples marques de subalternité qui subistent, malgré l'abolition des
privilèges, depuis longtemps proclamée dans cette France des "droits de
l'homme". (M. Riot-Sarcey) »
En 1834, après le suicide de
Claire Démar (1799-1833), Suzanne Voilquin directrice, publie à sa demande, à titre posthume, son deuxième ouvrage
Ma loi d'Avenir.
Pendant ce temps après 1848, à
La Voix des femmes
d'Eugénie Niboyet va bientôt s'adjoindre un club politique auquel vont participer de
nombreuses féministes déjà impliquées dans les petites parutions
précédentes. Eugénie Niboyet réussit à rassembler autour du combat
féministe, autant des femmes déjà impliquées comme
Jeanne Deroin,
Désirée Gay,
Suzanne Voilquin,
Elisa Lemonnier, et
Anaïs Ségalas, mais aussi des auteures populaires :
Gabrielle Soumet, Amélie Prai,
Adèle Esquiros,
Louise Colet. Ce mouvement n'est plus réservé aux femmes, des hommes contribuent, comme
Jean Macé ou Paulin Niboyet, son fils.
Le club défend un catalogue très large de réformes favorables aux
femmes, tant dans le domaine domestique que celui de la politique. L'
extension du droit de vote à tous les hommes provoque une initiative retentissante, le 6 avril :
La Voix des femmes propose la candidature de
George Sand à l’
Assemblée constituante.
Sand désavoue cette initiative et juge durement ces femmes qu'elle
affirme ne pas connaître, les caricaturistes croquent Eugénie Niboyet et
les journalistes de
La Voix des femmes. Le bruit de l'affaire
est retentissant, il se retourne contre les promoteurs de cette
initiative, et le gouvernement décide la fin des clubs de femmes. Le 20
juin, Eugénie Niboyet, découragée et meutrie, cesse la publication de
La Voix des femmes, et les féministes se dispersent pour éviter la répression.
Elles étaient caricaturées ainsi parce qu'elles portaient des pantalons sous une tunique.
(
Ici un lien très passionnant sur l'histoire des femmes portant le pantalon à partir de cette période-là).
Un mouvement féministe ne suffit pas. Il en faut cent, mille, des
milliers. Un seul et il est réprimé, les femmes criminalisées.