à la recherche des femmes perdues dans l'espace-temps et autres aventures...
lundi 28 juin 2010
Histoire d'Histoire de l'Art
Dans les catalogues de vente de reproduction de tableaux en ligne,les noms des peintres sont accolés aux tableaux sans se soucier du fait qu'en réalité ils leur sont attribués avec parfois beaucoup de réserves.
Une parenthèse est donc nécessaire ici concernant le processus d'identification des tableaux dans l'histoire de l'histoire de l'art.
Comme "Anonymous" est intervenu pour dire que je n'aborde pas les portraits masculins ne regardant pas la personne qui tient le pinceau, j'ai effectué une recherche sur le sujet pour découvrir, premièrement. que peu de tableaux attribués à Corneille de Lyon sont dans ce cas. D'abord il m'a semblé que cela ne touchait que les portraits des fils et du beau-fils de Francois Ier pour me rendre compte,finalement, que seul le portrait d'Henri II adolescent n'est jamais accompagné de la mention "attribué à", "entourage de", "atelier de", ou "?". Mais cela n'est pas une garantie non plus.
Dans "Portraits francais XIVe XVe XVIE siècles Musée du Louvre" on peu lire ce genre de réserves :
17. CORNEILLE DE LYON ( ? - I 5 74) "Jacques Bertaut,contrôleur de la Maison du Roi". Bois 20 X 15. Coll. Gaignières, n° 378; coll. des Ordres du Roi aux Grands Augustins; Musée des Monuments français, 1792, no 81; Louvre, 18 17. Laborde l'attribuait à Corneille de Lyon ; Moreau- Nélaton hésite ; Dimier le donne à un anonyme travaillant vers 1560. C'est probablement le même Bertaut, mais âgé de 20 ans de plus, que représente un dessin passé dans la vente Wickert et signé d'un Peints Bertaldus (peut-être son fils) dont on ne connaît aucune autre œuvre.
L'oeuvre "Jacques Bertaut, contrôleur de la Maison du Roi" fait donc l'objet d'une analyse continu depuis le XIXe siècle.
Léon de Laborde (1807-1869) ancêtre par alliance du baron Seillière a donné son opinion sur ce tableau : il est de Corneille de Lyon.
Étienne Moreau-Nélaton (1859-1927), plus nuancé, hésite. J'ajoute qu'Étienne Moreau-Nélaton pas trop machiste malgré l'époque est le premier a avoir avancé que Catherine de Médicis possédait une collection de tableaux et que les inscriptions à même le tableau (voir mon "Marguerite de Valois et la loi salique") servaient à consigner le sujet du portrait.
Il hésite et préfère s'abstenir de lui donner une (m/p)aternité quelconque.
Louis Dimier (1865-1943) historien de l'art monarchiste membre de l'Action francaise veut lui trouver un auteur. Il l'apparente donc à un autre tableau dont le sujet serait peut-être le même et signé peut-être du fils. Les filles n'en parlons pas.
Aucun de ces hommes fidèles à l'esprit de leur temps ne se préoccupera du fait que Corneille de Lyon a quatre filles dont l'une, au moins, peint.
Pas d'historienne de l'art, bien sûr, à une époque où les femmes n'étaient pas autorisées à faire des études supérieures. Mais avant que les historiennes de l'art sortent des sentiers battus par leurs aînés masculins...cela prendra peut-être encore bien du temps si du moins ce temps nous est dévolu !
L'interprétation est donc plus que permise.
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Merci beaucoup de votre blog au sujet aussi peu commun que d'intérêt public et pour le sérieux avec lequel vous tachez de répondre au but que vous vous êtes fixée.
RépondreSupprimerUne ex étudiante en archéo et histoire de l'art et (inch'Allah) futur prof d'histoire de l'art qui espère bien ne pas tomber dans le même travers que tant d'autres avant elle : enseigner une histoire d'hommes
A Lledelwin : ah quelle joie de vous lire ! J'attendais bien un peu quand même une intervention d'historien-ne de l'art ! Alors mon conseil si vous vous destinez à ce domaine : soyez coriace. Replacer dans l'histoire les femmes qui en ont été écartées cela n'en a pas l'air mais c'est un vrai sacerdoce !
RépondreSupprimerIntéressant.
RépondreSupprimerfa#
D'accord avec Lledelwin sur l'intérêt de votre blog - et avec vous sur l'avenir de l'histoire de l'art.
RépondreSupprimerSur notre site http://www.repro-tableaux.com, nous essayer de préciser si le tableau est attribué à, provient de l'atelier de, ou a été fait à la manière de.
