vendredi 20 mai 2011

Pistion et Fortunie au Québec ou la souffrance des femmes intéressent-elles seulement les hommes ?

"Les amours de Pistion et de Fortunie" d'Antoine du Périer, 1601, donne quelques indications non négligeables sur la sexualité de nos ancêtres, les (coqs) gaulois. L'auteur situe l'action au Québec. C'est, à l'aube du XVIIe siècle, le premier roman qui transporte ainsi le/la lecteur/rice au "Nouveau Monde". Et il se trouve dans ces pages une intéressante scène de dépucelage. Un dépucelage totalement consenti, certes, mais qui, néanmoins, à lire les plaintes de la jeune fille s'apparente plutôt à un viol puisque le jeune homme, Pistion, ne semble pas du tout se préoccuper de ce que ressent sa bien-aimée. Elle pousse des cris de souffrance, elle pleure : il n'en tient aucunement compte. Elle finit par lui dire :

quel plaisir peux-tu tirer de mes soupirs et de mes douleurs? Ne veux-tu point arrester un peu ceste furieuse passion qui me tue? Te sera-t-il reproché de faire des funérailles, au lieu des noces de ta Fortunie, qui t'honore plus que soi-même? Refuseras-tu la vie à ta chère épouse, qui abattue de tes coups de la demande, que tu ne voudrais ôter au plus cruel de tes ennemis, si couvert de sang comme moi, il la requerrait à ta courtoisie? Que si pour te donner du contentement j'ai reçu de l'affliction, encore est-il raisonnable que tu retranches, pour l'amour de moi, quelque peu ce plaisir qui me fait tant de peine. Si tu as passé tant de jours sans avoir autre faveur que de me voir et de parler à moi, combien te dois-tu maintenant estimer heureux d'être couché auprès les lys et des roses de ce beau visage que tu peux amoureusement baiser quand tu veux! Que ces yeux qui ont allumé dans ton coeur ces vives flammes, te fassent maintenant pitié par ces larmes de leur affliction qui les veulent éteindre.“

Ce à quoi Pistion répond :

Belle Princesse, vous n'en mourrez pas, croyez-moi, et la douleur que vous appréhendez, vous serait une autrefois autant qu'à ce coup insupportable, ce sont de douces morts que celles du mariage, que quelque jour vous désirerez plus souvent que les courtoisies que vous me demandez ; quelle apparence y a-t-il qu'en la possession de vos beautés il me reste encore du désir, qui rendoit mon amour imparfaite?“


Traduction : qu'elle cesse de se lamenter, "il n'y a pas mort d'homme" et elle va s'habituer.

Comme quoi le viol peut se nicher dans la relation amoureuse elle-même, mais on dirait que c'est uniquement un ressenti féminin car pour l'homme de cette histoire, apparemment, il n'y a PAS viol. La souffrance exprimée de toutes les manières possibles ne veut rien dire pour lui.

A ce propos et à propos des événements qui agitent la France actuellement :

quelques bribes de l'interview de la québecquoise Denise Bombardier dans cette vidéo :

"on a oublié qu'il y avait une victime potentielle...on a tout de suite inversé"

"les grands ténors sont montés aux créneaux : "c'est notre amîîî, il n'est pas violêênt"..."

"Il n'y a que les femmes qui savent si les hommes sont violents dans leur sexualité parce que...ce sont les femmes qui sont avec les hommes !"

"non, il n'y a pas eu cette retenue...elle n'a été appliqué que par quelques personnes"

"quand j'arrive en France et que je vois cela..."

"chez vous...il n'y a pas de sympathie pour la femme violée"

"j'ai entendu l'un de ces hommes dire une f...ation même obligatoire, c'est quand même pas un viol !"

"vous vivez encore dans un machisme archaïque"


Peut-on lui donner tort ?

