Comme je n'ai pas de portrait de Michelle de Saubonne, car on n'en connaît pas et que, par contre, il existe des portraits sans identité mais contemporains de mon personnage, j'emprunte ce portrait de femme anonyme qui pourrait, pourquoi pas, être celui de Michelle de Saubonne, qui sait ? Le costume en tout cas est celui d'une femme de son rang et l'âge correspond également.
Michelle du Fresne dite de Saubonne, est décrite comme la femina cordatissima (la femme la plus sagace) par Guillaume Budé, grand humaniste de la Renaissance et traducteur de Plutarque.
Présente à la cour de Louis XII comme dame d'atour et secrétaire de la reine Anne de Bretagne, Michelle de Saubonne organisa pour elle des joutes oratoires galantes et présenta à la reine le poète Jean Marot.
En 1507, elle se maria avec Jean IV de Parthenay, seigneur du Parc de Soubise, dont elle était la seconde épouse, et qui mourut cinq ans plus tard, la laissant enceinte avec trois filles. Elle accoucha d'un fils. C'est par ce fils, Jean V de Parthenay-L'Archevêque, seigneur de Soubise, qu'elle sera la grand mère de Catherine de Parthenay.
Vers 1510, elle devint la gouvernante de Renée de France, (fille cadette d'Anne de Bretagne) dont elle fit l'éducation. Anne de Bretagne voulait qu'elle fut pour sa fille comme une mère (Mémoires de Catherine de Parthenay).
Dans les querelles qui divisaient la cour, Michelle Saubonne prit le parti d'Anne de Bretagne contre celui de Louise de Savoie, qui, à la mort de cette Reine, voulut dépouiller l'enfant de son héritage
En 1515, elle fut éloignée de Paris par François Ier car elle s'opposait au rattachement de la Bretagne à la couronne de France.
Elle se retira dès lors avec ses trois filles et son fils, à sa maison du Parc-Soubise, où elle éleva ses enfants, et leur fit apprendre les langues grecque et latine. Budé affirme qu'elle avait connaissance de la vraie religion et y instruisit tous ses enfants.
En 1528, Renée de France épouse Hercule II d'Este à la condition que fut admis le retour de Michelle de Saubonne, sa gouvernante, à la cour, puis l'emmena en Italie, à Ferrare avec deux de ses filles, dont Anne de Soubise ainsi que son fils. Suite à l'affaire des Placards Clément Marot vint les y retrouver en 1535 afin de fuir la vindicte du roi et des fanatiques religieux.
Les deux femmes avaient fait de la cour de Ferrare un lieu de rencontre entre réformés francais et italiens et Michelle de Saubonne fut la première francaise convertie au calvinisme. On trouve également artistes, poètes et poétesses comme Vittoria Colonna en 1537/38 dans ce milieu favorable à la liberté d'expression comme on dirait aujourd'hui. La préceptrice d'Anne d'Este (fille de Renée qui avait également trois filles et un fils), Olympe Fulvie Morat s'y fait également remarquée pour sa sympathie envers la Réforme.
D'autres réfugiés de France choisirent également en ces temps agités la protection de la duchesse de Ferrare : Rabelais, par exemple.En 1536, le duc d'Este voulut chasser Madame de Saubonne de Ferrare. en raison des reproches qu'elle faisait quant à la façon dont il traitait son épouse.
Reproches également relayées par Clément Marot qui écrivit une Complaincte à la Royne de Navarre du maltraictement de Madame de Ferrare par le Duc, son mary (Marguerite de Navarre était la belle-soeur de René d'Este du fait du premier mariage de son frère Francois Ier avec la soeur de la duchesse. D'autre part, elle servit beaucoup de bureau de réclamations à tous ceux qui ne savaient à quel saint se vouer).
Renée de France, et d'Este désormais, protesta du renvoi de sa gouvernante, auprès de François Ier et auprès du Pape Paul III. Le cardinal du Bellay pris également position pour Michelle de Saubonne.
Clément Marot a composé des vers sur le départ de Ferrare Madame de Soubise qui sont plein d'admiration et d'empathie
:
Le clair soleil sur les champs puisse luyre
Dame prudente et te vueille conduire
Jusques au pied de ta noble maison
Il est certain que plus tost oraison
Pour ta demeure à Dieu je vouldrois faire
Mais puis que luy et le temps et l affaire
Veulent tous trois que ta bonté desplace
Montz et torrens te puissent faire place
Dieu tout au long de ton allee entiere
et aussi ce distique, lors de son retour en France :
Viens le temps doux. Retire-toi la bise ! Ne fache point Madame de Soubise !
Après son retour, sa fille, son gendre, et son fils, s'occupèrent de diffuser le protestantisme dans les terres de la Charente et du Haut-Poitou. Quelques jours après le décès de sa fille Anne, Madame de Saubonne mourut en recommandant à sa famille le jeune Bernard Palissy (1549) ; elle s'éteignit en professant la nouvelle religion ; elle avait toujours eu le prêche sur ses terres, et les édits du roi protégeaient encore les ministres. C'est alors que se réalisa la prophétie de Marot :
Et nous en bief, saurons, de ton absence,
de quoi servait par deça ta présence.
Sa vie et sa généalogie nous sont connues au travers des écrits du mathématicien François Viète, qui fut le secrétaire de son fils.
Ajout du 21.9 : ce portrait de Clouet portant sur le web abusivement la mention de "portrait de femme anonyme" est en fait légendé puisque Catherine de Médicis a légendé elle-même tous les tableaux de Clouet ! Il porte le nom de "Me de Lofaite" peut-être s'agit-il de Mme de La Fayette, gouvernante de Jeanne d'Albret (L'orthographe n'était pas considérée comme importante à l'époque).
Bonjour Euterpe,
RépondreSupprimeril y a juste un truc qui cloche, en 1515, elle n'a pas pu être soupçonnée de sympathies pour la Réforme, on est deux ans avant les 95 thèses de Martin Luther :)
sinon c'est un très beau portrait, merci mille fois pour ton travail !
" servit beaucoup de bureau de réclamations à tous ceux qui ne savaient à quel saint se vouer " un peu comme moi, à croire que ce choix était le bon ;-)
RépondreSupprimerA Artémise : très juste ! Je me suis appuyée en partie et à tort sur le Wiki qui est souvent bourré d'erreurs. Cela m'avait frappée tout d'abord puis je l'ai laissé passer sans faire attention.
RépondreSupprimerLes autres informations me viennent d'une bio en allemand de Renée d'Este.
J'ai corrigé !
A iboux : ah ! Ce que c'est que l'intuition ! :)
Ah, très intéressant ce billet sur cette femme proche d'Anne de Bretagne, et que je ne connaissais pas.
RépondreSupprimerA Hypathie : j'ai découvert qu'Anne de Bretagne avait une énorme collection d'oiseaux (vivants), des linottes, 24 chiens dont 9 lévriers, 100 chevaux et mulets et qu'elle pratiquait la chasse au faucon. Intéressant, non ? :)
RépondreSupprimerOui, c'est intéressant et c'est surtout de son époque ! Aujourd'hui, même les hommes politiques ne chassent plus trop (tant mieux) et c'est onéreux d'entretenir tous ces animaux ! Et on n'aime plus les animaux de la même façon, alors que sans doute, elle devait les aimer à sa façon dans le contexte de son époque.
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