à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps et autres aventures...
lundi 13 septembre 2010
Les femmes dans l'espace (topographie)
J'ai parlé jusqu'à présent des femmes perdues dans le temps mais je n'ai pas encore parlé des femmes perdues dans l'espace.
En France, on trouve une dizaine de millier de fois ou peut-être beaucoup plus, sous forme de places, de rues, de plaques commémoratives, de parcs, d'hôtels, de collèges, de lycées, de statues, de cafés, que sais-je, de panneaux informatifs des références concernant ces trois seuls personnages historiques, visibles toujours et partout :
Henri IV, Descartes et Napoléon Ier.
Ils se démultiplient dans l'espace telle une armée de clones, l'occupent de l'Atlantique aux Alpes, des Pyrénées aux Ardennes et de la Méditerranée au Finistère sans lasser le/la passant(e) tandis que les références à leurs collègues féminines se comptent sur les doigts de la main et nécéssitent une enquête ciblée pour être repérées dans ce même paysage.
Donc, à propos de la rue Saint-Jacques, à Paris, que j'ai arpenté de haut en bas à pied et avec un sac à dos (si vous y avez apercu une touriste se refroidissant les pieds dans une fontaine la semaine dernière, c'était moi) cette rue, la plus ancienne de Paris, où imprimeurs et imprimeresses fourmillaient au temps de Marguerite de Navarre qui elle-même y logeait avec Clément Marot, Bonaventure Des Périers et autres poètes maudits de l'époque, ainsi qu'avec sa nièce et autres princesses dont elle faisait l'éducation, rien mais strictement rien n'y commémore cette phase extraordinaire de l'histoire où la Vulgate mais aussi l'oeuvre de Marguerite de Navarre y fut imprimée et pour l'une d'entre elle (Le Miroir) mise à l'index et brûlée par la Sorbonne. Pas une plaque, pas une de ses pancartes historiques plantées partout dans la ville, pas un signe, pas une ligne, pas une trace, rien du tout. Et pourtant la Sorbonne, l'église Saint-Séverin et encore bon nombre de maisons qui ont vu Marguerite arriver en litière depuis Blois, Fontainebleau, Saint-Germain-en -Laye ou bien Pau, Cauterets, Nérac ou Mont-de-Marsan à moins qu'elles l'y aient vue repartir, s'y dressent toujours.
J'ai dénombré trois places Marguerite de Navarre en France : à Paris près des Halles (mais je ne sais pas, dans ce cas, s'il s'agit de la Marguerite dont je parle ou sa petite-nièce, la reine Margot, dite aussi Marguerite de Navarre), à Mont-de-Marsan où elle passait souvent, dormant dans ce château dont il ne reste à peu près que le donjon reconverti en musée, et à Odos-en-Bigorre où elle est morte.
On trouve sa statue au jardin du Luxembourg parmi les statues de reines et devant l'hôtel de ville d'Angoulême sous le nom de Marguerite d'Angoulême parce qu'elle y est née (mais la place s'appelle "place J.-F. Kennedy").
Il existe également un "collège Marguerite de Navarre" à Pau, capitale de ce qu'il restait du royaume de Navarre en son temps, et un "lycée Marguerite de Navarre" à Alencon dont elle fut la duchesse lors de son premier mariage.
Car les femmes ont aussi la particularité d'avoir une identité changeante :
Née Marguerite d’Angoulême, elle devint Marguerite d'Alençon par son premier mariage et Marguerite de Navarre par son second.
(Sur la photo : la statue de Marguerite de Navarre au jardin du Luxembourg).
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Euterpe et la défense des "femmes perdues" : bravo ! Vous avez bien raison de souligner à quel point lieux et rues manquent de féminin. Faudra-t-il, comme pour les cyclones, instaurer une règle de parité ?
RépondreSupprimerA Tania : ce serait déjà aussi décoiffant qu'un cyclone si, dans ce domaine, on obtenait seulement un rapport de 3/4 (hommes) 1/4 (femmes). La parité c'est plutôt pour l'an 3000 si la planète est encore viable ! :-)
RépondreSupprimerC'est vrai, on n'y pense pas assez souvent(parfois jamais même) tant il semble naturel d'avoir une indigestion de Napoléons ou de Henris...Même chose ici en Espagne pour l'absence de femmes-statues, rues, monuments.
