vendredi 29 avril 2011

L'histoire de la paysannerie européenne est encore à traduire

Au XVIe siècle le paysan n'était pas plus considéré comme un être vivant doté d'une sensibilité commune à l'espèce humaine que ne l'est la prostituée du XXIe siècle. Mis à part que l'on ne glosait pas cyniquement sur sa place, entre la balayeuse de rue et la conductrice de moto-crottes*, sur l'échelle de la dignité humaine. Par simple décence, on ne mesure pas le degré d'indignité que représente la condition de corps anonymes que quelques uns asservissent pour se goinfrer sur leur déchéance. (Encore moins si ces corps sont réduits à leurs seuls orifices).
Mais on se disait que le Ciel avait trié. Ceux qui naissaient paysans avaient été touchés du pied par Dieu pour servir ceux qui en avaient été touchés du doigt. D'ailleurs on ne tenait pas compte du paysan. Il était aussi inexistant qu'invisible pour ceux qui l'affamaient. Cela n'a pas beaucoup changé. On n'affame plus la population, certes, on préfère l'intoxiquer avec des produits cancérigènes, des pertubateurs endocriniens, des substances irradiées, de la viande clonée, des conserves assaisonnées au bisphénol A et autres intéressants poisons.

La classe qui ne passe pas le balai elle-même, moins ignorante qu'au XVIe siècle, a maintenant confisqué la nourriture saine.
Autres temps, moeurs semblables, mais sous une autre forme.


[Voilà longtemps que je n'avais pas inséré quelques dessins dans mes billets. Voici donc deux protagonistes de „la guerre des paysans allemands“ avec lesquels j'ai bien rigolé sur le tournage pour lequel ils ont été affublés comme cela!]




Sinon, je fais appel à un.e éditeur/trice francophone qui aurait la gentillesse de nous faire traduire (si le tarif est décent, je prends) le roman de Klemens Ludwig, écrivain et journaliste allemand (spécialiste du Tibet (!)) traitant de "LA JARDINIERE NOIRE", l'unique révolutionnairesse de toute la Renaissance ! C'est pas rien quand même ! Voilà un thème qui mérite largement une édition en langue française !

*(non, je sais, je ne l'ai pas avalé celle-là.)

14 commentaires:

  1. Bravo Euterpe pour ce petit rappel . J'ai été moi-même dans une autre vie celui qu'on regardait comme un être à part , un peu "arriéré" même si nombre d'agriculteurs et d'agricultrices ont aujourd'hui des "bagages" bien remplis !
    Les sociétés européennes ont aussi leurs castes "d'intouchables" qu'elles méprisent sauf à les utiliser pour leur plaisir personnel ( sexe ou grande bouffe)
    Mais beaucoup revendiquent (et je m'en sens très proche) le terme de paysan(ne) car dans paysan il y a "pays" dont bizarrement aujourd'hui tout le monde se revendique mais seulement quand il s'agit d'en flatter les paysages bétonnés ou l'activité urbaine !
    Quant à la traduction , désolé j'aurais aimé le faire bénévolement , mais peut-être y-a t-il des candidat(e)s .

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  2. A coup de grisou : en fait je ne voulais pas assimiler paysans et prostituées. Je voulais juste dire qu'aujourd'hui, il reste une catégorie de gens qui n'est pas censé ressentir la même chose que les autres : les prostituées, et au XVIe siècle, bien que 90% de la population ait été paysanne, la grande noblesse (sauf cas particulier) ne voyait pas en ces gens des êtres humains, non plus et les famines ne les émouvaient guère.
    Le regard de la noblesse sur le paysan d'autrefois est le même que le regard de bien des gens sur la prostitution.
    Mais par rapport à nos dirigeants nous ne sommes pas mieux lotis qu'au XVIe siècle, d'une certaine facon. Aujourd'hui tout le monde mange à sa faim, mais quoi ? On ne s'émeut guère en haut lieu de ce qui se retrouve dans notre assiette.

    Pour la traduc, pas de bénévolat, please ! De quoi vont vivre les traducteurs/trices ? De la manche dans le métro ? ;)

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  3. Euterpe. Non c'est moi qui faisais ce rapprochement et par expérience .
    Les agriculteurs ne sont plus rien que des machines à produire pour une industrie agro-alimentaire qui va "transformer" tous ces "produits" comme ils les appellent en autant de plats tout préparés qui ne sont plus qu'un amalgame de substances qui n'ont rien à faire dans l'alimentation .
    Dans l'esprit de nos dirigeants seule l'industrie est importante avec son fameux "taux de croissance", le reste n'étant que support pour vendre leurs saloperies . Ca ne les empêche pas pour autant de prendre les oiseaux et les petites fleurs comme images pour leurs produits toxiques .
    Et certains agriculteurs ( et trices) n'ont sans doute pas le choix ( sauf de tout arrêter) que de se prostituer ( je sais le mot est fort) face à ces super-sociétés pour continuer à vivre . Mais la résistance ça existe , au XVIème siècle comme aujourd'hui . Mais le regard sur les paysans est toujours le même et ce ne sont pas des émissions comme 'l'amour est dans le pré" qui vont redorer leur image !

    Pour moi bénévolat veut dire échange ,les traducteurs pourront avoir en retour ...votre considération . lol!

