à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps et autres aventures...
samedi 23 octobre 2010
Attention écoutez on me nie !
Cette Marie Madeleine dite de Burgos qui se trouve donc dans la cathédrale de Burgos en Espagne, est attribuée à un certain Giovan Pietro Rizzoli dit Gianpietrino, élève de Léonard de Vinci, le peintre spécialisée dans les représentations picturales codées, ainsi que les écrits. Mais Léonard ne fut pas le seul à s'entourer de précautions pour exprimer des idées indisposant l'Église. Il y avait, à la même époque, l'astrologue Nostradamus, dont toute l'oeuvre est codée, parce qu'il s'intéressait comme beaucoup mais un peu plus peut-être, aux hiéroglyphes égyptiens, soit aux religions antérieures au christianisme. Quant à ceux comme le médecin et astrologue pro-féministe Corneille Agrippa, le médecin Vésale, et autres "intellectuels" qui n'avaient pas envie de coder leur travail et en avaient les moyens, s'installaient à Strasbourg ou à Bâle, par exemple, où la liberté d'expression était relativement grande. Ailleurs, on risquait de se retrouver en prison comme Renée d'Este, Bonaventure des Périers et Clément Marot, pendu comme Antoine Augureau ou tout bonnement brûlé vif comme Louis de Berquin, Étienne Dolet et Michel Servet.
Ce tableau est assez étrange. Marie-Madeleine semble cacher ses seins mais pourrait aussi bien tenir un enfant dont on verrait le sommet du crâne.
Ce tableau date du début du XVIe siècle. Antérieurement à lui, on trouve des représentations de Marie Madeleine enceinte de Rogier van der Weyden et de Lucas Cranach, qui, pour ce dernier, représente Jésus tenant Marie Madeleine enceinte, par la main, les doigts entrecroisés. Possible que ce genre de scène ne convenait plus à l'Église au temps de la Réforme, après que Luther ait fustigé le célibat des prêtres et prôné le mariage de tous les ecclésiastiques sans exception.
Quant à l'inscription qui orne le cadre, il contient en haut à gauche où les lettres sont inversées, le message caché suivant :
ATS EA OID NEGA MI ATS
Entre les ATS, on peut lire ceci : "ea oid nega mi" ce qui signifie "attention écoutez on me nie". Comprendre : on nie la femme.
C'est aussi le message caché dans la fameuse Cène de Léonard de Vinci que le roman policier de Dan Brown "Da Vinci Code" a célébré. Marie-Madeleine est menacé d'un couteau tandis qu'une main sous sa gorge fait le geste de la lui trancher.
Ce portrait ressemble assez à la Marie Madeleine du Titien qui, elle-même, évoque Agnès (de "agnos" = chaste), sainte qui selon la légende, aurait été jetée nue dans un lupanar mais dont les cheveux auraient aussitôt miraculeusement poussé pour dissimuler son corps. Là encore : est-ce un encore un message subliminal pour dire que Marie-Madeleine ne fut pas plus une prostituée qu'Agnès, la martyre chrétienne ? Mystère, mystère...la femme innombrable incarne t-elle ce trouble dissociatif de l'identité propre aux femmes parce que sans image, parce que anonymes, parce que niées ?
D'autres Marie-Madeleine de Gianpietrino (autre nom de Gian Pietro Rizzoli) ici, du Titien ici, de Veronese ici, de Guido Reni ici et là dans un style officiel.
Son cas empire avec le temps de van der Weyden en 1435 ici à Daumier en 1848 là
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Plus on avance, plus le mystère s'épaissit...
RépondreSupprimerJ'avais vu ce tableau à Burgos, tes explications lui donnent un sens que je n'avais pas du tout perçu.
Ces diverses et belles représentations de Marie Madeleine (merci pour tous les liens), femme multiple, du moins perçue ainsi par des artistes qui ont le mérite dene pas l'avoir enfermée dans la seule catégorie de pécheresse.
Bonne semaine Euterpe.
A Colo : en plus, il paraît que ses cheveux dans le bas du tableau forme le mot JECCE qui se rapporte à l'arbre de Jesse mais j'ai du mal à distinguer les lettres en question donc je ne l'ai pas mentionné dans l'article.
RépondreSupprimerJ'ai également vu cette peinture à Burgos. Elle m'a d'abord parue mal peinte, biscornue. Puis je suis tombée par hasard sur un site qui en analysait les éléments que je trouvais étranges. Merci Colo. Bonne semaine à toi aussi !
Ce qui me frappe en voyant tous ces tableaux et au-delà des messages codés, c'est comme Marie-Madeleine est dévêtue, les seins visibles malgré une chevelure extrêmement luxuriante, et présentée sexuée -selon les critères de l'époque, c'est entendu, mais tout de même ! Sans être collet monté, la comparaison avec l'autre Marie (mère du Dieu), habillée et voilée est très en contraste.
