lundi 29 novembre 2010

Marguerite l'Enragée






On dit que Marguerite de Bourgogne (1292-1315) fit édifier un couvent à Saint Pardoux la Rivière, pour se racheter de tous ses péchés. Mais qui est donc Marguerite de Bourgogne ?

Elle n'est pas une femme du XVIe siècle cependant elle était encore célèbre à cette époque-là pour avoir été condamnée à la prison à vie sur l'accusation d'adultère. Elle n'aurait peut-être pas subit un sort si cruel si elle n'avait pas eu des droits sur le royaume de Navarre comme ce fut le cas par la suite de sa fille Jeanne II de Navarre, spoliée elle aussi en partie de ses droits en raison d'un arrangement de son mari avec le roi de France.
Plus tard, Jeanne la Folle, mère de Charles Quint, fut accusée de folie pour être dépossédée du pouvoir qui lui revenait de droit. Jeanne comme Marguerite, comme d'autres héritières de royaume, ont payé le prix fort de l'avidité masculine pour le pouvoir.

Et puis pendant que les rois de France s'appellent le Bon, le Hutin, le Hardi, le Téméraire, le Débonnaire, le Pieux, le Bel et le Grand, Marguerite est passée à la postérité sous le nom de "l'Enragée".
Un canon exposé à Gand en Belgique, a été baptisé de ce nom ainsi que de son correspondant flamand : "Dulle Griet".
Un canon ? C'est sans doute ce dont la pauvre princesse aurait eu besoin pour sortir de sa prison !


Au XVIe siècle, les peintres Ruyckert, Brueghel et Teniers ont fait de cette Marie l'Enragée une étonnante figure de vieille femme armée chassant les démons. Mais quel rapport avec la vicomtesse de Bourgogne ? En tout cas, cette figure laide à l'air fou m'est personnellement sympathique. Tous les démons stupides inventés par les religieux semblent être terrorisés par cette unique vieille femme armée d'un simple bâton ! Une sorte d'anti-Harry Potter, non ?



(De haut en bas : la "Dulle Griet" de Ruickert et celle de Teniers).

vendredi 26 novembre 2010

On ne naît pas sorcière, on le devient


Ce qui faisait que l'on devenait sorcière (ou sorcier) au XVIe siècle :

Géographiquement, la sorcellerie se rencontrait surtout au Nord, en Lorraine, à l'Est, dans le Languedoc et le Sud-Ouest. Selon R. Muchembled, le contrôle royal s'appliquait très bien au centre de la France mais mal dans la périphérie du royaume. Les persécutions servirent donc à faire comprendre aux populations qui est ce qui dirigeait le pays. Devant les résistances rencontrées, la procédure démonologique aida les administrateurs à fabriquer des coupables ; la sorcière devint un bouc émissaire dont le supplice devait empêcher les adversaires du pouvoir central à persévérer dans leur indiscipline. La chasse aux sorcières permit de cristalliser sur les sectateurs du démon la notion de déviance par rapport aux normes sociales nouvelles que l'on voulait instaurer. Les élites culturelles imposèrent, par le biais des bûchers, le respect de ces normes. Les paysans se savaient coupables de pratiquer parfois des rites de guérison et de protection défendus, ainsi, pour ne pas être accusés de sorcellerie, ils s'efforcaient de se différencier des sorciers et une atmosphère de suspicion permanente pesait sur les villages.

Les persécutions concernèrent surtout les femmes : 82% des accusés dans le Nord. En tant que filles d'Eve, elles représentaient celles à cause de qui la mort était entrée au monde. Les élites de l'époque craignaient les femmes et notamment leur activité sexuelle supposée ; de ce fait les procès de sorcellerie avaient une dimension sexuelle très importante, les juges tentaient toujours de faire avouer aux suspects la copulation satanique dans ses moindres détails : le " sexe du démon était froid et faisait froid à l'intérieur".
Sur 155 cas étudiés, 105 sont des femmes dont 32 ont plus de 50 ans alors que 7 suspectes seulement ont moins de 20 ans, une enfant de 8 ans et 2 adolescentes de 13 ou 14 ans.
Les magistrats étaient hantés par l'idée de la sexualité, de la mort et de la décrépitude. La sorcellerie réunit donc les thèmes du diable, de la vieillesse féminine et du meurtre. Les vieilles femmes étaient les dépositaires privilégiés des croyances populaires, elles transmettaient les connaissances et recettes anciennes lors des veillées villageoises, ou directement aux enfants des deux sexes qui leur étaient confiés durant les premières années de leur vie. Ainsi, les chasseurs de sorcières voulaient surtout exterminer ces vieilles femmes qui pouvaient nuire au développement du christianisme épuré. Les sorcières étaient considérées par les élites culturelles et sociales comme des reliques anachroniques d'un temps païen ainsi que des freins à la diffusion de l'orthodoxie et de la morale nouvelle, et pour finir comme des concurrentes de tous ceux qui cherchaient à modifier la culture populaire traditionnelle. Le mouvement de la chasse aux sorcières venait du "haut", était entretenu par la théorie démonologique mais diffusé grâce à une partie des ruraux qui adhérait à la persécution.