RépondreSupprimerLe dire, le crier, haut et fort, encore et encore.
Dans mon quartier pour nommer une nouvelle allée il y a quelques mois, ils ont trouvé un illustre inconnu (tellement que son nom m'échappe définitivement si je n'ai pas le nez dessus) mais sous son nom, il y a écrit "homme de guerre" pour qu'on connaisse ses contributions à la société et pour bien notifier qu'il mérite sa rue ! Garanti 100 % vrai. Bravo d'avoir souligné ce scandale permanent de l'absence de noms de femmes sur les plaques de rues.
RépondreSupprimerA Colo : Merci de m'encourager, cela me fait très plaisir. Surtout que des Henris comme notre IV doivent souvent leur destin à un certain nombre de femmes. Quand à Napoléon Ier, il a rétabli l'esclavage aboli à la Révolution, et Descartes est l'auteur de la fameuse théorie des animaux-machines...Ainsi le mérite de ses "grands hommes" est un peu surmédiatisé et ils peuvent tranquillement se pousser un peu pour faire de la place à des femmes tout aussi méritantes. Le drame c'est que personne ne nous entend le crier haut et fort !
RépondreSupprimerA Hypathie : cela ne m'étonne pas et c'est pire que cela car j'ai découvert que l'on déféminise des noms de rue. Exemple : la rue Gozlin (un évêque du 9e siècle !) s'appelait au 16e siècle "rue Sainte-Marguerite", du côté de l'église de Saint-Germain-des-Prés où se trouve encore à l'intérieur une statue de Sainte-Marguerite. Ce n'est pas la rue Saint-Jacques que l'on aurait débaptisé, bien entendu.
Héros de la colonisation, héros de guerre, héros de croisade statufiés et glorifiés. Il serait temps, comme l'avait fait le collectif Attac de Belgique à travers une rencontre-débat, d'entamer une réflexion à grande échelle sur le bien-fondé de ces mythifications abusives. Même si je ne suis pas fane du procédé de glorification parce qu'il relève d'une certaine hiérarchisation des individu.e.s, il y a des femmes et des hommes qui, sur une échelle de valeur humaniste, valent bien mieux que ces personnages qui n'ont eu pour objectif que la satisfaction de leur égo.
RépondreSupprimerAu diable les hommes de guerre, place aux femmes (et aux hommes )de Paix
RépondreSupprimerImaginez un peu :
Boulevard Bernadette Soubirou (a vu la Vierge à Lourdes)
Avenue Catherine de Sienne (mystique du XV ou XVI siècle)
Place Mère Térésa (fondatrice des soeurs de la Charité à Calcutta)
Faubourg Soeur Emmanuelle (la soeur des chiffonniers du Caire)
Carrefour Thérèse de Lisieux (mystique, docteur de l'Eglise)
Rue Yvonne Beauvais (fondatrice des Augustines à Maletroit en Bretagne, grande mystique )
Boulevard Françoise Romaine (fondatrice d'ordre religieux à Rome dans les premiers siècles)
Avenue Faustine Kovalska (grande sainte de la Miséricorde canonisée par Jean-Paul II)
Place Claire d'Assise (compagne spirituelle de François d'Assise)
Faubourg Rose de Lima (mystique du nouveau monde)
Carrefour Notre Dame de la Paix (universelle)
Rue Mère de Miséricorde (universelle)
Boulevard Jeanne-Françoise de Chantal (mystique)
Avenue Thérèse Bénédicte de la Croix (Edith Stein, juive philosophe, morte en camp de concentration)
Place Marthe Robin (mystique du XX siècle, a vécu paralysée pendant des années, dialoguait avec Jésus)
Faubourg Madeleine Delbrel (laïque en mission auprès des milieux athés)
Carrefour Jeanne Jugan (les petites soeurs des pauvres)
Rue Clara Schumann (pianiste)
Boulevard Nadia Boulanger (compositrice)
Avenue sainte Monique (mère d'Augustin)
Place Ida Pristi (guitariste, épouse d'Alexandre Lagoya))
Faubourg Lily Laskine (harpiste)
Carrefour Marie l'Egyptienne (femme de charme convertie)
Et tant d'autres dont il faudrait faire la connaissance et dépoussiérer ...
