mardi 24 août 2010

Natures mortes de Fede Galizia (blog en pause)







Prise par mes préparatifs, je n'ai plus guère le temps de poster de nouveaux billets avant mon départ.
Mais comme c'est la saison des fruits, je vous dédie les natures mortes de Fede Galizia à déguster avec les yeux.
J'ai eu beaucoup de difficultés à trouver des reproductions satisfaisantes et j'aurais bien aimer trouver une photo non floue de celle visitée par une sympathique sauterelle du XVIe siècle, mais je n'en ai pas trouvée. Et je me demande si le tableau du bas n'a pas été tronqué sur la droite où se trouverait, en fait, une feuille de vigne.
Tant pis, je vous livre le meilleur de ce que j'ai pu pêcher sur le web qui n'a pas grand chose, et je vous retrouve donc dans quelque temps avec d'innombrables femmes de tout talent : librairesse, peintresse, poétesse, aventurière, médecienne, fresquiste, graveuse, parcheminière, littératrice et auteuse dramatique, par exemple.
Je vous dis à bientôt pour poursuivre l'inventaire de toutes ces grandes figures connues et pourtant négligées des commémorations.
Si vous souhaitez en laisser, les commentaires sont ouverts. Je vous répondrai dès mon retour.

vendredi 20 août 2010

Marie Cailler et Gélonis Salmon-Macrin, élèves-épouses

Inspirée par le billet d'Alice qui dénonce la néopédophilie ambiante de ce début de siècle, j'ai mis un peu le nez dans le vie privée de ces écrivains et juristes qui légifèrent si bien sur les relations hommes-femmes, et recherché pourquoi ils tiennent tant à subordonner ces dernières. En fait, ils ne veulent pas seulement les subordonner mais les prendre à la fleur de l'âge et les éduquer à leur convenance. Fi des femmes- femmes et bienvenue aux fillettes-épouses !
Ce n'est pas pour rien que Molière écrivit un siècle plus tard "L'école des femmes". Il y avait de la matière à et depuis longtemps.
Aymeri Bouchard auteur de "De la nature des femmes" qu'il rédigea parce que les femmes l'auraient pris pour avocat, afin de le charger de les défendre contre
André Tiraqueau, auteur du De legibus connubialibus », écrit :

« Le juge Tiraqueau, qui venait d'épouser en 1512, à vingt-quatre ans, demoiselle Marie Caillé, âgée de onze ans, recherchait les meilleurs moyens d'instruire, éduquer, former sa jeune épouse. A cet effet, il consulta les anciens, et, après avoir considéré une multitude de textes, il composa hâtivement un traité De legibus connubialibus, auquel il fit travailler, à ce qu'on suppose, les jeunes et savants cordeliers de Fontenay et qui fut imprimé en 1513. »

Par ailleurs, Rabelais note que Cette culture qu'acquirent les femmes au XVIe siècle, à commencer par la sœur et la fille du roi, Marguerite de Navarre et Marguerite de Savoie, faisait l'admiration de Salmon-Macrin et de beaucoup d'autres». C'est à dire : de Tiraqueau également. Mis à part que la culture de ces deux Marguerite leur venait d'une femme sans homme : Louise de Savoie, veuve à 18 ans et qui le resta jusqu'à lafin de sa vie afin de jouir de toute son autonomie !
Ainsi le poète de langue latine Salmon-Macrin, demanda à Gélonis (ou Guillone), sa future épouse (15 ans, lui 35), d'apprendre des rudiments du latin avec son frère, et continua par la suite lui-même de parfaire cet enseignement, il s'adresse ainsi à sa fiancée :

je t’en prie, ose étudier les rudiments et l’exercer, en prenant ton frère pour professeur sur les petits livres que je viens de t’envoyer. Une fois acquis ces premiers éléments, grâce aux efforts de ton frère et aux tiens, je remplirai à mon tour son office, je t’apprendrai, à toi qui dois devenir mon épouse des choses qui nous seront à tous les deux fort agréables, et je te perfectionnerai avec de très douces Camènes*, étendu sur le sein brûlant de ton mari, échangeant avec lui baisers et folâtreries.

Dreux Du Radier compte Gélonis dans sa "Bibliothèque historique et critique du Poitou" (édit Ganeau, 17..) au nombre des “ savantes poitevines". Il en adresse des éloges à Macrin afin de le soulager du chagrin de sa mort, et, dans la foulée, nous informe qu’elle savait composer des vers (mais où sont-ils ?).

Ainsi Salmon-Macrin jouait avec délectation au professeur. Il est tout à son honneur d'avoir souhaité pour sa femme (de 11 ans !) un peu d'érudition plutôt que de vouloir la maintenir dans l'ignorance mais je crains que cela n'ait du surtout servir à son agrément personnel.
Car l'enseignement de Salmon Macrin permit principalement à Gélonis de comprendre les poèmes en latin que lui adressait son époux. D'après ces poèmes, il semble la couver jalousement comme une mari un brin possessif :

Pourquoi teindre en roux les mèches de ta chevelure et les rassembler avec un nœud d’or, toi dont flamboient le sandyx et la robe de pourpre, ô mon épouse, si tu souhaites me plaire ?

