mardi 26 juin 2012

Judith Holofernes

Je suis invitée à participer à l'élaboration de la radio de l'été de lolobobo initiée en 2011 et réitérée en 2012 (merci et kolossale biz à lui pour l'invit' !). De plus je suis taggée par Princesse 101 (à moins que je sois juste taggée par Princesse 101, je suis un peu perdue, alors c'est elle que je bizz) pour la même radio  En hommage à Artemisia Gentileschi, j'ai donc choisi comme tube une chanson de Judith Holofernes (ici le wiki français sur  Judith Holofernes dans lequel il est dit que l'autrice-compositrice s'est fait connaître en s'associant avec le groupe "Wir sind Helden" (nous sommes des héros). Elle compose et écrit toutes les chansons et a changé son nom de Holfelder en Holofernes).
Il s'agit de la chanson "Guten Tag" de l'album "Reklamation".
Malheureusement le clip génial que l'on pouvait encore trouvé en 2008 sur Youtube a disparu, il ne reste plus que de mauvaisenregistrements live :

Et un autre clip en version française ou Judith Holofernes chante en français. Clip qui n'a plus rien à voir non plus avec l'original très anti-monde-de-la consommation.
(Raison pour laquelle il n'est plus visible).
Il a laissé place à une histoire de groupe qui se laisse acheter par un producteur cupide où la chanteuse va jusqu'à appâter ses musiciens avec le mot "femmes" ("meufs" dans le texte). C'est ce qui s'appelle du dévoyement total.
Décidément, la musique rock contestataire finit toujours par se laisser corrompre de la plus vile manière !

Je laisse à lolobobo le choix entre la version allemande et la version française puisque cette dernière à l'avantage d'être nettement mieux enregistrée quand même et compréhensible par tou.te.s.

 Pour celleux qui connaîtraient le dessinateur Lewis Trondheim, voici une vidéo avec Judith Holofernes en visite chez lui. Il fait de l'artiste un dessin très gentileschien !

A mon tour je tagge pour leur tube de l'été :
angèle Artémise luciamel Héloïse Hypathie Lucrecia Bloggia CC Fattorius Lili Galipette Isabelle B Canel Sophie Asphodèle L'Ogresse liratouva Liliba Syl George EllaB Julia Cécile Margotte David Burlot Kenza Alicia VenetiaMicio ICB Siobhan Juan Danielle Mazel Lali L'Irrégulière Luzycalor Maïté colo Michelaise Alienor Lucie Paumadou Delphine Sharon Violette Françoise Christyn Alba et Tania si cela leur dit.

lundi 25 juin 2012

Sibylle de Valois

J'ai longtemps cru qu'un.e personnage célèbre qui faisait l'objet d'un roman mais dont l'image n'apparaîtrait pas sur la couverture du livre dont le nom (ou le surnom) ferait oeuvre de titre, serait du moins remplacé.e par un objet lui ayant appartenu, un paysage qui lui fut familier, je ne sais pas moi, quelque chose qui ne dénaturerait en rien la personne pour laquelle l'auteur/trice aurait consacré une oeuvre tout entière.
Et bien je me trompais.
Lorsqu'il s'agit d'une femme, il n'est plus du tout indispensable de voir apparaître son visage sur la couverture du livre la concernant ni quoi que ce soit en rapport avec elle ! On peut sans problème aucun remplacer son visage par celui d'une autre femme. Cette autre femme n'a pas besoin d'être parente, ni contemporaine, ni même compatriote. La preuve : dans la librairie du château de Pau, je suis tombée sur ce livre...


