vendredi 25 février 2011

Renaissance music - O Deathe, rock me asleepe (Anne Boleyn)



Condamnée à être décapitée pour "impudicité" (sic) Ann Boleyn, en attendant sa mort, aurait composé cette oeuvre poignante.

jeudi 24 février 2011

Isabella Leonarda 'Sonata duodecima'



En attendant que je puisse reprendre le fil de ce blog interrompu pour cause de santé, je vous livre ce chef-d'oeuvre de musique baroque au féminin. Une vraie merveille !

vendredi 18 février 2011

Le viol comme divertissement


Avant de revenir à la fameuse nuit de la Saint-Barthélémy et de tenter de rétablir une part de vérité sur les spéculations que font sur elle celleux qui étudient avec sérieux l'histoire, revenons à la scène de viol du film qui, je le rappelle, est une pure invention scénaristique.

A l'heure où l'actrice Maria Schneider qui vient de mourir se refait violer par la presse qui se rue sur ce décès pour rappeler la scène de sodomie du film "Un dernier tango à Paris", soulignons que le viol semble posséder une qualité hautement divertissante et qu'il est devenu un ingrédient incontournable de l'entertainment de masse.
Le requiem dégradant entonné par les journaux en guise d'"hommage" à l'actrice décédée
Héloïse en parle
Emelire ici
Le Collectif Les mots sont importants ici repris par Mauvaise Herbe
humilie toutes les femmes qui n'ont pas envie de se retrouver dénudées post mortem dans des canards à l'éthique de plus en plus douteuse.
Comme je le mentionne dans le billet où je cite l'article non édité, par contre, de cette passionnante chercheuse, Eliane Viennot écrit en 1994, à la sortie de La Reine Margot :

"C’est
 la
 première
 fois, 
notamment,
 qu’est
 mis
 en
 scène
 le
 viol
 de
 Marguerite
 —
par
 ses
 frères
 évidemment 
!
 Qu’Henriette
 de
 Nevers,
 la
 plus
 grande 
héritière
 du
 royaume,
 est 
ravalée
 au
 rang
 d’une
 dame
 de
 compagnie
 (elle
 introduit
 les
 visiteurs
 chez
 Marguerite
!),
 et
 campée
 sous
 les
 traits
 d’une
 harengère
 délaissée.
 Que
 des
 princesses
 de
 France
 sont montrées traînant sans escorte dans la capitale (rue Saint-Denis, peut-être ?) pour
 «
chercher
 des
 hommes
»
 afin
 de
 se
 faire
 trousser
 sauvagement
 contre
 les
 blocs de pierre..." !

Le viol est particulièrement artistique (comme le patinage). Il faut le savoir. Et l'inspiration, la muse (en tout cas pas Euterpe) qu'est ce que vous voulez ma bonne dame...comment lui résister ?
Depuis les années 1970, au nom de la sacro-sainte "création libre" qui règne d'ailleurs également dans le monde de la pornographie et de la pub, cela n'arrête pas :

Quelques films dont vous avez peut-être entendu parler ?
Tess du lui-même violeur Polanski
Jeanne d'Arc de Luc Besson
J'irai cracher sur vos tombes de Michel Gast
Il était une fois en Amérique de Sergio Leone
Outrages de Brian de Palma
Frankenstein 90 d'Alain Jessua
Irréversible de Gaspar Noé (un grand amateur de viols celui-là)
etc...
Il y en a des centaines (je ne les assimile pas à ceux qui ont eu pour but de dénoncer le viol comme "L'amour violé" ou "Anonyma" bien entendu).

J'ai d'abord voulu en faire une liste exhaustive mais il y en a qui pourrait venir puiser ici de quoi gratter leur prurit ce qui l'empêcherait de cicatriser.
Et voilà qui n'est pas charitable.

jeudi 17 février 2011

Avis aux enquiquineurs

Tous commentaires seront effacés qui contiennent au moins deux phrases telles que :
"ça va pas la tête" ou "pour qui vous vous prenez", et ce genre d'envolées épididymiques (merci à Olympe pour son épididyme d'or dont je me suis inspirée afin de créer de ce néologisme).

"Séduire pour réduire" 2

Il suffit de répéter n'importe quoi suffisamment longtemps
pour que tout le monde finisse par en être persuadé.
»
Joseph GOEBBELS

Chéreau dit s'être inspiré des classiques du film en costumes, des thrillers de gangsters de Coppola et de Scorsese, de la grande peinture de la Renaissance et du XIXe siècle romantique aussi bien que des photographies d’actualité les plus sordides pour obtenir La reine Margot.
La rencontre du film et de son public a été longuement préparée. Bénéficiant d’une couverture médiatique exceptionnelle, conçue selon des stratégies publicitaires étudiées, le film s’offre le Festival de Cannes pour écrin de sortie le 13 mai 1994 ; il est en même temps projeté dans toute la France. L’œuvre tant attendue obtient le Prix du jury et le Prix d’interprétation féminine pour Virna Lisi, mais ne rencontre pas le succès populaire escompté. Le public condamne la longueur du film (2 h 39), sa confusion et sa violence baroque faite de mort et de sang.Ce spectacle en forme de grand' messe mais dénué d’émotion, est pourtant dopé par la sortie cannoise et draine un grand nombre de spectateurs dès les premières semaines, pour aboutir à un total d’environ deux millions pendant la période d’exclusivité.

Mais La Reine Margot a surtout été pensé comme un produit à exporter à l’étranger.

La Reine Margot, film prétendument non-historique s’inscrit en fait dans un contexte de résurgence d’une réflexion sur l’Histoire au cinéma, présente dans les "Heritage films". Le concept, mis en évidence par les Anglo-Saxons, s’applique à des films contemporains populaires, réunissant un budget important, un casting de stars, une reconstitution soignée au service d’une mise en scène du passé renouvelée.