Mon Dieu, quelle torture, ce chatoiement soyeux sur le bord des tempes, qui se fond graduellement dans l'or brun des cheveux ("Lolita" Nabokov)

Tu es assez élégante si tu peux plaire à ton fiancé ; méprise ce que répète à ton sujet la renommée bavarde : une dame vertueuse, je te l’assure, ne recherche pas les regards du grand nombre.

Don’t talk to strangers ("Lolita" Nabokov)

Ne va pas sans raison, lumière de ma vie, te consumer, abîmer par des pleurs immodérées ton éblouissant visage : je reviendrai, je te désirerai, les jours d’hiver me ramèneront. Alors te sera fidèlement rendu le capital lui-même, sans oublier, objet de tes longs désirs, le produit des intérêts annuels : tu reconnaîtras n’avoir rien perdu à attendre

Elle n’avait, voyez-vous, absolument nulle part où aller. ("Lolita" Nabokov).

… dès qu’à nouveau je dus regagner cette odieuse Cour, voici qu’à nouveau l’amour m’assaille et réveille les agitations effrénées de mon esprit délirant, encore plus cruellement, plus démesurément, si bien que je paie cher notre douce intimité et notre pratique amoureuse.

the key was in my fist, my fist was in my pocket . ("Lolita" Nabokov).

A quoi bon en effet des fourrures de pourpre sidonienne, à quoi bon des appartements lambrissés et la pierre phrygienne, s’il faut, au comble du chagrin, coucher dans un lit vide,
Sans plus tarder, voici que je reviens, ne t’afflige pas ! Alors, autour de ton cou, je jetterai mes bras de cire, aussi étroitement que le lierre rampant étreint l’orme.

I really did not mind where to dwell provided I could lock my Lolita up somewhere ("Lolita" Nabokov).

Cesse, je t’en prie, ton odieuse plainte, ô ma fiancée qui m’est plus chère que moi-même, je resterai inébranlable et rien, sauf la mort seulement, ne mettra fin à ma flamme.

A l’hôtel, nous prîmes des chambres séparées mais, au milieu de la nuit, elle entra chez moi en sanglotant et nous nous réconciliâmes très gentiment. Voyez-vous, elle était absolument seule au monde… » ("Lolita" Nabokov)

Le 14 juin 1550, Gelonis décède. Probablement épuisée par les grossesses successives, elle toussait depuis plusieurs années et crachait le sang. Elle n'avait que quarante ans.

On ne sait pas quand est morte Marie Cailler née en 1501, mais André Tiraqueau de 12 ans son aîné mourut bien après elle, à l'âge de 67 ans environ.
Jean Salmon-Macrin est lui aussi décédé après son épouse de 20 ans sa cadette à l'âge de 78 ans.

*Camènes : nymphes chez les Romains que les poètes latins identifient aux Muses.


mardi 17 août 2010

Imbecillitas sexus, Amen.



En 1516, Erasme dans les Annotationes Novi Testamenti critiqua la notion de sacrement lié au mariage, ce qui, du même coup, remettait en question son indissolubilité. Luther fit de même. Néanmoins ce dernier considérait le mariage comme supérieur à la virginité, aussi dénonçait-il avec force le célibat des prêtres et le monachisme.

D'un autre côté, tous les réformateurs protestants, Luther compris, reprochaient à l'Eglise d'avoir fondé la validité du mariage sur le consentement exclusif des époux, celui des parents n'étant pas requis. Tous déploraient les mariages clandestins, la bigamie et les „mésalliances" qu'entraînaient ce fait.

Au terme d'interminables discussions sur ce thème, le Concile de Trente adopte, en 1563, le célèbre décret Tametsi, qui parmi les demandes des protestants se contente d'accorder celle de frapper d'anullation les mariages clandestins. Mais catholiques et protestants se sont entendus sur un point : celui de réaffirmer par ce décret la suprématie de l'homme dans le couple (aucune femme n'étant représentée au Concile de Trente, cela va de soi).

D'autre part, un grand débat eut lieu au cours de la première moitié du XVIe siècle, qui opposa laudateurs et contempteurs du sexe féminin, et qui fut baptisé "querelle des femmes" (alors qu'il s'agissait d'une querelle d'hommes sur les femmes). La quasi-totalité des lettrés y prit part, en particulier Rabelais influencé par le De legibus connubialibus de son ami, le juriste André Tiraqueau.

Les propos peu amènes que contenait le De legibus connubialibus sur les femmes déclenchèrent une violente polémique, que Tiraqueau contribua lui-même à alimenter. Du coup, l'ouvrage s'étoffa considérablement au cours des seizes fois où il fut édité ! Ce traité en forme de « programme de vie matrimoniale ». fonde pour la première fois le principe de la subordination de la femme mariée. Il se base sur le Digeste , et en particulier sur un sénatus-consulte d'Ulpien ( Ad Senatus Consultum Velleianum , plus connu sous le nom de Velléien), interdisant aux femmes de s'engager pour autrui en raison de la " faiblesse de son sexe " (imbecillitas sexus) , pour affirmer que l'on doit considérer les femmes, par nature faibles et désarmées, comme des mineures et donc les assister et les protéger dans toute leur activité juridique.