Courage Euterpe, vous avez encore du travail.
Fa #
A Héloise : moi non plus je ne suis pas fane mais c'est encore un domaine-prétexte à masculinisation à outrance avec sentiment d'infériorité à la clé pour les petites filles, simplement en lisant le noms des rues !
RépondreSupprimerA Fa# : je vous recommande absolument la lecture du livre de Florence Launay : "Les compositrices en France au XIXe siècle". Il y a un millier de femmes de valeur là-dedans ! Et c'est un excellent travail qui peut donner envie à d'autres femmes soit de composer, soit de poursuivre la recherche entamée par l'écrivaine.
Et mille noms de rues à débaptiser et rebaptiser ce n'est rien quand on pense à toutes les rues qu'il y a en France !
A ton commentateur qui ne trouve que des noms de femmes en odeur de sainteté et du coup de sacristie pour faire pièce aux "hommes de guerre", je suggère : Marie Curie, Irène Joliot-Curie, physiciennes, Maryse Bastié, jacqueline Auriol et Amelia Earhart, 3 pionnières de l'aviation, Simone de Beauvoir, Simone Veil, Hannah Arendt, philosophes, Marie Pape Carpentier (inventrice de l'école des tout-petits), Olympe de Gouge, révolutionnaire, Emilie Du Châtelet, Sophie Germain, Hypathie d'Alexandrie (philosophes et mathématiciennes), Adélaïde Lovelace et Grace Hopper (inventrices de l'informatique),
RépondreSupprimerGeorge Sand, Marguerite Yourcenar, Madame de Staël, Béatrice Beck, écrivaines, Niki de Saint Phalle, Aurélie Nemours, artistes sculptrices, Simone Weil, Françoise Gaspard, femmes politiques, etc... La liste est interminable et ce, dans tous les secteurs des activités humaines !
Le commentateur est UNE commentatrice. Et oui !
RépondreSupprimerFa , ce sont les initiales de mon nom : Françoise Ampo et dièse car je joue du piano, pas assez sûrement d'ailleurs.
Toutes ces saintes sont à leur manière des révolutionnaires, allez pour vous faire plaisir j'ajoute Camille Claudel.
Fa#
L'une de mes filles qui est une bonne danseuse même à trente ans, me souffle à l'oreille des noms d'étoiles qui ont brillé :
RépondreSupprimerAvenue Isadora Duncan
Boulevard Pina Bausch
Carrefour Frida Khalo (ah, merveilleuse Frida qu'elle a si bien interprétée)
Rue Martha Graham
Et encore , dans le domaine de la sacristie :
Faubourg Louise de Marillac, (veuve à 35 ans, oeuvre auprès de Vincent de Paul. Avec lui, elle fonde la compagnie des Filles de la charité, qui ont "pour monastère la maison des malades, pour cellule une chambre de louage, pour cloître les rues de la ville, ou les salles des hopitaux" et pour devise: " La charité de Jésus crucifié nous presse." [source Magnificat]
Pour avoir exercé moi-même le métier d'infirmière je vous assure qu'il ne s'agit pas là d'occupations de sacristie mais de charge lourde, lourde ...si lourde ...
Fa#
@ FA dièse : désolée de vous avoir prise pour un homme ; toutes ces vapeurs d'encens ont dû me brouiller la vue, sans doute ! Et Lou Andréas Salomé ! Marie Bonaparte !
RépondreSupprimer;-)))
A Fa# : oui, les danseuses et chorégraphes ! Voilà qui nous changerait des militaires ! D'autant qu'aucune rue n'en porte le nom, la place Diaghilev à Paris mise à part.