[Cette vidéo est également relayé ici avec un témoignage bouleversant qui assure]

14.13 h : Emelire me signale une pétition à signer ici pour enfin sortir du pléistocène ! Et sur les victimes présumées de viol un article de Mix-Cité Paris ici

17 commentaires:

  1. Nuance à "il n'y a que les femmes qui savent si les hommes" : les homosexuels existent.

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  2. A JEA : oui j'y ai pensé, en effet, et je viens de rajouter des bribes de l'interview parce que Mme Bombardier dit cela dans un contexte précis difficile à rendre (mais je n'arrive pas à mettre la vidéo sur mon blog).
    Mais en dehors de tout contexte précis, les hommes aussi, bien entendu, sont exposés à la violence masculine dans leur sexualité. Loin de moi l'idée de les exclure !

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  3. J'ajoute que les femmes dont la sexualité n'a rien à voir avec les hommes sont elles-aussi exposées à la violence sexuelle masculine. Bref tout le monde sans exception.

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  4. Excellente Denise Bombardier ! Luc Ferry en parlait bien hier sur LCI (où il fait son Muppet Show avec Julliard tous les vendredis sur tous les sujets !). Cette semaine également, chez Calvi, C dans l'air sur France5, c'est un homme qui a spécifié ce qu'est juridiquement un viol devant les autres invités et Calvi gênés (alors qu'on est sur le service public !) : une pénétration de n'importe quel orifice par des doigts, un sexe ou un instrument, tout objet pénétrant ; je préfère le rappeler pour les dinosaures à trois neurones, si jamais il en passait par ici ! Je me demande aussi s'il n'y a pas une carence dans l'éducation des mecs dans ce pays à ce niveau : une telle indifférence/ignorance crasse sur ces sujets, c'est hallucinant.

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  5. A Hypathie : oui, vraiment ! Toute une éducation à revoir ! Pour parler de sexe sur un ton égrillard tout le monde s'y met allègrement mais dès qu'il s'agit de respect, tout le monde pique de nez comme s'il avait honte. Que font les parents ? Que fait l'école ?
    Je viens d'un peu lire les journaux allemands : ils se demandent comment le fait de harcéler les femmes peut être interpréter en France comme faisant partie de la sphère privée ? Ca les dépasse.
    Et un truc qui m'a fait rire : ils écrivent que le comportement de DSK avec les femmes avait autant de point commun avec de la drague qu’une lettre de l’ETA revendiquant un attentat en a avec une lettre d’amour. J’aime bien l’humour des allemands.

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  6. Je ne vois pas le rapport avec le pléistocéne .
    La violence n'est pas une résurgence d'un état archaïque que le progrés tendrait à effacer .
    Je ne crois pas non plus que la violence soit un état de nature . Personnellement je pense que la violence c'est décider de ce que l'autre doit être . Donc je pense que la violence c'est le pouvoir sur les autres . La civilisation ne nous éloigne en rien de la violence , simplement elle lui donne de nouvelles formes , elle la complexifie .A mon sens tout pouvoir quel qu'il soit est violence . IL ne peut exister de pouvoir sans exercice de la violence donc plus un humain détiend de pouvoir plus il lui est loisible d'exercer la violence . Dans les sociétés civilisées il existe un monopole et une hiérarchisation de l'exercice de la violence au profit des castes les plus élevées et au détriment des castes inférieures .
    C'est mon point de vue ...

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  7. A Stéphanie : et je le partage. Le pléistocène c'était une plaisanterie pour rebondir sur le thème de l'archaïsme. Je pense que dans la société québecquoise on veille justement un peu à ne pas trop donner de pouvoir à une seule personne et ceci est un progrès vers lequel on devrait tous tendre. Une société sans hiérarchie, sans pouvoir et avec juste des compétences, c'est possible.
    Car le sexisme (qui est une violence) est sans conteste lié au pouvoir. C'est la raison pour laquelle partout où les compétences sont démultipliées, le sexisme s'atténue. En France, par contre, on est en pleine régression vers l'absolutisme. Quant au pouvoir d'un directeur du FMI il se rapproche assez de maître du monde !