Ainsi, à partir de la Renaissance, la femme mariée est frappée d'incapacité juridique. L'incapacité juridique de la femme mariée n'existait pas dans le droit médiéval. On observe par là, à partir du XVIe siècle, une dégradation sensible de la condition féminine.

Ainsi les juristes tiendront pour acquis l'inégalité des sexes et la supériorité de l'homme sur la femme. Parce que ceux-ci la considèrent comme un être physiologiquement et psychologiquement faible, ils estiment qu'elle doit être tenue à l'écart des affaires et que ses fonctions domestiques doivent l'absorber entièrement.

Pour Tiraqueau, l'homme vaque au dehors à ses occupations professionnelles et sociales tandis que son épouse assume l'entretien de la maison.

Pour le reste, il défend expressément à tout homme de frapper sa femme. Mais cette défense ne se réfère pas à des considérations strictement humanitaires. Une femme maltraitée trompait volontiers son mari violent et se vengeait souvent de lui en tentant de l'empoisonner ou en l'empoisonnant pour de bon.

A l'inverse, "s'il était respectueux de son épouse, l'homme aurait tout lieu de se féliciter de l'harmonie qui règnerait dans son ménage".

Tiraqueau pense que l'homme peut solliciter, pour ses propres affaires, l'avis de sa femme (pour lui piquer ses idées?). Mais il ne doit pas pour autant se confier exagérément à elle, la femme n'étant guère de nature à conserver des secrets. Elle peut, d'après lui, révéler en rêve ce qu'elle ne dit pas éveillée !

Cependant Tiraqueau exhorte les hommes à aimer leurs femmes s'ils veulent l'être en retour. C'est au mari de montrer en premier lieu son amour et non à sa femme.

Enfin, Tiraqueau, dans la quatorzième et dernière loi du mariage, traite des relations sexuelles. Selon lui, (le mari) ne doit ni les craindre ni les désirer trop ardemment. Il convient de ne jamais se départir d'une certaine retenue et de fuir absolument les rapports trop fréquents et immodérés.

Sous l'influence conjuguée du droit romain, des Ecritures et du droit canonique, Tiraqueau fonde donc l'incapacité de l'épouse sur l'imbecillitas sexus. Mis à part qu'il la justifie autrement : par la primauté du mari au sein du couple. Dans cette optique, la dépendance de la femme est le corollaire de la puissance maritale et non de la faiblesse du sexe. A preuve, selon Tiraqueau, une femme célibataire jouit d'une capacité pleine et entière. Ainsi que la veuve.

Conclusion : voilà comment le célibat et le veuvage sont devenus supérieurs au mariage et nettement plus enviables pour les femmes qui souhaitaient leur autonomie. Autonomie OU mariage. Or, on peut constater aujourd'hui que ce choix pervers est encore pour beaucoup de femmes à travers le monde, le seul qu'elles aient à leur disposition si elles veulent jouir d'un peu de liberté !

(A lire : "Les femmes à l'époque moderne - XVIe-XVIIIe siècles" de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, édit. Belin, Paris).


(Photo : deux petits rôles dans le hall des figurant.e.s).

lundi 16 août 2010

En ce qui concerne mes aventures

Comme je l'évoque au début de ce blog, j'ai participé au tournage d'un film en tant que sihouette à la fois typée britannique et renaissance, apparence recherchée en masse par l'agence de casting qui les a drainées pour le tournage. Ceci n'est pas mon job habituel mais un film dont l'action se passe au XVIe siècle, était l'occasion pour moi de faire une sorte de voyage temporelle dans cette période qui m'intéresse en ce moment. De plus , le long métrage "Anonymous", traite justement de l'identité de l'artiste. Enfin, d'un seul et unique artiste : Shakespeare.
Le metteur en scène, Roland Emmerich, a lu un ou plusieurs ouvrages remettant en cause la paternité des oeuvres de William Shakespeare qui, en réalité , et pour résumé sa vision, n'aurait été qu'un manant cabotin capable de faire assez le pitre pour marquer l'esprit des foules.
Pour ma part, j'écrirais plutôt ici un ouvrage, non encore rédigé du tout, par personne et nulle part, sur l'anonymité des femmes artistes de la même période que le dramaturge britannique. Mais sur la véritable anonymité = sans nom du tout. Mon thème à moi serait d'ailleurs : la seule féminité comme facteur d'anonymité.
Le film d'Emmerich, quant à lui, vu son propos devrait plutôt s'appeler : "Pseudonymous".


"Claude" si jamais tu passes par là, voilà ce que j'ai trouvé ici : une photo prise en secret sur le tournage d'Anonymous avec ton profil au premier plan !