Ceci est un extrait résumé de la thèse de Karine Mrugala portant sur le livre de Robert Muchembled "La sorcière au village XVe-XVIIIe siècle" (Gallimard/Juillard 1991).

Photo : statue de sorcière, peut-être dame Franchetta, à Triora en Italie. Qui est dame Franchetta ? Pour avoir plus de détail sur un cas donné (à la frontière de la Savoie), je recommande assez la lecture du travail de Floreal sur l'Inquisition à Triora sous ce lien.

mercredi 24 novembre 2010

La Grande P.


« (...) Et je vis cette femme ivre du sang des saints et du sang des témoins de Jésus. Et, en la voyant, je fus saisi d'un grand étonnement. Et l'ange me dit: Pourquoi t'étonnes-tu? Je te dirai le mystère de la femme et de la bête qui la porte, qui a les sept têtes et les dix cornes. »

Cette enluminure est de l'écrivaine et illustratrice du 12e siècle Herrade de Landsberg, abbesse du couvent qui se trouvait en ce temps sur le mont Sainte-Odile dans les Vosges, et autrice de l'Hortus Deliciarum ou "Jardin des Délices".

J'aimerais faire ici une petite mise au point : je ne présente pas dans ce blog des femmes "puissantes" ou "victimes". Une compositrice rentre t-elle d'ailleurs dans cette catégorie binaire ? Je rend compte dans la mesure où ce médium me le permet, de l'existence des femmes, de leurs créations, de leur parcours, de l'image que l'on a propagé d'elles, que l'on propage encore, de ce qu'elles furent et vécurent, de ce que sont devenue les femmes dans la mentalité contemporaine à force que l'on n'en montre qu'une facette, toujours la même, à force des les renvoyer toujours et encore à l'anonymat. Je cherche ici à désanonymer les femmes. Je réexhume des personnalités qui n'ont jamais droit à aucune commémoration parce que les femmes n'ont plus droit aux commémorations au-delà du cinquentenaire. Jamais on ne commémore les 500, 450, 300, 350, 250, 200 ans de la naissance d'une femme dans un médium grand public. Et on ne portera pas George Sand au Panthéon. On ne parle pas de Herrade de Landsberg, non plus, dont on continue à imprimer les images. On ne nomme nulle part là où la majorité des gens se rassemblent pour lire, voir et écouter, des femmes qui ont apporté leur contribution à la culture et à l'humanité, sauf une ou deux toujours les mêmes, comme alibi. Soit elles ne figurent pas dans les livres d'Histoire soit elles en disparaissent. Alors je leur redonne leur nom et un peu d'existence. Maintenant si cela en met mal à l'aise, je suis désolée pour ces personnes mais qu'elles réfléchissent à ce que je viens d'écrire.

Et si l'on ne comprend pas ce qu'est la femme occidentale dans l'imaginaire collectif, pourquoi il faut la ligoter et la dénuder sur les affiches de pub aujourd'hui, et cela non pas de moins en moins mais de plus en plus : regardons et imprégnons nous de ces images bibliques qui ont construit cette civilisation : la grande prostituée de Babylone jetée au feu par des anges, par exemple. Pour les un.e.s c'est une allégorie et (les femmes servent un peu beaucoup (trop) d'allégorie), pour les autres ceci est tout bonnement à prendre au pied de la lettre.

dimanche 21 novembre 2010

Comment on continue à jeter virtuellement au feu les sorcières

Une figurante de cinéma que j'ai rencontré sur le tournage d'Anonymous vient de m'envoyer ce clip auquel elle a participé.




