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vendredi 27 juillet 2018

Comment ils ont assassiné le printemps (suite)

Extrait de "Pierre Nozière", 1885, Anatole France, éditions Calmann-Lévy, collection "Le Zodiaque", 250 Francs, page 209 à 213 :
  
"UNE ÉPAISSE FORÊT descendait alors jusque sur les grèves de la mer. Les lièvres l'habitaient. Elle recouvrait des marais peuplés de vanneaux, de bécasses, de canards et de sarcelles. Les mouettes déposaient leurs oeufs sur la roche nue des falaises. Le cri aigu du héron et la plainte du courlis s'élevaient des grèves pâles où le cygne, l'oie sauvage et le grèbe, chassés par les glaces, venaient passer l'hiver dans les sables marins. Des hommes en petit nombre habitaient ces contrées sauvages. C'étaient de pauvres bateliers qui pêchaient dans l'embouchure poissonneuse de la Somme. Ils étaient païens. ils adoraient des arbres et des fontaines. En vain les saints Quentin, Mellon, Firmin, Loup, Leu d'Amiens, étaient venus les évangéliser. Ils croyaient encore ce qu'avaient cru leurs pères. Ils croyaient aux génies de la terre et aux âmes des choses.
   Ces simples pêcheurs étaient saisis d'une horreur sacrée quand ils pénétraient dans les forêts profondes qui couvraient alors tout le rivage. Ils voyaient partout des dieux agrestes. Au bord des sources, où tremblaient les rayons de lune, ils apercevaient des nymphes, des fées, des dames merveilleuses ; ils les adoraient et leur apportaient en tremblant des guirlandes de fleurs. Ils croyaient bien faire en les aimant, puisqu'elles étaient belles.
   Sans doute, la source qui descendait le coteau feuillu où le pieux Valery s'arrêta était une des sources sacrées auxquelles ces hommes faisaient des offrandes. Elle coule encore au pied de la chapelle, du côté de la baie. Comme aux anciens jours, l'eau est fraîche et toute claire. Mais, maintenant, elle ne chante plus. Elle n'est plus libre comme au temps de sa rustique divinité. On l'a emprisonnée dans une cuve de pierre à laquelle on accède par plusieurs degrés. Du temps de saint Valery, c'était une nymphe. Nulle main n'avait osé la retenir, elle fuyait sous les saules. (...) C'est là, c'est dans ces fontaines des bois que se réfugièrent les dernières nymphes chassées par les évêques. Ces agrestes déesses étaient poursuivies sans pitié. Un article des ordonnances du roi Childebert porte que : "Celui qui sacrifie aux fontaines, aux arbres et aux pierres sera anathémisé".
   Valery jugea ce lieu convenable à ses desseins. (...) (voir page 4, 6 et 7 du pdf sur l'histoire de Valery)

   C'est contre les nymphes des bois et des fontaines que le saint homme tournait toute sa colère. Pourtant ces nymphes étaient des innocentes. (...) Ces nymphes, ces fées, ces dames étaient jolies et mettaient un peu de grâce au fond des coeurs rustiques. C'étaient des divinités toutes petites qui convenaient aux petites gens. Saint Valery les tenait pour des démons pernicieux, et il résolut de les détruire. (...).
   Un jour, passant dans un lieu proche de la ville d'Eu, il vit un arbre aux branches duquel des images d'argile étaient suspendues par des bandelettes de laine rouge. Ces images représentaient l'Amour, le dieu Hercule et les Mères. Ces Mères étaient très vénérées dans toute la Gaule occidentale. Les potiers de terre ne cessaient point de modeler les figures de ces dieux qui se trouvent encore en grand nombre dans la terre sur les rivages de l'Océan, de la Somme à la Loire. Elles sont parfois géminées, et deux mères sont assises côte à côte, tenant chacune un enfant. Parfois il n'y a qu'une Mère, et les paysans qui la découvrent en labourant leur champ la prennent pour la Vierge Marie. Mais c'est une idole de païens.
  Saint Valery fut irrité à cette vue et pensa en son coeur :
  "Des démons pendent comme des fruits pernicieux aux rameaux de cet arbre. "
  Puis il leva la cognée qu'il portait à sa ceinture et, avec l'aide du moine Valdolène, son compagnon, il renversa l'arbre avec les images saintes qu'il abritait sous son feuillage. Quand les gens du pays virent couché sur le sol l'arbre-dieu avec la multitude des offrandes et la sève saignant sur le tronc mutilé, ils furent saisis de douleur et d'effroi. Et lorsque saint Valery leur cria : "C'est moi qui ai renversé l'arbre que vous adoriez faussement ", ils se jetèrent sur lui et le menacèrent de l'abattre comme il avait abattu le dôme verdoyant" (fin de citation).