"Mais c'est Sibylle de Clèves de Cranach ! me suis-je exclamée, que fait-elle sur cette couverture ?" La libraire a retourné le livre et lu la légende. Le personnage que je venais de citer y était bien indiqué. La dame ne fut pas moins surprise que moi et s'est mise à chercher désespérément une explication.
Sibylle de Clèves ferait une meilleure reine Margot que la reine Margot...euh...
Oui ce portrait tronqué d'une Sibylle aux cheveux défaits...très importants les cheveux défaits, plus importants que la réelle identité, dans le monde de l'Oréal....
 Il n'y a pourtant pas la moindre ombre de rapport entre Sybille de Clèves ou plus exactement la duchesse Sibylle von Jülich-Kleve-Berg (1512-1554), devenue électrice de Saxe par alliance, une grande chasseresse allemande, donc, du début du XVIe siècle, qui vous transperce un daim au galop d'un seul coup de lance et qui fut très heureuse en amour, la soeur d'Anne de Clèves et d'Amalia de Clèves dont j'ai déjà parlé ici et la pauvre Marguerite de Valois (1553-1615), juste une reine de France parmi les autres mais quand même sujet du livre "La reine Margot" d'Alexandre Dumas.
C'est que l'on s'en fiche, n'est-ce-pas ?
Quel tollé si à la place de la tête d'Henri IV, roi de France (1553-1610), on décorait un roman à lui consacré avec le portrait de l'électeur de Saxe, Jean-Frédéric le Magnanime ! Mais quand il s'agit de nous, les femmes, notre identité étant sans la moindre sorte d'importance (voir post précédent sur les noms et prénoms des peintresses), on ne va pas en faire un fromage, n'est-ce-pas ?

Ajout du 30.07 :  cliquez ici pour avoir la réponse à l'argumentation des éditions folio justifiant le choix de cette couverture.

samedi 23 juin 2012

Artemisia tout court

Après un périple en sac à dos d'une semaine de Berlin à Bruxelles à Paris à Pau à Canfranc (Espagne) puis de nouveau à Pau et à Paris me voilà de retour à Berlin. Mis à part l'agression de la publicité sexiste qui est très violente dans le Paris under et overground comparée à toute autre ville à commencer par Bruxelles (où je n'ai pas vu de pub du tout dans le métro), j'ai été choquée par la manière dont on a présenté dans la capitale de la France les oeuvres d'Artémisia Gentileschi, c'est à dire sans évoquer son nom complet, ne conservant que son prénom.
[ Artemisia ]
Hormis le fait que cette affiche est superbe par le choix de ce détail du tableau où Judith (et sa servante) décapitent Holopherne, il y manque le nom complet de la peintresse. Qui est "Artemisia" ? Une plante ? Un magasin bio ? Une marque d'équipement de chasse ?....
Il paraît qu'il ne faut pas confondre la fille avec son père...la bonne blague ! Qui donc connaît le père d'Artémisia Gentileschi ? Et pourquoi ne pas plutôt réduire le nom de son père, moins connu qu'elle, en "Orazio" ?

Ai-je déjà vu une exposition de "Pablo" ? De "Salvador" ? D'"Edouard" ? D'"Eugène" ? D'Edgard" ?
Le seul peintre que l'on appelle parfois par son prénom est le plus connu de tous : "Leonard". Mais qui ne sait qu'il s'appelle "de Vinci" ?

Le nom de GENTILESCHI serait à ce point connu ? Non. En réalité, on veut bien honorer une peintresse mais à condition de la réduire à son prénom afin que personne ne puisse la nommer communément.
Elle ne risque pas de parvenir à cette consécration de l'artiste dont le prénom est devenu superflu : Klimt, Beuys, Manet, Baselitz.... Pour les femmes, le superflu suffit. Alors qu'il est plus facile de retenir un prénom associé à un nom qu'un prénom seul, le film qui parle de la peintresse laisse également son nom aux orties : "Artémisia" sera son unique titre. De même avec "Séraphine" pour laquelle ni le film ni l'expo n'a retenu son nom "Louis" ni sa localisation "de Senlis". D'ailleurs les oeuvres de Séraphine Louis sont également exposées au musée Maillol.
Un musée qui n'est, par dessus le marché, guère facile à trouver lorsque l'on n'est pas de Paris mais c'est une autre histoire....ou la même ?

