à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps et autres aventures...
samedi 26 mars 2011
La fin de la Nature ?
Tandis que les becquerels nagent la brasse lentement mais continuement en direction de nos côtes, plongeons encore une fois notre regard dans ce monde précartésien, non empreint de rationalisme dogmatique d'avant les Lumières et observons plus attentivement sa perception de la Nature qui n'était certes pas celle d'une inépuisable source de profit comme elle l'est devenue à notre époque dont l'idéologie dominante est hypermatérialiste. Dans l'un de ses livres, le célèbre historien Lucien Fèvre invoque à propos de la notion d'âme à l'époque de Rabelais le Physiologie de Jean Fernel, où il est dit que - tous les corps, tous les êtres vivants ont une âme, proportionnée à leurs besoins spécifiques. Les végétaux possèdent une âme naturelle ; les animaux, une âme sensitive ; l'être humain cumule ces âmes inférieures avec une âme d'essence supérieure, la sienne spécifiquement : l'âme intellective. Les âmes apparaissent l'une après l'autre chez l'ê.h. : avec le foetus, l'âme naturelle ; avec l'enfant, l'âme sensitive qui retient à elle et s'annexe l'âme naturelle ; avec l'adulte enfin, l'âme intelligente et raisonnable qui a son tour absorbe la sensitive, elle-même grosse de la naturelle : toute une hiérarchie d'âmes qui, partant de la Nature et des plus humbles fonctions naturelles s'élèvent jusqu'à Dieu et la contemplation divine. Mais chaque fois qu'un degré est franchi, une sorte d'absorption et d'assimilation s'opère. De même que l'âme des animaux, la sensitive, préside à la fois aux fonctions que ces êtres partagent avec les végétaux, et à toutes de leur vie spécifiquement animale - de même, au degré supérieur, l'âme intellective des ê.h. manifeste simultanément son énergie selon les modes naturel, sensitif et intellectuel... Au siècle suivant, ce fut comme avec les trois Madeleine, on ne trouva plus d'âme autre part que chez l'homme (pour la femme, ce n'était déjà plus très sûr non plus, alors qu'au XVIe siècle cela ne faisait tellement pas de doute que le philosophe élève de Descartes Pierre Bayle rapporte dans un ouvrage à lui, en se raillant, l'anecdote citée par Brantôme où Marguerite de Navarre tente de capter perceptiblement (voir ou entendre quelque chose de) la séparation de l'âme et du corps de l'une de ses femmes de chambre agonisante). De fil en aiguille, les végétaux et les animaux n'ayant plus d'âme, sont devenus des choses. Des instruments à notre service. Nous nous servons, donc. Le résultat se passe à 10 000 km de nous. Vous allez me dire : L'âme ! Mais qui se fiche de l'âme ? Qui croit en l'âme ? Je répondrais qu'à la base d'un comportement quel qu'il soit, se trouve une idéologie. L'absence totale de respect pour la Nature qui domine de nos jours a bien pris ses racines quelque part. Il n'en a pas toujours été ainsi et il y a là derrière une "évolution" aussi lente que celle de la radioactivité de la planète qui s'accroît invisiblement mais inuctablement, et s'est faite sur plusieurs siècles à commencer par la destruction par Charlemagne d'Irminsul, le chêne qu'adorait les Germains et qui l'empêchait de dominer ces gens à cause de ce culte animiste là. Ne pensons pas à considérer seulement ce qui se passe en terme de kilomètres : 1000, 10 000, mais aussi en terme d'années. C'est là que l'on peut mieux percevoir comment la bête humaine est lâchée. Et comment rien ne l'arrête. (Image : Érysichton abat le chêne sacré. Déméter pour le punir, l’affecte alors d’une faim insatiable ; si bien qu’après avoir dévoré toutes ses possessions, Erysichton se met à se dévorer lui-même (Ovide, Les Métamorphoses))
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Pour ce qui relève du respect de la nature, la Première guerre mondiale se révéla particulièrement néfaste. On l'a souvent oublié ou négligé. Mais furent ravagés les paysages (arbres, plantes et animaux) des zones de combats entre Mer du Nord et Alsace, là où s'enlisa la guerre des tranchées. Sans oublier le monde animal réquisitionné sous les uniformes et promis lui aussi à la boucherie...