Je ne crois pas que j'en aurais fait de même à sa place car il s'y agit une fois de plus d'un exemple d'érotisation d'un crime dirigé contre la partie de l'humanité à laquelle j'appartiens. Comme dans le cas de la série télévisée "The Tudors", on est dans l'esthétisation de l'abject. Soit on fait du bourreau qui tue avec la plus grande cruauté un bel héros sexy dans un univers de luxe surranné alléchant, soit on érotise la victime sur le point de mourir injustement dans d'atroces souffrances, à l'aide d'une chansonnette sadico-lascive et d'un décor gothico-baroque teintés de morbidité.

On imagine difficilement la déportée de camp de concentration dans sa chambre à gaz rendant sa chair désirable en prenant des pauses, sous la fausse douche au Zyclon B. Et aucun petit malin avide de faire de l'argent avec de la souffrance, se ruer sur ce thème la bouche en coeur. Le feu, les chaînes, la robe décolletée et l'air libre, c'est plus "hot" que le carrelage éclairé au néon avec un corps dépouillé de tout, cheveux et fausses dents comprises.

Et puis on érotise mieux des victimes sur lesquelles pèsent cinq cents ans de silence.


Ci-dessous : un extrait (tronqué) de „Charles Quint et la monarchie universelle“ par Annie Molinié-Bertrand et Jean-Paul Duviols (!) :

"Les traités de démonologie parus au cours des XVe et XVIe siècle mettent la femme à l'index en répandant le stéréotype de la sorcière. (...) Le „Malleus maleficarum“ écrit par deux dominicains est, parmi d'autres, un ouvrage qui aura une grande influence sur les Inquisiteurs.

Selon le Malleus, la femme est inférieure par sa faiblesse d'intelligence. Perverse, elle l'est par nature, par une inclination excessive au vice de la chair qu'Eve lui aurait transmise. Dans cet ouvrage, le féminin domine, terrasse le masculin ; les auteurs parlent de l'hérésie des sorcières, les sorciers étant pratiquement absents de la scène. (...)

"Mais si la femme est si souvent impliquée par le regard d'un groupe, n'est-ce pas parce qu'elle est souvent mise à l'écart par son sexe, son âge, ses occupations ; parce qu'elle est la conservatrice des cultures archaiques, parce qu'elle est le noyau de résistance à des cultures sexuelles oppressives ?" (Pierre Chaunu, 1969 (cité à l'intérieur du texte)).

Au XVIe siècle, la plupart des sorcières du diocèse de Cuenca (où eut lieu un célèbre procès de sorcières) sont des sages-femmes : sur trente-cinq femmes accusées de pratiquer la sorcellerie, vingt-cinq pratiquent régulièrement des accouchements. Rien de surprenant si dans la 2e partie du "Malleus maleficarum", les auteurs se demandent comment les sages femmes sorcières infligent de plus grands maux aux enfants. Il s'agit de la sorcière tueuse d'enfants que nous retrouvons à Cuenca dans les procès du XVIe siècle. Accoucheuses, guérisseuses, veilleuses de morts, les femmes détiennent un pouvoir qui échappe aux hommes.(...)La femme est reléguée au second plan dans une société où l'homme est le détenteur du pouvoir, mais cela ne signifie pas pour autant que ses occupations sont sans importance. (...) Les procès inquisitoriaux montrent que bon nombre de femmes ont un statut spécifique au sein de leur communauté; leurs voisins quel que soit leur niveau socio-économique, acceptent leur autorité et la réalité de leurs pouvoirs "surnaturels". Ils les craignent mais ils les fréquentent, leur donnent ce qu'elles leur demandent "pour ne pas qu'elles leur fassent du mal". Les sorcières dans le diocèse de Cuenca, semblent toutes avoir un profil similaire : exclusivement des femmes, d'âge avancé, pauvres, veuves, de niveau socio-économique bas, dans la plupart des cas, échappant au pouvoir patriarcal. (...)".

samedi 20 novembre 2010

omnes omnia omnino

A la recherche des femmes dans le monde médical à travers les siècles et, parallèlement, bien que cela n'ait aucun rapport, intriguée par les nombreuses représentations dans l'art de sainte Dorothée, j'ai découvert un lien entre les deux et que la première femme à obtenir le titre de docteur dans le monde, fut une allemande du XVIIIe siècle du nom de Dorothea Erxleben. De fil en aiguille, toujours dans les méandres les plus illogiques (mes préférés), j'ai également découvert l'existence d'un certain Comenius, un tchèque qui militait au XVIe siècle pour la scolarisation des filles.
Après ces intéressantes trouvailles, je rentre chez moi toute guillerette et trouve l'appel suivant sur mon répondeur : allo Euterpe, si ca te dit il y a un "baby bazar" demain matin à 11.00 h à l'école Comenius...! Quoi ? Je n'avais jamais entendu parler ni de ce personnage, ni de cette école auparavant. Quelle coincidence ! J'avais envie de rappeler immédiatement ma copine pour lui dire que je savais qui était Comenius ! Mais comme elle aurait pensé que je n'avais pas tout mon bon sens, j'ai donc plutôt choisi d'en parler ici.

