mercredi 29 septembre 2010

Catherine de Bore, évadée


Un personnage et non des moindres va s'opposer fermement à l'idée de la virginité comme étant la plus haute sur l'échelle des vertus et, à l'opposé des catholiques, y placer le mariage.
C'est Martin Luther.
Son opinion sur la question, transcrite dans ses ouvrages qui s'imprimaient à la vitesse de l'éclair et passaient de main en main dans toute l'Europe, fut vite connue de tout le monde, religieuses des couvents compris.
Les femmes y ont alors vu là le signal d'un changement de leur condition et ont cru que le bout du tunnel se rapprochait.

Certaines jeunes ou moins jeunes femmes placées de force dans ces abbayes et ces cloîtres qui les condamnaient à la virginité éternelle, étant, pour la plupart d'entre elles, celles dont on s'était débarrassé pour ne pas avoir à payer de dot pour leur mariage, organisèrent leur fuite et prétextèrent de la "nouvelle opinion" pour rompre leurs voeux.
Ce fut le cas de Catherine de Bore, nom francisé de Katharina von Bora, qui s'enfuit de son couvent avec ses compagnes, cachées dans des tonneaux à poissons.
C'est à Pâques de l'année 1523, qu'un voiturier venant livrer du poisson à l’abbaye cistercienne de Nimbschen cache sans le savoir ou en le sachant, Katharina et onze de ses consœurs dans des caques de poisson et les fait franchir les portes de l’abbaye. Des complices extérieurs attendent les évadées et leur permettent de trouver des refuges. À Wittenberg, Katharina est hébergée par Barbara Brengebier, épouse du peintre Lucas Cranach. C'est là que Catherine va rencontrer son futur époux : le moine excommunié Martin Luther en personne !
Au dire d'Erasme, beaucoup de religieuses firent de même aux Pays-Bas. En France, l'abbesse de Tournay Marie d'Entière fut aussi du nombre. Il y en eut bien d'autres dont le nom n'est pas parvenu jusqu'à nous.
À l'instar de la Révolution francaise et de la Commune, le temps de la Réforme a représenté un moment charnière de l'histoire capable de communiquer aux femmes l'espoir d'un changement notable de leur condition.
L'espoir fut de courte durée puisque catholiques et réformés s'entendirent au Concile de Trente pour frapper la femme d'incapacité juridique et réaffirmer par un décret qu'étant physiologiquement et psychologiquement inférieure, elle devait être tenue à l'écart des affaires publiques. Du moins Catherine de Bore n'aura pas connu ce Concile qui eut lieu bien après la mort du couple.

samedi 25 septembre 2010

Irene di Spilimbergo, "bella pittrice"



Pourquoi saint Sébastien ? Parce que sainte Irène décrocha saint Sébastien du poteau de son supplice. Or Irene di Spilimbergo (née à Spilimbergo vers 1540) aurait peint cette merveilleuse fresque. Ce qui m'a fait hésiter à intituler cette entrée : Irène di Spilimbergo, fresqueuse.

Irène Spilimbergo fut initiée à la peinture par le Titien à la demande de son grand-père Paolo di Ponte, grand ami du peintre.

Elle se montra particulièrement douée mais n'eut pas le temps de produire grand chose dans sa courte vie car elle serait morte à l'âge de 19 ans (selon d'autres sources, à l'âge de 21 ans).

On ne retrouve pas grand chose d'elle mais qui sait si certaines oeuvres attribuées au Titien ne sont pas les siennes, en réalité.

Malgré cela, elle fut très célèbre et très célébrée en son temps. Une oeuvre en atteste qui fut publiée deux ans après sa mort, en 1561, par un certain Dionigio Atanagi, avec 279 poèmes en italien et 102 en latin, certains anonymes et d'autres attribués à de grands artistes comme Le Tasse et Le Titien, qui vantent les mérites d'Irène di Spilimbergo. Je cite ces vers de Lodovico Dolce traduit de l'italien en allemand puis (par moi) en francais, qui disent de l'artiste qu'elle :

"dépassait l'harmonie du ciel
Avec l'aiguille et le pinceau Pallas et Apelle,
Avec la douceur de ses yeux la déesse de l'Amour..."

ou

"Avec ses poèmes savants et son chant suave elle dépassait
Phoebus et les Muses : et si on avait comparé Zeuxis avec Irene,
on n'aurait accordé aucun prix à Zeuxis".

