vendredi 16 juillet 2010

Fede Galizia et Judith


Fede Galizia (1578-1630), la fille du miniaturiste Nunzio Galizia, surtout connue pour ses remarquables natures mortes, n'a pu se dérober à la mode de son temps et a peint à son tour une "Judith et la tête d'Holopherne". Du moins, une toile de sa main sur ce thème est exposée dans un musée de Floride. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en a peint qu'une. Celle-ci est problament due à la commande d'une noble dame étant donné l'accent mis sur les riches habits, les bijoux et le maintien de son modèle. Même la tête morte d'Holopherne semble admirer la belle jeune femme.
Fede est la cinquième peintresse que je présente ici ayant traité le sujet "Judith" sur une période d'un siècle.
Et même les historiens de l'art masculins qui font la pluie et le beau temps dans ce domaine, s'accordent à dire que concernant Judith et Holopherne, Artemisia Gentileschi surpasse ses confrères. Il me paraît évident que pour peindre les hauts-faits d'une femme, un homme est moins bien requis.
Vous allez me dire "haut-fait" ? Mais c'est d'un meurtre assez dégoûtant qu'il s'agit !

Il ne faut pas oublier que même aujourd'hui certains assassinats restent considérés comme des actes héroiques. Si Claus von Stauffenberg et ses copains n'avaient pas raté leur opération Walkirie, ils auraient été portés aux nues et célébrés comme des héros. D'ailleurs ils le sont, célébrés, mais comme des martyrs. Et pourtant ils ont belle et bien essayé d'assassiner quelqu'un. Poser une bombe au QG d'Hitler dans l'espoir de l'éliminer est bien une tentative de meurtre, que je sache.
Bien sûr une bombe, ce n'est pas une épée. Réduire un corps en charpie ce n'est pas séparer la tête du corps. Mais sur ce point le monde a changé. On ne disposait pas des mêmes moyens ni d'explosifs dans l'antiquité et ne pouvait donc considérer que c'était LA méthode pour se débarrasser de l'ennemi. Si l'explosif remplace le glaive aujourd'hui, on considère encore et toujours qu'un ennemi mort ne peut l'être que démantelé . Un ennemi mort ne saurait conserver un corps intact. Cette idée est encore parfaitement actuelle.

12 commentaires:

  1. Catherine Breillat dans son film Barbe Bleue (où c'est évidemment Barbe Bleue qui finalement a la tête coupée, puisque ses films renversent les codes !) montre dans le dernier plan de son film, la tête de Barbe bleue posée comme cela posée sur un plateau. Connaissant la culture de cette metteuse en scène et sachant que le cinéma cite les peintres et la peinture depuis ses débuts, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une coïncidence.

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  2. J'aime bien l'air songeur et malicieux de la femme à l'arrière-plan qui tient le plateau. On dirait que tout ça lui a donné des idées ;)

    Tu as raison, les meurtriers bénéficient d'une trop bonne réputation au regard de leurs méfaits. Il n'y a qu'à voir le succès de Mesrine et la fascination qu'il exerce chez les jeunes hommes pour s'en convaincre.

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  3. A Hypathie : oui, pour la peinture dans le cinéma, c'est très vrai. Y compris dans le dessin animé. Parfois même des tableaux y apparaissent sous forme de clin d'oeil. Des fois, là où l'on ne s'y attend pas du tout : la Marie-Madeleine de Georges de la Tour est visible, par exemple, dans "La petite Sirène" !
    Sinon j'ai bien lu quelques articles par ci par là sur Catherine Breillat mais je n'ai pas encore vu ses films.

    A Héloise : oui, la servante qui se frotte le menton, je l'aime bien moi aussi. J'aime bien le plaisir que les femmes ont pris à peindre ce personnage de femme puissante (comme dirait Marie N'Diaye). Mais je ne dénonce pas le fait de célébrer un crime censé avoir sauvé d'innombrables autres vies. Aujourd'hui avec des copines, nous sommes tombées sur le concept de "tolérance destructrice" à propos des imams chassés de leur pays pour fanatisme intolérable qui viennent s'implanter en occident et terrorisent les gens de leur communauté avec la bénédiction de l'État "d'accueil". La tolérance posée comme idéal, peut carrément devenir destructrice si elle tient aussi peut compte de la situation objective. Et objectivement même si ce n'est, bien entendu, en rien un idéal, si quelqu'un avait pu assassiner Hitler avant qu'il fasse massacrer tant de gens : imaginons un peu le monde nettement plus optimiste que nous aurions aujourd'hui !