  Anatole France nous narre la vie de quelques saints qui, pour lui, son exemplaires. L'absurdité de leur prétendu "sainteté" quand ceux-ci abattent des arbres sous prétexte de "fausse" foi ne lui apparaît pas du tout. Bizarre. Pourtant l'arbre est absolument nécessaire à notre existence, L'ARBRE DE VIE (the tree of life) est central à toutes les cultures, même si l'on raconte maintenant qu'il s'agit d'un symbole au sens "figuré". Un dieu mâle, en revanche, n'a absolument AUCUN intérêt. Avec le recul on voit dans la description du missionnariat imbécile des chrétiens (mais c'est le cas pour tous les autres monothéismes à dieu mâle) un proto-écocide. Ils veulent par force remplacer la sacralité de l'arbre et de l'eau par la sacralité de la bite.
N'est-ce pas insensé à un point inimaginable ?
Cette violence inexplicable abasourdit les peuples dit païens qui, ayant perdu l'objet de leur culte, n'ont pas d'autre choix que de le pleurer sans espoir de le retrouver jamais. Puis, comme pour la jeune fille contrainte à la prostitution par le viol et la violence, ils sont obligés de se consoler auprès de leur persécuteur qui leur offre sa bénédiction/protection/religion.
Il a organisé leur détresse de sorte qu'il puisse leur faire croire qu'ils ne sont rien sans lui - pour déclencher un attachement traumatique à sa personne ; rapprochement de la victime par la mise en confiance et la séduction, pour renforcer chez elle le sentiment d'obligation et de redevabilité. 
  Les pères de l'Église appeleront la soumission des vaincu.e.s "miracle" et la donneront comme preuve irrréfutable que la vraie foi est apparue à ces "rustres" par la "grâce divine".
  Les prétendus "saints" abattent des arbres comme s'ils n'avaient pas plus de valeur que les images d'argile suspendues à leurs branches. Curieusement Anatole France les décrit comme des personnes assassinées et en même temps approuve cet assassinat. Le saccage qui aboutit aujourd'hui à des incendies de forêts boréales commence bien là, par cette approbation de l'écocide au nom de la "vraie" foi. Et se poursuit depuis des siècles sans répit. Malheur à celleux qui voudraient l'arrêter.
Tous les arbres doivent disparaître. Toutes les fontaines doivent être empoisonnées. Au nom de la bite suprême.

Les icônes jouent un rôle de premier plan dans l'histoire du massacre systématique des arbres.
Car ce n'est pas l'arbre qui agresse Valery ce sont les représentations qui y sont accrochées magnifiant des femmes. Des femmes seules avec des enfants. Ou plusieurs femmes avec des enfants, ensemble. Sans homme.
Mais cela ne lui suffit pas de détruire les images, il faut détruire la divinité à qui elles sont adressées.
Les images qui, aujourd'hui, auraient l'air de se vouer à un autre culte qu'à celui la bite peuvent entraîner la colère destructrice de quelque sectataire. La peintresse d'icônes Oksana Chatchko qui désacralisait la peinture religieuse phallocrate est morte. A t-elle été abattue directement ou indirectement par un saint Valery orthodoxe hors de lui ?
Oksana disait qu'elle était prête à tout pour ses idées, qu'elle n'avait pas peur : "Je suis prête à être tuée". Si on est prête à être tuée pourquoi se tuer ? Elle disait croire en l'humanité mais qu'il ne fallait pas avoir peur de s'opposer, par exemple, à la religion. De ce fait son prétendu suicide est suspect et également les derniers mots qu'elle aurait "écrit" mais pas dit de vive voix ni en public. Ici elle présente ses croix détournées en kalachnikovs. "Pour moi les religions sont des idéologies très très agressives" dit-elle en français. Le suicide aussi demande une terrible agressivité tournée contre soi-même. Hors du commun. Oksana n'était pas une personne agressive mais révoltée.
                 (icône féministe d'Oksana Chatchko. "Des icônes, personne n’en a jamais peintes de pareilles avant elle. Ses œuvres seraient assurément jugées plus dangereuses et scandaleuses en Ukraine ou en Russie, que les manifestations seins-nus des FEMEN, tant ici, Oksana touche au sacré de la chrétienté orthodoxe" Est-on encore en sécurité loin de la Russie alors que plus aucun  État ne reculent devant des infractions contre les droits humains lorsqu'il s'agit de faire des affaires avec un autre État ?)