On en conclut avec ses exagérations, qu'Irène di Spilimbergo réalisait des oeuvres poétiques, chantait, brodait et peignait. Même si le Titien ne donne d'informations sur sa peinture que sur la facon dont il la lui enseigne.

Giulio Cesare Croce n'hésite pas à reprendre plus tard les mêmes louanges superfétatoires pour les dédier à Lavinia Fontana qui, d'après ce genre d'éloge peignait si bien qu'elle :

"fut l'égal d'Apollodoros, Zeuxis et Apelle
ainsi que Michel-Ange et d'autres artistes de même rang,
Le Corrège, le Titien et Raphael..."

Comment les deux peintresses qui, de leur vivant, ont déjà été accablées de la même sorte d'éloges, les ont-elles percus ? Comme de l'ironie ? De l'insulte ? De telles louanges donnent-elles à penser qu'on les considérait comme suffisamment orgueilleuses et crédules pour être incapable de percevoir l'aboutissement de l'art des anciens maîtres et pour se sentir stupidement confirmées par ces éloges-là dans leur vanité ?

Les femmes du XVIe siècle n'avaient pas seulement à lutter contre la jalousie ou la critique mais contre la louange exagérée de leurs talents. C'était une stratégie masculine servant à défendre l'inébranlabilité de ce qu'il considérait comme leur supériorité.
La louange galante n'avait pas pour but de stimuler les efforts de l'artiste féminine mais faisait office de chants de sirènes destinés à les stopper dans leur travail. Peu de femmes traitées de cette manière, furent capables de s'en défendre. Les hommes les désarmaient en leur accordant la victoire à titre grâcieux et en les enterrant sous les prix. Les femmes artistes étaient jetées ainsi de la course sans avoir pris conscience de leur défaite. Elles avaient donc beaucoup à craindre des louanges empoisonnées dont elles étaient vite l'objet.

Qu'on en juge : obtenir le titre de "bella pittrice", dont les soeurs Anguissola se virent également affublées, ne supposait pas, pour les dispensateurs de louanges, le talent seul, qui ne comptait pas plus que la beauté de l'artiste féminine et surtout que sa vertu. Talent + beauté et vertu donnaient droit au titre de "bella pittrice".
Qui se préoccupait donc de la beauté et de la vertu des peintres masculins ?

D'ailleurs le talent principal de la peintresse Irène di Spilimbergo aux yeux des hommes de son temps, fut sa virginité. Car la virginité était la qualité prisée au delà de toute autre chez la femme.
Comme le mentionne Wikipédia : Vasari la décrivait comme une « très belle vierge, littéraire, musicienne et talentueuse en dessin ».

mardi 21 septembre 2010

Diana Scultori Ghisi, graveuse



Diana Scultori Ghisi (1547-1612), est l'une des trois filles d'un célèbre graveur de la cour de Mantoue en Italie. Non seulement elle a été connue pour ses magnifiques gravures mais elle a également été enregistrée comme la première femme autorisée à vendre son travail sous son propre nom.

Elle s'installe à Rome en 1575, avec son mari et démarche la cour pontificale où elle montre des plaques gravées en demandant et obtenant l'autorisation de vendre son travail sous son propre nom (Diana Mantuana ou Diana Mantovana). Elle a également aidé son mari dans sa carrière d'architecte en lui obtenant d'importantes commandes.

Au XVIe siècle, les artistes ont vu leur liberté restreinte en raison de règles strictes imposées par l'Église. Si l'Église considérait l'œuvre comme dissidente, l'artiste pouvait être exposé à l'excommunication, à des amendes ou même à la saisie de ses biens propres.

Toutes les images et les textes étaient contrôlés et répertoriés afin de protéger la propriété artistique d'origine et étaient soumis au jugement critique du public.