RépondreSupprimerEx pour Rembrandt: http://www.repro-tableaux.com/a/rembrandt-werkstatt.html
Et on est humble. Tous les commentaires des clients sont pris en compte pour améliorer les renseignements sur les oeuvres d'art présentées sur notre site.
À Fa# : je suis enchantée d'avoir un commentaire de vous. Bienvenue et merci !
RépondreSupprimerÀ Tania : et oui, dans ce domaine-là aussi le plafond de verre fait barrage !
À JeanGerard : désolée je suis allée sur votre site et j'ai vérifié le cas du tableau cité ci-dessus (Jacques Bertaut, contrôleur du roi). Vous n'émettez pas de réserves quant à la paternité de Corneille de Lyon pour cette oeuvre. Idem pour Charles duc d'Angoulême (le fils benjamin de Francois Ier) n'est pas "attribué" non plus, alors qu'il le devrait.
Je crois très sincèrement que vous êtes humble et prenez en compte les remarques des clients mais un site de reproduction de tableaux n'est pas non plus un centre d'archives historiques et vous ne pouvez pas vraiment empêcher un certain abus de simplification.
Tient, je pensais à quelque chose : les peintres ne sont pas reconnu comme des Artistes mais comme des artisans, et à se titre doivent s'affilier à une guilde ou une corporation patronnée par St Luc. Outre qu'elles réglementaient les conditions de travail, elles imposaient aussi certaines conditions nécessaire à l'obtention du statut de compagnon ou de maitre, celui-là seul permettant de pratiquer la peinture dans son propre atelier.
RépondreSupprimerOn passait par différent stades :
- apprentissage chez un maitre, auquel on était lié par un lien patriarcal, ledit maitre ne pouvant prendre qu'un nombre limité d'apprenti, exception faite pour ses propres enfants.
- Après X temps, la réalisation d'une œuvre maitresse, on devient compagnon...
- Pour devenir Maitre, il faut réaliser un chef d'œuvre (et savoir financer cette réalisation) + avoir de quoi payer la cérémonie et l'atelier = être un bourgeois, c'est-à-dire avoir du bien et un droit de cité, souvent aussi il faut être marié...
Autant dire que je n'imagine pas très bien de femmes devenir des maitre-artisans dans ces conditions, donc pouvoir se faire un nom en tant que peintre. Ca explique aussi que les peintresses connues sont des "filles de" : elles ont appris avec papa, en tant qu'apprentie, mais elles ne vont probablement jamais devenir des compagnons peintre...
Ces corporations sont très fortes au bas Moyen-Age, elles s'essouflent progressivement mais avec des variations :
En France, l'Académie rouale de peinture et sculpture est fondée au XVIIeme, pour y entrer il faut (surprise) réaliser un chef-d'oeuvre et les peintres et sculpteurs qui y sont admis sont considérés comme supérieurs aux artisans, tandis que ceux qui n'y sont pas admis se regroupent dans une autre académie... Bien sûr, ces académies (surprise) ne sont pas ouvertes aux femmes, mais au moins elles ne prétendent pas organiser à la fois le syndicat des artistes et la formation de ceux-ci, donc il est possible de se former en-dehors des structures patriarcales, ce qui ne l'était pas auparavant.
Mais aux Pays-Bas, le système corporatiste reste bien vivant, il ne commence à se détricoter que plus tard.
Et c'est quand ce système perd de sa force qu'apparaissent les femmes pleinement peintres, c'est à dire celles qui non seulement sont des artistes accomplies mais sont également reconnues comme des artistes accomplies, les Artemisia Genthileschi, Sophonisba Anguisola (et ses soeurs), Rosalba Cariera...
Il est possible maintenant que je me trompe, car ce n'est pas la période dont je suis spécialiste
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerA Lledelwin : merci de me faire partager ce savoir qui m'intéresse beaucoup ! Du coup, j'ai cherché ce qu'il en était de Catharina van Hemessen et apparemment elle tenait son rang dans la guilde de St-Luc. C'était donc déjà possible pour une femme pendant la 1re moitié du XVIe siècle, et d'ailleurs elle a arrêté totalement de peindre une fois mariée donc elle ne l'était pas. Il devait également y avoir d'autres femmes admises dans cette guilde puisque l'une d'elle, Levina Teerlinc a même accédé au statut de peintre de cour qui était la fonction la plus élevée réservée au métier de peintre de l'époque (idem pour Sofonisba). Cela permet d'espérer en trouver d'autres !
RépondreSupprimer(J'ai validé le message précédent sans faire exprès alors que je ne l'avais pas terminé d'où sa suppression).