Or La Reine Margot ne remplit pas certaines conditions ontologiques du genre, notamment en ce qui concerne les moyens de la représentation : ainsi les décors sont absents, et les costumes malmenés (sans parler de l'histoire).
Ce n'est pas pour autant que le film est retiré de la circulation...il ne faut pas rêver.

"Séduire pour mieux réduire" ou le concept de "propagande glauque".
Le changement de notre civilisation depuis 1990 :
Jusqu’en 1968 nous étions dans l’ère de la CONSOMMATION
de 1968 à 1990 nous étions dans l’ère de l’INFORMATION
depuis 1990 nous sommes dans l’ère de la PROPAGANDE GLAUQUE dont le cinéma se fait largement l'allié.
On inonde le monde de produits culturels émotionnellement toxiques qui perturbent et brouillent les repères. Les films d'histoire-fiction participent de cela.

On peut télécharger à tout instant et l'on trouve partout en DVD aujourd'hui dans les souks, supermarché, stations service, drogueries, librairies de surface, papeteries, maisons de la presse, vidéothèques, etc de Singapour à Saint-Pétersbourg, de Fèz à Buenos Aires, de Sydney à Calais, d'Accra à Hiroshima, etc..."Queen Margot" que tout le monde connaît et que les adolescents qui n'étaient pas encore en âge de le regarder à l'époque regardent maintenant pour la première fois avant que leurs cadets ne le fassent à leur tour. Pourquoi pas ? L'image de présentation est très racoleuse et personne ne cherche à savoir si le réalisateur se veut historien ou "libre créateur" ! Et il n'y a aucun avertissement nulle part quant au contenu non-historique de l'oeuvre. Les consommateurs/trices pensent que ce film qui, dans les autres langues, s'appelle la plupart du temps "La nuit de la Saint-Barthélémy" retrace une période historique pas tout à fait fidèlement mais quand même à peu près. Beaucoup de gens croient à une éthique quelque part.

Quand un.e allemand.e me demande :

- Qu'y a t-il d'exact dans ce film ?

Je réponds :

- Les noms. Les noms sont exacts.

- Et...c'est tout ?

- Oui.

- Mais il y a bien eu une nuit de la Saint-Barthélémy en France, non ?

- En effet mais...elle n'a pas de rapport avec ce film.

- Ah? Est-ce possible ? Mais ces reines hystériques ? Ce roi fou ? Les empoisonnements ? L'inceste ? Tout ça ?

- Il faut savoir qu'en France respecter l'histoire n'est pas une obligation. L'arbitraire règne. C'est très dépendant du sujet. Il n'y a aucun souci d'éthique dans ce domaine.

- Je n'arrive pas à le croire !

- Ben si.

Je vous prends à témoin du désagrément qu'il y a à devoir dénigrer son propre pays à cause de personnages comme Patrice Chéreau. Car unanimement ce film choque. Et c'est bien ce qui importait au réalisateur.

On a accusé en son temps Alexandre Dumas d'avoir violé l'Histoire. Or Chéreau a fait mieux : il a violé Alexandre Dumas.

mercredi 16 février 2011

"Séduire pour réduire"

Je reprends en titre le principe élémentaire de la propagande glauque, concept créé depuis peu pour décrire une forme insidieuse de formatage des esprits par les médias, auquel semble se livrer allègrement le cinéma (sous couvertd'art), afin d'illustrer l'article "La reine Margot ou la modernité inculte" d'Eliane Viennot (historienne citée sur mon billet précédent) à propos du film de Chéreau, article qui fut accepté puis refusé par "Le Monde" en mai 1994 :

Beaucoup
 de
 temps,
 d’argent,
 de
 beaux
 costumes
 et
 de
 beaux
 décors,
 beaucoup de figurants et de grands acteurs, un metteur en scène prestigieux et une scénariste célèbre. Pour dire quoi ? Que la Renaissance était une époque pleine de bruit
 et
 de
 fureur,
 les
 Valois
 une
 famille
 de
 dégénérés,
 Catherine
 de
 Médicis
 un
 monstre,
 sa
 fille
 une
 putain,
 Charles
 IX
 un
 fou,
 Anjou
 (futur
 Henri
 III)
 un
 homosexuel, Alencon un zéro absolu, et Navarre (futur Henri IV) un gentil petit roi qui
 sentait
 mauvais
 et
 aimait
 l’ail…
 On
 aurait
 pu
 s’attendre,
 en
 cette
 fin
 de
 XXe
 siècle,
 à
 ce
 qu’un
 intellectuel
 ne
 nous
 resserve
 pas
 une
 fois
 de
 plus
 cette
 mythologie
 de
 bazar,
 ces
 images
 d’Épinal
 éculées,
 alors
 que
 les
 historiens
 et
 les
 historiennes ne cessent , depuis vingt ans, de nous montrer que la réalité de cette époque 
est 
infiniment 
plus 
complexe
—
et 
plus 
intéressante 
aussi
!
 Évidemment, 
il
 faudrait les avoir lus.

Patrice Chéreau s'en défend et plaide la cause de la liberté du créateur. Il a „interdit“
 à
 ses
 acteurs
 et
 actrices
 de
 lire
 quoi
 que
 ce
 soit
 sur
 le
 sujet,
 et
 il
 faut
 croire qu'au delà du roman d'Alexandre Dumas, il s'est imposé le même devoir de réserve 
:
 on
 parle
 tellement 
mieux
 de
 ce
 qu’on 
ne 
connaît 
pas 
! 
Qui 
irait, 
d’ailleurs,
 lui
 chercher 
des
 poux
 dans
 la
 tête
 ?
 Ne
 clame‐t‐il
 pas
 partout
 qu’il
 n’a
 pas
 voulu
 faire un
 film
 historique ? Tout est donc permis. Mais s'il lui avait pris l'idée de faire un film sur 
Auschwitz
 et 
dé
montrer
 qu’on
 y 
vivait
 bien
 ? 
Ou
 d’évoquer 
le
 général
 de Gaulle traînant avec des prostituées dans les bas-fonds de Londres ? La critique accepterait‐elle
 cette
 candeur
 charmante
 sans
 sourciller,
 sans
 brandir
 aussitôt
 l’argument de l'éthique ?

