Tania du blog
Textes et prétextes, que je recommande fort aux amateurs/trices de littérature pour sa grande qualité de présentations (toujours magnifiquement illustrée) des livres les plus passionnants, a, contrairement à moi, reçu une réponse des éditions folio à sa plainte concernant l'
étrange couverture de "La reine Margot" illustrée avec une peinture de Cranach représentant la duchesse
Sibylle de Clèves. Voilà le contenu de la réponse :
Chère Madame,
Je
vous remercie pour votre message. J'ai bien lu l'article du blog que
vous m'avez indiqué, ainsi que les commentaires. Les couvertures de
Folio, et tout particulièrement de Folio classique, sont rarement
illustratives. Elle sont évocatrices d'une atmosphère, d'une idée, d'un
message. Il ne s'agit de privilégier ni la vérité historique, qui n'est
pas le propos principal d'une oeuvre de fiction, ni la beauté, bien
discutable de manière générale. La reine Margot de Dumas n'est pas
simplement l'héroïne historique: elle est aussi et surtout un personnage
de fiction, recréé et rêvé par Dumas. Nulle démagogie de notre part
quand nous illustrons La Reine Margot par une magnifique photo
de Jeanne Moreau dans le film de Jean Dréville de 1954, dans notre
ancienne édition de l'oeuvre. Nulle erreur historique quand, dans notre
nouvelle édition du roman, nous l'illustrons par un autre personnage.
Nous refusons simplement les lectures au pied de la lettre. Et nous
appliquons ce principe aux personnages féminins comme masculins: pour
illustrer Jeanne d'Arc de Michelet nous mettons une photo de Jean Seberg dans le film d'Otto Preminger, Sainte Jeanne; pour illustrer Henry V de
Shakespeare, nous ne choisissons pas un portrait du roi Henri V mais
une miniature médiévale représentant deux chevaliers. Enfin, quant à la question du féminisme, il est mal à propos d'accuser
une profession, celle d'éditeur, mais aussi de graphiste et d'attaché de
presse, particulièrement féminisée, notamment chez Gallimard. Nous
sommes sensibles à la question des femmes comme à celle de toutes les
minorités, attentifs à ce que nos couvertures ne heurtent aucune
sensibilité, sans pour autant nous interdire de susciter la réflexion.
Et nous ne mettons pas de politique dans des domaines, la littérature et
l'art, qui ont souvent pour rôle de transcender les préoccupations
politiques et communautaires.
En
vous remerciant de votre intérêt pour notre collection, je vous prie
d'agréer, chère Madame, l'expression de mes meilleures salutations.
Nous apprenons donc que les images de couverture, chez folio, sont :
"
rarement illustratives" : sans doute est-ce pour cela qu'elles s'appellent "illustration de couverture" mais la personne qui écrit la lettre a sûrement voulu dire "explicative" ou "représentative", soit...."
rarement" ? Est-ce à dire qu'elles le sont parfois ? Quels sont alors les critères permettant d'avoir sur la couverture de ce livre un portrait de la reine Margot ou une image "évoquant" le contexte véritablement historique ?
"
évocatrices d'une atmosphère, d'une idée, d'un
message" en effet, ici, le message doit être "la reine Margot était une petite fofolle de 14 ans au nez mutin et aux yeux en amande qui laissait ses cheveux roux étalés sur ses épaules et se couronnait d'une plume attachée à une couronne de fleurs tressées façon indienne mais avec la plume par devant et s'habillait comme une allemande du temps de son arrière-grand-mère". Or le problème c'est qu'il s'agit là d'une femme ayant réellement existé
et qui s'appelle Sibylle de Clèves.
Sibylle de Clèves n'est ni un atmosphère, ni une idée, ni un message, elle est aussi un personnage historique.
La reine Margot ne serait pas, je cite :
"
simplement l'héroïne historique..." il semble y avoir ici confusion entre Marguerite de Valois et Jeanne d'Arc. Marguerite de Valois n'a jamais été considérée comme une "
héroïne historique" mais comme un
personnage historique, ce n'est pas la même chose. Elle n'a pas d'actes héroïques à son actif. Elle a marqué son époque de différentes façons sans sacrifices spectaculaires mais avec une présence certaine. Seulement voilà, la phrase n'aurait plus fonctionné si notre correspondante des éditions folio avait utilisé le mot "personnage", cela aurait donné la phrase suivante : "
La reine Margot de Dumas n'est pas
simplement le personnage historique : elle est aussi et surtout un personnage
de fiction" voilà qui dévoilerait le véritable sens de la pensée de l'équipe folio. Pour elle, Marguerite de Valois est essentiellement un personnage de fiction. Voilà ce qu'elle veut nous dire.
Et en effet, c'est bien le reproche qui est fait ici c'est de rendre de plus en plus fictif un personnage historique qui a existé, au besoin en gommant son visage pour un mettre un autre à la place.