Pour les non initiés, le personnage à droite est mon Claude de Taillemont en chair et en os et de profil. J'ai trouvé sur un site allemand cette photo visiblement prise sous le manteau.
Les figurants ont des couvertures bleues sur les genoux parce qu'il fait froid.





Sur cette photo, je me trouve quelque part dans l'obscurité à gauche. Ne cherchez pas, on n'y voit rien. Par contre, l'homme corpulent aux longs cheveux gris à droite de la première poutre (en partant de la g.) a été mon modèle pour ce portrait.
L'ours attaché au poteau n'a pas été le moins du monde maltraité. Néanmoins il a du poireauter des heures dans une cage minuscule et cela n'avait pas eu trop l'air de lui plaire.
Sinon, je me demande comment nous ne sommes pas tous morts asphyxiés par les torches. Torches qui marchent au pétrole...et oui, ceci n'est qu'un fac-similé de XVIe siècle...XVIe siècle de cinéma, quoi. (Sortie du film en 2011).

samedi 14 août 2010

Les regards au XVIe siècle selon que vous êtes une femme ou un homme : la famille De Mucheron



Dans ce portrait de la famille De Mucheron du peintre flamand Cornelis de Zieeuw, la règle des regards est encore plus flagrante. Hormis le fait que les membres de la famille sont strictement divisés dans l'image selon le sexe : les hommes à droite dans la configuration spatiale réelle (à g. sur le tableau) et les femmes à gauche, la position dans l'espace réelle comptant plus que celle obtenue en la restituant sur une toile (à la différence d'aujourd'hui où ce serait la position dans l'image qui compterait), tous les membres masculins à part le plus petit tout en bas du tableau, regardent le peintre bien en face en commencant par le père de famille, tandis que les filles jusqu'à la plus petite en bas du tableau à gauche, baissent complètement ou sensiblement les yeux, effleurent à la grande rigueur le visage du peintre sans le regarder vraiment, avec, pour commencer, la mère de famille qui NE REGARDE PAS du tout le peintre.
Afin de pouvoir mieux distinguer le phénomène, je vous invite à cliquer (2 fois = zoom) sur le tableau et à vous promener dans l'image, ou encore à cliquer ici où l'on peut obtenir un agrandissement à 200% et étudier chaque visage l'un après l'autre.

La femme du peintre de la cour d'Angleterre


Et du côté des non-reines ?
Elles baissent les yeux ainsi que la la tête.
Ce portrait est celui de l'épouse de l'admirable, certes, en tant que peintre même indubitablement, Hans Holbein le Jeune, le même qui peignit trois des six épouses d'Henri VIII. Néanmoins, au vu de ce portrait, il est légitime de se demander quel rapport il pouvait bien entretenir avec sa femme. A l'instar du roi, un rapport de maître à sujet, dirais-je.
Je rappelle que ceci n'est pas une photo, prise par hasard au mauvais moment avec un modèle contrarié parce que débordé, mais d'une peinture qui a nécessité une ou plusieurs esquisses, le report de l'esquisse définitive sur une toile, et encore de longues heures d'applications de couleurs difficiles à préparer et qui sèchent lentement, demandant ainsi à y revenir des jours durant et à y travailler sans relâche.
Cette Mater Dolorosa n'a pas trop l'air de respirer le bonheur conjugal et son mari s'applique à restituer cette souffrance avec un soin parfait doublé d'une extraordinaire conscience professionnelle !
Beau tableau, il n'y a pas à dire, mais....

mercredi 11 août 2010

Yeux baissés, regard dans le vide : les six femmes d'Henri VIII



Yeux (humblement) baissés : Catherine d'Aragon par Michel Sittow




Regard fixe dans le lointain : Anne Boleyn par Lucas Horenbout





Regarde ailleurs : Jeanne Seymour par Hans Holbein le Jeune




Yeux (chastement) baissés : Anne de Clève par Hans Holbein le Jeune



Catherine Howard (qui réussit la prouesse de baisser les yeux avec un regard hautain !) par Hans Holbein le Jeune




Regard perçant le vide : Catherine Parr par Guillaume Scrots


Je n'ai pas placé ici de portraits parfois plus connus, notamment d'Anne Boleyn, mais dont on ne serait pas sûr de l'auteur, car mon propos est de montrer que ces six reines-là, contrairement aux trois autres présentées précédemment, ont toutes été peintes par un homme et, donc : ne lèvent pas les yeux sur lui.

Qui regardent-elles ?





Si les deux premiers portraits doivent rester pour toujours affublés des mentions "attributed" et "unknown painter", leurs modèles ont, sans le moindre doute, regardé la personne qui les a peintes. Comme Elisabeth Ire avec Levina Teerlinc.
Ce n'est pas le cas des autres reines britanniques avec leurs portraitistes avérés masculins pour la même période (entre 1500 et 1550). À suivre...

mardi 10 août 2010

Bloody Mary, unknown painter...or unknown paintress ?

