dimanche 17 octobre 2010

Ne me touche pas

On compte parmi les sujets bibliques volontiers traités par les femmes en matière de peinture, la scène où le Christ apparaît à Marie-Madeleine après sa résurrection et lui dit "Noli me tangere" (ne me touche pas).



"Noli me tangere" de Lavinia Fontana




"Noli me tangere" de Fede Galizia


Contrairement à son apparence, c'est une image qui glorifie en quelque sorte la femme parce qu'elle témoigne de l'importance qui lui est accordée par Jésus. En effet, il choisit l'une d'entre elle, et non pas l'un de ses apôtres masculins, pour aller porter la Bonne Nouvelle de son retour dans le monde des vivants.
Marie-Madeleine se prosterne d'autant plus bas qu'elle est honorée de la tâche insigne qui lui est confiée. Cependant Jésus refuse qu'elle le touche pour vérifier que sa chair est palpable. Elle doit le croire sur parole.
Maintenant si on émet l'hypothèse murmurée de plus en plus fort, qu'en fait, Marie-Madeleine était la femme de Jésus, d'aucun affirmant qu'il n'aurait su être célibataire, en ce temps-là personne ne l'ayant été, la scène du "Noli me tangere" prend alors un tout autre sens. On ne s'étonne plus qu'il apparaisse en premier lieu à son épouse, et s'il ne veut pas qu'elle le touche, c'est parce que les privautés sont à remettre à plus tard (:)), la mission de prévenir les apôtres passant en premier. A moins que ce ne soit un message machiste du style : "ne me touche pas avec ton humanité profonde, femme, je veux rester un monstre froid et ne voir en toi qu'un objet", ce qui expliquerait peut-être bien des dérives actuelles...

Donc Lavinia Fontana et Fede Galizia se sont plues toutes deux à représenter cette scène pour rappeler que Jésus himself a confié une mission importante à une femme : annoncer rien moins que la Résurrection du Christ.



De nombreux hommes (Le Titien, Le Corrège, etc) ont aussi représenté la scène intitulée traditionnellement "Noli me tangere".
Je retiens cet étrange tableau de Pontormo où Jésus, censé dire "Ne me touche pas" à Marie-Madeleine, lui touche lui-même les seins !
Cette représentation masculine de la scène a peut-être pour message : "Ne me touche pas, c'est moi qui prend l'initiative" ou "qu'est ce que c'est que ces protubérances sur le devant de ton corps ?"

On aura compris que je m'amuse. Néanmoins le talent pour la peinture ne signifie pas que le peintre plane loin au-dessus de ces obsessions ou terreurs refoulées, de ces rêves ou de ces désirs. Même en peignant le Christ et Marie-Madeleine, on peu parler de soi !

16 commentaires:

  1. Que Marie Magdeleine ait été l’épouse de Jésus ou qu’elle ne l’ait pas été ne change rien au propos, puisque dans les deux cas elle est gratifiée d’une apparition surnaturelle et c’est là que réside toute la beauté et la grandeur du récit, peut-être même le mystère.

    «  Jésus lui dit :« Marie !» Se retournant , elle lui dit en hébreu: «  Rabbouni !» ce qui veut dire : « Maître ». Jésus lui dit: « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Saint Jean 20 , 16

    La femme est vraiment très honorée de cette marque divine. Si je me risquais à une comparaison, qui de toute façon sera inadéquate car pour tenter d’expliquer les choses divines les mots demeurent toujours insuffisants, c’est un peu comme si Jésus lui disait : ne me touche pas, tu pourrais te brûler, attends que je sois « élevé » au ciel. Il cherche à la préserver d’un « feu » divin, la gloire divine, que sa nature humaine n’est pas en état de supporter. Beaucoup plus qu’une très grande marque de confiance, c’est une grâce.