Si les païen.ne.s de l'embouchure de la Somme que décrit Anatole France n'ont pas tué "saint" Valery, ce n'est pas par fascination pour le saint mais, sans doute, parce que contrairement à lui, iels respectent la vie et ne sont pas des assassin.e.s.
La légende chrétienne/crétine y voit, elle, la confirmation du bien-fondé de ce massacre d'arbres qui sera désormais perpétré au nom de la sainte... bite.
Le non-respect de la vie par les adorateurs de la sainte bite est considéré depuis ce temps-là comme une qualité à entretenir par la répétition inimterrompue de toutes sortes de meurtres odieux sur les femmes, les animaux, les plantes.


                                  (Saint boniface abattant l'arbre de Thor).


(on détruit maintenant des arbres par centaines de millions à l'époque du solstice d'hiver pour y accrocher des "images votives" ou "boules". Absurdité et détournement bitocratique des offrandes païennes à l'arbre-dieu).
  
    Et puis on détruit aussi des animaux en quantités effarantes, au point que les maigres arbustes qui restent et qui n'ont pas le temps de vieillir, ne peuvent faire face aux émissions de gaz que produit cette industrie de la mort. On le fait comme au temps de l'Ancien Testament, pour le Dieu-bite qui aime le sang, mais on n'appelle plus cela "sacrifier à Dieu". On appelle cela "consommer de la viande" car il paraît que depuis l'apparition de Jésus -Christ, fils de Dieu qui se serait lui-même sacrifié, on n'a plus besoin de tuer des animaux... ah bon ?  

mardi 24 juillet 2018

Proserpine (actualisée)

Pour revenir à mes anciennes amours : les contes, les mythes et les rites pré-patriarcaux, je publie un extrait de "Pierre Nozière", 1885, d'Anatole France*, tiré d'un chapitre consacré à la ville de Vernon et à sainte Noflette morte au 1er siècle (en 638) :

"[En ce temps-là] ... des tableaux votifs étaient suspendus avec des images aux branches des chênes sacrés. Les humbles dieux des paysans ne s'étaient pas tous enfuis devant le signe de croix et l'eau bénite. (...).
Il fallut beaucoup d'exorcismes pour chasser ces menues divinités. Il subsiste encore aujourd'hui, aux environs de Vernon, quelques vestiges des cérémonies paiennes. La veille du dimanche des brandons, les habitants des campagnes se rendent le soir dans les champs et se promènent sous les arbres avec des falots en chantant quelque vieille invocation. Fidèles sans le savoir à Cérès, leur mère, ces bonnes gens reproduisent ainsi d'antiques mystères et figurent d'une manière encore reconnaissable la déesse qui cherchait sa fille Proserpine à la lueur des feux de l'Etna. Je rapporte les faits sur la foi de M. Adolphe Meyer, le savant historien de la ville de Vernon".

Dans la représentation du Blanche-Neige et les sept nains" de Walt Disney, Cérès est une affreuse belle-mère (la "véritable" mère étant morte... exécutée par la patriarchy ?), femme stérile (il ne faut pas stigmatiser la maternité, quand même !) transformée par elle-même et par magie en la plus hideuse des vieilles et qui cherche sa BELLE-fille Proserpine pour la supprimer (justement parce qu'elle est belle, la valeur humaine des femmes se réduisant désormais à leur beauté donc à leur jeunesse).
                                            (traduction : "prends une bite")

