lundi 23 janvier 2012

Pourquoi l'Amazonie s'appelle Amazonie

Fichier:Amazones Thevet.jpg
Attention ceci n'est pas la description d'une réalité mais une image propagandiste d'origine masculine ayant servi au XVIe siècle à diaboliser les femmes non-assujeties au pouvoir mâle.

Le 26 août 1542 Alors que Francisco de Orellana participait à l’expédition menée aux confins de l’Équateur (Amérique du Sud) en compagnie de Pizarro, il fut chargé d’aller chercher des vivres, accompagné de quelques hommes. Il atteignit le fleuve Amazone (qui ne s'appelait pas encore comme cela) et en entreprit la périlleuse descente. Commença alors une aventure de plusieurs mois au cours de laquelle il se heurta à de "terribles" femmes guerrières qui tiraient habilement à l'arc. D'après certains autochtones, il se serait agi d'un peuple de femmes vivant seules, à la source du fleuve ; selon d'autres sources, ce n'est que le 24 juin 1541 qu'Orellana lutta contre des indiens et des indiennes de la tribu des Tapuyas dans laquelle les femmes n'étaient apparemment pas réduites aux corvées domestiques mais étaient mêlées aux hommes dans la bagarre. Orellana croit alors voir là des Amazones comme dans la mythologie grecque et c’est ainsi qu'il nomma le fleuve.

Après quoi il rentre en Espagne où il reçoit des lettres patentes de Charles Quint pour établir des colonies à l'embouchure du fleuve le 18 février 1544. Il épouse une jeune fille pauvre, Ana de Ayala, et repart le 11 mai 1545 avec trois vaisseaux. Il en perd un au cours de la traversée, et abandonne l'autre en arrivant. Il meurt d'une flèche empoisonnée lors d'un combat avec les Indiens Caraïbes. Les rares survivants, dont sa femme, furent secourus par l'équipage du troisième navire, arrivé en retard.
Ana de Ayala se lia alors à un autre survivant, Juan de Penalosa, avec lequel elle vécut le reste de ses jours à Panama où elle mourut quelque part après 1572.

A propos de la gravure : En 1557, au retour d’un voyage au Brésil, André Thevet dont j'ai déjà parlé à propos de Marguerite de la Roque, reprend dans son ouvrage Singularités de la France antarctique, le thème des femmes guerrières trouvées par les Espagnols sur le fleuve Amazone. Il accompagne sa description de deux gravures effrayantes qui connaîtront un grand succès. Il nous dit « Elles font guerre ordinairement contre quelques autres nations, et traitent fort inhumainement ceux qu’elles peuvent prendre en guerre. Pour les faire mourir, elles les pendent par une jambe à quelque haute branche d’un arbre ; pour l’avoir ainsi laissé quelque espace de temps, quand elles y retournent, si le cas forcé n’est trépassé, elles tireront dix milles coups de flèches ; et ne le mangent comme les autres sauvages, ains le passent par le feu, tant qu’il est réduit en cendre » (Singularités p 243). Thevet d'abord se réjouit qu'aux trois sortes d'Amazones décrites dans l'antiquité, celles de Scythie, d'Asie, et de Libye, viennent s'ajouter les Amazomes d'Amérique. Ainsi chaque continent a ses Amazones. Aux dires de Lestringant, les Amazones d’Amérique représentent pour les conquistadores de la très catholique Espagne, l’antimodèle attirant et redouté de guerrières libres, chastes et conquérantes. Plus tard, dans la Cosmographie universelle, Thevet se dira « bien marry que je sois tombé en la faute de l’avoir creu ».

13 commentaires:

  1. Intéressant. La Belgique aussi a son "Amazone", une association dont le travail ne peut manquer de t'intéresser. Le site :
    http://www.amazone.be/spip.php?rubrique6

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  2. Oui, c'est intéressant, tout comme le lien donné par Tania.