Soumise à ces règlements, Diana a néanmoins produit des oeuvres de grande qualité même si les thèmes sont en quelque sorte tous imposés. D'autres artistes comme Lavinia Fontana s'inspiraient de ses gravures. Diana a pris le travail d'autres artistes comme modèle, mais la plupart des dessins pour ses gravures provenaient soit de son mari, ou de son frère peintre.

Diana a changé plusieurs fois de signature à différents moments de sa vie. Dans la plupart de ses œuvres elle a signé sous le nom de Diana Mantuana ou Diana Mantovana. On ne connaît aucun travail de sa main signé sous le nom de Scultori Ghisi.

Elle a été l'une des rares femmes artistes que Vasari mentionne dans l'édition des Vite de 1568.

Diana a produit 62 tirages au cours de sa vie et adopté avec succès différents styles.

Une de ses plus célèbres gravures est une volute ionique abondamment décorée d'une chaîne de feuilles d'acanthe et de fleurs. Ses œuvres se différencient beaucoup de celles de son époque. Dans le cadre de la gravure on trouvait plusieurs lignes de dédicaces en latin louant le travail des étudiants en architecture. Avec ses différents modes de signature Diana était aussi connue pour ses longues dédicaces inscrites sur ses travaux.

Son dernier travail en date intitulé "Tombeau après Nogari" a été imprimé en 1588. Après la mort de son premier mari Francesco da Volterra, Diana s'est remariée avec Giulio Pelosi, un autre architecte avec lequel elle a fini sa vie à Rome.

Plusieurs gravures de sa composition ont été imprimées après sa mort.

Pour admirer d'autres gravures de Diana Scultori Ghisi, c'est ici.

(Image : "Latone donnant naissance à Apollon et Diane sur l'île de Délos", av. 1575)

vendredi 17 septembre 2010

Margaret Pole, entre pape et tyran


A l'occasion de la visite du pape en Angleterre où plus aucun pape n'aurait mis les pieds depuis Henri VIII, j'ai envie de parler de Margaret Pole, la comtesse placée entre le marteau et l'enclume, c'est à dire entre le pape de l'époque et le fameux tyran dont on a rien trouvé de mieux à faire que de tirer une série télévisée érotique, et de comparer à cette occasion ce que deux Wikipedias en disent :


Margaret Pole, 8e comtesse de Salisbury
d'après Wikipedia.de (traduction de l'allemand brut de décoffrage)

Margaret Pole, née le 14 août 1473 à Bath/Somerset et morte le 28 mai 1541 à Londres était la fille de George Plantagenêt, 1er duc de Clarence, et d'Isabelle Neville. Après l'assassinat en 1499 de son frère Edouard Plantagenêt, 17e comte de Warwick, sur ordre d'Henri VII, Margaret resta la seule survivante de la dynastie des Plantagenêt. Avec Anne Boleyn, elle fut la seule femme de l'Angleterre du 16e siècle à obtenir le titre de comtesse pour ses mérites personnels.

En 1491 selon le voeu de Henri VII, elle épouse le cousin du roi : sir Richard Pole. Celui-ci meurt en 1505 la laissant veuve avec cinq enfants. L'un d'entre eux, Reginald Pole, fut plus tard cardinal et archevêque de Canterbury.

Lorsque Henri VIII monta sur le trône, Margaret obtint le titre de comtesse de Salisbury, titre que son frère portait avant d'être assassiné. Elle retourne également en possession des biens familiaux confisqués précédemment. Elle occupa la fonction de marraine et gouvernante de Marie Ire.

Après qu'elle ait eu pris parti ainsi que son frère,le cardinal,dans la controverse sur le remariage du roi contre Henri VIII, pour la reine Catherine d'Aragón menacée de répudiation, Margaret Pole perd son titre. Avant cela, deux de ses fils et d'autres membres masculins de sa famille avaient déjà été arrêtés et exécutés.

Le 12 novembre 1538, Henri VIII fait arrêter et enfermer Margaret Pole dans la Tour de Londres. De cette manière, il voulait forcer l'un de ses opposants les plus farouches, Reginald Pole, le fils de Margaret, à rentrer en Angleterre. Mais Reginald Pole resta en Italie, si bien qu'Henri VIII fit juger Margaret Pole par Bill of Attainder et la fit décapiter le 28 mai 1541 sur l'East Smithfield Green à Londres.