En
 réalité
 ce
 n’est
 pas
 la
 liberté
 du
 créateur
 qui
 est
 ici
 en
 cause,
 c’est
 la
 nature du sujet traité. Si Chéreau, comme tant d'autres avant lui, peut élucubrer en toute
 quiétude,
 c’est
 que
 trois
 siècles
 et
 demi
 de
 propagande
 (d’État
 ou
 non)
 l’y
 autorisent.
 C’est
 en
 effet,
 depuis
 Richelieu
 et
 Mazarin,
 un
 sport
 national
 que
 de
 diaboliser
 les
 Valois‐Médicis.
 La
 légitimité
 des
 premiers
 Bourbons
 étant
 bien
 fragile
 (Henri 
IV
 était 
arrivé 
sur 
le 
trône 
l’épée 
à
 la
 main), 
les 
historiographes 
de 
la 
monarchie absolue ont été chargés de noircir la famille royale précédente afin de faire 
reluire 
la 
nouvelle. 
Le 
XVIIIe 
siècle 
n’a 
pas 
déconstruit 
ce 
mythe 
: 
il 
l’a 
même
 renforcé, faisant d'Henri IV un héros absolu, toujours au détriment de Catherine et de 
ses 
enfants. 
Et
 après 
la
 Révolution, 
la 
même 
démonstration 
a 
été
 reprise.
 Cette
 fois‐ci, il fallait prouver, la royauté ayant été renversée, que la monarchie était un système
 de
 gouvernement
 totalement
 perverti 
;
 il
 fallait
 aussi
 convaincre,
 le
 deuxième
 sexe
 ayant
 été
 exclu
 de
 la
 citoyenneté,
 que
 les
 femmes
 au
 pouvoir
 étaient
 une
 abomination.
 Quel
 meilleur
 exemple
 trouver,
 alors,
 pour
 cette
 «démonstration»,
 que
 ces
 derniers
 Valois
 déjà
 abîmés
 par
 deux
 siècles
 de
 propagande
 officielle
 et
 cent
 ans
 de
 propos
 «éclairés»
?
 C’est
 à
 quoi
 se
 sont
 attachés
 Michelet,
 Dumas,
 Lavisse,
 et
 tant
 d’autres.
 La
 France
 du
 XIXe
 siècle,
 comme
 celle
 du
 XXe
 siècle,
 a
 bu
 ces
 breuvages
 troubles
 distillés
 dès
 l’école
 — Danièle 
Thompson 
et
 Patrice 
Chéreau 
comme
 tout 
le 
monde. 
Savent‐ils 
seulement
 qu’ils s'inscrivent dans cette histoire, eux qui prétendent ne pas en faire ?

Il
 faudra
 bien
 pourtant,
 un
 jour,
 sortir
 de
 la
 mythologie.
 Comprendre
 que
 les
 derniers
 Valois
 ne
 furent
 ni
 une
 famille
 tuyau
 de
 poêle
 ni
 une
 mafia
 sanguinaire,
 mais
 une
 maison
 chargée
 de
 gouverner
 un
 pays
 où
 les
 grandes
 puissances
 finançaient
 la
 guerre
 civile.
 Que
 Jeanne
 d’Albret
 et
 Charles
 IX
 sont
 morts
 de
 tuberculose
 et
 non
 d’empoisonnement.
 Que
 Catherine
 de
 Médicis,
 Charles
 et
 Coligny
 étaient
 d’accord
 pour
 intervenir
 en
 Flandres,
 et
 que
 ce
 n’est
 évidemment
 aucun
 des
 deux
 premiers
 qui
 est
 responsable
 de
 l’assassinat
 du
 troisième
 !
 Que
 La
 Mole,
 catholique
 de
 quarante‐cinq
 ans,
fut 
exécuté 
parce
 qu’il
 était
 le
 conseiller
 politique
 du
 duc
 d’Alençon
 —
qui
 venait
 d’organiser
 une
 tentative
 de
 coup
 d’État.
 Que
 les
 complots
 de
 l’hiver
 1574
 ne
 furent
 pas
 une
 agitation
 de
 frénétiques
 ou
 d’incapables,
 mais
 une
 tentative
 désespérée
 des
 modérés de l'époque pour mettre fin aux guerres civiles en installant Alencon sur le
 trône.
 Que
 Marguerite
 n’a
 pas
 choisi
 «
le
 côté
 des
 opprimés
»
 (sic
 !)
 mais
 l’engagement auprès de son époux et de son jeune frère, seule voie possible pour elle
 après
 la
 Saint‐Barthélemy
 ;
 et
 qu’elle
 n’était
 pas
 une
 nymphomane
 mais
 une
 femme qui eut une dizaine d'hommes dans sa vie ! Qu'Henri III ne s'est pas entouré d’une
 bande
 d’homosexuels
 échevelés
 mais
 d’un
 groupe
 d’hommes
 sûrs,
 de
 noblesse
 moyenne, 
qu’il
 a
 hissés
 aux
 premiers
 rangs 
de 
l’État 
parce
 que 
la
 vieille noblesse faisait sécession... Oui,
décidément,
l’histoire
 est 
plus 
intéressante 
que 
la
 répétition sempiternelle des vieilles sornettes !