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  3. Ravie de connaître l'origine du nom...mais fort effrayée par la gravure, quelle horreur!

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  4. Merci Tania. Très intéressant et bien fait. Je l'ai mis dans mes adresses de site.

    A Healcraft : je le savais déjà mais je viens de le redécouvrir. On dit que c'est une légende (toujours ! quand il s'agit de femmes émancipées) mais tout un pays et son immense fleuve ont quand même pris et gardé ce nom jusqu'à ce jour...

    A Colo : c'est purement de la propagande masculine anti-femmes libres. Il faut que les hommes aient peur qu'une femme se défende par ses propres moyens. On ne lésine donc pas sur la méthode.

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  5. Bonjour,

    Je ne suis pas du tout d'accord avec l'"avertissement" que tu as mis en-dessous de la gravure ! C'est plutôt une image typique du XVIe siècle, où l'on se complaît à représenter massacres et supplices : on a les mêmes, voire des bien pires (avec tripes et boyaux à l'air) avec des hommes sur les massacres divers des guerres de religion...

    Sinon merci pour ce petit rappel sur l'origine de ce nom ! ça me rappelle "Les mystérieuses cités d'or", le dessin animé des années 80... les Amazones y sont représentées.

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  6. Bonjour toutes, J'adore tout ce qu'Euterpe met en vue... Quant aux amazones, tant gros phantasme que fantasme masculiniste, je bondis au "libre", libre de quoi ? Je rebondis au "chaste", ils rêvent ? Et je me couche à "conquérante" s'il s'agit intellectuelle... non, ou plutôt, je reprends mon arc pour partir à la chasse au www.

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  7. A Artémise : image typique du XVIe siècle sans aucun doute mais certaines images l'étaient de propagande aussi bien qu'à d'autres époques antérieures ou postérieures comme la nôtre ! Certaines gravures étaient descriptives d'autres caricaturales, d'autres carrément mensongères.
    En effet, l'épisode 21 du dessin animé s'appelle "Les Amazones" ! :)

    Merci christine GMD ! :) Bien vu : libre de quoi ? c'est vrai que nous nous le demandons bien ! Mais pour l'européen blanc de ce temps cela voulait dire ne pas exclusivement servir l'homme et ne pas sacrifier entièrement sa vie, ses pensées, ses actes à son maître et seigneur (son Dieu ?). C'est déjà de la liberté, ça, voire un abus de liberté. "Chaste", parce que dans l'esprit de l'époque les femmes étaient par nature, génétiquement dirait-on aujourd'hui, complètement nymphos (c'était écrit dans la Bible). "Conquérante", ben oui on a vu ici même qu'encore aujourd'hui la conquête doit rester l'apanage de l'homme. Pas touche à la conquête du Nouveau Monde ! On dirait qu'y introduire des femmes est un sacrilège !

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  8. Si elles ont laissé leur nom à un fleuve et à une forêt dont dépendent la survie du genre humain, (la forêt amazonienne est capitale dans l'écosystème Terre), c'est qu'elles ont bien dû exister, les amazones. Ou quelque chose qui approchait. Il y a actuellement en Afrique au moins un village de femmes qui se soustraient ainsi à la violence des hommes.
    http://www.africa4womensrights.org/post/2009/03/05/Umoja-le-village-interdit-aux-hommes-Bande-annonce

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  9. A Hypathie : Oui il me paraît évident qu'elles ont existé. Soit qu'elles aient vraiment constitué un groupe uniquement féminin soit qu'elles aient fait partie d'un groupe égalitaire et cela a suffit à impressionner si fortement les espagnols qu'ils ont déjà cru reconnaître dans cet égalitarisme les amazones rapportées par l'historien grec Hérodote.
    Quant aux gravures avec les hommes pendus par un pied, les historien.ne.s ancien.nes.s et actuel.le.s disent eux-même que c'est de la propagande.
    Je vais visionner la vidéo dès que possible, merci.

