vendredi 10 août 2018

Les Créatueurs

Avec la découverte par l'homme (être humain de sexe mâle) de son implication dans la conception de son espèce mais sans savoir exactement laquelle, l'être humain de sexe mâle a concocté une interprétation du monde ultra-mégalomaniaque, capable de déclencher une réaction en chaîne aboutissant à une Apocalypse que l'être humain de sexe mâle a lui-même prédit.

 Car l'être humain de sexe mâle a bien saisi au fond que son interprétation du monde est totalement éronnée et, du coup, l'aboutissement de cette monumentale erreur lui est apparu dès le départ. Car, non, et il le sait, l'être humain de sexe mâle n'est pas le Grand Inséminateur ni le Grand Fertilisateur qui possède la graine unique à déposer dans le contenant "femme" (femelle) afin que cette graine d'humain de sexe mâle y germe pour créer d'autres humains de sexe mâle et ainsi de suite. Le petit homo même pas sapiens ne détient qu'UNE MOITIÉ de graine, un élément inutile et vain sans l'autre moitié détenue par le "contenant", l'indispensable ovule, et si elle ACCEPTE de l'accueillir en son giron.
Seule l'union des deux moitiés de graine permet la réalisation d'un nouvel être VIVANT.
Il a beau aujourd'hui le savoir, l'être humain de sexe mâle continue à agir comme s'il était le Grand Germinateur universel :
Dieu, le Créateur avec son Fiston dénommé Le Sauveur (de quoi ? des femmes à l'origine du "péché". Quel péché ? Ben le péché, quoi ! Ou peut-être le pêcher, un arbre fruitier, ou alors la croyance dans le serpent qui se mord la queue, va savoir, les arbres fruitiers et les serpents sont très suspects auprès de l'être humain de sexe mâle pour la vision du monde qu'il veut imposer. Et les femmes aussi, bien sûr, majoritairement défenderesses d'abres fruitiers et de serpents).

Même si la vérité sur la procréation est révélée depuis 1827 par Karl Ernst von Baer et que l'ovule possède 300 fois la taille d'un spermatozoïde, l'homme n'en continue pas moins de se voir comme le grand, l'unique CRÉATEUR.


Il s'est inventé un Père Créateur, un Dieu mâle, qui tiendrait l'univers entre ses mains géantes, pourrait mettre sa grosse patte de mâle partout et se déplacerait en rampant cul nu (ou pas) dans les airs.








Il aurait une multitude de Fils créateurs capables de surpasser la (vraie) Force inconnue qui produit la vie (c'est-à-dire pas Dieu) et fasciné à donf par SES MAINS capables de fabriquer des objets. Morts, certes, mais qu'importe. Cela ne lui donne t-il pas le droit de vie et de mort sur l'univers ?




Cette Force inconnue qui crée de la VIE est l'ENNEMIE MORTELLE de l'être humain de sexe mâle. Elle fait de l'ombre à monsieur qui-voudrait-bien-être-le-grand-créateur-de-l-univers, à l'aspirant-DIEU. Il lui a donc déclarer une guerre mortelle. Il s'apprête même à colporter cette guerre sur la planète Mars.

Le monde du Créatueur est fait de glorification d'objets morts (voitures, armes et autres) + se comprend comme linéaire = va d'un point A à un point B (comme une voiture et une balle de revolver) et ne revient jamais en arrière.
D'où l'expression masculiniste consacrée : "Tu veux revenir au temps des cavernes ?".

Sauf que la vision matriciste du monde est très différente. Elle est cyclique comme la Terre qui est ronde et se pense en Éternel Retour comme l'hiver et le printemps, l'été et l'automne qui reviennent chaque année, le serpent qui se mord, bref, enfin... malheureusement plus maintenant.

                         (la roue de la vie féminine / the women's wheel of life))

Avec la très sotte prise de pouvoir du Créatueur, le cycle de la vie est interrompu.

Tout cela parce que ces messieurs ont un problème narcissique gigantissime qui les empêche de souffrir qu'une Force invisible les dépasse. Une Force qui ne serait pas du tout mais pas du tout, un être humain de sexe mâle !

Il est donc temps de répondre à l'appel du mouvement écologie -féminisme révolutionnaire pour l'ABOLITION TOTALE ET IRREVERSIBLE DU PATRIARCAT.  

mardi 31 juillet 2018

Comment ils se prennent pour ce qu'ils ne sont pas. Des arbres.

Ils se sont autosacralisés.

Ils ont découvert qu'ils jouaient un rôle dans la procréation, ont décidé que c'était le rôle PRINCIPAL, que les femmes n'étaient qu'une boue où enterrer leur semence d'or.
Ils se sont vus comme des plantes qui s'élanceraient de la fange vers le ciel, qui croisseraient indéfiniment jusqu'à la mort, comme croît l'arbre ou la carpe dont on peut mesurer l'âge en multipliant le diamètre par le facteur de croissance, ils ont décidé d'imposer au monde ce fabuleux système de croissance que seule la mort peut arrêter.
Ils croient aussi qu'ils peuvent se multiplier à l'infini comme les arbres qui sont faits, eux, oui, car c'est LEUR planète, pour recouvrir la terre, afin que toutes les autres espèces qui n'habitent pas les océans vivent à l'abri de leurs branches et se nourrissent de leurs feuilles/fleurs/fruits. Ils veulent eux aussi se multiplier toujours, recouvrir la terre entière, prendre autant de place et même plus que les forêts. Remplacer les arbres-dieux qui les rendent jaloux à crever.
Ils croient vraiment qu'il leur est possible de remplacer les arbres dont ils ne sont pourtant comme tous les animaux qu'un parasite. Ils le croient au point de l'affirmer comme une vérité sérieuse et plausible. Ils montent sur leurs ergots pour le clamer hautement. La bite remplacera l'arbre, C'est inéluctable. Mais quelle invraisemblable folie peut leur faire supputer qu'ils ont un avenir hors des arbres ? Mais quelle invraisemblable folie s'est emparée de ces misérables êtres-là le jour où ils ont découvert que leur zizi avait une fonction autre que celle de leur permettre de pisser ?
Se sentaient-ils à ce point minables avant cette découverte qui parmi tous les mâles de la création ne préoccupe qu'eux ?Faut-il, parce qu'ils produisent des spermatozoïdes exactement comme une moule (mâle), que meurent le monde, arbres, femmes, enfants et toutes créatures vivantes dont, bien sûr, eux-mêmes ? Pourquoi ont-ils la rage de glorifier leurs organes reproducteurs ? Leur vie n'a t-elle donc aucun sens s'ils ne peuvent pas être les spécimens terrestres les plus importants de l'univers ?