RépondreSupprimerMoi aussi cela me choque. Je commence à penser que la pub, la photo, le cinéma ne font que perpétuer quelque chose qui a démarré à la Renaissance : s'autoriser à dénuder les femmes dans "l'art". Au XVIe siècle, sous prétexte de retour à l'esthétique gréco-romaine, aujourd'hui, sans prétexte particulier, ce n'est plus la peine. Lorsqu'on prend le thème "Le Jugement de Pâris" où Pâris détermine laquelle de Junon, de Minerve ou de Vénus est la plus belle, de la Renaissance au XXe siècle, on s'apercoit que ce sujet est juste une occasion de représenter trois femmes entièrement dévêtues. Il n'y a aucun autre motif là derrière.
RépondreSupprimerAlors peut-être a t-on déclaré Madeleine fille publique, pour pouvoir étaler de la chair féminine en images, sans le moindre respect envers la pudeur des femmes.
Oui Euterpe, ton analyse me semble tout à fait justifiée et l'hypocrisie n'en est pas à ses premières armes. On sait bien que pour être baisée, c'est-à-dire non "respectée" (c'est quand même dingue d'avoir à nous penser putes pour nous désirer...), les hommes ont besoin grâce à la religion qui les y aide constamment à trouver des moyens détournés dont celui de nous rabaisser. S'ils imaginent la "mère" qui est en nous (la Marie qui sommeille... et je pense au film d'Eustache "La maman et la putain"...), c'est bien connu, c'est fichu, on peut se rhabiller. Attitudes qu'en psychanalyse on nommerait processus pervers d'ailleurs...
RépondreSupprimerPour ce qui nous concerne,de quoi ai-je besoin en tant que femme pour éprouver le désir, sinon de l'amour ou de la simple attention que l'on m'accorde...? Nous sommes assez "simples" au fond et la mécanique masculine bcp plus tordue.
J'ai l'impression que les hommes ont été traumatisés par l'église eux aussi...
Comme quoi, le combat est assez commun aux hommes et aux femmes pour une émancipation harmonieuse.
A b.b.b. : en fait la religion (christianisme, etc...) n'est pas le problème, à mon avis, car des religions, il y en a beaucoup qui ne se nomment pas comme cela. Par contre elle est un excellent instrument d'oppression des femmes parce que l'oppresseur ne se désigne pas directement, il désigne "Dieu", la science, etc...Il se dédouane. Si la mécanique masculine est tordue cela vient du fait qu'en opprimant, on s'aliène soi-même. On n'en ressort pas indemne. Mais l'oppresseur est assez stupide pour rendre l'opprimé responsable de son aliénation, alors même que c'est lui qui détient la clé du problème! C'est le même principe que les riches qui rendent les pauvres responsables de leur pauvreté.
RépondreSupprimerL'Eglise dit maintenant "pêcheresse" en sachant et reconnaissant que ça veut dire (possédé par des démons, malade, dépressive, mélancolique, anomalie physique de naissance, etc...) dans le contexte de l'époque, tous ces mots voulaient dire possédé (la mélancolie était reconnu comme possession)
RépondreSupprimerCe sont des erreurs des nombreux copistes qui ont traduit et changé le mot "pêcheresse" en "prostitué"...
L'Eglise reconnait l'erreur sans aucun problème !!!
Je voudrai ajouter quelque chose... Je suis agnostique donc je n'ai aucun avantage à défendre l'Eglise qui a fait du mal pendant des siècles mais il faut reconnaitre que les choses ont bien changé.
RépondreSupprimerL'Eglise d'aujourd'hui n'est plus celle qui a brûlé Giordano Bruno et torturé bien d'autres. Même si il reste beaucoup de résistance sur certains sujets comme par exemple l'avortement, les préservatifs, etc. les choses ont beaucoup évoluées. Il y a des prêtres et des évèques très bien, très instruits et très larges d'esprit.
Pour ce qui est de la contraception, les préservatifs, etc. chaqu'un fait ce qui lui plait et l'Eglise le sait... elle ne peut tout de même pas dire <>
Les sectes et d'autres religions sont beaucoup plus a critiquer et craindre que les pauvres catholiques qui en perdent tous les jours... et c'est très grave car ils faisaient un bon équilibre... puis comme on dit : <>
C'est bizarre mais moi je suis triste de voir les églises de plus en plus vides... (bon, ce n'est quand même pas pour ça que je vais aller à la messe dimanche !!!)
A Fille de Midi : reconnaître ses erreurs, c'est bien, mais il faudrait faire plus. Un geste symbolique, par exemple. L'Église pourrait abolir des décrets sexistes promulgués lors de nombreux conciles. Reconnaître ses erreurs oralement, ne suffit pas !
RépondreSupprimerDe plus, l'Église continue à s'acharner sur les femmes par le biais de la contraception et de l'avortement, s'entête dans le célibat des prêtres et vient de déclarer que l'ordination d'une femme constitue un grave délit. Quel délire !
Alors si les églises sont vides c'est peut-être aussi du à cette fossilisation d'idées misogynes qui passaient déjà mal au XVIe siècle où on était encore proche de l'époque des temples consacrés à des déesses c-à-d au "féminin sacré" que l'Église veut à tout prix éradiquer. Je suis d'ailleurs d'accord : les sectes évangélistes sont encore pires!
Mais n'oubliez pas toutes que le christianisme est une secte qui a réussi à s'implanter, tout simplement...
RépondreSupprimerà bric à brac baroque : je ne l'oublie pas, rassure-toi.
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