dimanche 6 juin 2010

Amour d'homme / Hommes d'exception


L'homme féministe est en danger de mort. Nous le savons depuis l'assassinat de Theo Van Gogh qui a payé de sa vie la défense de la cause féministe.
D'autres avant lui ont lutté pour rester en vie après avoir publié des écrits pro-féministes.

Au XVIe siècle, plusieurs hommes ont été dans ce cas, Corneille Agrippa de Nettesheim a été jeté en prison pour s'être opposé à ce qu'on brûle une femme accusée de sorcellerie et a échappé de peu au bûcher par l'exil après avoir dénoncé dans un livre le traitement réservé aux femmes En voici un extrait :

(...) Chez les Cantabres, aujourd’hui les Biscaïens, c’était le mari qui apportait la dot, la sœur avait soin d’établir le frère et de le marier et il n’y avait que les filles qui héritassent du bien. Chez les Scythes, les Thraces et les Gaulois, généralement tous les offices étaient communs aux sexes et lors qu’il s’agissait de délibérer sur la guerre, ou sur la paix, on consultait les femmes. Et elles tenaient rang dans les assemblées.

Pourquoi donc, direz-vous, les femmes sont-elles réduites à la quenouille et au simple soin du ménage ? Le voici : la tyrannie des hommes, qui prévaut sur tout, agissant contre le droit divin, violant impunément l’équité naturelle, a privé notre femelle de la liberté qu’elle reçoit en naissant : oui, par des lois iniques, on lui a interdit la jouissance, on l’abolit, par l’usage et par la coutume ; enfin on l’éteint absolument par l’éducation. Car dès qu’une femme est entré sur la terre, du moins dans les premières années et lors qu’elle est sortie de l’enfance, on la tient comme prisonnière au logis et comme si elle était entièrement incapable d’une occupation plus solide et plus élevée, on ne lui fait apprendre qu’à manier l’aiguille. Ensuite, est-elle propre au joug, a-t-elle atteint l’âge mûr et compétent pour la multiplication de l’espèce ? On vous la livre en esclavage à un mari, qui trop souvent, par la fureur de la jalousie, ou par cent autres travers d’humeur, la met dans une condition déplorable, ou bien on l’enferme pour toute la vie, comme dans une vraie prison, en une retraite de soi disant Vierges et Vestales, ou elle essuie mille chagrins et surtout un repentir rongeant, qui ne finit que par la mort. Les lois excluent la femme des emplois publics ((longue liste)). Mais ce qu’il y a de plus scandaleux et de plus criant, c’est qu’il soit défendu au beau sexe de monter en chaire et de prêcher la parole de Dieu. (…) Cependant cette défense-là est directement opposée à l’Ecriture : car le saint Esprit y promet chez son prophète Joël, d’entrer dans la tête de la femme, lors qu’il dit : « Et vos filles prophétiserons ». Effectivement du temps des apôtres les femmes enseignaient publiquement, ce qui se voit par les exemples d’Anne la Prophétesse, des filles de Philippe, et par Priscille, cette savante théologienne qui donna des leçons à l’apôtre, ou apostolique Apollo.(…)Mais pour ces législateurs modernes qui pour établir la tradition ont détruit et anéanti le commandement de Dieu sont si méchants qu’encore que notre femelle l’emporte infiniment sur nous, par l’excellence de sa nature, et par la très grande noblesse de sa dignité, ils n’ont pas laissé de déclarer directement et indirectement de parole et d’effet, que ce sexe est d’une condition plus vile, plus basse que le notre, si bien que selon ces sacrilèges et ces blasphémateurs, le dernier des hommes vaut mieux en nature, que la femme la plus parfaite et la plus accomplie".



Il n'aurait pas osé publier une critique aussi virulante si, en 1360, Boccace n'avait réalisé son "De claris mulieribus ("Des dames de renom"), premier ouvrage manuscrit enluminé uniquement consacré à des femmes. Ce qui n'enlève rien au courage de ses propos.
En 1563, un autre défenseur des femmes : Johannes Weyer, écrivit un ouvrage protestaire contre la persécution des sorcières qui fit l'effet d'une bombe, et d'hommes courageux en aiguille, on finit par abandonner, deux siècles et demi plus tard (quand même), torture et assassinat de femmes innocentes sous couvert de "sorcellerie".
Johannes Weyer a été, bien entendu, violement attaqué, son livre brûlé et mis à l'index.

Le croquis ci au dessus représente un amour d'homme qui vit dans une roulotte dans le Brandebourg avec une vieille femelle crapaud, un hérisson, une couleuvre et des écureuils. Il se sent un peu sorcier et m'a demandé pendant que j'exécutais son portrait que je lui raconte la forêt de Brocéliande. Je ne sais malheureusement que très peu de chose sur cette forêt. Dommage !