Notons
 toutefois
 que
 Chéreau
 introduit
 dans
 cette
 répétition
 quelques
 nouveautés
 —
comme
 tous
 ses
 prédécesseurs.
 C’est
 la
 première
 fois, 
notamment,
 qu’est
 mis
 en
 scène
 le
 viol
 de
 Marguerite
 —
par
 ses
 frères
 évidemment 
!
 Qu’Henriette
 de
 Nevers,
 la
 plus
 grande 
héritière
 du
 royaume,
 est 
ravalée
 au
 rang
 d’une
 dame
 de
 compagnie
 (elle
 introduit
 les
 visiteurs
 chez
 Marguerite
!),
 et
 campée
 sous
 les
 traits
 d’une
 harengère
 délaissée.
 Que
 des
 princesses
 de
 France
 sont montrées traînant sans escorte dans la capitale (rue Saint-Denis, peut-être ?) pour
 «
chercher
 des
 hommes
»
 afin
 de
 se
 faire
 trousser
 sauvagement
 contre
 les
 blocs de pierre...

La
 fin
 du
 XXe
 siècle
 sera‐t‐elle
 fière
 d’avoir
 ajouté
 ces
 petites
 pierres‐là
 à
 l’édifice
 de
 haine
 et
 de
 désinformation
 patiemment
 construit
 par
 les
 siècles
 passés 
?
 Ou
 sera‐t‐elle
 au
 contraire
 désireuse,
abandonnant
 ces
 oripeaux
 d’un
 autre âge, de renouer avec une histoire dont elle est séparée depuis si longtemps ?

C’est
 au
 public,
 à
 présent,
d’en 
décider.


(Là ou mon opinion diffère de cet article : Alexandre Dumas ne noircit pas aussi férocement les Valois que Chéreau, de plus son oeuvre possède une réelle valeur artistique. Chéreau, par contre comme beaucoup de prétendus artistes d'aujourd'hui, confond transgression politiquement encouragée (il ne s'agit pas de nager à contre-courant non plus, hein !) et ART. Alexandre Dumas est encore un modèle pour les créateur/trice.s d'intrigues romanesques aujourd'hui, gageons que Chéreau n'en sera pas pour ceux de demain).

samedi 12 février 2011

La Marie salope de Patrice Chéreau

Pour Richelieu et Mme de Lafayette, pour Voltaire, pour Stendhal encore, Marguerite de Valois n'était pas la «reine Margot», sobriquet inventé par Alexandre Dumas. Elle n'était pas non plus la princesse dépravée que la modernité associe à ce titre de fantaisie. Elle était la reine Marguerite, dernière représentante des Valois-Médicis et autrice de "Mémoires" fameux, édités tout au long de l'Ancien Régime - en France comme en Angleterre et en Italie, de la "Déclaration du roi de Navarre", qu'elle écrivit en 1574 pour le compte de son époux, le futur Henri IV, coupable d'une tentative de coup d'État, et le "Discours sur l'excellence des femmes", qu'elle rédigea au crépuscule de sa vie, s'inscrivant ainsi dans la «querelle des femmes» qui faisait rage en France depuis près de deux siècles - mais qui l'avait jusqu'alors bien peu intéressée.

(Éliane Viennot, professeure de littérature de la Renaissance à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne et membre de l'Institut universitaire de France a publié un ouvrage sur Marguerite de Valois regroupant ces trois écrits, première livre d'une collection intitulée «la cité des dames» consacrée aux classiques féminins de l'Ancien Régime).



