Menu du mariage de la comtesse Elisabeth zu Helfenstein avec le comte Georg von Rappoltstein en 1543
(Georg Flegel : Grives et chataîgnes)1er service
Pour chaque convive un pâté de trois perdrix
Des grives rôties à la broche, farcies aux raisins
Un brochet entrelardé
Un rôti de boeuf sauce raifort
Un pâté de poule
Un chapon farci
2e service
Une tour en pain de laquelle coule du vin dans un étang où nagent des poissons
De la carpe bouillie
Une choucroute avec de la saucisse de foie
Du pâté de chevreuil
Des têtes de cochon
Des beignets chauds au lard
Du saumon froid
Un mouton rôti à la broche (rôti en croûte) de la gorge duquel un vin rouge doux et pétillant s'écoule dans une pinte
3e service
Divers pâtés
Un ragoût de gibier en sauce
Une maison en biscuits fins
Un goret à la broche
Des crêpes
Un aigle en gâteaux secs farci de volaille en aspic
De la tarte aux pommes
De la soupe de poisson
Le personnage de la comtesse de Helfenstein est uniquement rattaché à cette gravure de Matthias Mérian qui la représente en compagnie de ses deux jeunes garcons, suppliant Jäcklein Rorhbach d'épargner son mari. Or les paysans exécutèrent les nobles dont les Helfenstein (mais pas les femmes et les enfants) en les faisant passer entre deux rangées de lansquenets armés de piques, qui les embrochaient tour à tour jusqu'à ce que mort s'en suive (scène du fond de l'image).
Cette exécution associée au nom du massacre de Weinsberg sema la panique chez les seigneurs. Martin Luther prenant position en faveur de ces derniers publia un texte intitulé : "Contre les hordes meurtrières et pillardes des paysans", écrit dans lequel il réclamait les plus sévères châtiments contre eux. Et en effet on ne leur épargna aucune cruauté pour venir à bout de l'insurrection.
M'est avis que ces armées de paysans, pillards et meurtriers ou pas, n'ont jamais connu un repas de noce comme celui décrit plus haut ! D'un autre côté, cela leur a épargné de souffrir de la goutte comme c'était le cas pour les nobles, ce qui n'est guère étonnant avec un tel régime.
Mauvaise langue, il y a des crêpes au 3ème service !!!
RépondreSupprimerPlus sérieusement, c'est hallucinant cette débauche de viande. Déjà, comment peut-on avaler tout ça ? Toi qui est spécialiste de cette époque, tu penses qu'ils arrivaient au bout du menu ?
Comme quoi quand on dit que ce sont les riches qui détruisent la planète* c'est pas faux.
* c'est le titre d'un super livre de Hervé Kempf, "Comment les riches détruisent la planète".
Ils se nourrissaient très mal. Je crois savoir en plus que tout ce qui poussait sous terre (racines : radis, navets, rutabagas, etc) les faisait frémir, car sous terre égale royaume des morts. En tous cas, c'est l'indigestion, rien qu'à lire. Et la goutte, si je ne fais pas d'erreur, c'est de l'urée provoquée par trop de protéines ? Marrant, ton article : je prépare un billet sur le véganisme pour bientôt.
RépondreSupprimeroui hein : c'est carrément l'horreur ce menu !
RépondreSupprimercarrément attroce d'imaginer même avaler un premier de ces plats, sauf peutêtre les crèpes, et encore, ne sait-on pas comment elles étaient faites ! je crains le pire.
bon, exécuter des gens en les faisant passer entre deux rangs de lanciers... ça me fait autant frémir...
bref, ça avait l'air d'être une époque de joyeuse barbarie globale hein, chacun y allant de sa fierté de con-fini. et tous avec la haine des uns et des autres.
A la table de Napoléon le 3e, en 1867 :
RépondreSupprimer- "Potages : Croûte au Pot au consommé de volaille
Petites caisses de foie gras au gratin
Truites du lac de Genève Sauce hollandaise Côtes de boeuf à la Provençale
Poulardes à la Toulouse
Côtelettes d'Agneau aux haricots verts
Boudins de Lapereau à la Pompadour
Punch à la Romaine
Canetons de Rouen au cresson
Jambons de Bayonne à la Russe
Asperges en branches sauce au beurre
Timbales napolitaines garnies d'une glace à la vanille
Gelées au vin de Champagne garnies de fraises Glaces."
Là, quelques asperges puis des fraises...
A Héloise : et les crêpes à la graisse de porc, alors ?;)
RépondreSupprimerTrès bien vu. Ce sont les riches qui détruisent la planète et cela fait un bail déjà qu'ils la saccagent (cf. les orgies romaines décrites par Goscinny via Uderzo). Je vais lire ton livre.
Ah mais sûr qu'ils arrivaient au bout du menu ! Pourquoi tu crois que l'on devait hisser Henri VIII avec une grue ?;)
D'ailleurs, quand j'étais petite, on servait encore des menus à je ne sais combien de service bourrés de plats de viande lors de noces, baptêmes, communions etc... Je me le rappelle très bien et je me demandais comment les grands pouvaient avaler des quantités pareilles.
Mais (sans vouloir excuser cette goinfrerie) les gens avaient quand même plus d'activités physiques que maintenant.
A Hypathie : oui, absolument. Mais ces croyances venaient de très loin. Ce sont les grecs qui ont commencé les premiers à répandre des fadaises sur les plantes. Ils croyaient déjà que des esprits malins habitaient les fèves à cause des flatulences qu'elles engendrent :D
A paul : bof la barbarie a juste changé de forme. Elle nous paraît plus acceptable parce que nous y sommes habitués.