RépondreSupprimerA Hypathie : en fait, les femmes que tu cites, exceptées Hypathie, Lovelace, Lou Andreas Salomé, Emilie Du Châtelet, Béatrix Beck, Françoise Gaspard et Grace Hopper, ont déjà leur(s) rue(s), c'est pourquoi j'en proposerais d'autres qui n'en ont pas du tout : Sophie Blanchard, aérostatière, Yvonne Choquet-Bruhat (1ère femme élue à l'Académie des Sciences)...Monique Wittig,...ben et puis "mes" femmes...Pernette du Guillet, Helisenne de Crenne, Catherine des Roches, Suzanne de Court et bien d'autres à découvrir comme les compositrices de Florence Launay dont je parle dans ma 1re réponse à fa# !
d'après vos commentaires, le monde semble prêt à leur rendre hommage à toutes ces femmes !!! commençons donc maintenant l'ouvrage.
RépondreSupprimerJe voudrais signaler à l'anonyme que je travaille près de la place Lili Boulanger (angle rue Ballu, rue de Vintimile), je vois en tapant sur Google "rues de Paris, noms de femmes" qu'une centaine de rues seulement sur 5000 sont concernées.
Oui, sans conteste, il reste du chemin, et des rues à parcourir... (quel dommage que je n'aie pas pu te croiser rue St Jacques ;-))
Et une rue Valérie Solanas (même si elle n'est pas française) ? Une rue où les machos n'oseraient s'aventurer de peur d'y croiser son fantôme ;)
RépondreSupprimerA Lucia Mel : tiens, ben voilà : je ne connaissais pas Lili Boulanger, du coup j'ai écouté sur youtube ce qu'elle a fait. C'est intéressant, merci Lucia ! Ainsi que cette proportion : 100 pour 5000 ! Je ne me trompais donc pas en écrivant (alors que je l'ai fait à vue de nez) qu'il n'y a même pas une proportion d'1/4-3/4 !
RépondreSupprimer(Tant pis on se croisera en novembre si tu es là plus longtemps que moi à Paris :-))
A Héloise : Ouais une rue qui intimide les machos voilà qui serait fortifiant pour le sentiment-de-leur-propre-valeur ("Selbstbewußtsein" (: en allemand il y a un mot pour !)) des femmes !
Bravo Euterpe pour cette tirade sur les femmes dans l'espace!
RépondreSupprimerEt moi, j'ajouterai toutes les muses qui tenaient le balai pendant que messieurs créaient, du style Kiki de Montparnasse, La Goulue, Sofi Andreïevna Tolstoï, jeanne Duval, Clara Shumann (oui), Alma Maller, et puis les "pétroleuse", Virginia Woolf,Rosa Luxembourg, Louise Michel, les actrices,Sarah Bernardt...
Bref, les femmes qui ont permis aux hommes de "créer" sont légion... l'inverse est très rare!
Question d'égo...pas d'égaux...
A Bettina : bonne idée pour Kiki de Montparnasse, Jeanne Duval, Sofia Tolstoi et La Goulue ! Les autres ont déjà leur rue mais peuvent sans problème en avoir plusieurs, et quelques places et quelques statues et quelques hôtels et quelques cafés, aussi. Une Clara-Schumann-Straße existe à Potsdam et une Rosa-Luxemburg-Platz à Berlin avec la station de métro correspondante. Les Alma-Mahler-Werfel-Straße ne sont pas trop légions mais il y en a par ci par là et c'est vrai qu'en France il pourrait en avoir une étant donné qu'elle a vécu à Sanary-sur-Mer où elle a sa tombe. Par contre il n'y a même pas de Virginia-Woolf-street en Angleterre ! C'est un comble !
RépondreSupprimerIci Armande de Vie de meuf, Euterpe, très contente que tu parles de mon bouquin sur les compositrices! J'ai justement choisi Armande comme pseudo parce qu'Armande de Polignac est une de mes préférées. Il faut que je suggère une rue ou une place A de P au Puy-en-Velay, là où sont conservées la plupart de ses œuvres.
RépondreSupprimerA plus, je vais rejoindre Nadia Boulanger dont je dois parler mardi soir à la bibliothèque de Heilbronn.
Oh ! C'est vraiment extraordinaire ! Je suis très honorée ! En fait, je connais ton livre par Adèle B. qui t'a écrit aujourd'hui. Bienvenue au club des exploratrices à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps ! Il faut absolument que nous nous rencontrions, en effet !
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