dimanche 11 juillet 2010

Anne de Marquets, contre-réformatrice



Voici la biographie d'Anne de Marquets (1533-1588).
Elle fut à n'en pas douter une grande poétesse puisque ses poésies sont encore étudiées aujourd'hui en littérature même si on n'entend pour ainsi dire jamais parler d'elle.
Petite digression historique :
En vue de maintenir la paix religieuse en France, Catherine de Médicis eut l'idée de réunir dans le prieuré royal Saint-Louis quarante-six prélats catholiques, douze ministres du culte protestant et une quarantaine de théologiens pour s'entendre sur une cohabitation des partis. Cette réunion est connue dans l'histoire sous le nom de Colloque de Poissy et se tint du 9 au 26 septembre 1561. Mais les théologiens orientèrent le débat sur la question de la présence du Christ dans l'Eucharistie et le colloque ne déboucha sur aucune entente de part et d'autre. Le chancelier Michel de l'Hospital exposa la volonté royale : « il faut rétablir l'ordre et l'unité par la douceur ; pour le royaume, la paix est plus importante que le dogme ». Mais ce message n'a pas semblé avoir touché les théologiens.

Du fond de son couvent d'où les femmes ne sortaient jamais, Anne de Marquets se fit alors connaître par ses Sonnets rimés pour « l’assemblée de messieurs les prélats et docteurs, tenue à Poissy » qui n'étaient pas, j'imagine, favorable à un accord mutuel puisqu'Anne de Marquets est connue pour avoir appartenu au mouvement de la Contre-Réforme.

Je ne m'étendrai donc pas sur les opinions "politiques" d'Anne de Marquets (la religion ayant fait office de politique à l'époque) mais citerai plutôt ce poème étudié parfois dans les classes littéraires et qui paraît plus s'adresser aux hommes misogynes de son temps qu'à des huguenots, peut-être les deux se confondent-ils dans son esprit ?


Ne jetez plus sur nous d'injures si grands* sommes

Ne jetez plus sur nous d'injures si grands sommes,
Hommes par trop ingrats et de coeur endurci,
Dieu n'a-t-il pas de nous comme de vous souci ?
N'est-il pas créateur des femmes et des hommes ?

Je sais bien qu'entre vous il y a maints prud'hommes,
Maintes femmes y a vertueuses aussi ;
Et l'un et l'autre sexe il n'y a nul sans si,
Car d'une même chair environnés nous sommes.

Voyez comme aujourd'hui les femmes ont l'honneur
Les premières de voir le souverain Seigneur,
De lui baiser les pieds, d'aller dire aux Apôtres

Qu'il a vaincu la mort et qu'ore il est vivant.
De nous blasonner donc cessez dorénavant :
N'enviez nos honneurs, contentez-vous des vôtres.

*grands signifie ici : grandes.
(La peinture représente le Colloque de Poissy avec Catherine de Médicis vêtue de noir et, à sa g., le petit Charles IX. Catherine comme Marguerite sur l'enluminure du billet précédent porte l'habit de veuve. L'une est veuve d'Henri II, l'autre bien que remariée au roi de Navarre porte encore le deuil de son premier mariage. Toutes les deux resteront vêtues ainsi jusqu'à leur mort. Selon moi parce qu'il devait être moins difficile de se faire respecter à l'époque en tant que femme vêtue d'un uniforme austère qu'avec des dorures et des dentelles !).

4 commentaires:

  1. "Et l'un et l'autre sexe il n'y a nul sans si,
    Car d'une même chair environnés nous sommes."

    C'est sur un détail (les organes génitaux) que tant de discriminations et de haine sont fondées alors que femmes et hommes ont en commun tout le reste.

    Anne de Marquets résume bien cette idée dans ces deux vers.

    Merci encore une fois pour cette mise en lumière d'une femme injustement négligée par rapport à ses célèbres contemporains masculins !

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  2. Bonjour Euterpe,

    C'est un détail, mais je ne suis pas sûre que l'on puisse dire que les femmes ne sortaient jamais de leur couvent à l'époque moderne. Dans les actes notariés, dans les mémoires de l'époque, on les trouve souvent dans les salons, chez leurs parents, chez leurs amis... Bref, ces femmes n'étaient pas vraiment coupées du monde - il suffit de voir, au siècle suivant, la manière dont même la mère Angélique de Port-Royal, passe son temps à démarcher la bonne société pour ramasser des dons pour son couvent :)

    Sinon, merci pour le portrait de cette femme que je ne connaissais pas.

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  3. superbe poème ! et pour les vêtements, ça ne m'étonne pas finalement, comme aujourd'hui, les femmes en costume pantalon sombre ... plutôt qu'en robe blanche ou rose ... mais les hommes se sont ils souvent habillés aussi tristemetn qu'aujourd'hui. J'ai vu quelques tableaux au chateau de Chambord d'hommes habillés avec plein de dentelles et de fantaisies ... ça m'a stupéfaite, je me suis dit que ça n'avait été certainement qu'une brève parenthèse dans l'histoire !!! (et ne visant qu'une classe sociale très limitée ...)

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  4. J'ai quelques ennuis avec ce blog, je fais donc le plus succinct possible :

    A Héloise : et il y en aura d'autres !

    A Artémise : tu as le droit de douter mais mes sources sont sûres. A. de Port-Royal, c'est autre choses, elle est abbesse (elle assure la connection avec l'extérieur). Pour les nonnes, seules les visites étaient autorisées. Anne de Marquets tenait d'ailleurs un salon littéraire dans sa cellule !

    A Emelire : en fait on s'habille de facon triste depuis l'industrialisation seulement.

    Maintenant je redoute de voir apparaître ma 1re tentative + la 2e...

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