Cet extrait de film est tiré de "La reine Margot" adapté très "librement" du roman de Dumas par Patrice Chéreau. Désolée pour tous celles et ceux qui l'ont malencontreusement "adoré" (j'ai lu cela quelque part) mais je dois exprimer ici mon indignation devant tant de bêtise et de mauvais goût de la part du réalisateur qui a défiguré et saccagé sans état d'âme un chef-d'oeuvre du roman classique. Sans doute cette oeuvre le dépasse t-il complètement. Dumas qui a lu les Mémoires de Marguerite de Valois bouscule un peu la chronologie des événements historiques et ajoute quelques romances et intrigues de son invention mais il ne fait qu'accentuer par là les traits marquants de l'histoire dans l'Histoire, les placer sous un éclairage intéressant et ressusciter une société disparue assez plausible, qu'il parvient à rendre attachante malgré ses excès. Il traduit bien et sans tomber dans la vulgarité ce grand écart typique du XVIe siècle entre sensibilité extrême et choquante barbarie. Chez Chéreau, il ne s'agit même plus d'un arrangement avec l'Histoire qui aurait la politesse de respecter un minimum la langue, un minimum le caractère des protagonistes, un minimum la vérité historique, non : tel un graffiti barbouillé sur la Joconde, on est en pleine déprédation.
Portraits de Marguerite de Valois
Dumas qui a un sens inné du théâtre démarre le roman sur deux scènes simultanées assez burlesques : l'une où, le jour du mariage, Margot échange avec son amant le duc de Guise trois mots en latin (car elle est érudite et Dumas le souligne tout au long du livre) pour lui donner rendez-vous le plus discrètement possible pendant la nuit de noce, et l'autre où, au même moment, Henri de Navarre taquine puis rassure sa maîtresse jalouse et lui promet pour lui prouver son amour de passer sa nuit de noce avec elle. Moliéresque dans la construction, c'est une entorse faite à la réalité historique puisque les nuits de noce de princes étaient rarement une affaire privée.
La scène du mariage représentée dans la vidéo avec le coup que donne Charles IX à sa soeur pour lui faire dire "oui" correspond à ce qu'on a plus tard prétendu au sujet de la cérémonie afin d'obtenir une annulation du mariage sous le motif qu'il avait été forcé alors que ce n'était pas le cas. Dans ses Mémoires, Marguerite de Valois décrit une cérémonie normale si on excepte l'estrade devant l'église catholique et tout ce qui a trait à un mariage oecuménique. Passons sur le geste brutal qui n'est ni dans le roman ni dans l'Histoire et admettons qu'il ait un intérêt cinématographique (un coup à une femme c'est bon ça coco), la suite n'en est pas moins pitoyable de grossièreté.
Portraits de Henri III encore duc d'Anjou dans le film
On voit le futur Henri III, cheveux longs et gras, visage au teint bistre et au regard libidineux souhaiter à Henri de Navarre la "bienvenue dans la famille" en ajoutant : "une famille un peu particulière...pas si mal..tu verras "(genre : hinhinhin...tu ne sais pas sur quels dingues tu es tombé mais tu vas t'en apercevoir : tout le monde couche avec tout le monde chez nous) : vulgaire. Le frère du roi (duc d'Anjou en 1572) est le futur Henri III, donc, qui ne porta pas autrement les cheveux que courts, frisés et dressés comme c'était la mode à l'époque. D'une nature délicate et raffinée, Henri III était un homme particulièrement soigneux de sa personne et adorait composer des vers. Il possédait une grâce naturelle qu'il tâchait de mettre en valeur. La vulgarité lui était assez étrangère.
Portraits de Charles IX
Charles IX n'arbora jamais non plus cette tignasse aussi longue que grasse portée tout au long du film par Jean-Hugues Anglade (très grand acteur MALGRÉ les dialogues nullissimes de Chéreau, et qui réussit malgré eux et cette coiffure débile à ressembler au vrai Charles IX! Chapeau!).
Pour en revenir au stupide "bienvenue dans la famille" il aurait été bien ridicule de la part du duc d'Anjou de parler à son petit-cousin Henri de Navarre comme à un parfait étranger !
Henri épousait sa propre petite-cousine
, soit la petite-fille du frère de sa grand-mère. Le couple et toute la fratrie dont les parents étaient cousins germains avaient des arrières-grands-parents communs. De plus, fils de France et princes du sang se connaissaient tous comme les doigts de la main depuis le berceau, étant déjà une famille avant même de se marier, chacun sait (du moins je le croyais) quels problèmes de consanguinités traînaient avec elles ces anciennes familles royales qui ne se mariaient guère au-delà du cousin au 2e degré.
Ce dialogue niais et gratuit témoigne donc d'une absolue méconnaissance des coutumes monarchiques* (*je ne suis pas monarchiste) de quelqu'un qui prétend faire un film sur la monarchie.
Je passe sur l'air de psychozombie déterré et possédé de Catherine de Médicis dont j'ai déjà parlé ailleurs, et je voudrais qu'on m'explique l'intérêt de faire passer la maison des Valois pour un lupanar, Marguerite de Valois pour une Marie Salope, Henri de Valois pour un pauvre pervers et Henri de Navarre pour ce personnage tourmenté et sur le qui-vive incarné par Daniel Auteuil, excellent acteur du reste pour incarner les personnages de Michael Hanecke, mais qui ne cadre pas du tout avec le renard, fin, facétieux, campagnard et très sûr de lui que fut Henri de Navarre non seulement tel que le présente Dumas dans son roman mais tel qu'il a du être réellement. Henri de Navarre
Dans le film ce futur grand roi mendie sans la moindre dignité l'amitié de sa femme en se plaignant d'être détesté de tous (si dans le roman il exprime un moment donné la même plainte ce n'est pas du tout mais alors pas du tout dans cette position de mendiant), le couple se balance leurs parents morts à la figure comme le feraient des saoûlographes ou des imbéciles, du coup on parle de "mariage blanc" (ce qui nous ramène brutalement au XXe siècle et à la controverse des mariages "mixtes") et Marguerite "just married" prend des allures de super chipie pour dire à son désormais époux "personne ne m'oblige à coucher avec vous". Hormis la platitude et encore une fois, la vulgarité d'une telle phrase, elle est de plus d'une absurdité inégalable puisque historiquement c'est exactement le contraire : on l'obligeait à consommer le mariage et cela dès la nuit de noce. Si Dumas fait faire chambre à part aux protagonistes, ce n'est pas du tout pour que Marguerite puisse faire bisquer Henri (tu ne m'auras pas nananèreuh!) mais pour les besoins de son intrigue qui est la suivante : tous deux amoureux de leur côté d'une autre personne, les deux enfants de France sont surpris par ce mariage politique qui leur tombe dessus sans crier gare et ils se voient obligés de ménager la susceptibilité de leurs amant.e.s afin de les conserver, tout en se protégeant mutuellement des manipulations royales sans éveiller les soupçons quand à leur séparation de corps convenue AMICALEMENT. Quand Catherine s'en aperçoit ils changent de tactique...Un vrai tour de force qui non seulement ne fait pas peur à Dumas mais ce dernier parvient à mêler en permanence de l'humour au drame sans jamais tomber dans la vulgarité ce que Chéreau ne souhaite ni rendre ni comprendre.

Toutes les scènes de ce film sont calquées sur l'extrait publié ci-dessus où les phrases bêtasses et mesquines alliées aux apparences négligées des hommes et très déshabillées des femmes n'ont strictement rien à voir ni avec le roman pillé ni avec le siècle représenté. Les dialogues ont le niveau affligeant d'écoliers dans la cour de récréation d'une école primaire, les personnages présentent des comportements d'enfants attardés extériorisant à tout va les manifestations d'une libido désordonnée d'adolescents qu'aucun tabou n'arrêteraient. Cette surexcitation sexuelle la plupart du temps incongrue sur fond de tueries apparement érotisantes sert de suspens à un propos réduit à deux questions omniprésentes : qui va coucher avec qui et qui va tuer (ou a tué) qui.
C'est la Saint-Barthélémy des cinéastes qui veulent à tout prix assassiner la littérature.

