à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps et autres aventures...
jeudi 20 janvier 2011
De Yaël à Marilyn
Artemisia Gentileschi : Yaël tuant le général Sisera
Petite réflexion sur le concept d'héroïne et de femme forte à travers les âges :
De l'Antiquité au XVIe siècle jusqu'à la Révolution, on célébrait communément des femmes qui s'étaient distinguées pour avoir débarrassé leur peuple d'un tyran. Elles s'appelaient Tomyris, Judith, Esther, Déborah et Yaël. J'ai déjà mentionné la popularité de Judith qui éclipsait à peine celle de Yaël, autre grande figure biblique. Selon la prophétie de Déborah, Yaël tue le chef d'armée canaanéen délivrant ainsi le peuple d'Israël de la domination canaanéenne.
On trouve peut-être autant de Yaël que de Judith dans la peinture. Ici quelques Yaël :
Yaël Yaël Yaël Yaël Yaël,,Yaël Yaël Yaël Yaël Yaël etc....
On commandait donc beaucoup de toiles, de fresques, de sculptures, d'enluminures, d'oeuves littéraires, lyriques et théâtrales ayant pour thèmes ces héroïnes-là, auxquelles les femmes souhaitaient secrètement ressembler (comme pour Judith, on ne voyait pas l'aspect "assasinat" dans leur acte de bravoure). Mais, petit à petit, à partir de l'époque baroque, on voit les goûts s'orienter lentement mais sûrement vers les grandes tragédies amoureuses sur fond de pouvoir avec, par exemple, Phèdre, Clélie, Bérénice et Athalie.
Au XIXe siècle, le registre change encore : femmes de pouvoir mais jouets des événements avec "Cléopâtre" et "Marie Stuart", mais aux moeurs dissolus avec "Lucrèce Borgia" ou simplement courtisane de roi : "Marion Delorme" ; puis moins encore, comme "La dame au camélia" : comédienne sans nom. Cependant on s'identifie mal à des perdantes tragiques qui vendent leurs faveurs tout en souffrant de la tuberculose. Si bien que l'admiration va glisser du sujet de la toile à celui/elle qui l'a peinte, du rôle interprété à celle qui l'interprète. Dès le XXe siècle les comédiennes deviennent des stars. D'abord, de théâtre, comme l'a été la grande Sarah Bernhardt. Elle n'a pas été la première grande comédienne internationale mais certainement la première comédienne héroïsée. Puis la première star de cinéma à être fabriquée pour emporter le coeur des foules sera l'actrice américaine Marilyn Monroe, alors même qu'elle ne joue pas de rôles plus flatteurs que ceux de filles complètement anonymes et particulièrement paumées. A partir de Marilyn Monroe, c'est l'avènement des femmes qui n'ont aucun pouvoir si ce n'est celui d'incarner d'autres personnes qu'elles-mêmes au cinéma. Elles sont vénérées comme des déesses et leur visage, leur corps sont reproduits à l'infini sur affiches, calendriers, tableaux, objets en tout genre, vêtements, meubles et enseignes au néon. L'art les porte aux nues, des parfums sont créés à leurs noms, elles sont imitées dans leur allure par toutes les adolescentes de la planète. Les femmes qui existent en tant qu'elles-mêmes, les femmes de pouvoir, les femmes qui prennent des risques pour les autres (sans pour autant assassiner des tyrans, je ne fais pas non plus l'apologie du meurtre) ne sont pas magnifiées autant que ces femmes dont l'identité consiste à perdre la leur dans des films à succès. Méditons ce phénomène qui a beaucoup à dire sur l'esprit de notre société.
Le contrepied s'appelerait, par exemple, l'activiste écologiste francaise Cécile Lecomte, qui conjugue activisme et escalade. (Pour les germanophones uniquement: Cécile sur youtube ) mais heureusement pour elle, on n'imprimera peut-être jamais son visage sur un sac !
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Et Yaël Naïm ... Tu crois qu'elle est biblique?
RépondreSupprimer...))
A Simon Gaetan : merci, je ne la connaissais pas. Jolie voix (je viens de me renseigner sur elle sur internet). En tout cas, son prénom l'est...biblique. Et comment !;)
RépondreSupprimerBonjour Euterpe, en te lisant je pensais à Simone Veil....mais pas de toile d'elle à ma connaissance...oui?