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  4. Tout de suite j'ai pensé à la "démantélation" par ETA, une bombe en plein Madrid en 1973, de José Carrero Blanco, celui qui aurait succédé à Franco et prolongé ces terribles 40 ans de dictature.
    Un "haut-fait" donc!

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  5. A colo : ah merci pour cette information ! J'ai trouvé ce site http://clientes.vianetworks.es/personal/angelberto/CarrBlanco.htm qui m'a permis d'exercer mes rudiments d'espagnol. Je en connaissais pas cette histoire. Très impressionnant la projection de la voiture au-dessus de l'immeuble ! Oui, je saisis l'ironice serait un haut-fait s'il s'était agi d'une personne exceptionnellement meurtrière tuant une personne communément meurtrière mais l'ETA est une organisation qui passe son temps à tuer.

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  6. On pourrait en contrepoint de la "tolérance destructrice" parler de "meurtre salutaire".

    Je pense à Valérie Solanas, aussi à cette tueuse de clients-prostitueurs en série dont le film Monster retrace le parcours, à toutes ces inconnues qui ont tué un mari/un père/un homme violent.

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  7. J'ai de nouveau quelques ratés dans le système et voilà que les commentaires se publient avant que j'aie pu corriger les fautes...désolée.

    A Héloise : me voilà soulagée car nous sommes parfaitement d'accord, alors. J'ai failli écrire "meurtre salutaire" moi-même mais j'ai eu peur de passer pour légèrement sanguinaire sur les bords, alors que, ben, j'avais un peu oublié que c'est grâce à toi que je connais Valérie Solanas et ce n'est, par bonheur, pas vraiment le genre à prêcher la tolérance à tout prix.

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  8. Y aurait-il eu malentendu lorsque j'ai dit que je ne cautionnais pas la fascination pour les meurtriers ?

    En fait, c'est l'admiration pour le meurtre gratuit ou intéressé (comme dans le cas de Mesrine que j'ai cité, par exemple) que je rejette pas celui qui a pour but de lever du milieu une ordure.

    On est bien d'accord, alors !

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  9. A Héloise : ah OK. Je n'avais pas bien compris. J'ai cru que tu faisais un parallèle entre Stauffenberg et Mesrine.
    Mais je profite de ton intervention pour dire, qu'entre temps j'ai repensé au film "Monster" que tu cites, et je me demande en effet pourquoi il doit s'appeler "Monster" alors que "Taxi driver" dans lequel le héros dégomme également des proxénètes, s'appelle ..."Taxi driver" !

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  10. Moi aussi je me suis posée la question sur le choix du titre. Enfin, pas longtemps.

    A mes yeux, ce titre est révélateur de la façon dont sont considérées les femmes meurtrières: des monstres.

    Alors que pour moi les monstres sont ces hommes qui viennent l'acheter, louer son vagin, sa bouche quelques minutes. Déshumaniser une personne, la traiter comme une marchandise n'est-il pas ce qu'il y a de plus monstrueux ?

    Cette femme est une héroïne au sens strict car, par le meurtre, elle protège ses soeurs de ces tous ces tordus à la sexualité névrosée et dangereuse.

    Le titre approprié serait plutôt "Monsters".

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  11. A Héloise : le meurtre d'individus de toute évidence criminels eux-même, comme les clients de la prostitution, n'est plus du tout appréhendé dans son aspect bénéfique pour la communauté du fait, à mon sens, de l'argent-roi. Où va t-on si une prestatrice de services tue ceux qui les louent ces "se(r)vices ? C'est la mentalité actuelle. Il ne fait pas de doute qu'aujourd'hui, Judith finirait comme Aileen Wuornos...sur la chaise électrique.

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  12. A Héloise : euh...je voulais dire au moyen d'une injection létale !

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