jeudi 30 août 2012

Isis


Religions du monde
(19:31)


J'écoute presque chaque dimanche matin l'excellente émission de Geneviève Delrue "Religions du monde" sur Rfi, radio internationale. Même si l'on ne s'intéresse absolument pas aux religions, on ne peut qu'être pris par les débats finement menés par la "modératrice". D'ailleurs, il suffit de se rappeler que des religions, il en naît tous les jours, et bien qu'elles ne portent pas le nom de "religions", elles n'en sont pas moins des croyances irrationnelles qui semblent prendre la place des religions dites "traditionnelles". Il est donc très intéressant d'écouter ce que cherche l'être humain dans cet abandon à une idée apparemment sans grand fondement. Nous avons par exemple les scientistes qui croient dur comme fer que l'on peut absolument tout expliquer par la science, que la science est toute puissante , qu'elle va résoudre tous les problèmes de l'humanité et que l'on peut tout casser sur Terre parce que le Dieu science va tout réparer ou, sinon, transformer l'humain en cyberhumain adapté à la casse et donc nous extraire enfin (ô joie) de la glaise avec laquelle nous avons été façonné.e.s en même temps que le reste du vivant, chose qui déplaît beaucoup aux scientistes, car ils ne veulent pas ressembler au reste du vivant. Vouloir éradiquer les religions est donc parfaitement inutile car il s'en créé aussitôt d'autres qui ne disent pas leur nom et sont de ce fait encore plus incontrôlables que les traditionnelles.

La dernière émission a été particulièrement passionnante car la personne invitée en 1re partie était la grande égyptologue féministe Florence Quentin.  
  



Qu'y a-t-il de commun entre Cléopâtre, la Vierge noire de Notre-Dame du Puy, Elisabeth Ire, la Flûte enchantée de Mozart, les loges maçonniques de la Révolution Française ou la poésie de Goethe et bien c'est la déesse Isis. Telle est la présentation de l'émission sur le site de Radio france internationale.
 Florence Quentin y présentait, en effet, son dernier livre : Isis l’éternelle biographie d’un mythe féminin.



  Déesse-Serpent, Picture Isis comme Eve est associée aux serpents. À Fayoum où elle a été honorée en tant que Thermouthis (La déesse Rénénoutet ou Renenout ou Ermouthis ou Thermouthis ou Renenet ou Renout "le serpent nourricier", elle tenait le rôle d'une déesse agraire qui apportait aux égyptiens sa protection au temps des récoltes, préservait ces mêmes récoltes dans les greniers, dans les celliers et dans les caves pour les vignerons. Isis avait l'apparence d'un cobra. Elle était donc la déesse cobra protectrice des récoltes et des moissons. À Alexandrie en tant que Tyché Agatha (Fortuna à Rome), elle était plutôt perçue comme la déesse de la Bonne Fortune.
Pour expliquer les cycles de la nature, les crues régénératrices, la mort et la renaissance, les égyptien.ne.s ont imaginé un couple humanoïde fondateur de la civilisation.
La cosmogonie égyptienne à l'instar de la cosmogonie chrétienne est de type solaire. La Genèse étant un peu similaire à la Genèse chrétienne, on a d'abord un monde plongé dans l'obscurité avec un dieu (Hatoun) qui faconne un couple Tefnout, l'humidité et Chou la lumière. Celleux-ci mettent au monde un autre couple Nout le ciel (une femme) et Geb la terre (un homme) qui mettent elleux-mêmes au monde 5 enfants dont Isis et Osiris (frère et soeur jumeaux et amants) qui s'aiment déjà dans le ventre de leur mère. Ce dernier couple a entre autres pour frère et soeur, Seth et Nephtys.
Seth, le frère, tue Osiris et découpe son corps en 14 morceaux.
Les deux soeurs, Nephtys et Iris, reconstituent le corps d'Osiris à partir des 14 morceaux (14 jours : le cycle lunaire).
Osiris n'est donc qu'un héros passif de la cosmogonie. C'est Isis qui lui redonne sa virilité et lui fabrique un phallus. Elle est créatrice, rédemptrice et préside à la création du langage. C'est la grande magicienne. Florence Quentin fait un parallèle dans son livre avec les 99 noms d'Allah et un nom caché car Isis vole le nom secret de Râ et c'est elle qui a alors la toute-puissance.
L'histoire de l'assassinat d'Osiris par Seth étant trop horrible, les égyptiens n'en parlent presque pas. C'est pourquoi on ne le trouve pour ainsi dire que dans l'oeuvre de Plutarque.