Sur ces représentations ci-dessous l'expression de ces êtres lamentables est éminemment tragique. La honte de leur forfait leur tord les traits. Ils brandissent deux misérables bouts de bois entrecroisés pour opposer ce pseudo-symbole mort à un être ramifié, puissant, fait de fibres et de sève. Ils s'enveloppent dans des tenues de pseudo-druides pour faire croire qu'ils en sont de plus valeureux. Ils sont des impostures.


vendredi 27 juillet 2018

Comment ils ont assassiné le printemps (suite)

Extrait de "Pierre Nozière", 1885, Anatole France, éditions Calmann-Lévy, collection "Le Zodiaque", 250 Francs, page 209 à 213 :
  
"UNE ÉPAISSE FORÊT descendait alors jusque sur les grèves de la mer. Les lièvres l'habitaient. Elle recouvrait des marais peuplés de vanneaux, de bécasses, de canards et de sarcelles. Les mouettes déposaient leurs oeufs sur la roche nue des falaises. Le cri aigu du héron et la plainte du courlis s'élevaient des grèves pâles où le cygne, l'oie sauvage et le grèbe, chassés par les glaces, venaient passer l'hiver dans les sables marins. Des hommes en petit nombre habitaient ces contrées sauvages. C'étaient de pauvres bateliers qui pêchaient dans l'embouchure poissonneuse de la Somme. Ils étaient païens. ils adoraient des arbres et des fontaines. En vain les saints Quentin, Mellon, Firmin, Loup, Leu d'Amiens, étaient venus les évangéliser. Ils croyaient encore ce qu'avaient cru leurs pères. Ils croyaient aux génies de la terre et aux âmes des choses.
   Ces simples pêcheurs étaient saisis d'une horreur sacrée quand ils pénétraient dans les forêts profondes qui couvraient alors tout le rivage. Ils voyaient partout des dieux agrestes. Au bord des sources, où tremblaient les rayons de lune, ils apercevaient des nymphes, des fées, des dames merveilleuses ; ils les adoraient et leur apportaient en tremblant des guirlandes de fleurs. Ils croyaient bien faire en les aimant, puisqu'elles étaient belles.
   Sans doute, la source qui descendait le coteau feuillu où le pieux Valery s'arrêta était une des sources sacrées auxquelles ces hommes faisaient des offrandes. Elle coule encore au pied de la chapelle, du côté de la baie. Comme aux anciens jours, l'eau est fraîche et toute claire. Mais, maintenant, elle ne chante plus. Elle n'est plus libre comme au temps de sa rustique divinité. On l'a emprisonnée dans une cuve de pierre à laquelle on accède par plusieurs degrés. Du temps de saint Valery, c'était une nymphe. Nulle main n'avait osé la retenir, elle fuyait sous les saules. (...) C'est là, c'est dans ces fontaines des bois que se réfugièrent les dernières nymphes chassées par les évêques. Ces agrestes déesses étaient poursuivies sans pitié. Un article des ordonnances du roi Childebert porte que : "Celui qui sacrifie aux fontaines, aux arbres et aux pierres sera anathémisé".
   Valery jugea ce lieu convenable à ses desseins. (...) (voir page 4, 6 et 7 du pdf sur l'histoire de Valery)

   C'est contre les nymphes des bois et des fontaines que le saint homme tournait toute sa colère. Pourtant ces nymphes étaient des innocentes. (...) Ces nymphes, ces fées, ces dames étaient jolies et mettaient un peu de grâce au fond des coeurs rustiques. C'étaient des divinités toutes petites qui convenaient aux petites gens. Saint Valery les tenait pour des démons pernicieux, et il résolut de les détruire. (...).
   Un jour, passant dans un lieu proche de la ville d'Eu, il vit un arbre aux branches duquel des images d'argile étaient suspendues par des bandelettes de laine rouge. Ces images représentaient l'Amour, le dieu Hercule et les Mères. Ces Mères étaient très vénérées dans toute la Gaule occidentale. Les potiers de terre ne cessaient point de modeler les figures de ces dieux qui se trouvent encore en grand nombre dans la terre sur les rivages de l'Océan, de la Somme à la Loire. Elles sont parfois géminées, et deux mères sont assises côte à côte, tenant chacune un enfant. Parfois il n'y a qu'une Mère, et les paysans qui la découvrent en labourant leur champ la prennent pour la Vierge Marie. Mais c'est une idole de païens.
  Saint Valery fut irrité à cette vue et pensa en son coeur :
  "Des démons pendent comme des fruits pernicieux aux rameaux de cet arbre. "
  Puis il leva la cognée qu'il portait à sa ceinture et, avec l'aide du moine Valdolène, son compagnon, il renversa l'arbre avec les images saintes qu'il abritait sous son feuillage. Quand les gens du pays virent couché sur le sol l'arbre-dieu avec la multitude des offrandes et la sève saignant sur le tronc mutilé, ils furent saisis de douleur et d'effroi. Et lorsque saint Valery leur cria : "C'est moi qui ai renversé l'arbre que vous adoriez faussement ", ils se jetèrent sur lui et le menacèrent de l'abattre comme il avait abattu le dôme verdoyant" (fin de citation).



  Anatole France nous narre la vie de quelques saints qui, pour lui, son exemplaires. L'absurdité de leur prétendu "sainteté" quand ceux-ci abattent des arbres sous prétexte de "fausse" foi ne lui apparaît pas du tout. Bizarre. Pourtant l'arbre est absolument nécessaire à notre existence, L'ARBRE DE VIE (the tree of life) est central à toutes les cultures, même si l'on raconte maintenant qu'il s'agit d'un symbole au sens "figuré". Un dieu mâle, en revanche, n'a absolument AUCUN intérêt. Avec le recul on voit dans la description du missionnariat imbécile des chrétiens (mais c'est le cas pour tous les autres monothéismes à dieu mâle) un proto-écocide. Ils veulent par force remplacer la sacralité de l'arbre et de l'eau par la sacralité de la bite.
N'est-ce pas insensé à un point inimaginable ?
Cette violence inexplicable abasourdit les peuples dit païens qui, ayant perdu l'objet de leur culte, n'ont pas d'autre choix que de le pleurer sans espoir de le retrouver jamais. Puis, comme pour la jeune fille contrainte à la prostitution par le viol et la violence, ils sont obligés de se consoler auprès de leur persécuteur qui leur offre sa bénédiction/protection/religion.
Il a organisé leur détresse de sorte qu'il puisse leur faire croire qu'ils ne sont rien sans lui - pour déclencher un attachement traumatique à sa personne ; rapprochement de la victime par la mise en confiance et la séduction, pour renforcer chez elle le sentiment d'obligation et de redevabilité. 
  Les pères de l'Église appeleront la soumission des vaincu.e.s "miracle" et la donneront comme preuve irrréfutable que la vraie foi est apparue à ces "rustres" par la "grâce divine".
  Les prétendus "saints" abattent des arbres comme s'ils n'avaient pas plus de valeur que les images d'argile suspendues à leurs branches. Curieusement Anatole France les décrit comme des personnes assassinées et en même temps approuve cet assassinat. Le saccage qui aboutit aujourd'hui à des incendies de forêts boréales commence bien là, par cette approbation de l'écocide au nom de la "vraie" foi. Et se poursuit depuis des siècles sans répit. Malheur à celleux qui voudraient l'arrêter.
Tous les arbres doivent disparaître. Toutes les fontaines doivent être empoisonnées. Au nom de la bite suprême.