Marguerite de Valois serait donc :
"
un personnage
de fiction, recréé et rêvé par Dumas". Tiens, ici apparaît le mot
personnage. Marguerite de Valois ne serait donc pas une figure historique mais la marionnette de Dumas. Or c'est faux. Alexandre Dumas ne raconte rien sur Marguerite de Valois qui soit plus faux que ce qu'il raconte sur Charles IX, Henri de Navarre, Catherine de Médicis, Gaspard de Coligny et tous les personnages les plus historiques de ce roman. De plus, Dumas s'appuie sur les "Mémoires" de Marguerite de Valois, "Mémoires" sans lesquelles il n'aurait jamais écrire ce roman, raison pour laquelle il lui rend hommage en intitulant son oeuvre "La reine Margot", alors qu'elle parle très peu de la reine Margot et beaucoup plus d'Henri de Navarre. Mais les anecdotes comme celle où la Mole arrive tout ensanglanté dans la chambre de Marguerite la nuit de la Saint-Barthélémy est l'une de celles que Dumas a emprunté aux Mémoires de M. de V., ainsi que l'atmosphère d'intrigues, les problèmes entre mère et fille, le caractère influençable de Charles IX, la maîtresse mise dans le lit du roi de Navarre, etc. Tout cela Dumas le tient de Marguerite de Valois en personne. Il n'a donc rien "
rêvé", juste brodé d'après ces sources et mis en scène.
Dumas n'est pas une sorte de Pygmalion qui aurait inventé Marguerite de Valois mais c'est bien plutôt Marguerite de Valois (et Brantôme) qui a (ont) fait de Dumas le romancier de "La reine Margot".
Ainsi la représentation de "Margot" sous les traits de Sibylle de Clèves est
doublement une imposture.
"Nulle démagogie de notre part
quand nous illustrons La Reine Margot par une magnifique photo
de Jeanne Moreau dans le film de Jean Dréville de 1954" non seulement personne n'a parlé de "démagogie" mais personne n'est dérangé par le fait qu'une actrice ayant interprété la reine Margot figure sur la couverture du roman du même nom. Quel rapport avec la plainte ? En tout cas,
aucun avec Sibylle de Clèves qui n'a jamais fait de cinéma et encore moins interprété le rôle de Marguerite de Valois, qu'elle n'aurait pas pu connaître puisqu'elle est morte un an après sa naissance !
Pour illustrer sa soi-disant absence de sexisme, la correspondante de chez folio utilise, un argument de poids (c'est de l'ironie) :
"
pour illustrer Henry V de
Shakespeare, nous ne choisissons pas un portrait du roi Henri V mais
une miniature médiévale représentant deux chevaliers" deux chevaliers
anonymes, oublie t-elle de préciser ! Or Sibylle de Clèves, encore une fois, n'est pas anonyme ! Quant à Henri V, il ne fait pas partie de l'histoire de France. Marguerite de Valois, si.
D'après notre argumentatrice, les femmes seraient par essence féministe, donc il n'y a pas de sexisme dans la démarche :
"
quant à la question du féminisme, il est mal à propos d'accuser
une profession, celle d'éditeur, mais aussi de graphiste et d'attaché de
presse, particulièrement féminisée" la dame n'a pas l'air au courant que le féminisme n'est pas associée à la féminité et que "femme" n'est pas synonyme de "non-sexiste à l'égard des femmes". Nous avons assez d'exemples de femmes qui travaillent avec autant d'acharnement à l'oppression des femmes que si elles étaient des hommes !
"
Nous
sommes sensibles à la question des femmes comme à celle de toutes les
minorités (sic) (il y a 52% de femmes sur la planète), attentifs à ce que nos couvertures ne heurtent aucune
sensibilité, sans pour autant nous interdire de susciter la réflexion." En tout cas , la minorité des allemand.e.s qui serait en droit de demander ce que fait "leur" Sibylle de Clèves sur le roman de Dumas n'a pas tellement été prise en compte. Oui, cette couverture "suscite" en effet "la réflexion" suivante : il est tout à fait préjudiciable à ladite "minorité" qui n'en est pas une mis à part dans l'esprit des machistes,
de profiter d'un roman pour enterrer un peu plus la véritable identité de femmes qui ont réellement existé sous le prétexte qu'elles nous sont à peine connues.
Il serait peut-être temps de comprendre qu'il faut au contraire restituer à chacune son histoire et rendre enfin à Galla Placidia ce qui appartient à Galla Placidia.
Et le meilleur pour la fin :
"
Et nous ne mettons pas de politique dans des domaines, la littérature et
l'art, qui ont souvent pour rôle de transcender les préoccupations
politiques et communautaires". Se plaindre de cette couverture serait donc une démarche atrocement politique alors que le roman n'est là que pour divertir et faire rêver. Admirons la subtilité du vocabulaire "transcender les préoccupations politiques et "
communautaires" : les féministes deviennent une "
communauté"...pourquoi pas un secte ? C'est ce que cela semble sous-entendre).
Faux raisonnement
car l'art possède de fait une dimension morale et politique. Il n'y a pas de barrière entre l'art d'une part et la politique et la morale d'autre part. Le premier à le démontrer est Dumas lui-même qui a, certes, pris de grandes libertés avec l'histoire mais pas au point d'effacer tout repère.