samedi 9 juin 2012

Religion-fiction

Si, comme une majorité d'hommes, nous autres femmes voulions dominer à nous toutes seules la planète et déclarer que tout ce qui vit et qui n'est pas femme est inférieur à nous, il ne nous serait pas difficile de nous servir du mythe originel de l'humanité, à savoir la Genèse, en la réinterprétant de façon tout à fait utérocratique.
Nous savons tous que la Bible s'est inspiré des religions précédentes en utilisant les mêmes symboles voire en piochant parmi leurs divinités pour en faire des saints, etc... "Dieu", par exemple, a un nom qui ressemble beaucoup à "Zeus", et comme ce dieu grec, il prend des formes diférentes pour apparaître aux humains : buisson ardent, colombe (ah non ça c'est le saint Esprit), trois hommes, colonne de nuée. De plus, il est dit qu'il vit dans toutes choses, qu'il est transcendance et présent dans l'eucharistie donc capable de descendre dans du vin et une hostie.
Dans la religion égyptienne, les dieux n'apparaissaient pas non plus tels qu'en eux-même aux humains mais prenaient volontiers d'autres formes, en particulier animales. La forme "serpent" représentant le Dominateur suprême, tous les pharaons portaient l'uraeus (cobra femelle) sur leur front en signe d'autorité
Or justement dans la Genèse apparaît un serpent enroulé autour d'une branche de l'arbre dit de la Connaissance. Ce serpent, ancien symbole de l'autorité suprême est dit "arum" = intelligent (en hébreu) dans la Bible. Il incarne donc l'intelligence (le système cérébro-spinal) (par la suite les pères de l'Église, diront qu'il incarne la ruse pour le discréditer) 
 Or cette Intelligence incarnée s'adresse à Eve.
Dieu s'adresse donc à Eve sous la forme d'un serpent doué de la parole et dit à celle-ci de goûter au fruit de la Connaissance. Eve obéit au Dieu chrétien serpentiforme et goûte au fruit. Mais voilà, Eve est de nature partageuse. Alors sans réfléchir elle tend la pomme à Adam qui y mord également.
Dieu n'ayant pas ordonné de faire goûter la pomme à Adam entre dans une colère noire et chasse Eve du Paradis suivi du pauvre Adam qui n'a rien compris au film.
Ainsi nous apprenons par la Genèse que Dieu souhaitait donner la connaissance à Eve et à elle seule. Adam devait être laissé dans l'ignorance car instruire l'homme c'est répandre la misère sur la Terre. Et effectivement, à partir du moment où Adam a mordu dans la pomme, nous voyons, dans la Bible et dans le monde, les hommes s'entre-assasiner, se faire incessamment la guerre et tous les malheurs s'abattre sur l'humanité.
Conclusion, la faute d'Eve consiste à avoir voulu partager la connaissance avec l'homme au lieu de la garder pour elle-même. Elle en a fait bénéficier un être inférieur incapable d'en faire bon usage.
pommes_cranach.jpg


Bien sûr ceci est de la pure religion-fiction et de la kyriarchie = de l'idéologie de domination. Notre mythe originel à nous est phallocrate et non gynécrate. Il part du postulat inverse : à savoir que la femme est responsable de tous les maux du monde et qu'il faut à tout prix l'empêcher de se mêler vraiment de l'organisation politique et sociétale. Mais je viens de prouver ici que ce mythe contient en lui-même son contre-mythe...son image inversée...


En cherchant une illustration, je suis tombée sur un livre qui compare l'histoire d'Eve à celle d'Athéna et réinterprète également la Genèse de façon nettement plus valorisante pour les femmes.


Ève

Ill. du haut : détail de l'église de Sizun dans le Finistère : femme-serpent allongée sur un arbre portant des fruits (11.06 : j'ai supprimé l'illus. parce qu'elle n'arrêtait pas de bugger). Ill. du bas : la même sur la cathédrale d'Autun. La femme, ici, EST le serpent.
On voit bien qu'il s'agit de réminiscence de croyances plus anciennes. Ce qui nous ramène à Atergatis, la femme-poisson, le cycle de la création, la terre et l'éternité.
Par ailleurs, la Bible évoque "l'ancien serpent appelé le diable" apparemment il s'agissait d'éradiquer les religions qui voyaient dans le serpent le symbole de l'intelligence régissant tout. Donc, il devait devenir le diable. Et la femme qui y était associée (cobra femelle, entre autres) a servi de bouc émissaire pour expliquer qu'il ne fallait ni écouter le serpent ni la femme parce que le serpent et la femme, ou le serpent femelle ou la femme-serpent (comme chez les assyriens, les phrygiens, etc., apparemment les celtes) faisait atrocement concurrence au Dieu des chrétiens à l'heure où l'on voulait convertir de force (oui, de force, car il y a eu des massacres) l'humanité au christianisme).