Les icônes jouent un rôle de premier plan dans l'histoire du massacre systématique des arbres.
Car ce n'est pas l'arbre qui agresse Valery ce sont les représentations qui y sont accrochées magnifiant des femmes. Des femmes seules avec des enfants. Ou plusieurs femmes avec des enfants, ensemble. Sans homme.
Mais cela ne lui suffit pas de détruire les images, il faut détruire la divinité à qui elles sont adressées.
Les images qui, aujourd'hui, auraient l'air de se vouer à un autre culte qu'à celui la bite peuvent entraîner la colère destructrice de quelque sectataire. La peintresse d'icônes Oksana Chatchko qui désacralisait la peinture religieuse phallocrate est morte. A t-elle été abattue directement ou indirectement par un saint Valery orthodoxe hors de lui ?
Oksana disait qu'elle était prête à tout pour ses idées, qu'elle n'avait pas peur : "Je suis prête à être tuée". Si on est prête à être tuée pourquoi se tuer ? Elle disait croire en l'humanité mais qu'il ne fallait pas avoir peur de s'opposer, par exemple, à la religion. De ce fait son prétendu suicide est suspect et également les derniers mots qu'elle aurait "écrit" mais pas dit de vive voix ni en public. Ici elle présente ses croix détournées en kalachnikovs. "Pour moi les religions sont des idéologies très très agressives" dit-elle en français. Le suicide aussi demande une terrible agressivité tournée contre soi-même. Hors du commun. Oksana n'était pas une personne agressive mais révoltée.
                 (icône féministe d'Oksana Chatchko. "Des icônes, personne n’en a jamais peintes de pareilles avant elle. Ses œuvres seraient assurément jugées plus dangereuses et scandaleuses en Ukraine ou en Russie, que les manifestations seins-nus des FEMEN, tant ici, Oksana touche au sacré de la chrétienté orthodoxe" Est-on encore en sécurité loin de la Russie alors que plus aucun  État ne reculent devant des infractions contre les droits humains lorsqu'il s'agit de faire des affaires avec un autre État ?)

Si les païen.ne.s de l'embouchure de la Somme que décrit Anatole France n'ont pas tué "saint" Valery, ce n'est pas par fascination pour le saint mais, sans doute, parce que contrairement à lui, iels respectent la vie et ne sont pas des assassin.e.s.
La légende chrétienne/crétine y voit, elle, la confirmation du bien-fondé de ce massacre d'arbres qui sera désormais perpétré au nom de la sainte... bite.
Le non-respect de la vie par les adorateurs de la sainte bite est considéré depuis ce temps-là comme une qualité à entretenir par la répétition inimterrompue de toutes sortes de meurtres odieux sur les femmes, les animaux, les plantes.


                                  (Saint boniface abattant l'arbre de Thor).


(on détruit maintenant des arbres par centaines de millions à l'époque du solstice d'hiver pour y accrocher des "images votives" ou "boules". Absurdité et détournement bitocratique des offrandes païennes à l'arbre-dieu).
  
    Et puis on détruit aussi des animaux en quantités effarantes, au point que les maigres arbustes qui restent et qui n'ont pas le temps de vieillir, ne peuvent faire face aux émissions de gaz que produit cette industrie de la mort. On le fait comme au temps de l'Ancien Testament, pour le Dieu-bite qui aime le sang, mais on n'appelle plus cela "sacrifier à Dieu". On appelle cela "consommer de la viande" car il paraît que depuis l'apparition de Jésus -Christ, fils de Dieu qui se serait lui-même sacrifié, on n'a plus besoin de tuer des animaux... ah bon ?  

mardi 24 juillet 2018

Proserpine (actualisée)

Pour revenir à mes anciennes amours : les contes, les mythes et les rites pré-patriarcaux, je publie un extrait de "Pierre Nozière", 1885, d'Anatole France*, tiré d'un chapitre consacré à la ville de Vernon et à sainte Noflette morte au 1er siècle (en 638) :

"[En ce temps-là] ... des tableaux votifs étaient suspendus avec des images aux branches des chênes sacrés. Les humbles dieux des paysans ne s'étaient pas tous enfuis devant le signe de croix et l'eau bénite. (...).
Il fallut beaucoup d'exorcismes pour chasser ces menues divinités. Il subsiste encore aujourd'hui, aux environs de Vernon, quelques vestiges des cérémonies paiennes. La veille du dimanche des brandons, les habitants des campagnes se rendent le soir dans les champs et se promènent sous les arbres avec des falots en chantant quelque vieille invocation. Fidèles sans le savoir à Cérès, leur mère, ces bonnes gens reproduisent ainsi d'antiques mystères et figurent d'une manière encore reconnaissable la déesse qui cherchait sa fille Proserpine à la lueur des feux de l'Etna. Je rapporte les faits sur la foi de M. Adolphe Meyer, le savant historien de la ville de Vernon".

Dans la représentation du Blanche-Neige et les sept nains" de Walt Disney, Cérès est une affreuse belle-mère (la "véritable" mère étant morte... exécutée par la patriarchy ?), femme stérile (il ne faut pas stigmatiser la maternité, quand même !) transformée par elle-même et par magie en la plus hideuse des vieilles et qui cherche sa BELLE-fille Proserpine pour la supprimer (justement parce qu'elle est belle, la valeur humaine des femmes se réduisant désormais à leur beauté donc à leur jeunesse).
                                            (traduction : "prends une bite")

N'est-ce pas l'allégorie de la patriarchy cherchant à supprimer le printemps ?
La patriarchy  sous les traits d'une femme qui empoisonne les pommes et veut mettre fin aux cycles naturels parce qu'ils ne se soumettent pas à sa domination ?
La père-version du mythe de Cérès et Proserpine fait des femmes entre elles, des ennemies mortelles et des hommes, les gardes du corps féminin fécondable. Un chasseur, sept nains, un prince, neuf mecs pour soustraire une jeune fille à une domination féminine. Ok, la fille qui veut échapper au matriarcat doit faire la bonniche pour huit personnes et s'occuper de l'hygiène de mâles pourtant adultes mais n'est-ce pas là son rôle "naturel", poils aux aisselles ?
Et c'est la femme pas jeune que l'on fait passer pour la cannibale de service, mangeuse de coeur humain (alors que dans la mythologie grecque c'est le vieillard Saturne qui dévore son fils). De plus, telle l'industriel Monsanto, elle va jusqu'à empoisonner les pommes.
Le patriarcat invente la mère qui cherche sa fille non parce qu'elle veut la ramener de l'empire des morts où UN HOMME l'a emportée mais parce que c'est elle qui veut sa mort. Ainsi l'homme camoufle le meurtre que lui même a accompli.
Diffamation des femmes.
Le père-vers s'est fabriqué une fausse coupable.
L'enlèvement de Proserpine par Vulcain, divinité souterraine masculine, et représentation du Vieil Hiver, est rayé de la narration. Vulcain est éclaté en sept inoffensifs petits vieux réduits à de gentils hébergeurs d'une adolescente en fuite pour cause de problèmes familiaux générés par la seule mère illégitime "affreusement" dominatrice (une sorcière, quoi).