Après l'exécution de son fils aîné, Margaret, âgée alors de 65 ans, est enfermée (en 1539) dans la Tour de Londres. Deux années épouvantables plus tard, elle fut réveillée un matin par l'annonce que le roi ordonnait son exécution pour le matin même. Elle refusa de poser sa tête sur le billot, s'agenouiller étant une position réservée aux traîtres, dit-elle, elle n'avait pas de raison de se plier à cette injonction. D'après les témoignages, elle courut au travers la cour, poursuivie par le bourreau qui lui coupa l'épaule d'abord puis la tête quasiment en petits morceaux.

En 1886, Margaret Pole fut béatifiée comme martyre par le pape Léon XIII. On commémore son souvenir tous les 28 mai.

Maintenant je vous demanderais de lire la version de Wikipedia.fr ici

Je trouve la biographie francophone très décevante.

Sur le site "Histoires, mythes, folklores et légendes d'Angleterre et d'Irlande", on trouve ce texte (quelque peu corrigé par mes soins) traitant des fantômes de la Tour de Londres :
"Enfin le fantôme de Margaret Pole, la Comtesse de Salisbury, y serait aussi présent (dans la Tower Green, n.d.l.r.). A soixante-douze ans, celle-ci fut prise pour cible d’une insigne vengeance d’Henri VIII. En effet, le fils de la comtesse, le cardinal Pole, l'avait (selon le roi) diffamé quant à sa revendication d'être désormais considéré comme le chef de l’Eglise d’Angleterre, mais comme le cardinal s’était réfugié en France (sic), Henri s’attaqua à la comtesse qu’il fit emprisonné le 27 mai 1541 (sic). Quand le bourreau demanda à Margaret de s’agenouiller, la vieille femme refusa en déclarant que c’était les traîtres qui s’agenouillaient et qu’elle n’en faisait pas partie. Le bourreau leva alors sa hache au dessus de sa tête mais comme il était inexpérimenté, entailla son épaule avant de lui trancher la tête devant un public de cent cinquante personnes. On dit que ce spectacle recommence lors des anniversaires de sa mort et que le fantôme de la malheureuse continu d’être chassé, hurlante, par un fantôme de bourreau.

Du folklore, sans doute, pour ce qui est des "revenants", néanmoins l'exécution de la comtesse ainsi que de bien des gens de l'entourage d'Henri VIII qui ont osé le contredire, n'en a pas été par contre.

Les femmes dans l'espace (suite)


Voilà griffonnée vite fait en passant à cause du camion de la voierie et des saoûlographes occupant la place qui ne me permettaient pas de trouver la tranquillité nécessaire pour me poser vraiment, la statue de Marguerite d'Angoulême (Marguerite de Navarre) à Angoulême sur la place John F. Kennedy (comme c'est logique d'avoir baptisée cette place ainsi !).



La même en photo.


Si l'on ne s'est pas, comme moi, vaguement intéressé à ce personnage historique particulièrement influant en Europe pendant la première moitié du XVIe siècle, on ignore absolument que la statue du jardin du Luxembourg (publiée précédemment) et celle-ci représente une seule et même personne. Rien ne l'indique. Je n'ai trouvé aucune de ces plaques si exhaustives quand il s'agit d'un "grand homme", replaçant le modèle de cette statue dans son contexte historique.
Déjà qu'elle porte des noms différents, il me semble que cela n'aurait pas été du luxe ! Mais rien. Donc je fais le boulot moi-même en vous livrant ici l'info.