Comment le mariage de Jeanne d'Albret fit de La Rochelle une Ville Libre

En juin 1541, pour contrer l'empereur Charles Quint son éternel ennemi, le roi François Ier marie sa nièce, Jeanne d'Albret, 13 ans, à Guillaume de Clèves, qui a le double de son âge. La mariée est réticente : il faudra la menacer du fouet et de la fessée et la porter jusqu'à l'autel pour arriver à la conclusion du mariage. La cérémonie des noces n'en est pas moins somptueuse avec bals, festins, spectacles, joutes et tournois. Pour régler la grosse note de la fête, le roi décide d'étendre le régime de la Grande Gabelle, l'impôt sur le sel, à toutes les provinces du royaume jusque là épargnées.

La Rochelle et les îles charentaises sont embrasées par la révolte qui s'étend en Angoumois, en Saintonge, à Bordeaux et dans tout le bordelais. Les habitants du Poitou et de la Guyenne refuseront jusqu'au bout de régler la facture salée de ce mariage...annulé quelque temps plus tard !

Le gouverneur Charles Chabot est chassé de la ville avec les 200 soldats qu'il a fait venir pour se protéger des habitants. François Ier est finalement contraint de supprimer l'impôt.

Néanmoins les Rochelais n'oublieront pas. Le 14 septembre 1565 et trois règnes plus tard, Charles IX accompagné de sa mère Catherine de Médicis, et précédé par le connétable de Montmorency, fait son entrée dans la ville de La Rochelle, où il reçoit un accueil hostile de la part des habitants. En représailles, il destitue tous les officiers et confie les défenses au gouverneur Chabot, précédemment chassé.

En début d’année 1568, poussé par l’intense propagande menée par les pasteurs, le maire soulève la ville contre les catholiques. Les massacres entre calvinistes et catholiques se répandent dans toute la région.

Bientôt La Rochelle se proclame république indépendante et calviniste, ce qui ne manque pas d’inquiéter le pouvoir royal. En effet, avec ses 22 000 à 23 000 habitants, la ville est parmi les plus grandes du Royaume, et elle est également l'une des plus riches.

Charles IX charge alors Blaise de Montluc et Charles Chabot de Jarnac de reprendre le port de l’Atlantique. Blaise de Montluc arme une flotte de 500 arquebusiers d’élite et l’envoie prendre l’île de Ré. Après de terribles combats, les protestants sont massacrés. Pour éviter plus de massacres le prince de Condé signe la paix de Longjumeau avec Charles IX en mars 1568.

En novembre 1568, Jeanne d'Albret, âgée de 40 ans, prend la tête du mouvement protestant à La Rochelle, ville qu’elle administre dans tous les domaines, à l’exception des affaires militaires. Elle assure la communication avec les princes étrangers alliés, dont elle tente de conserver le soutien. Après la défaite de l'amiral de Coligny à Moncontour contre le duc d'Anjou (et futur Henri III), la paix de Saint-Germain-en-Laye est âprement négociée officiellement entre l'amiral de Coligny et Charles IX mais réellement entre Jeanne d'Albret et Catherine de Médicis. Grâce à la fermeté de Jeanne, les Protestants se voient attribuer quatre places fortes dont La Rochelle qui devient le « Boulevard de la Réforme ». Jeanne veut dissuader Coligny de rejoindre la Cour de France mais trop avide de faveurs royales et de considérations, il ne l'écoute pas. Elle tergiversera également de longs mois pour accéder à la demande de Catherine de Médicis qui est d'unir Henri de Navarre à Marguerite de Valois. Elle a un mauvais pressentiment. Toutes ces négociations autour du mariage de son fils la tueront. Elle meurt en juin 1572.

Mais son mauvais pressentiment s'avère justifié. Une fois les huguenots à Paris, la nuit du dimanche 24 août 1572, a lieu le massacre de la Saint-Barthélémy. Coligny est assassiné et défenestré. Les huguenots qui y réchappent s'enfuient à La Rochelle.

Le roi Charles IX ordonne alors à son frère le duc d’Anjou d'en faire le siège. Après huit assauts infructueux, celui-ci abandonne.

Plus tard, en 1590, les Rochelais obtiennent du nouveau roi et fils de Jeanne d'Albret, l’autorisation d’ériger une nouvelle enceinte, baptisée « enceinte huguenote » ou « enceinte Henri IV », et plus fortifiée que la précédente. La ville ayant conquit son statut de ville libre initie une période de prospérité et d’épanouissement qui s’étendra jusqu’ en 1620.

mercredi 9 février 2011

Mujeres pintoras nacidas en el Siglo XVI

Formidable ! Les espagnol.e.s ont réalisé ce petit montage sur youtube concernant les peintresses du XVIe siècle. Je le publie ici en attendant de terminer un billet sur l'étonnante histoire de La Rochelle.





Avec musique !

lundi 7 février 2011

Un peu de brutalité dans ce monde de douceur !

La brutalité n'est pas l'apanage des hommes et les femmes sont tout à fait capable de se battre arme à la main pour la bonne cause, à commencer par l'excellente cause de la préservation de sa propre personne.

Lady defending castle from Smithfield Decretals England about 1340

Depuis les temps les plus reculés jusqu'à aujourd'hui, les femmes, peu reconnues comme des guerrières pourtant, ont pris les armes quand il le fallait absolument, et parfois même telle l'homme de leur époque, pour vider une simple querelle personnelle.