Mais l'empire industriel Disney est récent. On apprend par Anatole France, qu'avant les deux guerres mondiales qui ont décimé à 90% et intentionnellement la paysannerie pour consolider l'installation de la première industrialisation, il subsistait un culte à Cérès ! Le massacre de la paysannerie l'aura plus efficacement éradiqué que l'Église.
D'ailleurs d'Anatole France nous tenons cette citation : "on croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels" dont l'industriel Disney qui assurait la propagande guerrière.
Pendant toute la durée de la 2e GM, la fabrique Disney a produit plus de 68 heures de films.
Le père-vers qui domina le siècle des guerres mondiales adorait, tiens donc, le "Blanche-Neige" de Disney. Mais Blanche-Neige, , elle commence à en avoir vraiment par-dessus le ruban à noeud-noeud.
Actualisation du 25.7.18 : j'ai appris hier la mort d'Oksana Chatchko, co-fondatrice de Femen et pour moi la meilleure de ce mouvement hétéroclite.
Cela me rendait heureuse de savoir qu'elle existait et sa mort m'émeut terriblement. Cette disparition plus que soudaine représente une perte énorme pour le féminisme.


Oksana était comme le retour du printemps. La divine, divinité, déesse Oksana Chatchko a été comme Proserpine enlevée par le machisme et conduite dans le royaume des mortes d'où elle ne reviendra jamais, comme disparaît le printemps tué par l'industrie et les industriels.

Rest in Power.

*À propos d'Anatole France, je précise que je ne le considère pas du tout comme un auteur pro-féministe, bien au contraire. Il est misogyne, infatué et bigot. Mais les plus grands phallocrates peuvent laisser entrevoir sans le faire exprès dans leurs écrits ce monde qu'ils ont détruit, la manière dont ils l'ont détruit et à quoi il ressemblait AVANT. 
Comme par nostalgie.
 


vendredi 1 juin 2018

68 en Allemagne : Friederike Hausmann la femme penchée sur le corps de Benno Ohnesorg

L'année dernière, sous la pluie, devant l'opéra de Berlin, la gauche allemande a projeté sur un écran en plein air, un documentaire satirique sur la visite du Shah d'Iran, pour commémorer l'assassinat par Karl-Heinz Kurras de l'étudiant Benno Ohnesorg, durant la manifestation du 2 juin 1967 organisée contre la visite officielle de Mohammad Reza Pahlavi et Farah Diba. Cet événement passe pour marquer le début des événements de 68 en Allemagne, ainsi que la formation du Mouvement du 2 Juin et de la Fraction armée rouge.
Parmi les intervenant.e.s, il y avait le fils de Benno Ohnesorg qui n'a jamais connu son père, sa mère étant enceinte de lui au moment du meurtre. D'autres témoin.e.s d'époque étaient également présente.s. mais pas la femme de l'une des photos les plus célèbres de l'histoire contemporaine allemande.

Cette photo d'une femme penchée sur le corps de Benno Ohnesorg continue encore aujourd'hui à faire le tour du monde.

Qui était-elle, celle dans les bras desquels mourut l'étudiant Ohnesorg ? Elle exprima par la suite combien il est traumatisant d'assister à la mort, en temps réel, d'un inconnu surtout quand on ne s'y attend pas (il n'était pas encore mort quand elle s'est penchée sur lui). Mais que le sentiment d'irréalité avait commencé bien avant, avec l'attaque particulièrement violente de la police.
Les étudiant.e.s qui manifestaient devant l'opéra avait été poussé.e.s dans une ruelle jusque dans une cour d'où illes ne pouvaient fuir. La police s'était ensuite ruée sur la foule avec des matraques. Un coup de feu avait retenti. Benno Ohnesorg s'était soudain écroulé et sans même réfléchir, la jeune femme avait mis son sac sous la tête de l'homme tombé à ses pieds. Ensuite, trou noir. Elle ne se souvient plus de ce qui s'est passé avant qu'elle ne se retrouve plu tard hors de la cour, dans la rue, avec du sang sur les mains et ne se rappelle pas le moins du monde de ce qu'elle a fait ou dit ou de ce qui s'est produit autour d'elle, une fois Ohnesorg décédé.

 Friederike Hausmann qui étudiait alors l'histoire et le latin à la Freie Universität de Berlin et avait pour souhait de devenir enseignante, portait ce soir-là une tenue de soirée, ayant prévu de déjouer la police en se mêlant aux invité.e.s afin de les surprendre avec des slogans contre le régime du Shah. Mais cela ne s'était pas déroulé ainsi. La police avait dès le début ceinturé la manif. Il était impossible d'approcher le groupe des invité.e.s. Friederike Hausmann fut poussée avec les autres dans la cour fatale. Elle n'a pas entendu le coup de feu mortel ni vu d'appareil photo la photographier et ne savait pas que cet homme allongé là ne se releverait plus jamais.

  Ni qu'elle ne pourrait plus devenir enseignante. Car on ne lui permit pas d'enseigner. Elle tomba sous le coup du Radikalenerlass de 1972, une loi refusant l'emploi d'"extrémistes" dans la fonction publique.

Suite à l'effroyable meurtre dont elle avait été témoin.e, elle avait certes adhéré au SDS et assisté à des réunions du KPD-AO (organisation pour la reconstruction du parti communiste allemand), bien que selon ses dires, elle ne fut pas de nature radicale. Elle était une étudiante comme les autres qui, à l'époque, s'intéressait tout à fait normalement aux affaires publiques (ce qui n'est plus le cas des étudiant.e.s actuel.le.s tou.te.s pressé.e.s de se fondre dans le moule). La répression disproportionnée aux revendications de la manif du 2 juin lui aurait insufflé un élan radical. Mais ce ne furent pas les réunions politiques d'extrême-gauche auxquelles elle avait assisté qui furent invoquées pour l'écarter de l'enseignement. Il en fallait bien moins pour passer pour extrémiste. Sa voiture avait été apercue à plusieurs reprises à proximité de manifestations non autorisées.
C'est la raison qui fut avancée pour expliquer sa non-admission à la fonction publique.

Fuyant les années de plomb, elle s'installa à Florence en Italie et se redirigea vers la traduction de l'italien en allemand.

Elle traduira très classiquement Pétrarque et Umberto Ecco mais aussi des femmes politiques comme Lilli Gruber, autrice de plusieurs livres sur l'Islam et l'Iran, Barbara Spinelli, cofondatrice du quotidien La Repubblica et l'ex-dirigeante du parti communiste italien, Rossana Rossanda.