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  10. Ah, je dois avouer que la légende m'a fait sourire :)
    C'est le ATTENTION ! en rouge je pense.
    Personnellement j'ai fait de l’anthropologie à la fac, et j'aimais beaucoup mon prof, qui m'avait appris ce qu'était l'ethnocentrisme, et l’évolutionnisme. Et qui n'arrêtait pas de nous répéter que les femmes n'étaient pas naturellement prédestinées à certaines taches et inaptes pour d'autres...
    Je me souviens qu'il avait dit que les amazones n'avaient jamais existé, que c'était un mythe dont le message était le suivant: Femmes, si vous voulez rivaliser avec les hommes, vous devrez renoncer à une partie de votre féminité (vous coupez un sein). Mais qu'il n'avait jamais, au grand jamais été nécessaire de se mutiler pour tirer à l'arc...
    Avec le recul, je crois qu'il était un féministe convaincu, mais à l'époque, moi je ne l'étais pas encore ^^
    Sinon, c'est moi l'hystérique sur le blogue d'Olympe. Je ne connaissais pas ses positions sur la prostitution.

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  11. A Berenice : on ne sait jamais avec ceux qui s'imaginent que nous sommes des sadiques en puissance et que c'est la raison pour laquelle il faut impérativement nous opprimer ! :)
    Les amazones qui se coupaient un sein, oui c'est très image d'Epinal. Par contre qu'il y ait eu des armées composées d'hommes et de femmes mélangéEs (j'applique la future nouvelle règle d'accord) cela me paraît d'autant plus logique qu'il y en a aujourd'hui.
    Maintenant, il se peut aussi qu'il y ait eu une société à suprématie féminine quelque part. C'est du moins ce que rapporte Hérédote qui n'avait pas trop l'air d'un affabulateur. Mais si c'est le cas, il est clair qu'aucun bonhomme ne s'est empressé de faire des recherches sur cette intéressante civilisation parce que ça remet en cause leur légende de la supériorité masculine + de la dépendance féminine "naturelles" qu'il faut à tout prix maintenir !

    A propos de l'épididymé d'or : pour passer pour hystérique auy yeux de cet individu, il suffit d'être une femme et d'émettre une critique argumentée sur ce que ce monsieur raconte. Pour un peu il préconiserait l'asile de dingue. C'est lui l'hystérique (enfin plutôt l'épididymique (mot à créer)).

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  12. Je voulais ajouter : on remarquera que sur l'image, une femme est tournée vers nous et que l'un de ses seins est caché par le coude de l'archère du premier plan. Une allusion au sein coupé ? En tout cas la personne qui a fait le dessin a très visiblement chercher à relier ces amazones-là à celle de l'antiquité.

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  13. Merci Euterpe ^^
    Bah, en fait, en clinique les hystériques hommes existent aussi (c'est statistiquement plus rare, certes).
    Mais à l'époque où le mot a été créé, les médecins croyaient que c'était l'utérus en manque de sperme (je vous jure, je n'invente rien!!!) qui se baladait dans le corps, à la recherche de ce qui lui manquait ^^
    Donc on préconisait, soit de marier les patientes, soit de les soigner avec au choix, la méthode dure (on faisait respirer à la patiente des sels qui sentaient mauvais, pour que l'utérus, dégouté, retourne à sa place) et/ou la méthode douce (on plaçait à l'entrée du vagin de l'encens pour que l'utérus revienne, attiré par les bonnes odeurs). Tout un programme...

    Je serai très intéressée si il y avait effectivement des études sur des sociétés matriarcales, à ma connaissance il n'y en a qu'une et encore les spécialistes ne seraient pas tout à fait d'accord...

    PS: oui certainement que le "attention..." est nécessaire, c'est vrai que c'est un blog féministe et que certains visiteurs pourraient penser qu'entre nous on rêve de les pendre à un arbre. Le pire c'est que c'est possible !

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