    En revanche Pontormo pervertit la scène. Libre à lui de peindre une scène érotique, ça ne me gêne nullement, mais pas à l’occasion de ce passage d’évangile qu’il détourne volontairement de son propos. En pervertissant le message, il tente de souiller nos esprits en introduisant une malveillance caractérisée qui dénature le propos originel.
    L’embêtant pour lui, c’est qu’étant démasqué, il se discrédite lui-même, tant pis pour lui. Il se déshonore. Dommage.

    fa#

    RépondreSupprimer
  2. A Fa# : je trouve sincèrement très belle votre description de la grâce divine inscrite dans cette scène, mais je trouve que présenter Marie-Madeleine comme une prostituée si elle a été la femme de Jésus, c'est une ignominie. N'oublions pas le nombre de tableau qui la représente en pécheresse repentie alors que nous savons bien que s'il y a prostituée le client de prostitué.e.s est le premier pécheur !
    Quant à la peinture de Pontormo, elle est encore plus ancienne que celles de Lavinia Fontana et de Fede Galizia et visiblement personne n'a rien trouvé à y redire alors que c'est une commande d'église.
    Si Marie-Madeleine était reconnue comme l'épouse de Jésus, ce que vraisemblablement elle a été, la portée mystique et spirituelle de cette scène n'y perdrait rien, au contraire. J'ai toujours été fascinée par la mystique quelle que soit la religion. Mais Jésus célibataire apparaissant à une prostituée, non décidément je ne peux pas m'y faire.

    RépondreSupprimer
  3. sujet qui me passionne entre tous ;)) pour ce qui est de la place de Marie de Magdala auprès de Jésus, il y a outre l'évangile apocryphe qui lui est attribué, les travaux de Jean-Yves Leloup (entre autre). J'en ai parlé un peu sur mon blog, voici des liens :

    http://www.luciamel.com/article-17980893.html

    http://www.luciamel.com/article-la-rumeur-de-la-rumeur-dit-que-la-rumeur-dit-48015943.html

    Elle était non une prostituée mais la première disciple de Jésus, car, il ne faut pas l'oublier, lui a permis à des femmes de le suivre, et d'être ses disciples, lui a défendu la femme adultère contre la lapidation (pratiquée par les juifs). Marie Madeleine était parmi les plus proches, il nous serait difficile de dire qu'elle était la qualité de leur relation... vu qu'on se place à un niveau de spiritualité dépassant un peu notre commune mesure, voire notre entendement.

    Marie Madeleine, même pour l'église catholique, n'est plus considérée comme une prostituée... quand Jésus lui apparaît. Suivant la thèse de J.-Y. Leloup, elle ne le fut même jamais, elle était lettrée, de bonne famille, une femme libre en son temps (il apporte des éléments pour étayer cette thèse), d'où sa mauvaise réputation, et la transformation de femme libre en "prostituée".

    RépondreSupprimer
  4. corriger "quelle était la qualité de leur relation"

    RépondreSupprimer
  5. Oh non, surtout aucun sens machiste dans cette scène... je dirai même cette très belle scène!!!
    Tout au long de son ministère, Jésus a mis les femmes à l'honneur... on peut même dire qu'il rend continuellement hommage aux femmes et elles lui rendaient bien... Si ses disciples ont fini par prendre la fuite, elles, elles ne l'ont jamais abandonné.
    Jésus est le plus bel exemple qu'il soit car il prenait la défense des femmes à une époque où personne ne le faisait.
    Malgré leur mauvaise volonté (sur ce sujet), les rédacteurs des évangiles ne sont pas arrivés a gommer l'importance donnée aux femmes par Jésus tout au long de son ministère...

    RépondreSupprimer
  6. Pour ce que j'en sais (mais je peux me tromper), Marie-Madeleine est le résultat du mélange entre plusieurs femmes, soit la femme adultère qu'il sauve en passant (et qui sera considérée plus tard comme une prostituée) et la sœur de sainte Marthe et saint Lazare, qui lui lave les pieds et les essuie de ses cheveux quand il leur rend visite. Elle fait parie des saintes femmes et se serait elle du noli me tangere. Des fois on lui rajoute aussi sainte Marie l'Egyptienne qui est partie en pèlerinage à Jérusalem est a payé sa traversé avec ses charmes.
    Par ailleurs (là c'est un avis personnel), je vois pas pourquoi il n'apparaîtrait pas à une prostitué, vu certain de ses prêches (Mathieu 21.31 Je vous le dis en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume de Dieu.) Et vue ses principes où la conversion est plus importante que le rang social.

