vendredi 14 janvier 2011

Les historiens et les luttes de pouvoir au féminin




Dans E. Segond : "Petite Histoire générale - des origines à nos jours ", librairie Hatier 1922, au chapitre de la Réforme, paragraphe III, 4 : "Le schisme et le Réforme en Angleterre - Élisabeth et Marie Stuart", on peut lire ceci :

"Marie Stuart avait mortellement offensé Élisabeth, à la mort de Marie Tudor, en prenant les armes de reine d'Angleterre, comme descendante d'une soeur de Henri VII. De plus, sa jeunesse et sa beauté excitaient la jalousie de sa cousine" !!!!!!!! (cliquer sur l'image)

Outre le fait qu'être jeune ne va pas automatiquement de pair avec être belle et qu'être plus âgée ne va pas automatiquement de pair avec être laide (ou plutôt comme dirait je ne sais plus qui : "quand on est laide on est jamais jeune, quand on est belle on est toujours jeune") et cela vaut aussi pour les hommes, tout est faux dans ses deux phrases car Marie Stuart n'est pas descendante d'une soeur de Henri VII mais son arrière petit-fille, et petite-fille de la soeur aînée d'Henri VIII, quant aux armes de reine d'Angleterre, elle les portait depuis sa naissance !


Et voilà deux raisons pour Elisabeth de s'en prendre à Marie Stuart dont l'une paraît bien relever du fantasme !

Du moins, il est révélé plus loin que nombre de catholiques soutenus en sous-main par Philippe II d'Espagne complotaient sans relâche pour porter Marie Stuart sur le trône à la place d'Elisabeth afin de rétablir le catholicisme en Angleterre. En effet, si Elisabeth (voir billet d'Hypathie) a fait finalement exécuter sa cousine, c'est surtout parce que sa seule existence créait une menace permanente de guerre civile dans le royaume.

(Photo 2004 : la chanteuse punk allemande Nina Hagen interprétant la reine malfaisante dans une parodie cinématographique du conte "Blanche-Neige et les sept nains" des frères Grimm)

7 commentaires:

  1. C'est tellement excitant et conforme à leurs idées toutes faites sur nous, des femmes qui se crèperaient le chignon pour des raisons de futiles de jalousie ! Elizabeth et Mary c'était forcément pain bénit ! Merci pour le lien :)))

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  2. A Hypathie : tout à fait. Surtout que jalousie sur l''apparence cela veut dire : rivalité pour la conquête de quoi ? De l'ôôôme, bien sûr ! Notre unique obsession ! Le pire c'est qu'il y un questionnaire à la fin du chapitre pour voir si on a bien retenu la lecon : "pourquoi fut-elle (Marie Stuart) poursuivie par Elisabeth ?". Je suppose qu'il faut répondre "parce qu'elle était plus jeune et plus belle ce qui excitait la jalousie d'Elisabeth". Et c'est ce qu'on appelle de l'Histoire !

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  3. Par contre, quand deux mecs se crêpent le chignon à propos d'une femme, c'est la femme la vilaine manipulatrice sans laquelle la paix et l'amitié règneraient toujours.

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  4. Le fantasme de guerre de la beauté se retrouve en filigrane partout dans les productions masculines: séries télé, contes populaires (Blanche-Neige, Cendrillon, etc.), littérature et cinéma. Propagande, matraquage ? En tous cas, la manoeuvre est assurément politique.

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  5. A cultive ton jardin : c'est vrai. Pour ce qui est de ne se prêter que des sentiments nobles à eux-même et de ne prêter que des sentiments méprisables aux femmes, il y a des champions parmi la gente masculine et cela dans n'importe quel domaine : histoire, sciences, politique, journalisme, littérature, art, commerce, etc..!

    A Héloise : on est au pays du cosmétique (1er rang mondial), cela doit jouer ! ;)

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  6. @ Euterpe

    A l'époque des Frères Grimm, L'Oréal n'existait pas, non ? !!!

    Je crois plutôt que la beauté des femmes est un capital masculin (une belle bagnole, une belle femme est un leitmotiv assez entendu) et la seule forme de reconnaissance sociale qui leur soit accordée. "Sois belle et tais-toi" est l'expression la plus ancienne et la plus aboutie de cette propagande.

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  7. A Héloise : je sais bien mais j'étais dans un mode humour. Je le sais d'autant mieux que j'ai fait exprès la comparaison avec B-N. Je trouve d'ailleurs très dommage que la parodie de "Blanche-Neige" avec Nina Hagen ne soit pas traduite en francais. C'est justement une super satire sociale avec B-N qui joue à la poupée Barbie et pour qui ce jeu constitue l'unique repère dans la vie, ce qui l'amène à tomber amoureuse d'un Kent vivant, et les nains qui ne sont, en fait, pas des nains mais un groupe de paroles d'hommes qui se sentent rejetés des femmes et s'isolent dans une forêt interdite aux femmes. De l'autodérision anglo-saxonne comme on peut vainement en attendre des francais. Mais, en effet, la beauté comme unique valeur "valable", je l'ai déjà abordée avec "la bella pittrice" dont les qualités de peintresse passaient loin après sa beauté et sa virginité. J'espère du moins ne plus avoir à lire ce genre d'argument dans un livre d'histoire aujourd'hui.
    A part que si on cesse de nous matraquer là à ce sujet on se dépêche de nous tendre le miroir "critique" (et non magique) ailleurs.

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