jeudi 28 octobre 2010

Anne de Graville, poétesse et traductrice

Réécriture de la première traduction (Le livre de Thezeo) de la Teseida de Giovanni Boccaccio.
C'est le beau rommant des deulx amans Palamon et Arcita et de la belle et saige Emylia translaté de viel langaige et prose en nouveau et rime par ma damoiselle Anne de Graville La Malet dame du Boys Maslesherbes du commandement de la royne.
A la royne
Si j'ay empris ma souveraine dame
comme ignorante et peu sçavante femme
ozer a vous la ou gist tout sçavoir
faire present de ce que ay peu avoir...

Ainsi commence une adaptation de la Thésaide de Boccace traduit de l'italien par Anne Malet de Graville (1490? - 1540?).

Anne de Graville est née vers 1490, au château de Marcoussis. Son père, Louis Malet de Graville est amiral de France, sous Anne et Pierre de Beaujeu, et sous Louis XII. Anne de Graville a accès à l'importante collection de manuscrits et d'imprimés de son père, une des librairies les plus riches à cette époque, et devient elle-même collectionneuse, notamment de quatre manuscrits de Christine de Pizan, auxquels elle a apporté quelques corrections et ajouts. On retrouve ses devises sur plusieurs de ses manuscrits: musas natura, lacrymas fortuna [la nature m'a donné les muses, la fortune les larmes], "J'en garde un leal" et "Garni d'un leal", ces deux dernières étant des anagrammes de son nom.
Entre les années 1506-1510, elle épouse clandestinement son cousin maternel, Pierre de Balsac d'Entraigues. Son père la déshérite et les biens et revenus de Pierre de Balsac sont saisis à la requête de l'amiral. Les époux tombent dans la misère. Anne de Graville donne naissance à onze enfants. Une de ses filles, Jeanne, épousera Claude d'Urfé (héritier de la riche librairie), qui sera ambassadeur de France au Concile de Trente et grand-père d'Honoré d'Urfé, l'auteur célèbre de L'Astrée.
Anne de Graville rentre comme dame d'honneur au service de la reine Claude, première épouse du roi François Ier. C'est cette reine qui, entre 1515 et 1524, commande les deux oeuvres connues d'Anne de Graville. Plus tard, vers 1530, Anne de Graville se lie d'amitié avec Marguerite de Navarre et, à l'instar de celle-ci, s'intéresse non seulement aux questions religieuses mais héberge plusieurs exilés réformés.
La première oeuvre que compose Anne de Graville est un ensemble de soixante et onze rondeaux inspirés de La belle dame sans mercy d'Alain Chartier (1424). C'est le biographe Carl Wahlund qui a découvert ces rondeaux et les a identifiés comme étant l'oeuvre d'Anne, qui n'avait pas signé ce travail de son nom, mais de sa devise maintenant bien connue: "Ien garde un leal". Ces rondeaux sont le résultat d'un remaniement visant à rendre plus explicite et moins ambiguë la position d'Alain Chartier, dans le débat pro et contra au sujet de la femme. En effet, celui-ci avait causé une controverse avec son poème, interprété aussi bien comme une défense que comme une condamnation de la dame vertueuse.
Le succès de cette première oeuvre pourrait avoir valu à la poétesse une commande de "translation" du roman épique de Boccace, intitulé Teseida delle nozze d'Emilia et composé vers 1340.
L'adaptation d'Anne de Graville s'intitule Le beau romant des deux amans Palamon et Arcita et de la belle et saige Emilia et date des environs de 1521. Il en existe aujourd'hui six copies manuscrites différentes. Cette épopée-roman raconte comment deux amis valeureux, Palamon et Arcita, en viennent à se battre pour l'amour d'une dame vertueuse, Emylia.
Anne a connu une certaine popularité de son vivant, principalement à la cour. Mais elle est rapidement tombée dans l'oubli, et ce jusqu'à la fin du XIXe siècle. Au tournant du siècle, le philologue suédois Carl Wahlund (1846-1913) a suscité plusieurs travaux sur l'importance historique de l'écrivaine; au XXe siècle, les études traductologiques et féministes ont permis à de nouveaux lecteurs de découvrir son oeuvre.
(source)

(Heureusement qu'un suédois s'est intéressé à elle....)

4 commentaires:

  1. finalement, il vaut mieux, n'étant pas nobles, ni, pour ce qui me concerne, d'un milieu aisé, être nées en notre temps, si imparfait mais qui a vu une femme élue présidente d'un très grand pays d'Amérique latine : le Brésil.

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  2. A lucia mel : d'accord avec toi bien qu'au XVIe siècle, il n'y a qu'en France que sévissait la loi salique pour empêcher les femmes de gouverner. Il faut bien en avoir conscience !

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  3. je crois que cette loi empêchant les femmes de gouverner en France se perpétue...

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