mardi 11 octobre 2022

Le bal des Louves

 Je viens de finir un livre trouvé au coin de chez moi dans une cabine téléphonique transformée depuis des années en bibliothèque libre. C'est une traduction en allemand du premier tome du Bal des Louves intitulé "La chambre interdite" (alors que le titre original est "La chambre maudite"), roman historique de Mireille Calmel, autrice inconnue de moi jusqu'alors.




Ma lecture précédente était la version allemande de "Sursis pour l'orchestre" (traduit en "L'orchestre de filles d'Auschwitz") de Fania Fénelon qui relate les seize mois de l'existence d'un orchestre de (jeunes) femmes au camp d'extermination d'Auschwitz, orchestre dont elle fit partie et camp où elle fut internée.




On peut faire un lien entre ces deux oeuvres bien que, de prime abord, elles semblent n'avoir strictement aucun rapport. Les autrices pourraient être grand-mère et petite-fille, elles placent la narration chacune dans des époques et des pays différents, l'une est un témoignage vécu basé sur des notes prises en temps réel, l'autre est fictionnelle et repose sur les documents qui ont pu parvenir jusqu'à nous d'un siècle très reculé. L'une ne décrit que des personnages ayant existé, l'autre mélange figures du passé et personnages inventées voire plus ou moins empruntées à des légendes. 

Le point commun des ces deux oeuvres se situe dans le fait que :

des femmes et des enfants et aussi quelques hommes sont livrés à un seul ou une poignée de psychopathes inhumains, avides de pouvoir et de richesse, volant, violant, se livrant à des expérimentations "scientifiques" sur des personnes sans défense dont l'existence n'a pas de valeur pour eux afin de percer le secret de la vie et de se l'approprier et afin d'obtenir la jeunesse éternelle voire l'immortalité. Pour ce faire, ils réduisent les individus à leur corps, oppriment, maltraitent et tuent leurs congénères. Ils sont massivement aidés par des brutes, des sbires, des traîtres, des lâches et des imbéciles dépourvus de conscience.  

Cela fait écho à ce qui se passe actuellement dans le monde.



Sinon, je suis ravie de la nomination d'Annie Ernaux comme prix Nobel de Littérature! 


« Pour le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle dévoile les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle » a déclaré le jury suédois.

Ce qui est une traduction de l'anglais : 

For The Courage And Clinical Acuity With Which She Uncovers The Roots, Estrangements And Collective Restraints Of Personal Memory.”


On pourrait aussi le traduite librement par "le courage et l'acuité clinique avec lesquels elle expose les racines, démasque aliénations et restrictions opérées au niveau collectif de la mémoire individuelle". Je mets l'accent sur l'aspect politique de notre dépossession. Le système nous coupe de nos racines, de nos références et de nos expériences communes nous privant de mémoire. Ce n'est plus un monstre ou des monstres à visages reconnaissables mais tout un "système". Ce qui nous empêche de voir d'où vient l'attaque et de désigner les coupables.