    RépondreSupprimer
  7. Comparaison et illustrations intéressantes, Euterpe. Pour renchérir sur "Fille du Midi" à propos de Jésus et des femmes, j'ai pensé en te lisant à l'essai de France Quéré sur "Les femmes de l'Evangile" (Seuil, 1982). Celle-ci suugère plusieurs interprétations dont celle-ci: ""Cesse de me toucher", tu verras mieux encore. Va dire aux disciples que le Christ monte. Ainsi l'enseigne-t-il à croire, non avec ses sens, mais "en esprit et en vérité"."

    RépondreSupprimer
  8. A lucia mel : je ne savais que tu avais traité le sujet ! Très intéressant ! Néanmoins, tu écris toi-même qu'on lui attribue un évangile apocryphe non reconnu dans le canon biblique de l'Eglise. Et pourquoi ne reconnaît-on pas l'évangile de Marie-Madeleine ? Parce que cette religion est virilocentrée. Ce qui, je te le concède, ne respecte pas l'esprit du meneur Jésus dont (saint) Paul a fait un Dieu.

    A Fille du Midi : je faisais de l'humour ! Je considère aussi Jésus comme totalement pro-féministe. C'est la représentation qui en est faite ainsi que celle de Marie-Madeleine, la soit-disant prostituée qui me déplaît. Toute une civilisation est fondée sur cette histoire originelle.

    A Dorcha : prostituée ce n'est pas un rang social, c'est une infâmie. C'est comme "violée". Violée n'est pas une extraction sociale. Ce n'est pas une profession non plus. Aucune petite fille ne rêve de devenir plus tard prostituée. Celles qui le deviennent ont subi un traitement psychologique de pétrification dont elles n'ont pas conscience sinon elles se suicideraient immédiatement. C'est pourquoi dégrader une femme au rang de prostituée dans une histoire originelle, c'est honteux. Elle est d'ailleurs stigmatisée alors que les hommes qui utilisent ses "services" ne sont même pas évoqués.

    A Tania : J'ai un peu parcouru le net à la recherche d'un compte rendu du livre de France Quéré. J'ai trouvé un article d'elle sur sa foi enfantine et ce qu'il en est resté par la suite.
    Mais rien de très exhaustif sur son livre. Par contre j'ai découvert le "féminisme chrétien". Il y a un wiki http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9minisme_chr%C3%A9tien voilà une initiative qui me plaît bien car ayant été catéchisé dès le berceau et ayant fait toute ma scolarité chez les bonnes soeurs, j'aimerais assez voir évoluer ce milieu que je fuis tout en y restant en partie scotchée puisque, comme dirait Heimito von Doderer "L'enfance c'est comme un seau qu'on vous renverse sur la tête etc...".

    RépondreSupprimer
  9. Euterpe : quand on a "baigné " dans ce milieu et cette éducation dès le berceau on n'arrive jamais à s'en défaire. Pourquoi est-ce que ça nous colle à la peau, c'est la question que je ne parviens pas à élucider totalement, sans doute parce qu'on en garde le meilleur et qu'on désire ardemment "l'épurer" sans cesse.
    On n'en a pas fini d'interpréter le message, peut-être en sommes-nous aux balbutiements.
    En effet 2000 ans c'est peu finalement, entre les dérives et les erreurs, y a de quoi faire encore ...
    Les écclésiastiques le reconnaissent eux-mêmes: l'Eglise cherche à se sanctifier jour après jour et ça passe par tous les modes, toutes les vies, toutes les raisons, toutes les sensibilités féminines et masculines.
    On avance lentement.

    fa#

    RépondreSupprimer
  10. Euterpe : il existe des évangiles apocryphes attribués à des hommes... (presque tous les apocryphes le sont d'ailleurs, un seul étant attribué à une femme) : l'évangile de Thomas, par exemple.

