Je viens de voir le film "Même la pluie" de l'actrice, réalisatrice et scénariste espagnole Iciàr Bollaìn. Elle et moi ont est sur la même longueur d'onde, pas de doute !
C'est l'histoire d'une équipe qui s'en vient en Bolivie tourner un film sur la conquête de l'Amérique du Sud au XVIe siècle par Christophe Colomb avec Antonio de Montesinos et Bartolomé de las Casas, les fameux deux prêtres dont l'un est bien connu (B. de las Casas) scandalisés par le traitement des indiens que les colons espagnols uniquement obsédés par l'acquisition de l'or leur font subir. Le jeune réalisateur semble un idéaliste plein de bons sentiments qui y croit. Et lorsqu'il craque à un moment donné du film, le co-réalisateur lui rappelle avec quel enthousiasme il lui a un jour parlé du discours de Bartolomé de las Casas, combien il lui était cher de présenter à la face du monde l'engagement de ce prêtre pour les indiens martyrisés et qu'il ne doit pas abandonner. Mais curieusement ce qui se passe de similaire au XXIe siècle parallèlement à ce XVIe siècle lointain que ces deux hommes cherchent à recréer au moyen d'un film, n'est pas percu par eux avec la même sensibilité. Or les figurants qui représentent ces fameux indiens réduits en esclavage par les espagnols sont totalement impliqués dans un combat incroyablement proche de l'histoire ancienne comme s'il y avait une parfaite continuité. On sent très fortement cette continuité d'ailleurs, la réalisatrice mêlant les scènes du XVIe siècle et du XXIe siècle avec beaucoup de brio. Ces figurants boliviens descendants des "indios" de Christophe Colomb doivent d'urgence lutter en dehors des heures de boulot sur le tournage des deux cinéastes contre la privatisation de l'eau que les autorités de la ville tentent de leur imposer(l'eau a été vendue à une multinationale américaine) car il y va de la survie de leur peuple.
On voir très bien dans ce film que c'est au XVIe siècle que le néo-libéralisme a pris son essor sacrifiant l'humain pour l'or. Aujourd'hui c'est l'obsession du pétrole et de l'uranium qui fait payer un lourd tribut aux populations, à la faune et à la flore mondiales. A l'aube du XXIe siècle naissant ce drame s'achève avec le pillage de tout ce qui est essentiel à la vie : la nourriture, l'air, l'eau. Après avoir tout pris les pilleurs/exploiteurs volent ce qui reste jusqu'à l'ultime des ultimes ressources dispensatrices de vie : l'eau.
Ainsi le tournage étant fortement compromis par cette lutte qui le place en second rang l'équipe de cinéastes et d'acteurs qui appartient elle au monde des exploitants se dépêchent de fuir devant cette réalité ô combien plus dérangeante que celle d'il y a 500 ans auparavant, enfin pas pour tous ou du moins pas complètement...
Excellent film.
Sur l'aspect de la guerre socio-économique strictement actuelle de ce film voir le billet d'Hypathie.
Danielle Mitterand avait mis le droit d'accès à l'eau au premier rang des droits humains .Grande dame créatrice de France Libertés elle était bien loin des combines et des calculs politiques de son mari . Elle aurait mérité qu'on l'entende beaucoup plus , mais c'était sans doute trop dérangeant y compris pour son propre camp !
RépondreSupprimerEn 2011 , un peu avant sa mort , elle soutenait encore le chef Raoni dans sa lutte contre le barrage de Belo Monte au Brésil .
Elle avait tout compris et luttait incessamment contre la cupidité des hommes .
Cette bande annonce me donne envie de voir le film .
http://www.france-libertes.org/
RépondreSupprimerhttp://www.publiceye.ch/fr/vote/vale/
RépondreSupprimerhttp://anthropopotamie.typepad.fr/anthropopotame/2012/01/les-bulldozers-%C3%A0-lassaut-du-fleuve-xingu.html
RépondreSupprimerOh, oui, ce "film dans le film" il faut le voir, absolument.
RépondreSupprimer"También la lluvia" en espagnol, Iziàr nous avait habitués à des films plutôt intimistes, mais cette grande production est très réussie...et le propos de l'eau, si souvent dénoncé dans des documentaires sur l'Amérique latine, est dur à digérer mais si tragiquement réel.
Merci d'en avoir parlé ici, bon weekend.
Ça c'est inouï alors, on tombe pile ensemble ! Mon prochain billet sur le Forum alternatif mondial de l'eau va inclure la même bande-annonce de También la lluvia que j'ai vu l'année dernière, qui raconte la bataille de Cochabamba en 2000 en Bolivie, où les paysans vont se réapproprier l'eau en se battant contre Bechtel Corp qui veut la privatiser ! Très beau film.
RépondreSupprimerA Coup de grisou ; à voir absolument. Vous ne le regrettez pas. Hypathie donne plus de précision sur son blog car (ce que je ne savais pas) c'est que la révolte contemporaine racontée dans le film est complètement historique et s'est passée pile en l'an 2000.
RépondreSupprimerJe ne savais pas non plus que Danielle Mitterrand s'était investie dans ce combat. Dommage que cela n'ait pas fait plus de bruit !
A jf47 : merci pour les liens très intéressants. J'ai vu un documentaire (éprouvant) sur cette histoire de barrage. On a vraiment envie de tout casser quand on le voit !
A colo : je ne connaissais rien d'elle parce que c'est plus dur de voir des films espagnols en Allemagne qu'en France. D'ailleurs je n'ai pas pu le voir en VO. Mon film à moi s'est appelé "Dann der Regen" (entièrement synchronisé). Schöne Wochenende :)
A Hypathie : c'est fou ! Il y a quelque chose dans l'air, ce n'est pas possible !
En tout cas je ne savais pas que c'était un événement réel sur le lieu même du tournage. Ce qui me plaît c'est quand la camerawoman propose de faire plutôt un film sur ce qui se passe dans la ville et qu'elle se fait rabrouer. C'est trop bien vu comme scène !
Pas dans le sujet, mais pour info, un échange sur une femme remarquable et inconnue du XVIème avec une de mes abonnées Twt : https://twitter.com/#!/HypathieBlog/status/178444606101401600
RépondreSupprimerAu fait, tu as vu Même la pluie en salle, ce qui veut dire qu'il ne sort en Allemagne que maintenant, ou en DVD ? Si je ne suis pas indiscrète, bien sûr...
A Hypathie : apparemment il est d'abord passé à la Berlinale de février 2011 puis plus tard dans l'année (août ?). Mais moi j'ai attendu qu'il passe dans un petit cinéma où l'on ne peut visionner que des films qui ne sont plus visibles nulle part depuis six mois environ. Du coup l'entrée n'est que de 4 euros et puis on est entre gens de son quartier, c'est sympa.
RépondreSupprimerAh merci pour Oliva Sabuco ! Super ! Une étudiante en médecine : c'est inespérée !!! Je vais tout lire et en faire un billet, bien sûr !
http://journaldeclasse.over-blog.com/article-un-detail-de-l-histoire-contemporaine-101347982.html
RépondreSupprimerMerci beaucoup jfs47 pour ce texte très fort. J'en ai placé un extrait avec le lien de votre blog sur le blog des coulisses de Sarkofrance sous le billet parlant des suicides au Japon suite à l'accident de Fukushima.
RépondreSupprimer@Euterpe, dans les commentaires de ce texte Marie a laissé deux liens très intéressants aussi et Fa# a laissé un commentaire aussi. Merci d'avoir fait suivre.
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