RépondreSupprimerEt pourtant "animal" vient bien de âme -anima en latin ! Les deux grands philosophes anti-animaux sont Descartes (et ses animaux-machines qui influencent l'élevage industriel d'aujourd'hui qui, sans lui, n'aurait sans doute pas été possible) et Kant qui parle de "pitié de femme" pour qui accorde considération aux animaux. Comprendre : femmelette, sensiblerie !
RépondreSupprimerRappel de l'article du Traité d'Amsterdam (consolidation du Traité de Rome, fondateur de l'Europe) : les animaux sont des êtres sentients (sensibles) qui éprouvent des émotions, la peur, l'angoisse, la détresse et la souffrance. Cette semaine, j'ai dû utiliser cet argument pour faire des gendarmes se bouger pour sauver des vaches mourant de faim chez un éleveur au bout du rouleau ! Ça a marché ! Bon, il a tout de même fallu hausser un peu le ton et utiliser quelques autres arguments massues, mais le résultat est là : ça rentre lentement !
Bravo pour ce billet.
je note votre mot quant à l'idéologie : ça me parait fondamental.
RépondreSupprimerdepuis l'antiquité deux types d'idéologies se font concurrences : celles considérant que l'idée le concept, l'esprit intellectualisable est seul source de sécurité et de "vérité", et celles considérant que toute vie, toute réalité a un support matériel, phénoménologique, auquel la pensée, l'idée doit se plier afin de comprendre le monde.
les premiers reconstruisent le monde
les seconds explorent besogneusement et patiemment le monde.
les premiers servent toutes les légitimations de la domination hiérarchisée des sociétés humaines
les seconds les déservent puisque ne cessent de ramener l'idéologie, l'idée, le principe, la spiritualité libre de toute contingeance matérielle réaliste, à la contingeance.
or dans les contingeances, il y a le comment tout être perçoit, se motive, se meut, dans le monde : sa sensibilité. avant piaget, les animistes et bien d'autres sentaient intuitivement que ce qui est commun à toute vie, ce sont ses rapports au monde par l'intermédiaire de ses sens d'où émergent les motivationds.
l'idée de l'âme animiste, c'est ça : l'invariant de toute vie dans le monde, à l'égard du monde.
pour pouvoir dominer, il faut être libre de toute contingeance, de toute affiliation induisant empathie, avec l'autre, avec le monde, avec l'inconnu. il faut nier à l'autre autant ce qui le motive dans sa relation à soi que tout ce qui motiver une relation coopérative équitable, voir assimilatrice de l'autre à soi.
c'est ce que fait charlemagne envers le chêne germain.
c'est ce que font les puritains en niant toute sensualité au corps, toute autre fonction autre que reproductrice au corps, en niant même l'esthétique de la plastique corporelle puisque tentation de rapport de désir de soi à l'autre, source de jalousie sociale, rivalité entre différenciations, indépendance à l'égard de l'égalitarisme mémétique, donc indépendance à l'égard de l'idéologie dominante d'un groupe en construction reproductrice de sa domination.
or : l'animal est nu ! calin ou agressif et nu !
Beau billet , Euterpe ,
RépondreSupprimerSans les animaux nos ne serions plus rien ! Le meilleur exemple ce sont les abeilles qui pollinisent les cultures , les vers de terre qui ameublissent le sol , les oiseaux qui mangent les milliards d'insectes ,etc..
Mais nous on réduit les animaux en bouillies , en rillettes , en pâtés , en steaks .. sans que ça nous pose le moindre problème de conscience .