Marie 1re Tudor dite Marie la Sanglante a fait inutilement couler beaucoup de sang dans le but d'obtenir une recatholisation, de type traditionnelle, de l'Angleterre. Catherine de Médicis, pour sa part, lui arracha Calais subtilement, sans la moindre effusion de sang. Ce qui fit prononcer ces paroles à Marie Ire au moment de sa mort :
"When I am dead, you will find Philip and Calais engraved on my heart." : Lorsque je serais morte, vous trouverez Philippe (II d'Espagne) et Calais gravés sur mon coeur.
Probablement a t-elle trop partagé, avec Philippe II, ce fanatisme catholique qui a occasionné, dans le monde, tant de massacres stupides et odieux.



Donc, le premier tableau représente Marie Tudor, dite Marie le Sanglante. Le deuxième, Elisabeth.
Personne ne sait pas de qui est le premier portrait.
Cette fois, il ne serait pas d'un certain "Master John" dont on ne trouve aucun renseignement attestant l'existence. Il y a bien un peintre du nom de "John" à la cour d'Angleterre, à cette époque, John Bettes l'ancien, mais il ne se fait pas appeler "Master John", auquel on n'attribue d'ailleurs pas plus de deux tableaux.
Alors pour les amateurs/trices, je refais l'essai : ressemblance ou non avec le style Levina Teerlinc ?

Si le mystère n'est pas levé, ce n'est pas grave : mes recherches n'auront pas été inutiles quand même, car j'ai trouvé une autre miniaturiste féminine sévissant à la cour d'Angleterre en même temps que Levina : Susanna Horenbout. Je la présenterai ultérieurement.

lundi 9 août 2010

Le tableau mystère

Je suis très intriguée par ce tableau qui ressemble beaucoup à celui de Levina Teerlinc et qui est attribué à un certain Maître John (on ne peut pas faire plus anonyme comme nom de maître anglais !)
Non seulement, on ne sait pas de qui il est mais on ne sait pas qui c'est ! Jusqu'ici on a prétendu qu'il représentait Jane Grey mais en même temps on le date de 1540, époque à laquelle Jane Grey aurait été âgée de 3 ou 4 ans. Parfois on le date de 1544. Là elle aurait eu 8 ans. Depuis peu on se demande s'il ne s'agit pas plutôt de Catherine Parr, la dernière femme de Henri VIII, une reine qui, contrairement à Jane Grey a échappé au billot.
MAIS moi, ce que je me demande, c'est pourquoi on ne l'attribue pas à Levina Teerlinc ! Elle était toujours et encore portraitiste à la cour d'Angleterre aussi bien sous Catherine Paar que sous Jane Grey, sans parler du criant air de famille de ces deux tableaux !
Mais cela semble bien difficile, dans le doute, d'attribuer une oeuvre à une femme car un portrait en médaillon représentant Catherine Parr est tantôt attribué à Levina Teerlinc (que j'ai trouvé orthographiée Lievine Teerlink), tantôt à quelqu'un d'autre. Pourquoi ne peut-on, s'il ne s'agit que "d'attribuer", le faire une fois pour toute à la peintresse officielle de la cour correspondant à l'époque ?
J'aimerais qu'un historien de l'art de sexe masculin se donne la peine ici de venir éclaircir cet épais et douteux mystère, pour l'édification de tous.
Merci d'avance.





Premier portrait : portrait supposé de Jane Grey par un certain "Master John" (attribué).
Deuxième portrait : Elisabeth Ire âgée de 13 ans par Levina Teerlinc.

vendredi 6 août 2010

Hippomène, Atalante et Stéphanie Mercier

Le mythe d'Hippomène et d'Atalante, complètement oublié aujourd'hui, est encore un de ces thèmes récurrents de la peinture flamande et italienne de la fin du XVIe / début du XVIIe siècle.

Je ne vais pas décrire le mythe dans son intégralité mais uniquement la scène qui en est traditionnellement tirée : une course entre un homme et une femme. L'homme, Hippomène, jette des pommes d'or derrière lui pour freiner la femme, Atalante, qui ne manque pas de les ramasser, et perd ainsi la course.




Est-ce une parabole sur le gaspillage opposé à la thésaurisation ? Une métaphore sur la compétition qui exige des sacrifices (stupides, souvent) que la femme ne serait pas prête à faire ?



Toujours est-il que Hippomène se déleste tandis qu'Atalante se leste. Hippomène a comme unique priorité de monter au sommet du podium. Il est prêt à tout (saccager ?), il veut payer le prix. Il paie en pommes d'or (en planètes bleues ?).



Il ne pense qu'à sa gloire, Atalante pense à la vie. Les pommes nourrissent, l'or est précieux, la gloire est éphémère. J'invite ceux/celles qui le souhaitent, à me faire part de leur interprétation.