N'est-ce pas l'allégorie de la patriarchy cherchant à supprimer le printemps ?
La patriarchy  sous les traits d'une femme qui empoisonne les pommes et veut mettre fin aux cycles naturels parce qu'ils ne se soumettent pas à sa domination ?
La père-version du mythe de Cérès et Proserpine fait des femmes entre elles, des ennemies mortelles et des hommes, les gardes du corps féminin fécondable. Un chasseur, sept nains, un prince, neuf mecs pour soustraire une jeune fille à une domination féminine. Ok, la fille qui veut échapper au matriarcat doit faire la bonniche pour huit personnes et s'occuper de l'hygiène de mâles pourtant adultes mais n'est-ce pas là son rôle "naturel", poils aux aisselles ?
Et c'est la femme pas jeune que l'on fait passer pour la cannibale de service, mangeuse de coeur humain (alors que dans la mythologie grecque c'est le vieillard Saturne qui dévore son fils). De plus, telle l'industriel Monsanto, elle va jusqu'à empoisonner les pommes.
Le patriarcat invente la mère qui cherche sa fille non parce qu'elle veut la ramener de l'empire des morts où UN HOMME l'a emportée mais parce que c'est elle qui veut sa mort. Ainsi l'homme camoufle le meurtre que lui même a accompli.
Diffamation des femmes.
Le père-vers s'est fabriqué une fausse coupable.
L'enlèvement de Proserpine par Vulcain, divinité souterraine masculine, et représentation du Vieil Hiver, est rayé de la narration. Vulcain est éclaté en sept inoffensifs petits vieux réduits à de gentils hébergeurs d'une adolescente en fuite pour cause de problèmes familiaux générés par la seule mère illégitime "affreusement" dominatrice (une sorcière, quoi).


Mais l'empire industriel Disney est récent. On apprend par Anatole France, qu'avant les deux guerres mondiales qui ont décimé à 90% et intentionnellement la paysannerie pour consolider l'installation de la première industrialisation, il subsistait un culte à Cérès ! Le massacre de la paysannerie l'aura plus efficacement éradiqué que l'Église.
D'ailleurs d'Anatole France nous tenons cette citation : "on croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels" dont l'industriel Disney qui assurait la propagande guerrière.
Pendant toute la durée de la 2e GM, la fabrique Disney a produit plus de 68 heures de films.
Le père-vers qui domina le siècle des guerres mondiales adorait, tiens donc, le "Blanche-Neige" de Disney. Mais Blanche-Neige, , elle commence à en avoir vraiment par-dessus le ruban à noeud-noeud.
Actualisation du 25.7.18 : j'ai appris hier la mort d'Oksana Chatchko, co-fondatrice de Femen et pour moi la meilleure de ce mouvement hétéroclite.
Cela me rendait heureuse de savoir qu'elle existait et sa mort m'émeut terriblement. Cette disparition plus que soudaine représente une perte énorme pour le féminisme.


Oksana était comme le retour du printemps. La divine, divinité, déesse Oksana Chatchko a été comme Proserpine enlevée par le machisme et conduite dans le royaume des mortes d'où elle ne reviendra jamais, comme disparaît le printemps tué par l'industrie et les industriels.

Rest in Power.

*À propos d'Anatole France, je précise que je ne le considère pas du tout comme un auteur pro-féministe, bien au contraire. Il est misogyne, infatué et bigot. Mais les plus grands phallocrates peuvent laisser entrevoir sans le faire exprès dans leurs écrits ce monde qu'ils ont détruit, la manière dont ils l'ont détruit et à quoi il ressemblait AVANT. 
Comme par nostalgie.
 


mercredi 18 avril 2012

De Déméter à la sorcière de Blanche-Neige



Si Blanche-Neige est une Proserpine qui a tourné en midinette des années 1930, la sorcière de Blanche-Neige est forcément sa mère Déméter qui a tourné en créature infernale représentant le "Mal" fait femme.

Derrière ce mythe se cache celui de la Terre-mère mais comme nous l'explique Marie-Eve du blog jesuisféministe c'est un mythe fatal pour la cause de l'environnement :