Elle publiera aussi ses propres livres dont quelques-uns sur des femmes de pouvoir au temps de la Renaissance italienne comme Alessandra Strozzi et Lucrezia Medici ainsi que d'autres du 18e siècle italien comme Marie-Caroline, reine de Naples.

Bien des années après, elle retourne au pays et, en 2005, elle est finalement autorisée à pratiquer l'enseignement. Elle devient prof de latin et d'histoire au lycée Christoph-Probst de Gilching près de Munich.


Elle dit, aujourd'hui, que cette photo qui revient en permanence dans journaux, livres et émissions sur l'histoire de l'Allemagne au 20e siècle, déréalise son souvenir.

Neanmoins, elle se rappelle ce que sa bouche en mouvement sur la photo réclamait: une ambulance. Vite.


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Nous remarquerons qu'en France le cliché emblématique de 68 représente un leader médiatisé de la contestation estudiantine. Celui que l'on appela alors "Dany le Rouge", roux et supposément communiste ,fixant effrontément un CRS, appelé alors "SS".
En France, la photo emblématique de 68 représente en quelque sorte l'ordre nouveau masculin défiant les forces de l'ancien ordre tout aussi masculin. Cette image est trompeuse puisqu'aujourd'hui, le jeune mâle qui défiait ses aînés sur la photo est devenu la mouche du coche capitaliste entraînant la calèche néolibérale et technocratique vers ce qu'il croit être l'"avant" et n'est autre que le ravin.

En Allemagne, le cliché emblématique de 68 (qui commence en 67) représente l'ordre nouveau masculin TUÉ par les forces de l'ordre masculin d'alors. On dirait que le Féminin opprimé anonyme telle Antigone constate, indignée, l'assassinat du fils par le père. Celles qui engendrent ces corps qu'on tue sont témoin.e.s de la haine de la vie qui est la marque du patriarcat. Antigone-Friederike est emmurée dans l'image de son indignation et désir de réparation par un Créon intemporel car il n'y a ni ordre nouveau masculin, ni ordre ancien masculin. Tant que le masculin domine, il n'y a ni modernité ni ancienneté, il n'y a qu'une continuité.
 
 

L'écrivain Édouard Louis dit, à propos de son livre "Qui a tué mon père", "la masculinité a été l'un des mécanismes qui a le plus détruit mon père". Ici 16:47
Il dit aussi qu'il y a une protestation aujourd'hui tout aussi forte et vivante qu'en 68 mais différente car elle s'est enrichie entre autres du féminisme.

Mais si partout dans le monde les manifestations de femmes sont devenues à ce point importantes que l'on ne peut plus les occulter, le patriarcat moribond va continuer à frapper de tous côtés comme un dément. Il tuera encore tout ce qui se mettra en travers de son chemin même si sa disparition est programmée. En conséquence, si nouvel ordre il y a un jour, il sera féminin, tout simplement parce que la préservation de la vie sur Terre l'exige.

vendredi 18 mai 2018

68 en Allemagne : "striptease solidaire" au tribunal




 Femen avant l'heure, neuf étudiantes membres du SDS manifestent seins nus, le 12 décembre 1968 au palais de justice de Hambourg. Le Spiegel qualifie l'action de "striptease solidaire". Le striptease consiste à se déshabiller lascivement pour exciter sexuellement la ou les personnes à qui il est adressé - le topless protestataire n'a pas ce caractère de soumission ou de jeu sexuel. C'est un symbole de rupture d'avec les codes sociaux masculins qui briment les femmes. Mais pour les hommes, surtout ceux de 1968, une femme qui se déshabille devant eux ne peut pas avoir d'autre intention que de s'adresser à leur sainte braguette. Les femmes de 1968 ne décryptent pas encore bien non plus, consciemment du moins, l'asexuité du topless à partir du moment où il est politisé. Elles sont encore très imprégnées du regard que les hommes portent sur ce genre d'action.


On le remarque aux paroles de la chanson qu'elles ont écrite pour les membres du tribunal. Elles semblent y comprendre leur action comme sexuelle ou sexuée s'opposant à la morale dominante. Néanmoins elles se percoivent comme des sujets et des non des objets sexuels.
Des sextrémistes ?
Le chant protestataire que les neuf amies entonnent en choeur est inspiré de Brecht et intitulé "Ballade pour un juge asexué" :

                            Messieurs aujourd'hui vous nous voyez nues devant vous
                             Et nous montrons nos seins à tous
                            Vous suivez mais seulement le jour ce qui est écrit dans la Bible
                            Ce que vous caressez lascivement c'est tout au plus le code civil
                            Ça pue dans cet État
                            Nous mettre en tôle
                            Vous trouvez ça moral"


Elles demandent l'annulation du procès d'Ursula Seppel accusée d'infraction à l'ordre public pour avoir crié "justice de classe !" dans la salle lors du procès d'un autre étudiant. Pour ce simple cri elle est condamnée à verser une amende de 200 DM. Elle a fait appel. 

  Ursula Seppel quelques minutes avant l'opération topless dans une blouse transparente


Ursula Seppel sur l'action topless : "Nous avons dû énormément prendre sur noues pour surmonter la pudeur inculquée par notre éducation".


Le juge ordonne de les faire sortir de la salle. La police les traîne dehors exactement comme les Femen aujourd'hui et avec la même résistance de la part des jeunes femmes.


Finalement Ursula Seppel sera acquittée pour manque de preuves.

Dans le courrier des lecteurs du Spiegel de l'époque sous l'article relatant l'événement, des hommes se permettent de faire des réflexions et de donner des appréciations sur l'aspect des seins des jeunes femmes. La forme du sein, le bout de sein, l'aérole... un médecin va jusqu'à mettre en avant qu'il est spécialiste (des seins ?) afin d'y aller de ses critiques minables.



Cet article est en partie traduit de ce lien

mardi 15 mai 2018

68 en Allemagne : Sigrid Fronius brise une fenêtre avec ses talons aiguilles




  Pendant qu'en France en 2018, une responsable de l'UNEF apparaît voilée pour ne pas perturber le repos de la bite ni en bougeant sa tête immobilisée dans un carcan ni en cassant quoi que ce soit avec ses talons, son homologue de 1968 était d'une autre trempe.

 Entrée par effraction dans le rectorat de la Freie Universität (FU) de Berlin pour l'occuper avec d'autres étudiant.e.s à l'instar de ce que s'est passé à Tolbiac, au Mirail et ailleurs cette année en France, la responsable de l'AStA (comité général étudiant de l'Université Libre de Berlin, équivalent de l'UNEF) qui pour la première fois est une femme, Sigrid Fronius, est abondamment photographiée par la presse lors de l'évacuation du rectorat par la police. Fronius a brisé une fenêtre avec sa chaussure pour pouvoir actionner la poignée de l'intérieur et faire entrer tout le monde.