Juxtaposée à la série de peintures (Rubens, Jordaens, Reni, entre autres) : une vidéo satirique sur la compétition homme/femme, de la dessinatrice Stéphanie Mercier du Bizelle blog avec son aimable autorisation.


jeudi 5 août 2010

Pernette du Guillet, pimpante poétesse


Lyon est donc au début du XVIe siècle, un important centre intellectuel. L’école poétique lyonnaise, regroupant notamment Maurice Scève et Louise Labé, constitue un moment essentiel de l'histoire littéraire entre Marot et la Pléiade.
Née à Lyon en 1520, Pernette du Guillet reçoit une éducation soignée, parlant l’italien et l’espagnol. A seize ans, elle est l’élève de Maurice Scève et l’inspiratrice de son recueil "Délie", objet de plus haute vertu. Mais l’amour entre eux se révèle impossible, Pernette étant promise à M. du Guillet qu’elle épouse en 1538.
Elle meurt à 25 ans, le 7 juillet 1545, emportée par une épidémie de peste. A la demande de son mari, l’érudit Antoine du Moulin examine les feuillets où elle consignait ses poésies et les fait éditer dans leur confusion originelle, sous le titre de :

Rymes de gentille et vertueuse dame Pernette du Guillet, lyonnaise, Lyon, Jean de Tournes, 1545.

Comme je ne sais laquelle choisir de ses rimes car elles sont toutes pimpantes et sautillantes comme dut l'être Pernette, j'ai copié la plus rigolote, bourrée de jeux de mots, que voici :

A un sot rimeur, qui trop l'importunait d'aimer

Tu te plains que plus ne rimasse,
Bien qu'un temps fut que plus aimasse
À étendre vers rimassés,
Que d'avoir biens sans rime assez :
Mais je vois que qui trop rimoye
Sus ses vieux jours enfin larmoye.

Car qui s'amuse à rimacher
À la fin n'a rien à mâcher.

Et pource, donc, rime, rimache,
Rimone tant et rime hache,
Qu'avecques toute ta rimaille
N'aies, dont tu sois marri, maille :
Et tu verras qu'à ta rimasse
Comme moi feras la grimace,
Maudissant et blâmant la rime,
Et le rimasseur qui la rime,
Et le premier qui rimona
Pour le grand bien qu'en rime on a.
Et tu veux qu'à rimaillerie
Celui qui n'aura maille rie ?

Je te quitte, maître rimeur,
Et qui plus a en sa rime heur,
En rime lauds, en rime honneurs,
Ensemble tous tels rimoneurs.

mercredi 4 août 2010

Jeanne Flore, la "compteuse"




Voici la présentation du mystérieux ouvrage réédité en 2005 par une grande spécialiste de la Renaissance (décorée des Palmes académiques l'année dernière) :


Jeanne Flore (auteur supposé) ; édité par Régine Reynolds-Cornell

Depuis leur parution, à Lyon, sans doute au début des années 1540, les Comptes amoureux par Madame Jeanne Flore, touchant la punition que faict Venus de ceulx qui contemnent & mesprisent le vray Amour restent pour tout amateur de littérature de la Renaissance une source constante d'énigmes et de paradoxes, loin d'être tous résolus en dépit de la pléthore d'articles que cette oeuvre a déclenchée. Pour quelques-uns, c'est un canular ; quant aux autres, les opinions sont partagées. Certains y voient un divertissement misogyne, d'autres une simple invitation hédoniste aux plaisirs des sens sans arrière-pensée et sans message ultérieur. D'autres encore considèrent les Comptes Amoureux comme un manifeste protoféministe, et plus fréquemment un réquisitoire contre le mariage arrangé. Quant à Madame Jeanne Flore, aucun des écrivains résidant à Lyon entre 1530 et 1547 ne semble avoir rencontré l'érudite auteur qui n'a écrit qu'une oeuvre et est immédiatement retournée dans l'ombre d'où les Comptes l'avaient sortie. Aucun poème ne lui est dédié, elle n'est citée dans aucun ouvrage de l'époque, même en passant. Les critiques semblent maintenant accepter d'un commun accord qu'il ne s'agit pas d'un auteur unique et que les Comptes sont l'oeuvre de plusieurs auteurs anonymes résidant ou réunis à Lyon à l'époque. Leur identité est longtemps restée nébuleuse et l'est encore pour plusieurs des contes, mais il est permis de penser qu'une nouvelle génération de chercheurs, traquant les théories de l'amour et le style ici mis en oeuvre, découvrira quelques pistes inexplorées.



Je vais tenter, quant à moi, d'illustrer cette présentation de livre par quelques détails qui, je l'espère, permettront de se faire une idée plus précise de ce dont il est question dans ces fameux "Comptes" :

Pour qu'il y ait conte, il est nécessaire, au préalable, de partir d'un événement à caractère injuste qui, au cours du récit, tend à s'abolir et à laisser place à une situation plus juste capable de satisfaire le/la lecteur/trice.

Dans le Compte premier, l'injustice se niche dans une union au plus au point dépareillée entre une jeune fille de quinze ans et un vieillard de soixante-six ans : un impareille mariageentre une adolescente et uneinfamie et pourriture de mary est-ce ainsi formulé dans le conte.

L'héroine qui est mise sous clef par son mari jaloux, prie la bonne déesse Vénus qu'il luy pleust briefvement la getter hors de celle calamiteuse vie“. Vénus entend sa prière et lui envoie un jeune et bel amant du nom d'Andro.