Philosophe, grammairien et pédagogue, Jan Amos Komesky, dit, en latin, Comenius, est né en 1592 en Moravie. Son père était un adepte de Jan Hus qui fut brûler comme hérétique.
Orphelin a douze ans, il entre dans une école latine où il inspire de l'affection à ses maîtres qui le pousseront et le protègeront dans ses études.
Devenu pasteur puis un philosophe très en vue, il passera sa vie à tenter de faire appliquer les préceptes pédagogiques qu'il a concus.

Comenius plaide pour une démocratisation de l’éducation. Selon lui : puisque chaque être humain est une image de Dieu, chaque être humain mérite d’être éduqué.

Ainsi, « tout doit être enseigné à tout le monde, sans distinction de richesse, de religion ou de sexe ». C'est le concept de pansophia, ou sagesse universelle. À une époque où l’infériorité des femmes est communément admise, Comenius affirme que les filles ont les mêmes capacités intellectuelles que les garcons.

Pour Comenius, le système éducatif devrait non seulement s’attacher aux activités de la pensée et de la raison (ratio), mais aussi au travail manuel (operatio). Il considère que les écoles devraient montrer moins d’intérêt pour l’enseignement du latin, et bien plus d’intérêt pour des matières comme la géographie, l’histoire ou la biologie. Il insiste beaucoup sur l’importance de l’éducation artistique ; l’art doit être accessible à tous. En musicologue avisé, il plaide pour la généralisation de l’enseignement de la musique à tous les niveaux scolaires.

Pour concrétiser la « sagesse universelle », Comenius conçoit un système d’éducation unique pour les deux sexes, et composé de quatre degrés : l’école maternelle pour les plus petits, l’école publique pour les enfants, l’école secondaire pour les adolescents et les académies pour les plus âgés. Cependant, il considère que l’éducation est un processus qui doit durer toute la vie et que le monde entier est une école.

Pour enseigner, il préconise l’utilisation d’images. Son manuel Orbis sensualium Pictus a pour ambition d’enseigner le latin aux enfants par association d’un mot à une image. Il défend aussi le rôle des jeux individuels ou de groupe ; rien de tel qu’apprendre en s’amusant. L’enseignant doit aussi encourager la participation des élèves. La pratique de la punition corporelle est, par contre, vigoureusement déconseillée.

"Omnia sponte fluant, absit violentia rebus" : tout coule spontanément, on n'obtient rien par la violence.

et surtout : "omnes omnia omnino" : il faut tout enseigner dans son entier à tou.te.s.




Relief sur une école à Dolany (République tchèque).

mercredi 17 novembre 2010

La femme qui aurait des testicules sur la poitrine (au lieu de seins)



...n'est pas encore née, croyez vous ? Et bien si ! Elle existe. Car je ne sais pas si vous connaissez l'Artémise d'Éphèse ou "Artémis éphésienne" mais cette statue ne ressemble à aucune représentation connue de la déesse ni à l'époque classique, ni hellénistique ni romaine.
Le bas du corps est enfermé dans un fourreau qui porte des cases contenant un ou plusieurs animaux. Les bras sont à angles droits. La tête s'appuie sur un reposoir sur lequel son disposées des figurations animales. Elle porte une sorte de tiare. Son cou est orné de pendentifs descendant très bas si bien que les protubérances qui ont valu à Artémis l'épithète de polymastos "(aux multiples seins") arrivent encore plus bas. Mais les commentateurs modernes ont "remarqué" que ces seins ne sembleraient pas faire partie de l'anatomie de la déesse puisqu'ils sont placés juste au-dessus de la ceinture et auraient l'air posés par-dessus le vêtement.
Pour certains, il s'agirait donc, en réalité, d'attributs mâles. D'éminents historiens de l'art sont convaincus qu'il s'agit là de testicules de taureaux. D'autres sont persuadés que ce sont des testicules humaines, bien sûr. Cependant je vous épargne les théories qui accompagnent ce genre d'hypothèses. A moins que vous insistiez pour les connaître absolument.