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  8. Bien dommage que ce soit l'itw de D Bombardier qui soit relayée.
    Rappel: pour cette dame, les hommes sont victimes de discrimination, malheureux, mal dans leur peau, et même psychologiquement "castrés" à cause des féministes.
    Un ex
    http://www.peuplesmonde.com/spip.php?article556

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  9. A mebahel : je cherche en vain dans ton lien le nom de Denise Bombardier puis qu'il s'agit d'un article sur la papesse du pseudoféminisme : mame Badinter. Très bon article d'ailleurs !

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  10. "Badinter s’appuie sur des antiféministes américaines notoires, comme l’anthropologue Gayle Rubin, tête de file et théoricienne depuis les années 80 du courant lesbien sadomasochiste et "queer" (6). Ce courant voit les inégalités de pouvoir comme faisant partie intégrante de la sexualité. Idée reprise tant par É. Badinter que par Denise Bombardier au Québec (7). "

    Cet article pour qu'on puisse faire le parallèle entre EB et DB qui justement usent des mêmes stratagèmes mutatis mutandis:-)

    SQur le masculinisme de DB:
    http://vsites.unb.br/ih/his/gefem/labrys14/textos/melissa.htm
    Et GIYF de toute façon :-)

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  11. "SQur le masculinisme de DB" Pardon, coquilles !
    Lire "Sur le masculinisme dont DB"

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  12. Ton billet rappelle aussi que le viol conjugal est une notion assez récente qu'il est encore difficile de faire entrer dans les mentalités. De nombreuses femmes subissent encore les assauts répétés de compagnons qui ne voient même pas où est le problème. Comme si le couple (avec amour ou pas dans l'histoire) était synonyme de consentement absolu.

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  13. A mebahel : ah oui en effet ! C'est surprenant qu'elle puisse venir tenir des discours féministes ici alors qu'elle en tient des masculinistes là -bas !
    Heureusement que de mon côté je rencontre des hommes qui rêvent de voir mettre à bas le patriarcat parce que ton article sur les mouvements militants masculinistes fait vachement peur !

    A Héloise : ah ben ca me fait plaisir que quelqu'une réagisse au texte de cet ancien roman ! Je ne sais pas trop ce que l'auteur a pensé en décrivant cette scène. S'il se place du point de vue de l'homme ou de la femme ou s'il ne se place d'aucun point de vue. Néanmoins si le viol conjugal n'était pas considéré comme un viol, la possible souffrance des femmes dans le couple était connue. Le lendemain de la nuit de noce de Jeanne d'Albret, comme la mariée était gaie, on a dit du marié "il ne lui a pas fait beaucoup de mal" mais je ne sais pas ce que cette réflexion signifie : pas assez mal ? ou heureusement ? ou il a été adroit ? Difficile à dire.

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  14. "C'est surprenant qu'elle puisse venir tenir des discours féministes ici alors qu'elle en tient des masculinistes là -bas !"
    Bah non c'est logique: elle a comme ça une crédibilité maximale.
    Faut savoir qu'au Canada les masculinistes avancent à découvert et sans trop de pbme.
    En France, ils sont agissants bcp plus en sous main, ils réseautent le politique surtout (et même feue la Halde) ce qui est pire, finalement.

    "la possible souffrance des femmes dans le couple était connue. "
    Je suis en train de relire E Viennot, et en effet, la souffrance des femmes était, pour ainsi dire, connue comme à la fois leur lot, leur destin et la preuve qu'elles en étaient vraiment (des femmes).

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  15. A mebahel : oui le francais de base est quand même bien sournois, il faut le reconnaître.

    Qu'est ce que tu lis d'Eliane Viennot ???? Il faut absolument que tu me le dises !!!!

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  16. Hé bien mais je relis simplement "La france les femmes et le pouvoir", tomes 1 et 2, j'attends désespérement le tome3
    http://elianeviennot.fr/FFP-livres.html

    L'assertion plus haut sur la souffrance des femmes court au long de je ne sais plus quel chapitre...

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  17. Merci mebahel, je sais quel livre commander d'elle maintenant !

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