Une autre photo ici

lundi 13 septembre 2010

Les femmes dans l'espace (topographie)


J'ai parlé jusqu'à présent des femmes perdues dans le temps mais je n'ai pas encore parlé des femmes perdues dans l'espace.
En France, on trouve une dizaine de millier de fois ou peut-être beaucoup plus, sous forme de places, de rues, de plaques commémoratives, de parcs, d'hôtels, de collèges, de lycées, de statues, de cafés, que sais-je, de panneaux informatifs des références concernant ces trois seuls personnages historiques, visibles toujours et partout :
Henri IV, Descartes et Napoléon Ier.
Ils se démultiplient dans l'espace telle une armée de clones, l'occupent de l'Atlantique aux Alpes, des Pyrénées aux Ardennes et de la Méditerranée au Finistère sans lasser le/la passant(e) tandis que les références à leurs collègues féminines se comptent sur les doigts de la main et nécéssitent une enquête ciblée pour être repérées dans ce même paysage.
Donc, à propos de la rue Saint-Jacques, à Paris, que j'ai arpenté de haut en bas à pied et avec un sac à dos (si vous y avez apercu une touriste se refroidissant les pieds dans une fontaine la semaine dernière, c'était moi) cette rue, la plus ancienne de Paris, où imprimeurs et imprimeresses fourmillaient au temps de Marguerite de Navarre qui elle-même y logeait avec Clément Marot, Bonaventure Des Périers et autres poètes maudits de l'époque, ainsi qu'avec sa nièce et autres princesses dont elle faisait l'éducation, rien mais strictement rien n'y commémore cette phase extraordinaire de l'histoire où la Vulgate mais aussi l'oeuvre de Marguerite de Navarre y fut imprimée et pour l'une d'entre elle (Le Miroir) mise à l'index et brûlée par la Sorbonne. Pas une plaque, pas une de ses pancartes historiques plantées partout dans la ville, pas un signe, pas une ligne, pas une trace, rien du tout. Et pourtant la Sorbonne, l'église Saint-Séverin et encore bon nombre de maisons qui ont vu Marguerite arriver en litière depuis Blois, Fontainebleau, Saint-Germain-en -Laye ou bien Pau, Cauterets, Nérac ou Mont-de-Marsan à moins qu'elles l'y aient vue repartir, s'y dressent toujours.

J'ai dénombré trois places Marguerite de Navarre en France : à Paris près des Halles (mais je ne sais pas, dans ce cas, s'il s'agit de la Marguerite dont je parle ou sa petite-nièce, la reine Margot, dite aussi Marguerite de Navarre), à Mont-de-Marsan où elle passait souvent, dormant dans ce château dont il ne reste à peu près que le donjon reconverti en musée, et à Odos-en-Bigorre où elle est morte.
On trouve sa statue au jardin du Luxembourg parmi les statues de reines et devant l'hôtel de ville d'Angoulême sous le nom de Marguerite d'Angoulême parce qu'elle y est née (mais la place s'appelle "place J.-F. Kennedy").
Il existe également un "collège Marguerite de Navarre" à Pau, capitale de ce qu'il restait du royaume de Navarre en son temps, et un "lycée Marguerite de Navarre" à Alencon dont elle fut la duchesse lors de son premier mariage.
Car les femmes ont aussi la particularité d'avoir une identité changeante :
Née Marguerite d’Angoulême, elle devint Marguerite d'Alençon par son premier mariage et Marguerite de Navarre par son second.

(Sur la photo : la statue de Marguerite de Navarre au jardin du Luxembourg).

dimanche 12 septembre 2010

Madeleine Boursette (suite)


Sur le site de l'Atelier du centre de recherches historiques
j'ai trouvé un inventaire des éditions qui se sont attelées à la tâche d'imprimer la Bible dite historiale, la "Vulgate", c'est-à-dire les premières versions en langue vernaculaire de la Bible.

Voici l'introduction de cette liste et les deux paragraphes qui citent Madeleine Boursette. Je les reproduis ici pour montrer que si ses initiales figuraient bien sur son enseigne, elle s'est gardée en tant que femme de signer de son nom la fabrication en papier imprimé du livre "sacré".

"
Les éditeurs de la Bible historiale sont connus par la présence de leur nom, de leur marque ou de leur adresse inscrits dans les ouvrages. C’est un tout petit monde parisien et lyonnais. Contrairement à ce qui a été fait pour les peintres des manuscrits, nous donnerons dans les pages suivantes les éléments biographiques de ces éditeurs - que nous ne reprendrons pas dans le Catalogue des imprimés de la Bible historiale.

(...)

