dimanche 6 février 2011

Les "shakespearables" dont Amelia Bassano Lanier



Se prononcer pour ou contre l'hypothèse que suggère cette image ne saurait constituer un sujet de débat valable et il serait tout à fait ridicule de choisir ici son camp à moins d'être un.e "shakespeariste" confirmé.e, et encore.
C'est pourquoi décider comme Roland Emmerich de réaliser un film sur Shakespeare en prenant position pour une théorie déterminée, cela relève d'une démarche essentiellement liée à la "politique de genre", disons, un genre à la fois sexuel et social. C'est à dire que lorsqu'un riche homosexuel réalise un film dans lequel Shakespeare se révèle n'être autre, lui aussi, qu'un riche homosexuel, il s'agit ni plus ni moins que de donner des lettres de noblesse à une sorte de "caste".
Ce paramètre est exactement celui qui m'intéresse.
Objectivement la caste "riche homosexuel" est loin d'être aussi discriminée que la caste "femme", pauvres et riches confondues.
Que l'on soit indifférent ou non à la question de l'identité de Shakespeare, il est certain que les femmes ont tout autant et même bien plus à gagner que les homosexuels masculins dans le cas où Shakespeare s'avérerait être l'"une" des leurs.
D'autant que la dissimulation de la véritable identité est mille fois plus justifiée pour une femme.
En supposant qu'une autrice du XVIe siècle ait voulu signer de son nom réel des pièces de théâtre comme le fait aujourd'hui librement Yasmina Reza, cela lui aura été parfaitement impossible.
Rappelons nous que cette époque est antérieure à celle où l'on nomma péjorativement les femmes de lettres "femmes savantes". Parmi les femmes déjà présentées sur ce blog qui ont laissé une oeuvre littéraire, rien ou presque de leurs oeuvres n'a paru de leur vivant, même pas l'Heptaméron de Marguerite de Navarre (piqué par un homme après sa mort qui s'en est attribué la paternité avant que Jeanne d'Albret ne reconnaisse l'oeuvre de sa mère). Seuls les poèmes de Louise Labbé qui inspirent aujourd'hui encore tant de suspicion ont échappé à cette règle.
Une femme qui pensait et écrivait, une "savante" donc, était dans ce temps un objet de divertissement au même titre que le furent plus tard "les précieuses ridicules" de Molière.

Quelle oeuvre féminine possède de nos jours une réputation à la hauteur de celle de Shakespeare ? Quelle oeuvre féminine est-elle reconnue comme majeure, indispensable, incoutournable et géniale par hommes et femmes réunis ?

Et imaginons l'arme que serait contre la violence envers les femmes dans le monde une oeuvre reconnue comme de génie absolu ayant eu pour créatrice une femme !

En ce sens, on ne peut nier qu'un enjeu social considérable est attaché à l'identité sexuelle de Shakespeare .

(Ce texte écrit à la va-vite de bonne heure ce matin a été remanié ultérieurement à sa publication c'est-à-dire ce soir).

7 commentaires:

  1. wouah ! moi, je verrais bien Adjani dans le rôle de Shakespeare !!! déjà qu'elle a été Marguerite de Navarre et Camille Claudel. Tiens, je lui en parle la prochaine fois que je la vois ;))) (je rigole)

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  2. A lucia mel : je vois ce que c'est : tu associes Isabelle Adjani et cols élizabéthains ! Il faut dire qu'ils lui vont particulièrement bien ! :)
    Juste un détail : pour la reine Margot, je préfère dire "Marguerite de Valois" afin de la distinguer de sa grande-tante.
    C'est au théâtre en Marie Stuart que notre Isabelle nationale a porté ce genre de col (qui n'était pas à la mode en France au XVIe siècle) : http://1.bp.blogspot.com/_hqLlBRBmH6E/SnsyeY8m3fI/AAAAAAAAI6E/Mg6fL6ktld0/s1600-h/1364_900367378_abf0_H210629_L.jpg
    on la confondrait assez avec une reine des glaces (ou du sucre glace) avec cette dentelle amidonnée disposée en éventail !:D