Cecomptea été attribué, par des spécialistes, à deux mysogynes notoires : Étienne Dolet et Gratien du Pont (j'ai déjà mentionné G. du P. ici), parce que la ville de Toulouse apparaît dans l'histoire (ville où Étienne Dolet a vécu deux ans) et à cause de l'évocation d'unhomme rougeaud(Gratien du Pont ayant été roux ou ayant eu le visage rouge).

Pourtant ce conte me paraît plutôt gynophile et cet extrait m'a l'air d'un esprit assez féminin :

Le plus souvent nous summes par le vouloir et choix de nos parens joinctes par l'adamantin lien de mariage à viellars chanuz qui ont jà un pied en la fosse : et avec ces corps de glace nous sommes contrainctes user nos maljeureux ans, en quelle peine Dieu le scait.

Cependant, d'après Janine Incardona, le conte en question n'aurait pas été écrit pour la „défense“ de la femme mais comme „défense“ du mariage dont la procréation aurait été considérée comme la fonction première puisque le thème de la stérilité et de la fertilité revient à plusieurs reprises au cours du récit.

On tentait, en effet en ce temps , de redéfinir l'institution du mariage en préconisant de le retarder pour les femmes, menacées dans leur santé par des grossesses prématurées, et avec des maris ne dépassant pas trente ans d'écart d'âge, si possible. Les vieillards étaient de plus en plus considéré comme inféconds et surtout incapables de procurer du plaisir à leur jeune femme à laquelle ils inspiraient du dégoût, ce qui n'étonnera sans doute personne. Le plaisir sexuel partagé passait pour la première fois peut-être dans l'Histoire (je n'en suis pas sûre du tout) pour particulièrement favorable à la conception, par la médecine du XVIe siècle, en plein essor.

Un ouvrage en faveur de la réforme du mariage ? Une ordonnance médical ? Ou un parallèle entre la femme et la nature, la "Flore" y jouant un rôle de premier plan par toutes sortes de descriptions bucoliques ? Des contes de fées pour adultes avec une histoire en forme de variante de Raiponce, et une autre assez semblable à la Belle au bois dormant ?....

Toujours est-il que dans "L'émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance 1520-1560", de Michèle Clément et Janine Incardona, Régine Reynolds-Cornell suggère que certains contes auraient bien pu être écrits par Hélisenne de Crenne ou Marguerite de Navarre. Marguerite de Navarre dont le célèbre "Héptaméron" a quelques troublants points communs avec les "Comptes" et principalement le plaidoyer pour le mariage d'amour, très présent dans les débats des devisant-e-s :

Pour entretenir la chose publicque en paix, l'on ne regarde que les degrez des maisons, les aages des personnes et les ordonnances des loix, sans peser l'amour et les vertuz des hommes, afin de ne confondre poinct la monarchye. Et de là vient que les mariages qui sont faictz entre pareils, et selon le jugement des parens et des hommes, sont bien souvent si différens de coeur, de complexions et de conditions que, en lieu de prendre un estat pour mener à salut, ilz entrent aux faulxbourg d'enfer.

En fait, j'y vois également un réquisitoire contre le mariage arrangé. Mais au-delà de passages parfois misogynes, qui peuvent très bien avoir été écrits par une femme, finalement, la pluralité des styles contribue largement à faire penser que derrière cette oeuvre se dissimulent non pas une, mes des "Jeanne Flore".

lundi 2 août 2010

Claude de Taillemont, promoteur de la littérature féminine



Après quelques publications féminines ponctuelles antérieures émanant de princesses, un livre de femme du peuple paraît à Lyon au début des années 1540 : „Les comptes amoureux par Madame Jeanne Flore“.

Sur le modèle du „Décaméron“ de Boccace, des histoires „sentimentales“ sont commentées par une réunion de conteuses fictives. Les commentaires sont ponctués de „cheres compaignes“, „cheres et amoureuses compaignes“, „cheres et amoureuses compaignes“, cheres mes dames“. Ce livre féminin s'adresse à un public féminin.

Michèle Clément parle d'une „émergence littéraire des femmes à Lyon à la Renaissance“ due à „une volonté de redéploiement du champs littéraire“ car „Aux comptes amoureux“ succèdent les „Rymes“ de Pernette du Guillet, les „Oeuvres“ de Louise Labé, et un texte destiné „aux nobles dames lyonnaisesqui est attribué à Jean Scève ainsi que la „Louenge du bal“ d'un certain Jean de Tournes (qui signe J.D.T.) et qui est adressé lui aussi „Aux dames“.

Un redéploiement du champs littéraire vers un public féminin, donc, mais aussi vers une production au féminin.

Ainsi des imprimeurs/libraires/éditeurs publient des oeuvres feminines selon cette chronologie :

Le „Caresme prenant du coeur bienheureux“ de Marguerite de Navarre (par Pierre de Sainte-Lucie qui reprend une publication d'Augureau).

À la resqueste de treshaulte et puissante princesse“ d'Anne de France (par Pierre de Sainte-Lucie, 1534).