 Isis protégeait les femmes et les enfants. Elle était thaumaturge et guérissait des morsures de serpent. Pendant l'époque pharaonique elle n'est que le féminin d'Osiris mais bientôt elle le supplante et arrive au premier plan. Ce changement de statut correspond à la venue d'Alexandre le Grand en Égypte. Des temples consacrées à Isis sont alors construits à Alexandrie.

Pourquoi ce culte a t-il été ensuite rejeté ?
D'après F.Q., pour les Romains Isis représentait l'Orient honni. Ils avaient peur de la puissance d'Isis. C'est elle seule qui avait le pouvoir de faire monter un homme sur le trône.
Les Chrétiens ont alors masculinisé Dieu et récupéré le personnage d'Isis dans la personne de Marie. On a christianisé l'Isis lactance que l'on retrouve dans les Vierges noires. Ces Vierges sont des idoles qui viennent en partie d'Égypte.
Marie a récupéré les attributs d' Isis : l'enfant, la croix, la Lune sous les pieds, et la sagesse. Les hymnes à la Vierge ressemblent comme deux gouttes d'eau aux hymnes à Isis.

A partir de là, Isis revient sans cesse au fil du temps.
A partir du IIe s. av. J.-C. sont mis en circulation les premiers écrits alchimiques attribués à Hermès Trismégiste. Ainsi commence ce qu'on appelle "la tradition hermético-alchimique". L'un des titres des travaux d'Hermès T. est : Isis la prophétesse à son fils Horus.
AU XVe siècle, les écrits d'Hermès T. sont traduits et divulgués par Marsile Ficin. En raison de son intérêt pour ces auteurs païens de l'Antiquité et pour l'astrologie, il fut accusé de sorcellerie par le pape Innocent VIII et échappa de peu aux rigueurs de l’Inquisition. Au XVIe siècle, les attributs d'Isis se retrouvent dans certaines toiles représentant Elisabeth Ire (ci-dessus). Isis réapparaît également au XVIIe siècle dans la tragédie lyrique de Philippe Quinault mise en musique par Jean-Baptiste Lully. On la retrouve au XVIIIe s., dans La flûte enchantée de Mozart.
A la Révolution, on est dans un fantasme sur l'Égypte. On s'est rappelé qu'il y avait un temple d'Isis sur la montagne Sainte-Geneviève. Sur les ruines de la Bastille, une statue d'Isis est érigée, aujourd'hui on trouve également une statue d'Isis au parc de Bercy.
Cagliostro va ensuite créer une maçonnerie égyptienne.
 Au XIXe s., l'inaltérable mythe d'Isis apparaît dans la littérature romantique chez Novalis, Villiers de l'Ile-Adam, Michelet, Hugo (une Isis lilith) et Nerval qui s'excuse de faire un rapprochement entre Isis et la Vierge parce que cela ne s'était pas fait encore. 
 La psychanalyse s'empare d'Isis. Freud était un sectateur d'Isis. Égyptomane, il voulait être archéologue.
L'archétype d'Isis s'est-il modifié au début du XXe s. ? Rudolf Steiner fait d'Isis la Sophia grecque, la sagesse de dieu.
On retrouve Isis jusque dans la contre-culture américaine avec Bob Dylan, dans l'afrocentrisme, dans le féminisme. On la retrouve dans la question de la nature-mère dans la dimension du care ("prendre soin de") et puis la nature "voilée". On ne peut pas impunément violer la nature sans en avoir les conséquences. On doit réparer et soigner ce grand corps malade qu'est la nature c'est ce que nous dit ce mythe. Si on ne le fait pas on risque d'être foudroyé comme dans le mythe.

(Ce texte est constitué de bouts de phrases extraits de l'émission de France Culture car je ne parviens pas à réécouter l'émisssion de Rfi sur le web)

Malheureusement sur la couverture de leur livre, les éditions Albin Michel n'ont pas pu s'empêcher de présenter une Isis à genoux.

17 commentaires:

  1. Passionnant à lire...à écouter aussi j'imagine. Je n'ai malheureusement rien à ajouter cette fois.
    Merci Euterpe.

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    1. C'est très passionnant à écouter. Malheureusement et très curieusement le lien ne fonctionne pas. Je ne voudrais pas être parano mais les autres émissions se laissent toutes réécouter en dehors de celle-là...merci pour ta visite !