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  3. C'est vrai -et ton billet est très juste sur le sujet- qu'il y a plus invisible que les homosexuels (hommes !), ce sont les femmes ! Dans le monde des arts et des lettres, ils sont sur-représentés (qu'est-ce qu'il resterait dans les musées et les bibliothèques si on en retirait toutes les œuvres produites par des homos et des lesbiennes, encore plus invisibilisées ?), ce qui démontre qu'ils ont sans doute une sensibilité particulière. Effectivement, quand un-e artiste majeur-e est gay ou lesbienne, c'est socialement important pour eux qu'on le sache, donc pour les femmes, c'est la même chose. PS pour faire écho à la remarque d'Héloïse dans le billet du dessous : j'ai l'impression qu'il y a un "lieu" artistique où les lesbiennes sont historiquement numériquement importantes, c'est dans le cinéma américain, à la mise en scène et la production notamment.

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  4. A Hypathie : les lesbiennes sont peut-être numériquement importantes dans le cinéma américain, je n'en sais rien mais cela m'étonnerait fort qu'elles bénéficient du même capital de sympathie et des sommes astronomiques que les hommes d'affaires investissant dans le cinéma fournissent aux gays, afin qu'ils réalisent leurs films bien bourrés de clichés sexistes. Il y a une unanimité entre hétéros et non-hétéros ... masculins, bien sûr, sur la manière de présenter le monde au cinéma. Les lesbiennes font sans doute du cinéma d'art et d'essai qui n'est même pas présenté au festival de Cannes, j'imagine.

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  5. Le cinéma d'art et d'essai au Etats-Unis s'appelle cinéma indépendant ( c-a-d des grands studios). Je ne vais pas faire de outing ici (il suffit de s'intéresser au cinéma et de lire un peu la presse pour avoir quelques idées) mais... non, leur cinéma n'est pas confidentiel. Elles font ou participent à des films aussi "gros" que ceux des hommes, grosses productions, gros budgets, grosses promotions. Elles rachètent des droits, elles produisent (trouvent les financements). Je pense à deux ou trois en particulier. Elles ne sont pas très nombreuses et elles doivent certainement être très combatives.

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  6. Hormis The L World, production pour hétéros, les lesbiennes sont invisibles sur les écrans. Je pense notamment à ce film avec Sean Penn, Harvey Milk, où une militante lesbienne fait une apparition plus que discrète. Idem pour TêtuE en France qui est un appendice de Têtu. Et la Gay Pride ? Son appellation se passe de commentaire ... Et là, le problème ne vient pas de l'homosexualité mais de l'invisibilité (= déni sociétal) dont souffrent les femmes, lesbiennes ou pas.

    Quant à l'unanimité misogyne qui rassemble hétéros et homos, elle n'est plus à démontrer. Comme tu le dis, Euterpe, les gays se sont appuyés sur les revendications féministes pour avancer mais n'ont jamais bougé un orteil pour les femmes.

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  7. A Hypathie : je m'intéresse énormément au cinéma, c'est pour cela que je m'étonne de cette histoire de cinéma lesbien parce que je ne trouve pas que ce que tu en dis saute aux yeux.
    D'autant qu'ici les films pour gays/lesbiennes sont représentés dans le programme ciné général + bénéficient d'une page à part en supplément si bien qu'on peut difficilement passer à côté sans s'en apercevoir.

    A Héloise : tout à fait d'accord. Les lesbiennes n'ont pas de traitement de faveur mis à part qu'elles s'organisent en réseaux "underground". Sinon "gay pride" en effet sans compter que chez nous, il y a aussi le "Christopher Street Day". Cela fait deux gay pride pour le prix d'une.

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