    RépondreSupprimer
  11. Bon, je suis athée donc je n'aurai pas le même ressenti que les commentatrices précédentes: ces tableaux et leur titre me choquent. Marie-Madeleine à genoux, le regard implorant et Jésus magnanime et supérieur, tout a un relent des plus machistes à mes yeux.

    On nous fait tout un flan avec un Jésus qui n'est probablement après tout que la somme des prophètes qui vaticinaient en ces temps instables. Le bouche à oreille déformant, la volonté de désigner UN "sauveur" ont certainement contribué à créer ce qui n'est certainement qu'une légende qui a pris. Une légende qui s'y croit drôlement ... franchement, comme il se la joue trop ce type ;)

    RépondreSupprimer
  12. A fa# : dans mon cas, c'est plutôt un certain ressentiment qui m'y attache. Je trouve que l'on ne devrait jamais confier des enfants à des gens qui font voeu de célibat et n'ont donc pas eux-même d'enfants. Aucun ecclésiastique rencontré dans cette période ne m'est resté favorablement en mémoire. Alors je m'interroge encore et encore sur le pourquoi du comment.

    A lucia mel : oui, je sais, tu en parles sur ton blog mais Jésus aimait Marie-Madeleine plus que ses disciples, cela revient dans plusieurs évangiles, tel un leitmotiv. Son évangile devrait logiquement être à la première place. D'autant qu'il n'est que prétendument apocryphe d'ap. ce que j'en sais.

    A Héloise : Jésus a bel et bien existé mais il serait probablement choqué d'apprendre qu'un culte de sa personne existe depuis sa mort. L'initiateur du culte de la personne de Jésus s'appelle Saül rebaptisé Paul par lui-même.
    Jésus était sans doute marié et sans doute avec Marie de Magdala, dite aussi Myriam, ce que souligne Dorcha (elle a raison de dire qu'on désigne Marie-Madeleine sous divers noms mais c'est la même). Bref, ce qui est intéressant c'est de constater que Marie Madeleine habite les esprits.
    Au départ, j'ai choisi de présenter ces tableaux pour montrer que paradoxalement ils voulaient démontrer l'importance de la femme !
    J'imaginais même un tableau inversé : Marie Madeleine disant à Jésus prosterné devant elle : "ne me touche pas".
    Mais il ne faut pas sous estimer les symboles. Marie Madeleine se promène en douce dans l'inconscient féminin. Athée ou pas. Aujourd'hui comme hier.

    RépondreSupprimer
  13. Ah! mais je ne disais pas que Jésus n'avait pas existé mais que son histoire avait été certainement agrémentée de celle des nombreux prophètes qui pullulaient en cette époque chaotique où l'on avait besoin d'espérer. C'est en ce sens que Jésus est une légende, au sens propre du terme.

    RépondreSupprimer
  14. A Héloise : à moins qu'il se soit mis en scène en fonction des attentes des gens (Messie, etc) et que l'impact (à retardement) ait été plus puissant que prévu d'où cette déification qui s'en est suivi de quelqu'un qui était juste une sorte de Che princier mystique ayant des talents particuliers de guérisseur. Mais pour ce qui est du chaos, Israel et la Palestine doivent avoir un mauvais "karma tellurique", si je puis m'exprimer ainsi:) parce qu'aujourd'hui ca ne s'est pas arrangé !

    RépondreSupprimer
  15. Dans le film d'Abel Ferrara, "Mary" (http://www.imdb.com/title/tt0425236/), Marie-Madeleine est décrite comme l'apôtre la plus brillante du Christ (ce qui lui vaut la jalousie des autres !).

    Cette version me semble plus radicale que l'idée selon laquelle elle aurait été son épouse, rôle plus banal après tout.
    Même si l'un n'empêche pas l'autre !

    RépondreSupprimer
  16. A Kith : merci de cette info intéressante. J'ignorais totalement l'existence de ce film !

    RépondreSupprimer