La «Nature-avec-un-grand-N»
Tout comme des mythes essentialistes sont créés à propos de groupes d’individus, on invente des mythes idéalistes et irréels à propos d’entités comme la «Nature». On la pense loin de nous, sauvage, en danger, mystérieuse et incontrôlable, mais ceci est une représentation romantique de ce que l’environnement est réellement. Pour avoir une compréhension adéquate des enjeux environnementaux, il faut déconstruire ce mythe de la «Nature-avec-un-grand-N». Que faire avec les représentations féminines de la «Nature»: Dame Nature, Mère Nature,Terre Mère, Gaïa?
Pourquoi accoler un genre à une entité comme la «Nature»? Les environnements sont multiples et hétérogènes… À quoi sert d’affubler les environnements de termes genrés fortement teintés de discours patriarcaux? («Il faudrait protéger/surveiller/sauver, notre Terre Mère.») Cette représentation féminine de l’environnement renforce certains discours essentialistes (et rétrogrades) d’une connexion spéciale entre les femmes et la «Terre». Cette vision romantique de la «Nature» entretient les dichotomies entre l’agent actif (l’humain rationnel) sauvant l’entité passive (la Nature irrationnelle et sauvage). Cette représentation romantique de la Nature est un miroir de plusieurs autres représentations erronées de certains groupes humains. Conséquemment, certains discours essentialistes écoféministes rebutent les féministes antiessentialistes et/ou non-essentialistes et les détournent d’une critique féministe de l’environnement.
Pour conclure, il s’avère important de :
A) Nuancer le débat essentialisme/constructivisme;
B) Questionner et déconstruire les représentations romantiques et genrées de la Nature;
C) Repolitiser les enjeux environnementaux comme étant des enjeux sociaux aux impacts sexo-spécifiques;
D) Établir des alliances avec certains groupes de justice sociale et certains groupes écologistes.
Tout cela n’est pas simple, certes, mais cela pourrait ouvrir des voies prometteuses pour les réflexions et les actions féministes!
Si je laisse plusieurs questions en suspens, c’est bien parce que le paradoxe n’est pas résolu et que le débat est encore très vivant!

En effet, sexuer la nature revient à lui faire subir le sort du sexe auquel on l'a "réduit".
Ainsi dans les années 30, le terme écologie était loin d'avoir vu le jour et la grande ennemie de l'humanité restait la Nature dangereuse et cruelle, peuplée de fauves et d'animaux venimeux terrestres ainsi que de monstres géants marins, truffées de pièges : ravins, crevasses et sables mouvants pour ne citer que ceux-là.
Donc Déméter ne devait plus être la déesse couronnées d'épis qui nourrit mais la sorcière qui fabrique des fruits empoisonnés.

Or on peut constater au final que l'activité industrielle ne fait que de fabriquer des fruits empoisonnés depuis bientôt un siècle.
Ainsi "l’agent actif (l’humain rationnel)" n'est pas étranger à ce qui serait une entité passive (la Nature irrationnelle et sauvage) en fabriquant des fruits empoisonnés. Il EST cette Nature (sa transformation). Il n'y a aucune dichotomie.
L'idée de symbiose de notre existence avec la nature, symbiose dont nous ne pouvons nous dégager,
quoi que nous fassions, est exactement celle que rejette le patriarcat. Dans la mentalité patriarcale, il n'y a pas interdépendance de l'humain à la nature et l'humain ne fait pas partie du vivant à égalité avec tout ce qui vit.
L'humain est au-dessus. C'est une vision christique du monde que même les non-croyants promènent avec eux avec pour conséquence la destruction de tout ce qui vit et qui n'est pas humain. Pire : de tout ce qui n'est pas homo, hominis, masc. : l'homme. Puisque la Nature est assimilée à une femme...

jeudi 12 avril 2012

D'Atergatis à Arielle

Reculons le plus loin possible dans le temps et apprenons d'où vient exactement le personnage de la "princesse" mi-femme mi-poisson qui dans le conte d'Andersen/Disney est nommée "Arielle" (nom hébreu formé d'Arieh et El et qui peut être interprété au sens de "lion de Dieu"). A l'origine, on trouve une divinité : Atergatis. Ci-dessous diverses informations sur cette divinité :


1 - Déesse de la lune, "Atergatis" fut dotée d’une queue de poisson parce qu’elle (...) émergeait de l’océan pour y retourner au terme de son long voyage à travers le ciel nocturne.