En tout cas au XVIe siècle, on pensait encore que des globes au niveau de la poitrine ne pouvaient être que des seins (quelle idée !) et cette statue inspirée de sa soeur éphésienne (550 av. J.-C.) représente une autre déesse multimammaire avec des rangées de seins de plus en plus flétris vers le bas, nourrissant directement et sans équivoque quant à leur fonction, des animaux réels ou fabuleux.
Il s'agit de "La Nature" de Niccolo Pericoli dit Tribolo (v. 1500-1550), statue commandée en 1529 par Francois Ier pour servir de support à une vasque.
Une représentation où la dépendance du monde à la féminité est trop voyante pour notre époque sans doute !

samedi 13 novembre 2010

Léonard de Vinci a copié !


Voici le "Weltmensch" d'Hildegarde de Bingen bien connu de Léonard de Vinci qui a consulté le Liber Divinorum Operum déjà conservée en son temps à la bibliothèque de Lucques en Italie, où se trouve cette image de l'abbesse. Le Weltmensch est un être humain cosmique ni masculin ni féminin dont Léonard a fait une version masculine.

VinciHildegarde de Bingen avait crée l'Humain inscrit dans un pentagramme. Elle disait : « l’Humain se divise dans la longueur, du sommet de la tête aux pieds, en cinq parties égales ; dans la largeur, formée par les bras étendus d’une extrémité d’une main à l’autre, en cinq parties égales. »

Les bras à l’horizontale s’inscrivent dans les branches supérieures, les jambes écartées dans les branches inférieures, et la tête dans la branche du haut. 2 + 2 + 1. L’union est réalisée, c’est d’ailleurs le symbolisme du 5. On joint par ce nombre le principe terrestre (2 –> les jambes) au principe céleste ou cosmique (3 –> la tête et les bras). Nous avons là les 5 extrémités. Deux fois un nombre pair, féminin, désignant la matrice, et une fois un nombre impair, mâle. L’Homme est donc androgyne. Le pentagramme désigne l’androgyne. On a bouclé la boucle. Le nombre 5 est d'après Hildegarde, le symbole de la structure de l’Humain. Trois éléments en haut (la tête et les bras) et deux éléments en bas (les jambes). Nous avons là l’accord du cosmique et du terrestre, et l’Humain comprit comme le Temple de l’univers.

C'est une vision mystique reprise à la Renaissance et réactulisée par Léonard de Vinci sous la forme de l'homme de Vitruve, dont il a fait plus prosaiquement l'étalon de mesure anatomique en matière de dessin. Cet homme vitruvien, employé à toutes les sauces depuis, est considéré comme une telle oeuvre de génie que l'on n'a pas hésité à l'envoyer dans l'espace pour offrir aux extra-terrestres une représentation de nous-même. Ce qui est moins connu, ce sont ses véritables origines. Féminines.

jeudi 11 novembre 2010

Vous savez ce qu'elle vous dit Hildegarde ?





On m'a dit : mais pourquoi tu n'as pas dessiné une bulle ? Ce serait plus marrant. Merci bien pour que le service de sécurité m'embarque et me colle une amende pour détérioration de matériel municipal ! Il y a assez d'affiches informant qu'il est interdit de barbouiller les surfaces publiques sous peine d'amende ! Et vous aurez remarqué que les pubs maintenant sont toutes protégées (par des moyens de plus en plus coûteux et sophistiqués) du public qui n'en peut plus de cette agression visuelle et de cette poubellisation de nos icônes (Bon d'accord, icône...puisqu'il paraît qu'elle en serait une. Et alors ? Pourquoi ne les défenderions-nous pas, nos icônes ?).
Le verre étant une "surface publique", c'est donc armée de papiers autocollants que j'en ai revêtu la paroi des duos de pubs de quatre stations de métro.
On remarquera que vitre et éclairage interne empêchent mon texte de ressortir plus avantageusement. Néanmoins les passants le VOIENT, s'arrêtent et lisent !
Victoire, donc.
Après quelques griffonnages vengeurs du style "A bas les pubeux" (en allemand : "Nieder mit der Werbe-Idioten" pour celles et ceux qui veulent enrichir leur vocabulaire teutonique), j'ai orné mes deux derniers panneaux à l'épreuve des antipubs, d'un :

"Hildegarde vous dit : halte à la glorification de la vulgarité".

Quoi dire d'autre ?