Fronius raconte (dans EMMA Mai/Juin 2008) qu'elle n'a pas été maltraitée par la police contrairement à d'autres protestataires. Elle a même agrippé un jour un flic par derrière en le tenant par son uniforme jusqu'à ce qu'il relâche un autre manifestant.

Sigrid Fronius entre au SDS en 1965, se porte candidate pour un siège au parlement étudiant de la FU de Berlin et en 1968 cofonde l'Université Critique.
"Actuellement les vieilles universités qui sont des tours d'ivoire se transforment en usines d'ivoire où des vieux professeurs très sots une fois sortis de leur domaine de compétence fabriquent des étudiants pareillement sots". Élue la même année directrice de l'AStA qui n'avait jamais eu alors à sa tête que des hommes, elle organise l'occupation du rectorat lequel ne veut pas attribuer de locaux à la KU (Kritische Universität).
Sa parole est écoutée lors des teach-in qui ont lieu pendant les occupations (on n'est pas à la conférence des délégués du SDS et on n'y traite pas de questions féministes). Il y est question de la guerre au Vietnam, de la manipulation du public par les médias, des anciens nazis replacés à des postes de fonctionnaires, de l'autorité sous toutes ses formes, raconte l'artiste Susanne Kleemann qui vivra en communauté avec Fronius et son futur mari (de Kleemann), entre autres.
Fronius démissionne de l'AStA six mois plus tard.
En 1975 elle participe à la création du magazine féministe Courage.
Plus tard elle s'installe en Bolivie où elle se trouve encore actuellement.

"Quand j'ai voulu partir en Bolivie on a dit elle y va à cause de Che Guevara pour faire la révolution mais ce n'est pas vrai. J'avais besoin de calme. Auparavant j'étais une révolutionnaire enthousiaste et le suis encore. Notre devise était "Démolis ce qui te démolit" mais les dominants sont les plus forts pour ce qui est de démolir".  

Comme aujourd'hui avec les universités francaises occupées, la presse la plus lue manipulait furieusement l'opinion pour criminaliser le mouvement étudiant. La cinéaste Helke Sander dira que ce sont grâce à ces teach-in qu'elle prendra réellement conscience de la manipulation dont font l'objet les simples citoyen.ne.s. Et aussi après l'attentat contre Dutschke.

Sander réalise un film en 1968 qui s'intitule "BRISEZ LE POUVOIR DES MANIPULATEURS".

Image du film de Sander projeté à la cinémathèque du Centre Pompidou en mars 2018 comme on peut le voir sur ce lien.


À ce propos, Die SDS Linke d'Aix-la-chapelle (Aachen) et les antinucléaires ont organisé une manifestation contre la remise du prix Charlemagne à Macron. Les médias manipulateurs n'en ont pas parlé. 



dimanche 13 mai 2018

68 en Allemagne : création du festival du film de femmes

L'étudiante à l'académie du cinéma et de la télévision allemandes (DFBB), Helke Sander (à droite sur la photo), dont le discours à la 23e conférence des délégués du SDS provoqua un lancer de tomates sur les hommes qui squattaient la tribune et déboucha sur la création du mouvement féministe "Weiberrat" (voir entrées précédentes) s'alliera plus tard à une autre cinéaste féministe,




Claudia von Alemann (à gauche), qui étudia le cinéma à Ulm puis participa en 1968 à Paris (comme seule femme avec Agnès Varda) aux états généraux du cinéma créés pour bloquer le festival de Cannes malheureusement pas pour des motifs féministes mais pour la défense de la classe ouvrière. Le discours qui est servi aux féministes à l'époque : "une fois qu'on aura fait la révolution on s'occupera du cas des femmes". Claudia von Alemann le croit d'abord et réalise en 68 le documentaire :
Ce n'est qu'un début continuons le combat (Das ist nur der Anfang - Der Kampf geht weiter)
Puis elle n'a plus envie d'attendre.

Parenthèse sur les femmes et le cinéma dans les années 60 : il n'y a qu'une petite douzaine de réalisatrices Citons : Věra Chytilová, Agnès Varda, Mai Zetterling,
 Cristina Perincioli, Edna Politi, entre autres.

De la rencontre de Claudia von Alemann et Helke Sander naît en 73 le premier festival du film de  femmes d'abord appelé "séminaire", seule appelation qui permettait d'obtenir des subventions.
Au cinéma ARSENAL de Berlin-Ouest a donc lieu du 15 au 18 novembre le 1er Séminaire International du film de femmes organisé par Helke Sander et Claudia von Alemann. Titre : „Documentaires et films ciblés sur la condition des femmes“. Lors du séminaire de 4 jours il est question des „Femmes dans la la lutte ouvrière“, „La représentation des femmes dans les médias“, „ le §218 (sur l'avortement), la sexualité, la répartition des rôles“ et „le mouvement des femmes en Europe et aux USA“. Claudia von Alemann résume : „Ce fut une énorme réussite, en 4 jours nous avons présenté une quarantaine de films environ, presque uniquement des premières en RFA. 300 femmes et 5 hommes se sont déplacés.“



Un mois plus tard le forum international du cinéma d'avant-garde de Munich organisa un nouveau séminaire du cinéma de femmes sur  le thème de La condition des femmes, où furent invitées Alemann, Sander et Erika Runge.

en 1974

paraît le premier magazine féministe du cinéma Frauen und Film dont l'éditrice n'est autre que la cinéaste Helke Sander. Sujet du journal : „Interroger l'influence de la culture patriarcale sur le médium cinématographique, reconnaître et définir les approches d'une culture féministe, en retenir et en développer les interrogations






Claudia von Alemann a tourné plusieurs films documentaires sur des femmes comme Germaine Greer, Ariane Mnouchkine, la photographe Abisag Tüllmann, et en 78/80 sur Flora Tristan, un docu intitulé "Le voyage à Lyon" qui obtint le prix de la critique allemande.


Les initiatives des réalisatrices pour exister malgré le cinéma masculin qui ne veut pas entendre parler d'elles se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. Le festival de Cannes est un bastion machiste qui devrait être bloqué par les femmes comme il l'a été en 68 au nom de la défense de la classe ouvrière. Les femmes ne sont-elles pas les ouvrières des ouvriers?

En 78

Cristina Perincioli sort un film sur les violences conjugales intitulé "LE POUVOIR MASCULIN SE FAÇONNE DANS LA PATIENCE FÉMININE" (die Macht der Männer ist die Geduld der Frauen) autrement dit : si les femmes cessaient de se montrer patientes, le pouvoir masculin s'effondrerait.