[§ 50]

Madeleine Boursette

Madeleine Boursette est la veuve de François Regnault ; libraire éditeur, elle exerce à Paris entre 1541 et 1556 à la même adresse que son défunt époux, avec la même devise. Dans cette édition, son nom n’est pas mentionné mais, son époux étant mort en 1540-1541, l’adresse figurée à la page de titre renvoie implicitement à elle : « On les vend a paris en la rue Sainct Jacques a lenseigne de Lelephant devant les Mathurins » ; seul le premier volume de son édition est connu.

(...)

[§ 54]

Madeleine Boursette et Pierre Regnault

En 1543, Madeleine Boursette et son fils, Pierre Regnault, créent la première édition in-8°, plus petite et plus épaisse que toutes les autres. Seul son nom à lui est mentionné, avec une nouvelle adresse sur la page de titre, donnant également le nom de Jean Bignon : « Nouvellement imprimee a Paris, par Jehan Bignon pour Pierre Regnault ; On les vend a Paris en la rue sainct Jaques a lenseigne des trois Couronnes de Cologne, par Pierre Regnault ». Pierre exerce également dans la capitale, de 1531 ( ?) à 1552 seulement, et toujours rue Saint-Jacques. En revanche, on lui connaît plusieurs noms d’enseignes : « A l’Image Sainte Barbe », « Au soleil d’or », « A l’enseigne des Trois Couronnes de Cologne », « A l’écu de Cologne ». Sa devise diffère de celle de ses parents : « Concordia parvae res crescunt, discordia magnae dilabuntur ». Apparenté à Pierre I Regnault, libraire à Rouen et à Caen, il apparaît parfois sous le nom de Pierre II Regnault.

mercredi 8 septembre 2010

Madeleine Boursette : libraireresse, imprimeresse, éditrice*


L'emblème avec la devise "Sicut elephas sto" (Comme l'éléphant, je m'impose) fut celui de la librairie (imprimerie, édition) L'Éléphant dirigée par Madeleine Boursette, initiales M B, également lisibles sur l'enseigne, à Paris, rue St-Jacques.

Dans la même rue se remarquaient d'autres enseignes de librairesses : Le Soleil d'Or de Charlotte Guillard (v. 1480-1557) qui publia 160 titres (livres de droit romain, écrits de pères de l'Église), La Licorne de Yolande Bonhomme (morte en 1556) qui a permis à son fils, Jacques Kerver, de devenir célèbre alors que les ouvrages publiés lui ayant valu cette célébrité l'ont été en collaboration avec celle qui n'est plus, désormais, pour la postérité, que la mère de son fils.


Madeleine Boursette, veuve du célèbre Francois Regnault mort en 1541, reprend la librairie fondée par son mari et s'oriente vers la publication de poèmes dont ceux de Clément Marot et de Marguerite de Navarre. Sa fille Barbe Regnault puis sa petite-fille Madeleine Berthelin lui succèdent, permettant à l'activité de se maintenir après 1545 jusqu'en 1665 au-delà de la mort de leur mère et grand-mère.
La dynastie fondée par la librairesse Francoise Louvain perdurera plus longtemps encore. Lui succèderont sa fille Marie Langelier et sa petite-fille Francoise Patelé. Les livres sont vendus dans la cour intérieure du palais de Justice de Paris: "premier pillier de la grand'salle" (c'est l'adresse officielle). Parmi eux : les oeuvres des dames des Roches (voir Catherine des Roches), de Madesleine de Laubépine, de Marie Le Gendre et de Marie de Gournay.
A la base de cette librairie/imprimerie/édition il y a le célèbre Abel L'Angelier, philogyne notoire, qui publia un anonyme "Discours en la faveur des Dames contre les mesdisans".
La dynastie s'éteindra avec la mort de Francoise Patelé (1602-1684).
D'autres noms de librairesses nous sont parvenus : Barbe de Mascon, Jeanne Trepperel (qui publiait entre autres Christine de Pizan), Marie Atteignant, Denise de Marnef suivie de sa fille Denise Girault.
La vision des femmes de l'Ancien Régime cantonnées aux tâches domestiques dans le cadre du foyer est donc tout à fait démentie par leur présence incontestable dans la sphère commerciale.
Elles étaient fort nombreuses dans l'édition mais aussi dans le petit commerce et dans des secteurs tels que le vêtement et l'alimentation.
Mais si leurs activités dans les strates inférieures du petit commerce paraissaient tout à fait acceptées et reposaient largement sur leur initiative personnelle, leur place dans le grand commerce leur était échue avant tout pour des raisons familiales.
Yolande Bonhomme était fille d'imprimeur avant de passer le flambeau à son fils. Il en va donc de l'imprimerie presque comme de la peinture. Je dis bien presque. Car le nom de ces artisanes est du moins parvenu jusqu'à nous. Ce n'est pas le cas de ces légions de peintresses qui non seulement sont restées désespérément anonymes mais dont les oeuvres vont jusqu'à porter la signature d'un homme. Leur père, peut-être leur mari, et, pourquoi pas? leur fils. Il faut dire que le prestige de peintre se vole avec moins de scrupule que celui de libraire !
(*éditrice dans le sens de directrice de maison d'édition, c'est à dire directeure puisqu'il paraît qu'éditeur et éditrice d'aujourd'hui n'ont pas la même fonction. Je vous laisse deviner laquelle est assujettie à l'autre...).