Bon bref, c'était pour me venger.

mardi 9 novembre 2010

J'y crois pas !




voilà ce qu'ont éjaculé les pubeux ("ont pondu" est une insulte aux ovipares, je trouve) pour présenter une série télévisée sur l'Histoire allemande. J'ai aperçu ça hier matin par la vitre du métro, j'ai repéré la station et j'ai sauté le soir même sur mon appareil photo pour m'y rendre et réaliser ces trois clichés. En petit, pour présenter la série plus sérieusement, on montre trois mâles célèbres traités dans le feuilleton : Charlemagne, Louis II de Bavière et Karl Marx. L'oeil caché du roi de Bavière est le slogan habituel de la chaîne ZDF ("La 2" allemande, comprendre : on voit mieux avec "le 2e" canal (symbolisé par l'oeil gauche qui est, sur les photos, forcément à droite, sens de la lecture)).

La femme qui se rase les jambes en téléphonant avec son portable est censée représenter............................Hildegarde de Bingen !
Les pubeux ne dégradent pas seulement les femmes actuelles, ils violent l'Histoire des femmes.
Mais comme dirait Noam Chomsky cité sur le blog journal de classe, afin de faire accepter l'inacceptable, il s'agit de dégrader sur la durée, insidieusement, jusqu'à ce qu'on est tout enlevé (merci jfs pour cette citation qui convient tout à fait à ce qui se passe pour l'image des femmes).
Sous prétexte de feuilleton historique, on s'en prend aux femmes du passé, en singeant, par exemple, ce que je fais dans ce blog : les réactualiser. Cette forme de réactualisation est perverse parce qu'elle arrive à faire sourire. La pub est tout à fait capable de faire sourire son public d'un meurtre. C'est sa force.

lundi 8 novembre 2010

Louise Bourgeois, obstétricienne




Louyse Bourgeois naît à Paris en 1563, de parents aisés. Elle épouse un chirurgien des armées du roi, ancien élève d'Ambroise Paré, Martin Boursier, le 30 décembre 1584. De cette union naîtra cinq enfants.
Les guerres civiles (guerre de religion) viennent troubler le bonheur des Boursier et les précipitent dans la gêne. Louise décide d'apprendre le métier de sage-femme. Son mari lui ayant donné les premières notions d'anatomie, elle se met à étudier Ambroise Paré. Elle écrira :

"Une honneste femme qui m'avoit accouchée de mes enfans, qui m'aymoit, me persuada d'apprendre à estre sage-femme*, et que si elle eust sceu lire et écrire comme moy, qu'elle eust fait des merveilles, que le cœur luy disoit que si je l'entreprenois, je serois en peu de temps la première de mon estat (...). "