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  2. Super ! Ils ont beau enterrer les figures féminines, elles ressurgissent sans arrêt, sous différentes formes.

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  3. J'oubliais, tes liens ne marchent pas hélas : l'émission de RFI si tu as voulu la mettre, et la statue d'Isis à Bercy que j'ai retrouvée :
    http://www.paris-en-photos.fr/isis-egyptienne-sculpture-bercy/

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    1. Oui, elle ressurgissent mais ne font pas assez de bruit donc je le fais à leur place :)

      J'ai essayé plusieurs fois de réécouter l'émission qui normalement est disponible sur le web mais impossible.
      Je te mets le lien : http://www.rfi.fr/emission/20120826-1-isis-eternelle-biographie-mythe-feminin-livre-florence-quentin
      Pourrais-tu me dire si tu es parvenue à l'entendre afin que je sache s'il s'agit d'un problème lié à mon ordi ou non ?
      Merci d'avance !

      Pour les autres liens, je vais tenter de les remplacer.

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    2. Euterpe, j'ai pu l'écouter sans aucun problème, super, merci!

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    3. Ben alors je ne m'explique pas pourquoi moi je n'y arrive pas...Merci beaucoup à toi Colo d'avoir bien voulu tester !

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    4. le streaming fonctionne de façon très aléatoire :-(
      par contre le téléchargement mp3 est facile d'accès, et vu que le fichier n'est pas trop lourd (9Mo) ça vaut le coup

      merci pour le coup de projecteur sur cette émission et sur Isis plus généralement

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    5. Ah bon cela me rassure. Je vais essayé le téléchargement. Merci beaucoup kakophone !

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  4. J'ai pas mal travaillé sur Isis, et plus généralement sur les Grandes Déesses, pour ma thèse. Sujet passionnant !

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    1. Le meilleur des sujets actuellement puisqu'il n'est plus question dans les médias que de la trilogie Jésus-Allah-Bouddha ! :)

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  5. Hier pas moyen d'écouter l'émission, mais aujourd'hui ça passe (pour info, après une pub de parfum pour homme ;-). Billet intéressant, bon week-end, Euterpe.

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    1. Isis à genoux et une pub de parfum pour homme....ben oui forcément.
      il ne faudrait pas oublier les fondamentaux et oublier qu'Isis c'est du passé, sans doute...ah lala !...
      Merci beaucoup Tania d'avoir également fait l'essai !:)

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  6. J'ai tout écouté l'émission sans problème. Passionnant!! Tellement que j'ai envie d'entendre tout ce qui suivra de cette émission radio.

    Pour Isis, je ne m'en étais jamais réellement préoccupé mais elle est à mon avis la déesse mère. La base. Et... sans mère, point de descendance. That's it, that's all!!

    Les religions n'ont pas d'autres choix que d'honorer la femme, puisqu'elle est seule détentrice de procréation! Évidemment ça prend des deux pour se faire, mais quand même...
    Sauf dans le christianisme, tiens, Marie a conçu toute seule le sauveur de l'humanité! (ou presque)

    J'ai beaucoup de difficulté à croire à toutes ces choses... mais l'important, c'est que l'humanité ne néglige pas le rôle de la femme. Tout comme le rôle de l'homme est aussi important. Le hic, pour plusieurs, c'est qu'il n'y en pas un plus important que l'autre!

    Un gros merci pour tes billets super inspirants et déclencheurs de réflexions. ;¬)

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    1. Oui on est dans le symbolique jusqu'au cou avec ces choses-là mais le symbolique touche directement l'inconscient d'où son importance capitale (d'après moi). C'est pourquoi la pub, le cinéma etc.., l'art même, s'en servent pour nous mener dans la direction qui intéresse le système.
      Je suis contente que tu aies aimé l'émission. Elles ne sont pas toutes aussi passionnantes mais presque.

      Merci pour le compliment. Je suis super contente si j'inspire des personnes très sympas comme toi :¬)

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  7. Il y a même certains historiens qui pensent que le nom de la ville de Paris, vient du fait que c'était une importante ville avec un temple d'Isis à l'époque romaine (L'incorporation de l'Egypte dans l'empire romain sans compter l'important échange commercial de l’Époque favorisaient les mélanges culturels)

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    1. Oui, en effet, j'ai aussi lu cela quelque part.
      Je crois même que Florence Quentin le dit à un moment de son interview.

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