mercredi 29 septembre 2010

Catherine de Bore, évadée


Un personnage et non des moindres va s'opposer fermement à l'idée de la virginité comme étant la plus haute sur l'échelle des vertus et, à l'opposé des catholiques, y placer le mariage.
C'est Martin Luther.
Son opinion sur la question, transcrite dans ses ouvrages qui s'imprimaient à la vitesse de l'éclair et passaient de main en main dans toute l'Europe, fut vite connue de tout le monde, religieuses des couvents compris.
Les femmes y ont alors vu là le signal d'un changement de leur condition et ont cru que le bout du tunnel se rapprochait.

Certaines jeunes ou moins jeunes femmes placées de force dans ces abbayes et ces cloîtres qui les condamnaient à la virginité éternelle, étant, pour la plupart d'entre elles, celles dont on s'était débarrassé pour ne pas avoir à payer de dot pour leur mariage, organisèrent leur fuite et prétextèrent de la "nouvelle opinion" pour rompre leurs voeux.
Ce fut le cas de Catherine de Bore, nom francisé de Katharina von Bora, qui s'enfuit de son couvent avec ses compagnes, cachées dans des tonneaux à poissons.
C'est à Pâques de l'année 1523, qu'un voiturier venant livrer du poisson à l’abbaye cistercienne de Nimbschen cache sans le savoir ou en le sachant, Katharina et onze de ses consœurs dans des caques de poisson et les fait franchir les portes de l’abbaye. Des complices extérieurs attendent les évadées et leur permettent de trouver des refuges. À Wittenberg, Katharina est hébergée par Barbara Brengebier, épouse du peintre Lucas Cranach. C'est là que Catherine va rencontrer son futur époux : le moine excommunié Martin Luther en personne !
Au dire d'Erasme, beaucoup de religieuses firent de même aux Pays-Bas. En France, l'abbesse de Tournay Marie d'Entière fut aussi du nombre. Il y en eut bien d'autres dont le nom n'est pas parvenu jusqu'à nous.
À l'instar de la Révolution francaise et de la Commune, le temps de la Réforme a représenté un moment charnière de l'histoire capable de communiquer aux femmes l'espoir d'un changement notable de leur condition.
L'espoir fut de courte durée puisque catholiques et réformés s'entendirent au Concile de Trente pour frapper la femme d'incapacité juridique et réaffirmer par un décret qu'étant physiologiquement et psychologiquement inférieure, elle devait être tenue à l'écart des affaires publiques. Du moins Catherine de Bore n'aura pas connu ce Concile qui eut lieu bien après la mort du couple.

6 commentaires:

  1. ouf, pour elle... gardons en mémoire son goût pour la liberté.

    RépondreSupprimer
  2. Un espoir, même de courte durée, sème la graine de son renouvellement, c'est pas grand chose mais...
    Magnifique portrait ce Katharina, et merci pour ce moment de liberté.

    RépondreSupprimer
  3. Le concile de Trente, voilà l'ennemi de toutes les femmes, les religions s'entendant entre elles pour sceller leur avenir.
    Toutes les religions,nous devons les détruire quand elles veulent régner... je sais, je ne mâche pas mes mots, mais je l'assume totalement.
    La culture continuera bien son chemin, sans la culpabilité, l'encens et le repentir... dans la lumière j'espère. On a bien le droit de rêver encore...

    RépondreSupprimer
  4. Bel article. Un moment charnière certainement. Beaucoup d'espoirs déçus pour les femmes, promptement ramenées à un statut juridique inférieur et discriminant; comme à chaque fois qu'une porte s'ouvre pour elles dans l'histoire, elle est vite refermée.

    RépondreSupprimer
  5. Même si elles sont moins nombreuses que celles qu'on mettait au couvent pour éviter d'avoir à payer une dot, est-ce qu'il n'y a pas aussi des femmes (notamment les fondatrices d'ordres religieux style Claire d'Assise) qui auraient choisi le couvent pour échapper au mariage ? En tous cas l'histoire de cette Katharina ferait un excellent scénario de film !

    RépondreSupprimer
  6. à lucia mel : oui, comme tu dis ! Et le goût de la liberté pousse à prendre des risques...qui paient !

    à Colo : jolie formule...je la retiens !

    à Bettina : j'imagine assez les musulmans et les catholiques en train de s'entendre, aujourd'hui ou demain contre les femmes. Trop peu de femmes s'inquiètent à ce sujet. Il y a bien Ayaan Hirsi Ali, la "Voltaire noire", mais peu de femmes la lisent.

    à Floréal : en effet, la porte s'ouvre et se referme. A moins que l'on ne reprenne la formule des psychologues : "toute avancée se paie d'un recul", c'est peut-être moins déprimant.

    à Hypathie : ce n'était pas la majorité. La majorité des femmes y entraient très jeunes : à 5 ans, par exemple. On les conditionnait très tôt. Peu d'entre elles faisaient ce choix. Certaines manifestaient le désir d'y entrer par dépit ou parce qu'elles n'avaient pas le droit de se marier avec l'homme de leur choix. Mais il arrivait très souvent qu'elles le regrettent amèrement car elles ne pouvaient plus en sortir. Je ne sais plus qui, Clément Marot je crois, tentait de les en dissuader : "gardez vous d'entrez en lieu d'où l'on ne peut sortir" aurait-il dit au sujet des couvents.

    RépondreSupprimer