Duel entre Isabella de Carazzi et Diambra de Pettinella (1552) par Ribera Jusepe dit Spagnoletto (1591-1652)


La plupart des capitaines qui prirent la plume rapportent des exemples d'exploits féminins au combat. Brantôme raconte qu'au siège de La Rochelle (1573), les armées royales virent apparaître sur les fortifications de la ville une centaine de femmes en habits blancs (faciles à mettre à la lessive, explique le mémorialiste sexiste - mais la volonté de choc psychologique voulue par ces femmes paraît plus évident) occupées « fût à porter la hotte ou à remuer la terre » tandis que « les plus viriles et robustes [portaient] les armes ". Le fait est confirmé par l'Histoire des deux derniers sièges de la Rochelle, qui souligne « l'enragée hardiesse des femmes et chambrières rochelaises, lesquelles, armées et embastonnées, firent acte de soldats ou de nouvelles Amazones. Aussi appelle-t-on encore cet endroit le boulevard des Dames. » Brantôme ajoute qu'il a entendu dire que l'une d'elles conservait l'arme avec laquelle elle avait repoussé les assaillants « si soigneusement comme une sacrée relique, qu'elle ne la donnerait ni ne voudrait pour beaucoup d'argent la [céder], tant elle la tient chère chez soi. »

Aubigné rapporte quant à lui plusieurs cas individualisés. Entre autres, celui de Marie de Barbançon, veuve de Jean des Barres, seigneur de Neuvy, qui en octobre 1569, assiégée en sa maison par «Montaré, lieutenant de roi en Bourbonnais [...] prit sa place sur la brèche la plus dangereuse, une demi-pique en la main ; et les soldats, faisant de honte courage se défendirent à sa vue si opiniâtrement que la force ne leur fit rien, [mais] bien la nécessité, par laquelle ils se rendirent à la mi-novembre. » Ou encore celui de Madeleine de Miraumont, dame de Senneterre (ou de Saint-Nectaire), qui en 1575 fit échec à Montal, lieutenant de Basse-Auvergne qui voulait assaillir son château avec ses troupes : elle «chargea à sa coutume, vingt pas devant les siens, connue par amis et ennemis à ses cheveux, qui dessous [le casque] lui couvraient l'échine.» Certaines femmes se taillèrent même une solide réputation de grand capitaine en s'illustrant dans plusieurs sièges, telle Claude de la Tour, dame de Tournon, dont les exploits furent consignés par un biographe dès 1569. Ce ne sont là que quelques-uns des exemples qu'évoquent les textes du temps.

Aujourd'hui les femmes sont aussi de la lutte. Elles combattent héroiquement la fatale gentrification et tiennent tête aux troupes du gouvernement qui font impitoyablement le siège des si nécessaires lieux alternatifs :


La veille de la Nouvelle Lune, le 2.2.2011, les copines attendaient aux créneaux l'assaut des reîtres armés et casqués :


Le combat fut tout à fait inégal et le bélier, la masse, la hache et la scie électrique ont eu raison de la forteresse ! (Cinq heures quand même pour démanteler les défenses du bastion). Les assiégées n'ont pas dit leur dernier mot et l'armée de robocops ne perd rien pour attendre...
(Mes lecteurs/trices d'Allemagne auront compris qu'il s'agit de l'évacuation du Liebig 14 qui provoque encore des remous dans la presse aujourd'hui. Photos extraites du Tagesspiegel online).

dimanche 6 février 2011

Les "shakespearables" dont Amelia Bassano Lanier



Se prononcer pour ou contre l'hypothèse que suggère cette image ne saurait constituer un sujet de débat valable et il serait tout à fait ridicule de choisir ici son camp à moins d'être un.e "shakespeariste" confirmé.e, et encore.
C'est pourquoi décider comme Roland Emmerich de réaliser un film sur Shakespeare en prenant position pour une théorie déterminée, cela relève d'une démarche essentiellement liée à la "politique de genre", disons, un genre à la fois sexuel et social. C'est à dire que lorsqu'un riche homosexuel réalise un film dans lequel Shakespeare se révèle n'être autre, lui aussi, qu'un riche homosexuel, il s'agit ni plus ni moins que de donner des lettres de noblesse à une sorte de "caste".
Ce paramètre est exactement celui qui m'intéresse.
Objectivement la caste "riche homosexuel" est loin d'être aussi discriminée que la caste "femme", pauvres et riches confondues.
Que l'on soit indifférent ou non à la question de l'identité de Shakespeare, il est certain que les femmes ont tout autant et même bien plus à gagner que les homosexuels masculins dans le cas où Shakespeare s'avérerait être l'"une" des leurs.
D'autant que la dissimulation de la véritable identité est mille fois plus justifiée pour une femme.
En supposant qu'une autrice du XVIe siècle ait voulu signer de son nom réel des pièces de théâtre comme le fait aujourd'hui librement Yasmina Reza, cela lui aura été parfaitement impossible.
Rappelons nous que cette époque est antérieure à celle où l'on nomma péjorativement les femmes de lettres "femmes savantes". Parmi les femmes déjà présentées sur ce blog qui ont laissé une oeuvre littéraire, rien ou presque de leurs oeuvres n'a paru de leur vivant, même pas l'Heptaméron de Marguerite de Navarre (piqué par un homme après sa mort qui s'en est attribué la paternité avant que Jeanne d'Albret ne reconnaisse l'oeuvre de sa mère). Seuls les poèmes de Louise Labbé qui inspirent aujourd'hui encore tant de suspicion ont échappé à cette règle.
Une femme qui pensait et écrivait, une "savante" donc, était dans ce temps un objet de divertissement au même titre que le furent plus tard "les précieuses ridicules" de Molière.

Quelle oeuvre féminine possède de nos jours une réputation à la hauteur de celle de Shakespeare ? Quelle oeuvre féminine est-elle reconnue comme majeure, indispensable, incoutournable et géniale par hommes et femmes réunis ?