Elle devait donc avoir une nature amphibie, moitié humaine, moitié poisson. Ce fut sans doute ainsi que naquit la première déesse à corps de poisson. Bientôt ses vertus prirent de l'ampleur et les légendes à son sujet se mirent à proliférer. Si bien qu'Atergatis a créé des " doubles " que l'on rencontre dans d'autres mythologies sous d'autres noms.
(Site sur les Sirènes ici)
Wallpapers Ariel And Eric Disney Cartoon   1024x768

2 - Déesse des Syriens ; on croit que c'est la mère de Sémiramis ; elle étoit représentée avec le visage & la tête d'une femme, & le reste du corps d'un poisson. Atergatis, dit Vossius, signifie sans poisson ; & il conjecture que ceux qui honoroient cette déesse s'abstenoient de poisson.
(Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ici)

3 - Dercéto ou Adergatis, adorée à Ascalon était-elle la même divinité qu'Astarté ? Différents témoignages d'auteurs anciens porteraient à le croire. L'auteur du second livre des Machabées parlant de la ville d'Astéroth-Carnaïm qui adorait Astarté dont elle portait le nom dit que cette ville était le temple d'Atergata. (...) Les peuples de Syrie, dit-il, mangent du poisson excepté ceux qui adorent Astarté. Strabon (...) il remarque que la déesse de Syrie qui était certainement Astarté adorée à Hiérapolis était la même qu'Atergatis. Si elle était effectivement la même, sa représentation ne l'était point. La statue de la première à Hiérapolis, représentait, selon Lucien, une femme dans toutes ces parties, au lieu que, (...) la têt et le corps était d'une femme et le reste à partir de la ceinture jusqu'en bas était d'un poisson. Elle était ainsi représentée à cause de la fable suivant laquelle s'était précipité dans un lac voisin d'Ascalon où elle avait été métamorphosée en poisson. Ce qui lui avait fait donner les deux noms qu'elle portait de Dercéto et Atergatis ou Adergatis. Dercéto exprimait la chute (...) de darag (...) tomber, se précipiter.
Le second de (...) addir, dag le grand ou magnifique poisson indiquait la métamorphose mais cette prétendue métamorphose n'était qu'une allégorie qui exprimait le pouvoir et l'influence qu'on lui donnait sur les eaux depuis son apothéose, qui avait fixé son séjour dans la Lune.
(Extrait de : "Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles lettres" ici).

4 - Les noms de la Grande Mère sont nombreux : Inanna pour les Sumériens, Ishtar pour les Akkadiens, Anat à Ugarit, Atargatis en Syrie, Artémis-Diane à Ephèse, Baubo à Priene, Aphrodite-Vénus à Chypre, Rhea ou Dictynna en Crète, Déméter à Eleusis, Orthia à Sparte, Bendis en Thrace, Cybèle à Pessinus, Ma en Cappadoce, Bellone à Rome. Les noms pour désigner Isis sont innombrables.
(site sur Isis)

5- Sur le Wiki allemand Atargatis apparaît sur le revers d'une pièce de monnaie. Il y est indiqué que l'attribut de la déesse était la grenade...(tiens, tiens, le fruit* de Proserpine).

* (la grenade est un fruit qui représente l'unité ou l'unification. En effet, il est composé de grains divisibles réunis en un fruit).
6 -Atargatis, la déesse syrienne (Dea Syria), était adorée dans l'Asie mineure hellénistico-romaine dans l'actuelle région qui couvre Israel, la Turquie, le Liban, l'Égypte, Rome et la Grèce. Le lieu de culte [principal] était Bambyke (Hierapolis) en Syrie. On a [aussi] trouvé une statue d'Atargatis à Rome avec un serpent enroulée autour d'elle (tiens, encore une Eve ! (note d'Euterpe)) avec dans ses sept spirales se cachaient sept oeufs.
Ces lieux d'adoration étaient les vergers et les fleuves. Probablement que le nom Atargatis était une contraction d'Astarte et d'Anath, dont les fonctions étaient essentiellement celles de divinités de la fécondité. Leur trône étaient flanqué de lions ; des épis et une couronne murale étaient leurs attributs.

(...)Le dieu de la Vegetation Ichthys était son amant et la légendaire Sémiramis, fondatrice de la ville de Babylone, sa fille.
Atargatis confia l'éducation de sa fille à une colombe, pendant qu'elle se transformait en divinité mère poisson et démarrait une vie aquatique. En hommage à Atargatis et Semiramis les Syriens évitaient de manger du poissons et des pigeons (colombes).
(Traduit de ce site)
En creusant profondemment pour trouver d'où vient une figure aussi mièvre et débilitante que le personnage de Disney, on finit presque toujours par trouver la femme originelle...
On voit par là ce qui a été recyclé à travers les âges en passant dans diverses mains (Andersen était le conteur de Christian IX du Danemark), entièrement acquises à l'accumulation des richesses et à une économie de marché qui aspire tout tel le fatal trou noir cosmique, les femmes originelles en premier, les déesses mères ainsi que leurs représentations.