mardi 7 septembre 2010

Le Magazine littéraire transpire à grosses gouttes

Em m'en revenant de mon périple plus ou moins vacancier, voilà ce que j'ai lu dans le(s) train(s) (car j'en ai pris plusieurs, grève des transports oblige).


c'est le titre du "Magazine littéraire" de ce mois-ci ! Non ? Si !

Avec "LES ECRIVAINS FRANCAIS", comme titre, accompagné de photos de femmes, ou pire :
"LES ECRIVAINS FRANCAISES", le ridicule se serait tout à coup remarqué, alors : Ah ah ah ! Les romancières ! Il y a maintenant les écrivains (des hommes qui écrivent des romans, la plupart du temps) et les romancières (des femmes). Il paraît que Sagan, Duras, Despentes, Groult, Sarraute, Colette, Yourcenar, Mme de Stael dont le "De l'Allemagne" est vachement à ranger dans la catégorie roman, comme on sait, sont des romancières. Il y a aussi femmes de lettres, si l'on veut nommer ces animaux-là afin qu'ils ne partagent pas vraiment le domaine réservé aux seuls êtres humains réels (vous savez qui je veux dire).
Non, je suggérai, juste.
Pourtant ce n'est pas "écrivains" qu'il faut dire pour des femmes ???? Ah mais moi je croyais ! Alors ? Le fameux NEUTRUM, vous savez ! si si ! Toujours et partout, il faut l'appliquer !
LES ECRIVAINS FRANCAIS : Mme de La Fayette, George Sand, Francoise Sagan, Annie Ernaux, Marie N'Diaye... Voilà le titre qui aurait du figuré sous ses photos, messieurs. Je m'étonne. Ce n'est pas très correct !

Bien embarrassés les ceusses qui veulent absolument respecter les règles du "genre" édictés par ces hautement distinguished et ô combien respectible couillusaurissimes (merci Emelire pour l'expression) messieurs de l'AAAA(je bâille bien fort)cadémie francoise.

Je relève page 80 dans le texte de Delphine Naudier : "si elle reste la plus célèbre des écrivains de la généalogie féministe qui ont émergé dans les années 1950, c'est sans doute parce qu'elle (Mais bientôt "écrivain" paraît tellement débile dans le texte que, phrase suivante : ) Dans sa lignée nombre d'"écrivaines" (guillemets quand même), puis au paragraphe suivant les guillemets disparaissent à leur tour (mais que fait la police ?) : Après la période d'Occupation, les écrivaines sont clairement affiliées aux principaux courants (...).
Je vous rassure : c'était un article sur Simone de Beauvoir, on pardonne à la journaliste. Les autres articles évitent le mot écrivain de toutes leurs forces et n'emploient pas du tout écrivaine, bien entendu. Restons poli, enfin.

Voilà pour ma rentrée blogoniste, avant de vous faire retourner au XVIe siècle.

Cela dit et mise à part cette mesquinerie-là "Le Magazine littéraire" est truffé d'excellents articles. Et je vous recommande absolument la lecture de ce numéro.