Louise pratique cinq ans dans les milieux humbles avant d'être reçue jurée au Châtelet le 1er novembre 1598. Le mérite porte toujours ombrage, et ce ne fut pas sans difficultés qu'elle obtint ses grades. Le jury de réception se composait d'un médecin, de deux chirurgiens et de deux sages-femmes. Louise Bourgeois : « Les deux sages-femmes étoient la dame Dupuis et la dame Peronne ; elles me donnèrent jour pour aller les trouver ensemble, elles m'interrogèrent de quelle vocation étoit mon mary ce que sachant, elles ne vouloient pas me recevoir, au moins madame Dupuis, qui disoit à l'autre : Par Dieu, ma compagne, le cœur ne me dit rien de bon pour nous ! Puisqu'elle est femme d'un surgean (chirurgien), elle s'entend avec ces médecins comme coupeurs de bourses en foire ; il ne nous faut recevoir que des femmes d'artisans qui n'entendent rien à nos affaires. Elle me disoit (la dame Dupuis) que mon mary me devoit nourrir sans rien faire ».
Elle obtient néamoins le diplôme et les trois années qui suivirent, Louise exerce dans tous les milieux de la capitale.
En 1601, la reine Marie de Médicis est enceinte. Le roi avait désigné la Dupuis comme sage-femme mais il déplaisait fort à la reine d'être assistée par celle qui avait accouchée la maîtresse du roi. De recommandation en recommandation, Louyse devient l'accoucheuse de Marie de Médicis. Elle est si appréciée qu'elle sera la première à se voir octroyer le droit de porter un chaperon de velours (1606), insigne de sa charge, alors que les deux sages-femmes de Catherine de Médicis n'avaient eu droit qu'au collet et à une chaîne d'or. A la naissance de son sixième enfant, Henri IV lui fait une pension de trois cents écus.
Le 29 mai 1627, Marie de Bourbon-Montpensier, épouse de Gaston d’Orléans, frère du roi, meurt en donnant naissance, après un accouchement laborieux, à la Grande Mademoiselle, Anne-Marie d’Orléans. Une autopsie est pratiquée par les chirurgiens en présence des médecins du Roi ; selon leur rapport, des morceaux de placenta sont restés dans l’utérus ; ils accusent la sage-femme de négligence. Louise Bourgeois riposte par un petit livre " Apologie de Louise Bourgeois, dite Bourcier, sage femme de la reine mère du Roi, et de feu madame", Paris, Mondière, 1627, où elle défend ses connaissances et son savoir-faire.
Louise Bourgeois est la première sage-femme qui ait écrit des livres sur sa pratique, en donnant des conseils d’hygiène obstétricale et en montrant la nécessité d’une déontologie professionnelle.
"Observations diverses sur la stérilité, perte de fruict, fécondité, accouchements et maladies des femmes et enfants nouveaux naiz" (publié à Paris chez A. Saugrain en 1609 (dédié à Marie de Médicis puis chez Melchior Mondière en 1626 et 1642).
- "Instruction à ma troisième fille, qui a choisi et élu l’art d’être sage-femme, et qui peut servir à toutes autres, où se peut voir plusieurs choses remarquables sur divers sujets, même pour les accidents qui arrivent par quelques sages-femmes, et par le choix indiscret des nourrices, et par l’indiscrétion de plusieurs jeunes femmes grosses. Et l’erreur qui peut arriver sur le jugement de la grossesse d’une femme", Paris, 1609.
"Récit véritable de la naissance de Messeigneurs et Dames les enfants de France" Paris, M. Mondière, 1626, dans lequel se trouvent des anecdotes sur la naissance de Louis XIII et des autres enfants d'Henri IV.
- Puis en 1635 elle fait paraître "Recueil des secrets de Louise Bourgeois". Enfin du même auteur parut en 1689 "Le chemin frayé infaillible aux accouchements, qui servira de flambeau aux sages-femmes le tout enrichi de diverses figures".
Louise Bourgeois meurt à Paris en 1636.
Le souvenir de la mort malheureuse de la Duchesse d'Orléans, survenue en mettant au monde celle qui allait être la Grande Mademoiselle, devait pourtant plus tard inciter Louis XIV à appeler auprès de Madame de Montespan et de Madame la Dauphine le chirurgien Clément. Le règne des accoucheurs, jusque là écartés pour des raisons de décence, commence.

(*Dès 1560, les sages-femmes sont rattachées au Collège de Chirurgie, qui leur décerne un diplôme après un examen passé devant les maîtres de cette corporation).

jeudi 4 novembre 2010

"reneclouden"

La cueillette des fruits est terminée, les dernières feuilles s'accrochent désespérément aux branches, le vent et la pluie balaient et lavent ce qui reste : c'est novembre.
Il y a quelques temps, les petits paysans du coin venaient vendre leur récolte aux marchés et le coin chez moi c'est l'ancien margraviat des concertos de Bach, le même qui a donné son nom à un système décoratif de fermeture vestimentaire : le brandebourg.
Flânant à proximité de l'un de ces marchés, je remarque une marchande qui sert ménagers et ménagères avec une vivacité et une efficacité qui me laisse pantoise étant donné qu'au vu de son physique, il est impossible qu'elle ait moins de quatre-vingts ans. Je n'avais aucunement l'intention d'acheter quoi que ce soit, je passais par là par hasard mais maintenant j'ai envie d'observer de plus près la marchande.
Elle a certainement acquis cette dextérité au temps de la jeunesse d'une génération qui travaillait très tôt en âge et se levait très tôt le matin. Hop, elle emballe, tend les achats, prend la monnaie, rend les pièces, sans hésiter un instant ! A force de la regarder, lorsque vient mon tour, je ne sais toujours pas ce que je veux prendre. C'est alors que mon regard se pose sur une pancarte portant l'inscription "reneclouden".
Ce mot étrange ne ressemble pas à de l'allemand. La combinaison des lettres "c.l.o.u." n'a rien de germanique. Voilà une association de lettres improbables dans cette langue. Je corrige mentalement le nom étranger mal orthographié, retire le "n" qui est la marque du pluriel, sépare le mot en deux "rene" et "cloude", j'ajoute le "i" manquant à "rene", cela fait reine, et échange le "o" contre un "a". Cela donne "reine claude" ou : reine Claude, la reine à qui Anne de Graville dédia sa belle Dame sans mercy. Que fait son nom, 500 ans plus tard, germanisée n'importe comment, sur un morceau d'ardoise au dessus d'un cageot à prunes ?
Et qui connaît seulement la reine Claude ? Je ne peux même pas dire que si la loi salique n'avait pas existé elle aurait régné, parce que si la loi salique n'avait pas existé, aucun Valois n'aurait régné. Or c'était la fille aînée de Louis XII de Valois qui n'avait pas de fils.
A 16 ans , elle fut mariée à Francois Ier et resta reine de France le temps de mettre sept enfants au monde, presqu'un par an, ce dont elle mourrut à l'âge de vingt-cinq ans.
Il faut dire que l'on était parfois plus cruel pour les reines que pour les paysannes. N'ayant pas le droit d'allaiter, reines et princesses n'étaient pas protégées un seul instant d'une nouvelle grossesse.
Je ne sais pas si les paysannes du XVIe siècle atteignaient l'âge respectacle de quatre vingts ans, mais les reines, à moins d'être veuve jeune et de le rester, ne faisaient pas souvent long feu!
Tout ce qu'il nous reste de son souvenir est cette délicieuse prune rapportée par le naturaliste Pierre Belon qui lui dédia sa découverte.