RépondreSupprimerBon weekend, il neige ici à Majorque.
Effectivement, tee-shirts, sacs, parfums, accessoires, tableaux (ceux de Andy Warhol) : tout désigne la femme-objet (sens littéral). Et toujours seconde : il n'y a qu'à voir l'affiche du dernier film de Clint Eastwood "Au-delà" où Cécile de France pourtant contente d'avoir eu le rôle est 5 pas derrière Matt Damon !
RépondreSupprimerhttp://www.telerama.fr/cinema/films/au-dela,425076.php
Et c'est vrai que ces héroïnes antiques ou blibliques avaient une toute autre envergure !
A Colo : Simone Veil ou Simone Weil ? En tout cas les adolescentes ne connaissent ni l'une ni l'autre !;)
RépondreSupprimerDe la neige à Majorque ? Super ! Alors tu dois être ravie, je pense ! Ici aussi la neige s'est remise à tomber...
A Hypathie : Dans ce cas ce n'est plus la "femme-objet" mais la "femme faire-valoir"...pauvre Cécile de France !
On remarque quand même aujourd'hui qu'il y a eu de grandes héroïnes dans l'Ancien Testament (et pas dans le Nouveau), du fait de l'intronisation des femmes dans le rabbinat : http://www.lexpress.fr/actualites/2/une-femme-rabbin-en-allemagne-la-premiere-depuis-1935_934034.html.
@ Euterpe
RépondreSupprimerFemme-objet et donc femme-proie, je suis en plein dedans en ce moment. Ca me questionne et je m'attache à faire le lien entre les deux phénomènes.
Yaël Naïm, j'ai reçu son dernier album en cadeau. Je te conseille "She was a boy" ;)
Est-ce que le commerce les magnifie ? Je dirais plutôt que la publicité ou la mercatique banalise, lisse les images qu'elle récupère et reçycle en objets de consommation. Billet intéressant, Euterpe, je ne connaissais pas Yaël.
RépondreSupprimerA Héloise : femme-objet, oui, dans un monde où l'objet est plus important que le sujet. Et femme-proie, aussi, c'est vrai, dans la mesure où l'objet est destiné à être posséder.
RépondreSupprimer"She was a boy" ? Ohoh ! Je vais l'écouter, merci ;)
A Tania : en effet, c'est l'emballage, l'enveloppe de leur personne stylisée et vidée de sa substance qui est magnifiée, comme dans le cas de l'animal empaillé. Au XIXe siècle George Sand dénonce le commerce d'oiseaux et d'animaux sauvages que les chasseurs tuent sur commande pour alimenter les taxidermistes en "produits" à empailler servant à l'ornementation intérieure. C'est un peu le même principe. Anima(l) = âme. Ici on tue l'âme des êtres pour en travailler l'enveloppe jusqu'à la rendre décorative à souhait. L'enveloppe est tout, l'âme n'est rien. C'est la philosophie du commerce.
A Emelire : pour moi il y a un lien avec le fait de placer l'être humain au centre de la création au lieu de le placer PARMI les créatures vivantes, toutes, plantes comprises, et le fait de ne pas respecter la vie mais seulement son apparence.
RépondreSupprimerCeci se traduit par une vénération de la science et des techniques qui est percu comme capable de régler tous les problèmes. Exactement comme ce qu'on prêtait autrefois à Dieu ou aux dieux.
Le respect va donc aux choses mortes et brillantes dont l'or est le symbole premier. L'avidité du gain s'est développé continuellement depuis la civilisation romaine. On est aujourd'hui arrivé au paroxysme du délire de rapacité, de prédation au nom de l'or. On sacrifie maintenant tout et tous. Petit à petit le vivant disparaît mais NOUS AUSSI. Même si nous sommes plusieurs milliards sur la Terre, l'essence de notre être est quand même en train d'agoniser. Notre essence disparaît et ce qui est curieux c'est que l'essence en tant que carburant disparaît aussi. Comme un symbole. L'apocalypse prédit par ceux qui sont à la base de cette folie a déjà commencé apparemment.
Néanmoins il ne faut pas baisser les bras. Comme dirait Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde.»