lundi 11 octobre 2010

Les aventures extraodinaires de Marie Héroët, épisode 4


"Ainsi s'en alla cet hypocrite à Saint-Martin, auquel lieu ce méchant feu qu'il avait en son coeur ne cessa de brûler jour et nuit, et de chercher toutes les inventions possibles pour venir à ses fins. Et pour ce que sur toutes choses il craignait l'abbesse, qui était femme vertueuse, il pensa le moyen de l'ôter de ce monastère. S'en alla vers Madame de Vendôme, pour l'heure demeurant à La Fère où elle avait édifié un couvent de saint Benoît nommé le Mont d'Olivet. Et comme celui qui était le souverain réformateur, lui donna à entendre que l'abbesse du Mont d'Olivet n'était pas assez suffisante pour gouverner une communauté, la bonne dame le pria de lui en donner une autre qui fut digne de cet office. Et lui, qui ne demandait autre chose, lui conseilla de prendre l'abbesse de Gif pour la plus suffisante qui fût en France. Madame de Vendôme incontinent l'envoya quérir, et lui donna la charge de son monastère du Mont d'Olivet. Le prieur de Saint-Martin, qui avait en sa main les voix de toute la religion, fit élire à Gif une abbesse à sa dévotion. Et après cette élection, il s'en alla audit lieu de Gif essayer encore une autre fois si, par prière ou par douceur, il pourrait gagner soeur Marie Héroët. Et voyant qu'il n'y avait nul ordre, retourné désespéré à son prieuré de Saint-Martin, auquel lieu, pour venir à sa fin et pour se venger de celle qui lui était trop cruelle, de peur que son affaire fût éventée, fit dérobée secrètement les reliques dudit prieuré de Gif, de nuit. Et mit à sus au confesseur de léans, fort vieil et homme de bien, que c'était lui qui les avaient dérobées ; et pour cette cause, le mit en prison à Saint-Martin. Et durant qu'il le tenait prisonnier, suscita deux témoins, lesquels ignoramment signèrent ce que Monsieur de Saint-Martin leur commanda : c'était qu'ils avaient vu dedans un jardin ledit confesseur avec soeur Marie en acte vilain et déshonnête. Ce qu'il voulut faire avouer au vieux religieux. Toutefois lui, qui savait toutes les fautes de son prieur, le supplia l'envoyer en chapitre, et que là, devant tous les religieux, il dirait la vérité de tout ce qu'il en savait. Le prieur, craignant que la justification du confesseur fût sa condamnation, ne voulut point entériner cette requête. Mais, le trouvant ferme en son propos, le traita si mal en prison que les uns disent qu'il y mourut, et les autres qu'il le contraignit de laisser son habit et de s'en aller hors du royaume de France. Quoi qu'il en soit, jamais depuis on ne le vit".

(à suivre)

Le portrait est une oeuvre du photographe néerlandais Hendrik Kerstens né en 1956.

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