mercredi 3 novembre 2010

il y a un bug


dans la mise à jour des commentaires de mon blog et si l'ordre de leurs apparitions ne s'actualise plus à chaque fois, comme avant, je tenais à vous informer que je n'y suis pour rien et vous prie de bien vouloir m'en excuser.

À propos de machine qui a ses faiblesse, j'en profite pour signaler qu'il est devenu impossible de trier les compositrices des compositeurs avec le moteur de recherche "google.fr". Il y a un temps, lorsqu'on tapait "compositrice", celui-ci proposait "compositeur", mais laissait néanmoins apparaître les pages contenant le mot recherché. Aujourd'hui c'est terminé. Il traduit fort impoliment "compositrice" par "compositeur", point barre. Je ne serais pas étonnée qu'il s'agisse d'un coup de l'armée d'imbéciles qui considèrent comme blasphématoire d'employer le mot "compositrice" au lieu de "femme compositeur". Mais un moteur de recherche n'est qu'une machine elle-même stupide et les phallocrates franchouillards qui veulent maintenir à tout prix la domination masculine de la langue, perdent très inutilement leur précieux temps à booster un mot plutôt qu'un autre. Qu'ils en soient informés.

Pour illustrer mon propos, une gravure du XVIIe, cette fois, représentant l'épisode où, après avoir demandé au roi berbère d'une ancienne région de Tunisie si elle pouvait obtenir une terre pour faire bâtir une ville et où celui-ci lui ayant déclaré avec mépris qu'elle pouvait en effet se choisir une place du moment qu'elle ne dépassait pas la taille d'une peau de vache, Didon fit découper la peau de vache en lanières pour circonscrire un périmètre digne d'y bâtir la prestigieuse ville de Carthage.
A malin, malin et demi.

lundi 1 novembre 2010

Vittoria Aleotti, compositrice





Compositrice et organiste italienne, Vittoria Aleotti (1575-1620) a réalisé des motets et des madrigaux, forme musicale en vogue à l'époque, et mit en musique la poésie de Giovanni Battista Guarini. Elle étudia la musique dès six ans avec sa soeur aînée, puis à partir de quatorze ans, au couvent de San Vito à Ferrare dont elle devint l'abbesse. Ses compositions ont été imprimées par Vincenti à Venise en 1593. Une autre collection de motets a été imprimée par Amadino toujours à Venise en 1593 également.
Vittoria était aussi l'organiste de son couvent, et dirigeait un grand ensemble d'instrumentistes et de chanteurs qui donnaient des concerts un peu partout. Selon Bottrigari (un écrivain de l'époque), il s'agissait d'un des meilleurs ensembles d'Italie. Il est presque sûr que son nom de baptême fut Vittoria, et "Raffaella" le nom qu'elle a adopté lorsqu'elle a pris l'habit. C'est pourquoi on la trouve également sous le nom de Raphaela Aleotta. Cependant certains pensent qu'il s'agit de sa fameuse soeur aînée.
Sur le web, la plupart des infos sur elle sont en italien. Merci aux italophones qui voudront bien m'apporter d'autres précisions.

Avis aux ami.e.s québecquois.es qui auront la chance de l'avoir au programme chez elles/eux le 14 novembre 2010 !