Et d'ailleurs pourquoi la dénonciation du sexisme devrait-elle se cantonner dans le domaine politique ?
Or nous sommes dans la société de l'Oréal où faire rêver veut dire posséder une abondante chevelure rousse répartie librement sur les épaules. On est dans la logique l'Oréal pour qui les femmes ont à être jeunes et interchangeables et de préférence anonymes. Les repères historiques, moraux et politiques n'ont plus la moindre importance dans le monde de l'Oréal. Seuls comptent le profit.
Ceci est éminemment politique et particulièrement (im)moral.
Enfin, j'aimerais poser cette question à ces messieurs-dames des éditions folio : avez-vous lu la reine Margot ? Que penserait à votre avis Alexandre Dumas lui-même du choix de votre couverture ? Pas sûr qu'il aimerait. C'était un homme qui AIMAIT L'HISTOIRE, lui, messieurs-dames, et la respectait bien plus que ça. Sans quoi il n'aurait pas écrit des romans historiques, évidemment !
Cette couverture est celle de l'exemplaire du roman que je possède personnellement. Voilà une couverture que j'appelerais "évocatrice". Les vêtements sont d'époque, et l'attitude des personnages "évoquent" le contexte de la Saint-Barthélémy. Rien à redire.
Ceci est la couverture d'un roman classique allemand : "La jeunesse du roi Henri IV", de Heinrich Mann.
Tiens, c'est bizarre. C'est le portrait d'Henri IV qui orne la couv'...Cela dit, il y a
des couvertures de ce roman sans Henri IV, parce qu'il n'est pas connu en Allemagne. Néanmoins on ne l'a pas remplacé par un allemand (ou un autrichien, un hongrois, un tchèque, etc.) qui pourrait être son arrière grand-père !
[Pour les personnes qui ne le sauraient pas : Marguerite de Valois fut mariée à Henri IV].
(Illustration du haut : Marguerite de Valois avec une toque d'homme (Brantôme raconte qu'elle aimait porter des toques d'homme. Dans "Les dames galantes" il dénigre les femmes qui s'habillent en homme mais fait une exception pour Marguerite de Valois pour laquelle il a une énorme considération. S'il savait ce que l'on en fait aujourdhui...).
Conclusion : achetez le roman aux éditions "J'ai Lu" !
Quand je dis la robe est faite pour violer c’est parce que l’on se demande bien qui a décidé de qui portera des robes et qui des pantalons et à l’origine ce n’est pas la femme. La robe est plus pratique pour violer parce que l’on n’a pas à descendre un pantalon, il suffit de soulever la jupe et d’arracher la culotte.
C’est un vêtement qui laisse un peu la femme sans défense.
Sans parler des petites filles qui se font soulever leur jupe.
D’autre part, il y a le fait que la robe est, du coup, interdite aux garçons. Avant cinq ans, certains expriment leur extrême déception de ne pas avoir le droit de porter de robes (j’en ai connu personnellement plusieurs. J'ai même chez moi une photo d'un petit garçon (un allemand) fêtant son anniversaire en robe à fleurs parce ce que c'est le cadeau qu'il souhaitait pour ses 4 ans et une autre photo d'un autre petit garçon (un français) de 4 ans également virevoltant heureux dans la robe à fleurs que je lui ai prêtée parce qu'il pleurait de frustation de ne pouvoir le faire). Après cinq ans, ils ont honte et se taisent mais le sentiment d’injustice est là. Pourquoi disparaîtrait-il ?
C’est pourquoi je ne trouve pas tout à fait loyal de clamer que nous avons le droit de porter ce que nous voulons et que les hommes doivent se taire (bien sûr je ne parle pas, là, des deux réacs qui ont sifflé Duflot). C’est faux. Nous avons une grande étendue de choix qui nous maintient dans le domaine du chiffon et ce choix qui n'est pas partagé par les hommes, nous piège.
Cette inégalité a encore une fois été occultée dans le débat.
Comment nous habiller ou plutôt ne pas nous habiller ? Tant que les robes à fleurs ne sont pas portées par les hommes, faut-il en porter nous-mêmes ?
De surcroît, les vêtements féminins sont comme par hasard non seulement incommodes mais chers.
Pourquoi George Sand s’habillait-elle en homme ? Non pas pour correspondre à son pseudo d’homme mais parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour emmener ses robes chez le teinturier après avoir fait l’allée-retour à pied chez son éditeur (parce qu’elle ne pouvait pas non plus se payer le fiacre) dans la boue avec une robe qui traîne par terre.
J'ai expérimenté l'habillement masculin pour moi-même mais les coupes sont quand même difficile à porter et je m'évertue maintenant à m'habiller comme un homme mais avec des vêtements qui ont des coupes féminines. Je ne veux plus ressembler à un porte-manteau de mode féminine.
Tant pis pour la liberté de porter ce qui me passe par la tête. Je l'échange contre la liberté d'être à égalité avec l'homme.
J’ai horreur des vieux ringards qui sifflent Duflot dans l’hémicycle mais je n’ai pas envie de répéter tout ce que tout le monde a déjà dit sur la question en omettant de parler de la robe et de son unilatéralité dans la question du genre.