Mais Atergatis apparemment se venge. L'eau, son nouvel élément, peut se transformer en très destructeur tsunami. Juste un peu d'eau...

mercredi 2 février 2011

Au commencement...

Pour donner un élément de réponse à la question : pourquoi ne sommes-nous, les femmes, plus représentées aujourd'hui par de grandes héroïnes antiques libératrices de leur peuple mais par des figurantes grimées et décolorées (ou hypercolorées comme Lady Gaga) ne se "libérant" plus qu'elles-mêmes, pour se faire, après leur mort, piteusement imprimées sur des sacs à main ?

Au commencement... étaient les déesses mères

"Les recherches archéologiques et anthropologiques mettent en évidence l’existence d’un pouvoir religieux féminin et la première hiérarchie : le sacré et le profane. Peu à peu, au cours des millénaires, un semblable divin de sexe opposé s’est imposé, ces déesses mères se retrouvent entourées d'hommes, époux, amant ou fils élu.

Cette revanche des dieux mâles implique un meurtre de la mère, et la destruction d’une religion et d’une symbolique propre aux femmes a eu lieu lors de la révolution néolithique (8000/2000 av. J-C). Avec la découverte des métaux commence une longue période de guerres, de conquêtes.

Les hommes imposent leur domination et pour ce faire, s'approprient le sacré, fondement originel du pouvoir. Cette appropriation du sacré par les hommes s’accompagne d’une régression progressive du rôle et de la place des femmes dans la société.

En orient, au moyen orient une question émerge : " Qui détient la supériorité ? La terre qui reçoit la semence, ou la semence qui fertilise la terre ? " La semence prend le pas, la femme devient une outre vide, n’est plus qu’un réceptacle. (...)"

(Nelly Trumel)

d'où le sac à main...



(Tableau : P.-P. Rubens : Mars et Rhea Silvia ; détail, ici en entier)

mercredi 17 novembre 2010

La femme qui aurait des testicules sur la poitrine (au lieu de seins)



...n'est pas encore née, croyez vous ? Et bien si ! Elle existe. Car je ne sais pas si vous connaissez l'Artémise d'Éphèse ou "Artémis éphésienne" mais cette statue ne ressemble à aucune représentation connue de la déesse ni à l'époque classique, ni hellénistique ni romaine.
Le bas du corps est enfermé dans un fourreau qui porte des cases contenant un ou plusieurs animaux. Les bras sont à angles droits. La tête s'appuie sur un reposoir sur lequel son disposées des figurations animales. Elle porte une sorte de tiare. Son cou est orné de pendentifs descendant très bas si bien que les protubérances qui ont valu à Artémis l'épithète de polymastos "(aux multiples seins") arrivent encore plus bas. Mais les commentateurs modernes ont "remarqué" que ces seins ne sembleraient pas faire partie de l'anatomie de la déesse puisqu'ils sont placés juste au-dessus de la ceinture et auraient l'air posés par-dessus le vêtement.
Pour certains, il s'agirait donc, en réalité, d'attributs mâles. D'éminents historiens de l'art sont convaincus qu'il s'agit là de testicules de taureaux. D'autres sont persuadés que ce sont des testicules humaines, bien sûr. Cependant je vous épargne les théories qui accompagnent ce genre d'hypothèses. A moins que vous insistiez pour les connaître absolument.


En tout cas au XVIe siècle, on pensait encore que des globes au niveau de la poitrine ne pouvaient être que des seins (quelle idée !) et cette statue inspirée de sa soeur éphésienne (550 av. J.-C.) représente une autre déesse multimammaire avec des rangées de seins de plus en plus flétris vers le bas, nourrissant directement et sans équivoque quant à leur fonction, des animaux réels ou fabuleux.
Il s'agit de "La Nature" de Niccolo Pericoli dit Tribolo (v. 1500-1550), statue commandée en 1529 par Francois Ier pour servir de support à une vasque.
Une représentation où la dépendance du monde à la féminité est trop voyante pour notre époque sans doute !