11 commentaires:

  1. Merci Emelire. En fait, mon idée en démarrant ce blog a été de prélever un morceau de temps (puisque je potasse le 16e siècle en ce moment) comme on prélève un morceau de peau et de le placer sous le microscope féminin pour déterminer l'état du patient social sur le plan de la maladie sexiste. Conclusion : la guérison se fait attendre et la maladie se contente de changer de forme sans tendre le moins du monde à disparaître !

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  2. Et oui, il y eût des lieux et des époques où les femmes avaient un certain rôle dans la société. Preuve que ce n'est pas notre nature d'être reléguées de coté.
    Merci pour toutes ces références historiques.

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  3. " (...) Au printemps 1211, les croisés arrivent au pied des remparts de Lavaur. Le 3 mai, avec à leur tête Simon de Monfort, ils pénètrent dans la ville. La répression est terrible. Le seigneur, Aymeri de Montréal, et ses 80 chevaliers sont pendus, Dame Guiraude, sœur d'Aymeri, est lapidée et jetée au fond d'un puits, quatre cents parfaits et parfaites seront brûlés sur des bûchers. (...) "

    ( Lavaur est une petite ville du Tarn à une quarantaine de kilomètres de Toulouse )

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  4. " (...) Contrairement aux clercs catholiques qui prêchent en latin, les religieux cathares prêchent en occitan.

    Dans le clergé cathare, les femmes occupent une place égale à celle des hommes. (...) "

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  5. http://www.clioetcalliope.com/balades/bretagne/broceliande.htm

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  6. Les cathares, les vaudois...des sociétés non-autoritaires, pacifistes et égalitaristes (liberté, égalité, frater/sororité : cette devise, ils l'appliquaient vraiment) ont été implaccablement massacrés au fil des siècles par ces éternelles brutes sanguinaires qui privilégient (en gros) l'"avoir" à l'"être". Mais cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les bras.
    Merci pour le lien sur la forêt de Brocéliande. Très intéressant !

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  7. Vous avez un sacré coup de crayon, compliments.

    En Cantabre, c'est à dire en pays cantabrique correspondant dans sa partie espagnole à toute l'aire géographique où se sont développées les civilisations paléolithiques les plus rayonnantes et novatrices d'Europe occidentales entre Ebre et Dordogne, et en Biscaye, c'est à dire au pays Basque, de langue pré-indo-européenne de l' "Ancienne Europe", pour utiliser une expression chère à l'archéologue Marija Gimbutas, auquel fait allusion ce texte, connaissait effectivement un statut égalitaire relatif aux femmes, héritage très ancien.

    Les femmes du pays Basque français furent particulièrement persécutées comme "sorcières" par un certain Pierre de Lancre, "inquisiteur humaniste" (sic, ahahaha!), expédié là par le huguenot catholique Henri de Navarre devenu Henri IV. De Lancre joua un rôle particulièrement ignoble digne du pervers "galant" qu'il était, gagnant la confiance des femmes avant de les envoyer au bûcher, y compris pré-pubères.

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  8. A Floréal : très intéressant commentaire ! Je ne connaissais pas Marija Gimbutas et je ne savais pas qui étaient les Biscaiens de Corneille Agrippa ! Et pourtant la Biscaye...bien sûr ! Un grand merci pour ces passionnantes précisions.
    Mais je suis tout à fait choquée d'apprendre qu'Henri IV s'adonnait à ce genre d'exaction sur les femmes !
    C'est quasiment un monde qui s'écroule...lui ? Le roi le plus populaire de l'histoire de France ? Décidément, on devrait la réécrire sans images d'Épinal !

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  9. Non pas qu'Henri IV (un macho ordinaire) avait dépêché ce Pierre de Lancre (qui était un homme réellement cultivé passant pour humaniste à la Cour) au Parlement de Bordeaux pour porter des femmes au bûcher, mais il l'avait chargé, avec un autre Conseiller du dit Parlement dont j'ai oublié le nom, d'enquêter sur la situation religieuse des provinces les plus reculées et mal connues du royaume comme l'était alors le pays Basque (nous sommes alors en pleine guerres de religions au XVIème siècle).

    Une fois sur place et après avoir mis à l'écart et réduit au silence l'autre Conseiller, Le dit Pierre de Lancre put laisser libre cours à ses penchants. Vue la lenteur des communications de l'époque, personne ne risquait de venir déranger un personnage mandaté par le roi lui-même à l'autre bout de la France.

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  10. Je commence à comprendre... parce que moi, dans mes recherches actuelles, en ce qui concerne le sud-ouest, j'en suis au temps ou Henri II d'Albret et Marguerite de Navarre, les grands-parents d'Henri IV, tolèrent en Navarre tous les réfugié(e)s fuyant les persécutions subies chez eux. Ce sont sans doute leurs descendants qui ont fait les frais du fanatisme de ce de Lancre !

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  11. Quant aux Scythes, ils vivaient dans l'actuelle Crimée qui était, en fait, le territoire des fameuses amazones gouvernées par Hippolyté (voir les neuf Preuses).

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