Et imaginons l'arme que serait contre la violence envers les femmes dans le monde une oeuvre reconnue comme de génie absolu ayant eu pour créatrice une femme !

En ce sens, on ne peut nier qu'un enjeu social considérable est attaché à l'identité sexuelle de Shakespeare .

(Ce texte écrit à la va-vite de bonne heure ce matin a été remanié ultérieurement à sa publication c'est-à-dire ce soir).

Shakespeare était peut-être une femme mais laquelle ?


Amelia Bassano Lanier (1559-1624) pourrait aussi avoir été William Shakespeare, d'après des recherches effectuées sur cette poétesse britannique par les américains A.L. Rowse, Stephanie Hopkins Hugues et Martin Green.
Je ne vais pas m'étendre sur la vie d'Amelia Bassano parce qu'elle est longue et compliquée mais ce qu'il faut retenir c'est que l'on cherche actuellement l'identité de Shakespeare du côté des femmes parce que Ben Johnson, le metteur en scène des pièces du/de la mystérieux/se auteur/trice fut le seul à l'avoir connu personnellement et qu'il affirmait qu'"il" se serait agi d'une "matrone".
Citation tirée de ce site :
Ben Jonson is the only literary figure who claimed to know the author of the plays, and his remarks are somewhat ambiguous—including the reference ‘To the Memory of My Beloved the Author’ in the First Folio which, in an oddly chosen metaphor, compares the author to a "matron".

Les homosexuels ne l'entendent pas de cette oreille car avant d'émettre ces hypothèses féminines, on s'était arrêté à l'idée que Shakespeare préférait les hommes du fait de ces dédicaces à des jeunes hommes et cette idée leur convenait.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle nous verrons cette année un blockbuster (que j'ai maintes fois évoqué ici) sur le "mystère Shakespeare" destiné à renforcer cette vieille hypothèse-là.
Dans le monde du cinéma, on prête plus volontiers de l'argent aux homosexuels qu'aux femmes...surtout lorsqu'il s'agit de maintenir "hors quenouille" disons, un monstre de la littérature occidentale.

samedi 5 février 2011

D'aucuns pensent que Shakespeare était une femme

Lorsque j'ai lu le journal hier, j'ai trouvé en première page la nouvelle que j'ai rapportée précédemment sur la masculinité supposée de la Joconde, et le journaliste qui signait l'article le terminait ainsi : "donc la Joconde est un homme mais comme Shakespeare est une femme, l'équilibre est rétabli".
Du coup, j'ai cherché où il était dit que Shakespeare aurait été une femme et j'ai trouvé.





"Shakespeare war eine Frau!", dass behauptet zumindest Robin Williams, ein Forscher aus der USA. Der Dichter-Titan soll in Wirklichkeit die sehr gebildete Gräfin von Oxford, Mary Pembroke, die von 1561 – 1621 lebte, gewesen sein, so Williams. Doch wie kommt er darauf?

Traduction : "Shakespeare était une femme". c'est du moins ce que prétend Robin Williams, un chercheur américain. Le géant de la poésie serait en réalité la très cultivée comtesse d'Oxford, Mary Pembroke, qui vécut de 1561 à 1621, affirme Williams. Comment en vient-il à cette conclusion ?"

En résumé de l'article dont on ne trouve pas d'équivalent en francais: les oeuvres de Shakespeare sont tous dédiées aux fils de la comtesse, les figures masculines et les conflits présentées dans ses pièces ressemblent étrangement à des figures et des conflits de la maison Pembroke et plus la vie de la comtesse Pembroke s'assombrit plus les pièces de Shakespeare deviennent sinistres.

vendredi 4 février 2011

D'aucuns voudraient que Mona Lisa soit un homme...

Pendant que je m'éreinte à réexhumer les femmes du XVIe siècle, d'autres s'ingénient à enterrer les rares d'entre elles qui passaient jusque là pour des femmes.




Ils feraient mieux de chercher où sont passées, de cette fameuse Renaissance tant louée, les innombrables contemporaines aspirées si mystérieusement dans un trou noir !

mercredi 2 février 2011

Au commencement...

Pour donner un élément de réponse à la question : pourquoi ne sommes-nous, les femmes, plus représentées aujourd'hui par de grandes héroïnes antiques libératrices de leur peuple mais par des figurantes grimées et décolorées (ou hypercolorées comme Lady Gaga) ne se "libérant" plus qu'elles-mêmes, pour se faire, après leur mort, piteusement imprimées sur des sacs à main ?

Au commencement... étaient les déesses mères

"Les recherches archéologiques et anthropologiques mettent en évidence l’existence d’un pouvoir religieux féminin et la première hiérarchie : le sacré et le profane. Peu à peu, au cours des millénaires, un semblable divin de sexe opposé s’est imposé, ces déesses mères se retrouvent entourées d'hommes, époux, amant ou fils élu.

Cette revanche des dieux mâles implique un meurtre de la mère, et la destruction d’une religion et d’une symbolique propre aux femmes a eu lieu lors de la révolution néolithique (8000/2000 av. J-C). Avec la découverte des métaux commence une longue période de guerres, de conquêtes.

Les hommes imposent leur domination et pour ce faire, s'approprient le sacré, fondement originel du pouvoir. Cette appropriation du sacré par les hommes s’accompagne d’une régression progressive du rôle et de la place des femmes dans la société.

En orient, au moyen orient une question émerge : " Qui détient la supériorité ? La terre qui reçoit la semence, ou la semence qui fertilise la terre ? " La semence prend le pas, la femme devient une outre vide, n’est plus qu’un réceptacle. (...)"

(Nelly Trumel)

d'où le sac à main...



(Tableau : P.-P. Rubens : Mars et Rhea Silvia ; détail, ici en entier)