Car on ne fait plus cuire un poulet entier comme aurefois , on le découpe industriellement en morceaux , on n'a plus son "regard" sous les yeux c'est beaucoup moins dérangeant . On appelle toute cette chair humiliée et cette bouillie infâme par de"jolis noms" de surimi , aileron ,cuissot , steak ,hamburger ....Ce ne sont plus des animaux mais des "produits" , la distinction est subtile car ça sous-entend que c'est produit par les hommes ....!
Ainsi on ne sait même plus trop bien de quel animal il s'agit . On a perdu le fil de nos aliments et de nos racines . On croit qu'ils sont fabriqués en usine à partir d'ingrédients dont seuls les responsables connaissent le secret .
C'est pareil pour tout , les poissons , les volailles , même les autruches sont parqués dans des camps de concentration en vue de leur élimination en masse ! Les "légumes" subissent le même sort , mais on détruit au passage , à grands coups de pesticides , les "indésirables" . Tous ces mots ont un sens , toujours tourné vers notre nombril !
Je pense que tout celà a commencé quand on a découpé industriellement pour la première fois ces pauvres créatures , à les élever par milliers dans des parcs trop petits , à les nourrir le moins possible , mais à les transformer génétiquement pour qu'ils poussent même en mangeant des cailloux !
Car les hommes pillent la planète au gré de leurs caprices et de leur cupidité .
Les hommes sont fiers de leur technologie , soi-disant création de leur cerveau , mais souvent bien pâle copie de ce qu'a produit la nature .
Haroun Tazieff avait dit que plus les hommes joueraient aux apprentis-sorciers , plus la nature leur rendrait au centuple . Il avait malheureusement raison !
Car on n'arrête pas un nuage radioactif comme on arrête un incendie ! le début de la fin de notre civilisation arrogante et destructrice ?
Merci pour cette article et pour ce blog en général, que j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire.
RépondreSupprimerVoulant en savoir plus sur cette épisode avec Charlemagne, j'ai fait qq recherches et il semblerait qu'en fait, l'arbre abattu s'appelait plutôt Irminsul (en effet apparenté à Ygdrassil).
Bonne continuation
A JEA : oui, les Ardennes ont absorbé sang et poisons pour des intérêts sans rapport avec eux. Ils furent un "théâtre" comme on dit. Un théâtre qu'il est permis de saccager et que l'on ne nettoie pas en sortant. On ne sait jamais lequel sera le suivant.
RépondreSupprimerA Hypathie : oui, tu as raison de le rappeler : "animal" vient d'anima, l'âme. On l'a complètement oublié. Bravo pour ton intervention. J'espère que les vaches vont bien maintenant!
A Paul : "les premiers reconstruisent le monde
les seconds explorent besogneusement et patiemment le monde".
J'aime bien cette distinction. J'appartiens à la seconde catégorie, je crois !;)
En fait, il faudrait un équilibre entre ces deux types mais les reconstructeurs du monde (dominateurs) ne tolèrent qu'eux-même, du coup ce n'est pas possible.
A Karter : I don't need viagra, thank you.
A coup de grisou : merci! La fin : oui, j'en ai peur. Je le pensais déjà à l'âge de 14 ans quand je me suis informée pour la première fois sur ce qu'était l'énergie nucléaire. J'ai pensé que c'était la fin et l'avenir m'a donné raison. Ce qui ne m'a réjouit en rien, bien entendu. Je continuerai à ramasser les coccinelles tombées sur le trottoir qui ne trouve pas de rampe de lancement pour se réenvoler, entre autres pauvres bestioles innocentes de notre entreprise de destruction.
A Malicia : merci, c'est vrai. Il m'a semblé en l'écrivant que le nom n'était pas correct.
Ygddrasil est sa version scandinave. Je l'ai changé.
J'aime beaucoup ce billet qui redonne sa place première à la nature.
RépondreSupprimerCar sapiens est dénaturé. Coupé de ce qui lui donne pourtant vie.