A JEA : ah oui ! Et du cresson + des haricots verts sans parler des sauces aux herbes (provençale = au moins basilic et thym). C'est presque un menu végétarien que vous nous présentez là !:)
Le banquet de Trimalchion à côté, ça fait presque peu!
RépondreSupprimerhttp://menus.free.fr/index_fichiers/Page2048.htm
A Floréale : super ce lien ! Les mises en scène sont mortelles ! (Le veau bouilli déguisé en Ajax, par exemple).
RépondreSupprimerFaut reconnaître que c'est pas de la bectance de première communiante…
RépondreSupprimerMais c'est Dider Goux ! Mettez-vous à table, je vous en prie ! Vous goûterez bien un morceau de lièvre ailé, je présume ! C'est dans le menu du banquet de Trimalcion et il paraît même que cette bête existe : http://de.wikipedia.org/w/index.php?title=Datei:Skvader.jpg&filetimestamp=20060130011112).
RépondreSupprimerJe crois que mes papilles m'avaient fait lire de travers : lièvre aillé…
RépondreSupprimerAh oui c'est vraiment l'"l" (ou aile) qui change tout, là ! Mais peut-être est-ce un lièvre ailé aillé ?
RépondreSupprimerExiste-t-il aussi des listes des boissons (vins?) qui, forcément, permettaient à ces goinfres d'avaler tout ça?
RépondreSupprimerOn se demande parfois pourquoi ils mouraient jeunes...
A Colo : non mais je suppose que le vin qui s'écoule, au moyen de je ne sais quel ingénieux système, de la tour en pain et de la gorge du pauvre mouton rôti (la mise-en-scène est quelque peu morbide) a été bu et qu'il s'agissait de vin du Jura Souabe qui n'est pas un mauvais vin. La région est assez ensoleillée.
RépondreSupprimerOui, ils mouraient assez stupidement dans la noblesse et ils faisaient beaucoup mourir leurs propres enfants par ignorance ou à cause de préjugés comme ceux qu'ils nourrissaient sur les bienfaits d'une alimentation hypercarnée.
bon...
RépondreSupprimermoi je viens de me préparer un pâté végétal...
nan j'dis ça...
A paul : et moi j'ai encore avalé le tiers de mon dernier bocal de tahin (purée de sésame) parce que j'en raffole...
RépondreSupprimerIls ne précisent pas si les crèpes n'étaient pas fourrées au jambon...
RépondreSupprimerEt la tarte aux pommes ? On peut l'accompagner de boudin noir !
Mmmmm...
Ca me donne faim... Mon côté garçon manqué, sans doute ? ;-)
A Kalista : oui, ce sont les garçons qui mangent de la viande parce que ça rend viril ! Le bouc, le bélier, l'étalon et le taureau n'ont qu'à bien se tenir, ces lavettes de bestioles végétariennes ! ;)
RépondreSupprimerTiens, en te lisant, je me demande si certains carnivores ne croiraient pas inconsciemment pouvoir s'attribuer la force des animaux vigoureux que tu cites en les mangeant... Comme les anthropophages qui mangent leurs ennemis les plus valeureux !
RépondreSupprimerMince !
RépondreSupprimerA Kalista : les carnivores humains ou les carnivores animaux ? Parce que les seconds choisissent au contraire les plus faibles du groupe. C'est moins fatigant.
RépondreSupprimerA Tania : C'est le mot ! ;)
Je parlais des carnivores humains, en particulier ceux de la variété masculine fanfaronne qui se gave de côtes de boeuf et de saucisses. Ceux qui trouvent que la caille, il n'y a rien à bouffer dessus, que les légumes c'est fait pour les lapins et font la gueule quand on leur sert du poisson.
RépondreSupprimerA Kalista : désolée s'il fallait le préciser avec moi ! :) Il faut dire que les hommes de mon entourage sont tous plus ou moins végétariens voire (pire) s'adonnent de temps en temps à des jeûnes !!! Non je ne fais pas partie d'une secte mais je vis dans une ville un peu spéciale dans laquelle on a pas trop peur de nager à contre-courant et dans un milieu d'intellos assez "experimentierfreudig" (= qui adorent expérimenter des trucs anticonventionnels), du coup j'oublie comment se comportent habituellement ceux qui se prennent pour de vrais mecs! ;)
RépondreSupprimerTu es toute pardonnée, c'était aussi à moi d'être claire ! :-)
RépondreSupprimerJe suis entourée d'hommes amateurs de bidoche, pas tous machos, heureusement. Dans l'atmosphère "5 fruits et légumes par jour" culpabilisatrice et infantilisante actuelle, se faire une bonne bouffe pleine de viande de temps en temps a quelque chose de transgressif, quand c'est sans exagération et qu'on en profite.
PS : hors-sujet, le billet pour lequel j'ai trouvé l'inspiration chez toi vient d'être mis en ligne :
http://t.co/Elo74LJ
J'espère qu'il te plaira !
A Kalista : en fait, moi je me sens trop proche des animaux. J'ai toujours eu du mal avec l'alimentation carnée alors que ma soeur d'un an mon aînée est une „grosse“ (bien que maigre) mangeuse de viande !
RépondreSupprimerBravo ! Je vais m'empresser de lire ton billet dès que je serais devant un écran qui ne se brouille pas constamment comme le mien, en ce moment !