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  4. A coup de grisou : oui, c'est terrifiant de voir que quelque soit l'époque le travail de la terre doit être dénaturé, que des petits malins doivent s'approprier le travail des autres et les asservir sous chaque fois de nouvelles formes. On n'en sort pas. Et si, au XVIe siècle la terre même en était moins affectée, maintenant c'est le laboureur/la laboureuse, le produit du sol et le sol qui sont démolis. Sans parler des animaux d'élevage dont la vie est un calvaire de la naissance à la mort.

    La traduction en tant que travail permet encore de conserver sa dignité. On ne peut plus en dire autant de bien des jobs !;)

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  5. tes dessins sont fabuleux, bien que ce qu'ils expriment ne soit pas une fable, et même plutôt une triste réalité, celle des petits des sans grade... Merci de leur prêter un visage. Pour le livre, j'espère qu'un éditeur t'entendra (tu pourrais commencer la traduction des premières pages et l'envoyer à quelques uns).

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  6. "Aujourd'hui tout le monde mange à sa faim, mais quoi ?" Euh, non, je ne crois pas que tout le monde mange à sa faim : il y a près d'un milliard de personnes qui sont en dessous de la ration alimentaire nécessaire, 7 filles pour 3 garçons sur 10 sous-alimentés ou souffrant de famine sur la planète. On en trouve même dans notre hémisphère et sans doute en France. Quand aux paysans, ils se sont trouvé un statut, mais il se sont fait voler leur âme, leur autonomie et leur destin par des industriels avec l'intégration (un produit, un client, un fournisseur) : tout est donc à recommencer.

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  7. A lucia mel : merci ;) Je les ai effectivement dessinés pour donner un visage aux paysans du XVIe siècle. J'y ai mis toute mon âme, puis-je dire.
    Pour le livre, il faut juste que je commence par me le procurer parce que je n'en ai lu que le compte-rendu + des interviews de l'auteur. Mais il y a l'air vraiment très bien. Et le sujet est super original.

    A Hypathie : oui, tu as raison. Mais c'est tellement incroyable et atroce que je passe mon temps à l'oublier. C'est difficile d'avoir toujours présent à l'esprit toutes les horreurs. Dire que Jean Ziegler n'arrête pas de le clamer, ce scandale de la faim de le monde ! Mais les médias, bien sûr, ne se précipitent pas pour relayer.

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  8. enfer et putréfaction
    encore un commentaire volatilisé
    une mâlédiction peut-être ?

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  9. A JEA : Mais alors ! C'est dingue, ça !

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  10. Euterpe,

    Juste ce petit aparté, je riais toute seule en lisant dans la liste des recherches google de mon blog "euterpe féministe extrémiste" te voilà hautement labellisée, j'suis presque jalouse ;-)


    Mauvaise herbe

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  11. @ coup de grisou
    "Pour moi bénévolat veut dire échange ,les traducteurs pourront avoir en retour ...votre considération . lol! "
    Bein voyons, les traducteurs vivent de considération, d'amour et d'eau fraiche, c'est bien connu.
    Vous gagnez combien à ne rien foutre, vous vivez de vos rentes? Vous avez hérité d'une entreprise campagnarde ou d'autres bossent pour vous, pour pouvoir vous permettre de traduire gratuitement?
    On traduit bénévolement un article, un texte militant, pas un ouvrage. C'est déjà bien assez qu'il y ait un tas de traducteurs qui travaillent au noir pour un autre qui signe la traduction sans l'avoir faite, il n'y a pas besoin d'imbéciles bénévoles.

    @ Euterpe
    super beaux tes dessins.

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  12. A Mauvaise Herbe : C'est flatteur, en effet, je comprends que tu sois jalouse !:) Cela veut dire que les tartuffes du féminisme ont besoin de me calomnier pour retrouver un semblant de crédibilité. Bien fait.

    A Floréal : oui curieusement, beaucoup pense que le boulot intellectuel ne devrait pas être rémunéré. Je n'ai pas encore compris pourquoi. Traduire, c'est du boulot. Cela demande de la rigueur et beaucoup d'attention (pas comme sur un blog sur lequel on s'efforce quand même de ne pas passer trop de temps). Et on est loin d'être à l'abri des exploiteurs/teuses qui veulent que l'on s'éreinte pour rien.

    Merci beaucoup pour ton compliment sur mes dessins ;)

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  13. Ca tombe bien, je vis avec un paysan, un viticulteur plus exactement. Paysan est un mot assez péjorativement connoté et il en fait souvent les frais. Mais en même temps, et je ne sais pas si c'est spécifiquement français, il y a une certaine tendresse envers les paysans (qui n'a pas un.e aïeul.e agriculteurice ?) doublée d'un certain fantasme (Ah! la chance que tu as, tu travailles dans la nature ...). Une image complexe je trouve. En revanche, pour les politiques, l'agriculture ne vaut pas cher malgré les sempiternels discours sur le sauvetage de cette profession. Il paraît que la France est vouée à être un pays de services ...

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  14. A Héloise : bon,ca y est, je m'apprête à dire : t'as de la chance ! Moi, sans rire, j'aimerais trop vivre au milieu des chèvres comme Heidi mais je suis bêtement coincée dans une ville. Néanmoins je ne désespère pas qu'un jour...Et, en effet, comme tu dis, avec les politiques qui sont prêts à te passer dessus avec un rouleau compresseur si ca les chante, ce n'est pas encourageant...

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