Cette note est en partie traduite de ce lien

vendredi 11 mai 2018

68 en Allemagne : le tract du Weiberrat


COMPTE-RENDU DE RENDU DE COMPTE
                             

bite-en-moins bite-en-moins bite-en-moins bite-en-moins bite-en-moins

Nous n'ouvrons pas notre gueule !  Et si nous le faisons, rien n'en sort ! Si on la laisse ouverte, on nous la bourre : avec des bites petites bourgeoises, des baises forcées socialistes, des enfants socialistes, de l'amûûr, de la déréliction socialiste, de la grandiloquence, de l'excitation sexuelle mâle, du pathos intellectuel socialiste, du conseil pratique socialiste, des attouchements socialistes, de l'argument sexuel révolutionnaire, de l'orgasme pansocial, du BARATIN socialo-émancipatoire ! Si on en a marre, voilà ce qui se passe : du tapotement d'épaule, du paternalisme exacerbé ; puis nous sommes soudain prises au sérieux, alors nous voilà : formidables, étonnantes, on nous félicite, nous avons le droit de partager la table des habitués, on est des égales, alors on tape les textes, on distribue les tracts, peint les infos murales, lèche les timbres : nous sommes super ! Quand on a la gerbe : on est pénissenvieuses, frustrées, hystériques, coincées, asexuées, lesbiennes, frigides, mal-baisées, irrationnelles, pénissenvieuses, ennemies du désir, dures, viriles, compliquées, des garces, on "compense", on "surcompense", on est pénissenvieuses,  pénissenvieuses, pénissenvieuses, pénissenvieuses. Les femmes sont  a u t r e s !

LIBÉREZ SES ÉMINENCES SOCIALISTES DE LEUR BITE BOURGEOISE !



Tract du comité des bonnes femmes 1968




(Les noms numérotés de 1 à 6 = 6 sommités du SDS. Schauer Gäng Kunzelmann Krahl Rabehl Reiche

Schauer deviendra par la suite syndicaliste à IG Metall
Gäng spécialiste du Bouddhisme
Kunzelmann activiste d'extrême-gauche
Krahl décède 2 ans + tard
Rabehl est aujourd'hui militant d'extrême-droite
Reiche sexologue (lol)

Le Weiberrat aimerait la leur couper.

La liste se poursuit au verso avec d'autres membres masculins du SDS. Ex.: 15 Dutschke 16 Cohn-Bendit 17 Gaston Salvatore... ainsi que leurs principaux gourous masculins: 10 Habermas 19 Freud 22 Adorno 36 Mao 44 Marx 47 Lénine)

Sabine Zurmühl une témoine de l'époque qui cofonda par la suite le journal féministe Courage à propos des hommes du SDS : [ils] étaient vraiment épouvantables à entendre. Leur langage était codé. Et ce code on devait le maîtriser à fond sinon on n'était rien. Et les femmes du SDS n'étaient de toute manière rien".

mardi 8 mai 2018

68 en Allemagne : Ulrike Meinhof sur l'affaire des tomates




 Ulrike Meinhof (au centre) à l'époque du SDS

" (...)
  Les tomates qui ont volé à la conférence des délégués du SDS n'avaient aucun caractère symbolique. Les hommes dont le costume a été taché (que les femmes, comme toujours, ont dû nettoyer), ont été forcés de réfléchir à des choses auxquelles ils n'avaient jamais réfléchi. Il ne s'agissait pas d'organiser un spectacle pour la presse qui dissimule toujours tout, mais c'était bien eux qui étaient visés et qui ont pris des tomates à la tête. Et la femme, qui lanca les tomates, et celle qui en donna la raison, n'ont pas parlé d'expériences empruntées à d'autres et laborieusement communiquées mais ont parlé et agi pour elles-mêmes en donnant une voix à d'innombrables femmes.
Et elles n'en avaient rien à battre de savoir si ce qu'elles disaient possédait le niveau extrêmement élevé de réthorique pratiqué au SDS ni si tout cela avait la précision linguistique requise et non plus de savoir si Spiegel aurait été d'accord, elles auraient étouffé si elles n'avaient pas explosé. Des millions de femmes étouffent tous les jours à cause de ce qu'elles doivent avaler et prennent des médicaments pour se calmer - du contergan [thalidomide n.d.l.t.] si elles n'ont pas de chance, ou frappent leurs enfants, balancent la louche sur le mari, râlent et ferment la fenêtre, si elles sont un peu éduquées, pour que personne n'entende, ce que tout le monde sait : que les choses comme elles vont ne vont pas.
  La sorte de conflit qui après je ne sais combien de décennies a éclaté en public à Francfort - si du moins un éclat pareil s'est déjà produit - n'est pas de nature fictive, ni de celle qu'il y a moyen d'éviter comme ceci ou cela, ni non plus théorique ; tous ceux qui ont une famille la connaisse par coeur, mis à part qu'ici des personnes ont clairement fait savoir que cette affaire privée n'est pas une affaire privée.
Le rédacteur de Stern qui a tordu l'info à sa manière malveillante - un conflit qui couvait depuis des années, le SDS opprimant ses membres féminins - n'a juste pas remarqué qu'il ne s'agit pas seulement de l'oppression des femmes du SDS mais bien de sa propre femme, dans sa propre famille, par lui-même. Le rédacteur de konkret qui était là et a percu le lancer de tomates comme un incident entre des personnes et ces femmes qui refusaient qu'on les rappelle autoritairement au législateur quand ils se virent traitées de "défenseuses des droits des femmes", même lui, même s'il était également concerné, ne s'est pas senti touché, parce qu'il n'a pas été touché.
Et la suggestion de Reimut Reiche adressée aux femmes d'enfin refuser les relations sexuelles aux hommes, confirme le bien-fondé du reproche de Sander à savoir que les hommes refoulent totalement la polémique, puisque Reiche veut lui aussi replacer l'affaire dans la sphère privée, alors que c'est  justement ce que l'exposé assorti d'un lancer de tomates voulait à tout prix empêcher.
 Ces femmes de Berlin à Francfort ne veulent plus jouer le jeu, toute la charge de l'éducation des enfants retombent sur elles mais elles n'ont par ailleurs aucune influence sur ce à quoi, ce vers quoi et pourquoi on éduque les enfants. Elles ne veulent plus se faire insulter parce que pour éduquer des enfants elles ont dû arrêter leurs études, n'ont pas pu en faire du tout ou de mauvaises ou n'ont pu exercer leur métier, toutes choses qui laissent des traces dont on les rend à nouveau responsables. Elles ont clairement fait savoir que l'incompatibilité entre l'élevage des enfants et le travail rémunéré n'est pas le fait de leur ratage personnel mais a à voir avec la société qui a organisé cette incompatiblité. Elles l'ont parfaitement expliqué.
Elles ne se sont pas plaintes ni présentées comme des victimes qui demandent qu'on est pitié d'elles et de la compréhension et une machine à laver la vaisselle et l'égalité et blablabla. - Elles ont commencé à analyser la sphère privée dans laquelle elles vivent presqu'uniquement, dont la charge est à leur seule charge et ont constaté qu'objectivement les hommes sont les fonctionnaires de la société capitaliste chargés d'opprimer les femmes même si subjectivement ils ne veulent pas l'être. Puisque les hommes ont refusé d'aller sur ce terrain-là ils ont recu des tomates à la tête.
  Ce n'est pas de l'éternelle dispute conjugale que l'on parle mais du fait que cette dispute ressort du domaine public. La réaction des hommes à la conférence des délégués et celles des encore et toujours si "bienveillants" rapporteurs montre qu'il faudra encore les mitrailler avec des tombereaux entiers de tomates avant qu'ils captent quelque chose. La lecon à tirer de Francfort est qu'il faut que d'autres femmes et d'autres encore prennent conscience de cet antagonisme, s'organisent, le traitent, apprennent à formuler les choses, ne demandent rien d'autre à leur mari que de leur ficher la paix dans ce domaine et qu'ils lavent eux-mêmes leur chemise tachée de tomate".