Les „Angoysses douloureuses qui procèdent d'amours“ d'Hélisenne de Crenne (par Denis de Harsy, v. 1539).

Les „Comptes amoureux“ de Jeanne Flore (par Francois Juste sous le titre de „La Pugnition de l'amour comtempté“, 1540 ; et Denis de Harsy sous le nom des „Comptes amoureux“, 1542).

Les „Rymes“ de Pernette du Guillet (par Jean de Tournes, 1545).

La Fable du faux cuyder“ de Marguerite de Navarre (par Jean de Tournes, 1547).

Les Marguerites de la Marguerite des princesses“ de Marguerite de Navarre (par Jean de Tournes, 1547, réédité par Guillaume Roville, 1549).

Le Triomphe de l'Agneau avec la complainte d'un prisonnier“ de Marguerite de Navarre (par Pierre de Tours, 1549).

Les „Oeuvres“ de Louise Labé (par Jean de Tournes, entre 1555 et 1556).

Cette production débute par un „Épître aux dames lyonnaises“ d'Antoine du Moulin demandant solennellement aux dames d'écrire et de publier. Plusieurs hommes le soutiennent dans cette démarche : Maurice Scève, Jean de Vauzelles, Jean de Tournes et le mari de Pernette du Guillet.

Claude de Taillemont (v. 1504 ? - 1548 ?) s'ajoute à cette liste en relayant cette demande en 1553 dans le „Discours des champs faez à l'honneur et exaltation de l'amour et des Dames“. Comme dans „Les Comptes amoureux“, ces discours sont agencés sur le modèle du Décaméron de Boccace. Claude de Taillemont y loue les dames et en appelle explicitement à la création féminine. Cela se passe juste avant l'épître de Louise Labé à Clémence de Bourges (voir Louise Labé, les preuses et les peureuses).

C'est la raison pour laquelle les spécialistes doutent que Jeanne Flore soit l'autrice de ses „Comptes amoureux“ et même qu'elle est réellement exister. Ils pensent que ce livre est une construction destinée à encourager la production féminine. Mireille Huchon a préféré douter de Louise Labé qui est plus médiatique, personne ne connaissant les „Comptes amoureux de Madame Jeanne Flore“.

Les "Comptes Amoureux" proviendrait de la collaboration de plusieurs personnes, femmes comprises.

Mais le doute subsiste et il n'existe pas moins de 17 études actuelles, uniquement consacrées à l'oeuvre de Jeanne Flore !

En attendant de citer des passages des "Comptes Amoureux", je prête la parole à Claude de Taillemont qui en serait l'un des co-auteurs, pense t-on, du fait de ses "Discours", sans contexte très pro-féministes :

N'a esté jusques aujourd'hui le vouloir et consentement de nos prédecesseurs, tant misérables et pervers, que mus des erreurs d'autrui ou de leur propre ignorance, ils n'ont permis aus esprits féminins gouter ce doux fruit de science et doctrine (…) Mais que signifie qu'il y a encore de tels fols au monde, lesquels sans aucune considération, diesent et maintiennes la femme ne pouvoir ni devoir savoir aucune chose ? (…) Si elles estoient instruites es lettres, comme les hommes, je m'ose bien pour elle promettre l'avantage...

dimanche 1 août 2010

Affaire Louise Labé : la SIEFAR a eu, en son temps, la même tentation !


Bon, visiblement, d'autres ont eu avant moi l'idée (quoique restée sous forme de tentation) de renvoyer la contestation d'existence, à la contestataire : ici un article de la Société Internationale pour l'Etude des Femmes de l'Ancien Régime ou SIEFAR, dont j'extrais cette phrase :

Quant à nous, nous sommes à ce point subjugués par l’efficacité de la méthode [d'Huchon pour prouver l'inexistence de L.L.] que la tentation nous est venue de l’appliquer pour démontrer de façon tout aussi irréfutable que Mireille Huchon n’est pas l’auteur de son essai, mais qu’il est l’œuvre canularesque d’un certain nombre de maîtres-assistants familiers des éditions Droz et animés en sous-main par Marc Fumaroli.

Un article passionnant signé
Henri Hours et Bernard Plessy.

Sinon, un sonnet de Louise presque approprié à la situation :

SONNET I


Si jamais il y eut plus clairvoyant qu'Ulysse,
Il n'aurait jamais pu prévoir que ce visage,
Orné de tant de grâce et si digne d'hommage,
Devienne l'instrument de mon affreux supplice.

Cependant ces beaux yeux, Amour, ont su ouvrir
Dans mon coeur innocent une telle blessure,
-Dans ce coeur où tu prends chaleur et nourriture-
Que tu es bien le seul à pouvoir m'en guérir.

Cruel destin ! Je suis victime d'un Scorpion,
Et je ne puis attendre un remède au poison
Que du même animal qui m'a empoisonnée !

Je t'en supplie, Amour, cesse de me tourmenter !
Mais n'éteins pas en moi mon plus précieux désir,
Sinon il me faudra fatalement mourir.