Et je vois que je ne suis pas la seule à être pessimiste quant à l'avenir, mais le combat continue, parce que même si on observe un grand nombre d'égoïstes-indifférents et un nombre dangereux de constructeurs-destructeurs, il existe aussi ceux de bonne volonté qui veulent encore espérer.
Albert Jacquard écrivait qu'entre le pessimisme désespéré et l'optimisme niais, il existe une autre voie: celle du volontarisme.(de mémoire, et elle est pas au top)
Il faut que nos voix soient entendues, partout.
Faut crier fort.
A hébé : tu as raison et je dirais même qu'il faut s'époumonner oui !:)
RépondreSupprimerJ'ai entendu hier à la radio le représentant canaque de Nouvelle-Calédonie dire que chez eux on n'abattait pas un arbre "comme ça". Chez nous c'est tout le temps qu'on les abat "comme ça", comme un obstacle, comme...rien. C'est tellement consternant qu'il faut un haut degré de selfcontrol pour ne pas abattre à son tour les coupeurs qui sont trop "coupés" comme tu dis pour avoir un seul instant conscience de ce qu'ils font.
A Emelire : suicidaire, c'est le mot. Quant au progrès, il n'y en a aucun. Je n'y crois pas. Il n'y a que des transformations. On gagne des trucs pour en perdre d'autres. Surtout on perd notre milieu naturel et ca c'est ce qui pouvait nous arriver de pire. D'accord avec toi : le mal a gagné. Seule consolation, nous allons enfin mesurer la valeur de chaque instant qui nous reste à vivre.
RépondreSupprimerDélire...
RépondreSupprimerJe ne suis pas pessimiste , juste en colère après l'animal un peu particulier qu'est l'homme qui ne respecte rien ..ni personne d'ailleurs !
Pour beaucoup le progrès c'est de posséder matériellement de plus en plus d'objets à qui les hommes ont donné des valeurs absurdes .
Dans certaines civilisations par exemple les coquillages avaient beaucoup plus de valeur que l'or . Car tout est relatif et la difficulté dans un monde dit civilisé c'est de savoir trier ce qui est important et ce qui ne l'est pas ! Le tri sélectif de nos valeurs en quelque sorte .
L'homme n'est qu'un accident de la nature , l'un de ses milliards d'essais plus ou moins réussi . Il s'en ira sans doute comme il est venu pour laisser la place à on ne sait quoi ( ou qui), mais la la place laissée sera bien sale et bien dégradée . Il faudra toute l'énergie des autres formes de vie pour peupler à nouveau ce petit bout de planète perdue dans l'infini .
Raison de plus pour prendre notre temps ,arrêter cette boulimie de consommation ,chasser ces éternelles frustrations qui nous poussent à posséder plus pour combler le manque de communion avec les éléments.
La perte d'un être très cher m'a appris à prendre du recul ( et non de la hauteur , c'est trop prétentieux) , à accepter d'être différent , à ne pas hurler avec les loups et à ne pas participer à cette hystérie collective du "progrès" à tout prix ,celui qui met en péril notre survie et celle de nos propres enfants .
L'accident redoutable de Fukushima nous a rappelé combien nos activités sont stériles dangereuses et morbides .
Les fleurs du printemps nous rappellent que la vie est partout et qu'elle peut se passer de nous beaucoup plus que l'inverse car elles n'ont pas , elles cet esprit destructeur qui nous hante .
Les dinosaures n'ont pas disparu, ils se sont transformés en hommes . Il y a les herbivores et il y a les prédateurs . A chacun de savoir dans quel tribu il veut vivre . Mais si les prédateurs sont beaucoup plus nombreux , viendra un jour où ils mourront de faim et se mangeront entre eux . Nous n'en sommes peut-être pas loin !
A coup de grisou : je me suis souvent fait moi-même cette réflexion sur les dinosaures car c'est tout à fait ça.
RépondreSupprimerEt en plus ils mourront de faim à côté de plantes qui se mangent sans savoir qu'elles se mangent. Quand on pense à cela, on se dit que les dinosaures étaient une espèce supérieure, finalement.