ULRIKE MEINHOF dans konkret le 7.10.1968 (publié dans EMMA de ce mois)
Traduction libre.


dimanche 6 mai 2018

68 en Allemagne / LA TOMATE / Sigrid Rüger

Sigrid Damm-Rüger figure marquante de 68 née et morte à Berlin (1939-1995) est tombée avec d'autres dans les oubliettes du château-fort culturel masculin.

Parenthèse : La société patriarcale se garde bien d'entretenir le souvenir d'actions féminines sauf exceptions "prouvant" au monde que TRÈS EXCEPTIONNELLEMENT la bestiole femelle rejoint l'humain-homme supérieur. Car d'après je ne sais plus quel machiste célébré par la mâlitude pour sa grande sagesse (hahaha) le chat (la chatte ?) parvient aussi de temps en temps à se mettre sur ses deux pattes de derrière !

Bref, donc Sigrid Damm-Rüger fut une activiste féministe allemande qui s'illustra pour avoir mitraillé un homme de tomates pendant la 23e conférence à Francfort-sur-le-Main des délégués du SDS dont elle était membre.

Cela se produisit le 13 septembre 68, deuxième jour de la conférence qui devait durer cinq jours.

Parenthèse sur le SDS : le SDS ou Union socialiste allemande des étudiants est une formation issue du mouvement étudiant allemand créé d'abord comme syndicat indépendant proche du parti socialiste, puis indépendant du SPD et représentant la nouvelle gauche ouest-allemande (opposée au nucléaire et au réarmement).

Le SDS joue un rôle important dans les événements de 68 en Allemagne. Rudi Dutschke en fit une organisation anti-autoritaire proche des idées anarchistes et sans affinité aucune avec le socialisme d'Allemagne de l'Est. Très offensif contre la ligne néo-capitaliste suivie par la RFA, le SDS fut longtemps une épine dans le pied du gouvernement qui l'interdit en 1970.

Membre féminine très célèbre du SDS : Ulrike Meinhof et moins célèbres mais un peu quand même : Susanne Kleemann, Karin Struck, Helke Sander cette dernière ayant joué un rôle de premier plan dans l'affaire "tomate".

   

H.-J. Krahl, 3e en partant de la gauche (celui qui rit à gorge déployé)

On voulait ENFIN METTRE L'ÉMANCIPATION DES FEMMES À L'ORDRE DU JOUR, dira Sigrid Rüger quelques décennies plus tard pour expliquer son geste.

Jamais le problème de l'oppression des femmes n'était abordé en conférence. Helke Sander qui n'était pas encore une cinéaste renommée venait ce jour-là de faire un discours ne figurant certes pas au programme mais qui aurait tout de même pu soulever un débat puisqu'il traitait du cas particulier des femmes dans la lutte des classes. Pendant le discours il y eu des rires et quelques applaudissements mais par la suite le fil du programme fut repris comme s'il ne s'était rien passé. Ce fut insupportable à certaines femmes dont Sigrid Rüger.
Pendant le pause de midi, elle alla acheter un kilo de tomates à 70 pfennigs la livre et le montra à Helke Sander.

Hans-Jürgen Krahl la grande vedette du SDS, un ancien élève de Theodor Adorno traité par ce dernier comme son égal, parce que doué, très cultivé, orateur hors pair avec une mémoire d'éléphant, ce qui ne l'empêchera pas de mourir en 1970 dans un accident de voiture à l'âge de 27 ans, reprend le micro sans la moindre allusion au discours de sa prédécésseuse. Rüger l'interrompt et dit : "Est-ce qu'il t'est déjà arrivé de t'interroger sur le rôle des femmes ?" Krahl rit et répond : "Je vais y réfléchir". Puis il poursuit son discours entamé sans plus s'occuper de l'intervention de Rüger. Rüger l'interpelle à nouveau:




"Vois-tu, camarade Krahl, tu n'es rien d'autre qu'un contre-révolutionnaire et pire encore : un agent de l'ennemi de classe !". Sander ajoute : "Si le SDS n'est pas prêt à discuter du sujet du rôle des femmes il a mérité d'être traité comme il traite l'establishment". Là-dessus Rüger jette trois tomates (d'après le magazine Stern) une livre complète (d'après Sander) sur Krahl. Une le touche (d'après Spiegel, deux d'après Stern). Une femme s'interpose. Ines Lehmann. Dans un article paru en 2008 elle explique que le SDS avait plus d'importance pour elle que les revendications de Rüger et Sander. D'ailleurs l'affaire du lancer de tomates a signé le fin du SDS, d'après elle. Le patriarcat a malheureusement ses affidéEs.

Le silence se fait. Puis un énorme tumulte s'en suit. Les délégués hurlent.
Krahl essaie de poursuivre son discours. Ines Lehmann, alors activiste du SDS à l'affût de la moindre critique contre l'organisation, après s'être interposé entre Krahl et les tomates, prend le micro et accuse Rüger et Sander d'être des sécessionnistes.
La journaliste et écrivaine Hazel Rosenstrauch prend le micro à son tour pour défendre Rüger et Sander et critiquer Lehmann.
Dans l'après-midi, Rüger forme un groupe féminin effectivement sécessioniste : le "Weiberrat" (littéralement "le conseil des bonnes femmes"). Il s'y joint très vite trop de femmes. Les discussions personnelles sont rendues impossibles par le nombre et les nouvelles venues se sentent mises de côté. Il est donc dissout peu de temps après (hiver 68/69). Mais il s'en reformera un autre par la suite.  

C'est ainsi que le lancer de tomate de Sigrid Rüger marqua le début de ce que l'herstoire appelle en Allemagne (de l'ouest)la 2e vague féministe.
Plus haut Sigrid Rüger, aujourd'hui / Ci-dessus Sigrid Rüger à l'époque.


 Helke Sander pendant son discours féministe du 13.9.68 devant le SDS


Depuis ce jour, la tomate est devenue l'arme par excellence du féminisme allemand qui permet à la fois aux femmes de se faire entendre et de faire taire le bavardage masculin incessant qui ne nous concerne pratiquement jamais. 

Les féministes allemandes demandent de continuer à lancer des tomates.




"Continuez à lancer la tomate !"
Traduction de l'affiche : "du lancer de tomate au quota de femmes"


Le texte de cet article est en partie traduit de ce lien