Voir aussi cet article sur le serpent Kundalini.

jeudi 7 juin 2012

Mihri Hatun, poétesse

Aussi connue sous le nom de Mihri Khatun (morte en 1506) (مهری خاتون) Mihri Hatun fut une poétesse ottomane. A New York quand on trouvait dans les transports de petits poèmes à lire en chemin, il s'en trouvait de Mihri Katun (lire ici) mais probablement que personne n'a su qu'il s'agissait d'une femme.
Elle était la fille d'un kadi (juge) et passa presque toute sa vie à Amasya, en Anatolie (Turquie). Elle était membre du cercle littéraire du prince Ahmed, le fils du sultan Bayezid II. On dit qu'elle tombait souvent amoureuse mais que ses amours étaient toujours chastes et innocents, et qu'elle menait une vie très vertueuse. Bien qu'elle fut belle et passionnée, elle ne se maria jamais. Les poèmes de lady Mihri révèle une artiste influencée par la littérature persane, le Ghazal, et ayant bénéficié d'une éducation littéraire très étendue. Les critiques modernes comme Bernard Lewis décrive son style comme “conservant une remarquable fraîcheur et simplicité.” Ses vers les plus populaires ont été traduits en anglais comme suit :

“ At one glance
I love you
With a thousand hearts

 They can hold against me
No sin except my love for you
Come to me
Don’t go away

Let the zealots think
Loving is sinful
Never mind
Let me burn in the hellfire
Of that sin.” (Halman, 35)

Et aussi :

“My heart burns in flames of sorrow
 Sparks and smoke rise turning to the sky
Within Me the heart has taken fire like a candle
My body, whirling, is a lighthouse illuminated by your image.” (Damrosch, 786)

Mais je n'ai pas trouvé de traductions en français.


Dosya:Osman hamdi bey mihrap.jpg
Sur l'auteur de ce splendide tableau, un livre a été publié chez Actes Sud. On en attend toujours un sur la princesse de Clèves ottomane Mihri Hatun, livre qui n'est malheureusement pas encore commencé....

lundi 4 juin 2012

Dilhayat Kalfa, compositrice

Dilhayat Kalfa est une compositrice turque majeure.  Il existe peu d'informations sur sa vie.  On peut déduire de son nom, ["Kalfa" est un titre ottoman de basse position] que Dilhayat Kalaf  vint dans un palais où elle dut travailler comme servante pour obtenir ce titre. Sans en être certain, on suppose qu'elle serait née en 1710 et morte en 1780.  Sa musique témoigne d'une technique parfaite et d'une esthétique supérieure, particulièrement dans la progression de ses makams et de sa prosodie.  Son Evcara Pesrev et son saz semâisis sont les produits d'un vrai génie.
(traduit sommairement de l'anglais du portail de la musique turque)
C'est tout simplement divin.
(Sinon pour en revenir aux réalisatrices que nous n'avons pas vues au festival de Cannes : "Almanya"* de la réalisatrice turque Yasemin Şamdereli passe en ce moment en France. On s'aperçoit assez vite que les femmes n'y ont guère le rôle de servantes sexuelles. C'est la plupart du temps à ce détail que l'on reconnaît un film féminin).
(*Almanya signifie Allemagne en turc).

Ajout du 5.6 : aujourdhui l'islamo-conservateur Erdogan enterre un peu plus les aspirations du premier président de la République turque Mustafa Kemal Atatürk à une société égalitaire. Un chef d'État qui vit en sa femme Latifé le modèle de la femme turque et adopta sept filles, toutes adultes : l'historienne Afet İnan, la première femme pilote de guerre Sabiha Gökçen, et cinq autres femmes occupant des postes prestigieux. Elles devaient donner au monde une vision moderne et émancipée de la femme turque, et devaient encourager celles-ci à les imiter.  Et que se passe t-il aujourd'hui ?
Signez la pétition contre la réforme de la loi sur l'avortement en Turquie (voir blog d'Emelire).