jeudi 19 juillet 2012

Le poil féminin au XVIe siècle

Comme on souhaite désormais une Terre aride débarrassée de ses arbres et de sa végétation (semblerait-il, vu le soin que l'on met à raser toutes les forêts), on ne veut plus voir sur le corps de la femme le moindre poil à l'exception des cheveux de sa tête.
 Mais il n'en a pas toujours été ainsi, bien au contraire si l'on en croit Brantôme qui donne quantité de détail intime sur le corps des femmes dans "Les dames galantes".
(image empruntée à Héloïse)

A propos du poil corporel :


"J'ai ouï parler d'une dame grande, et l'ai connu et connais encore, qui est pelue, velue sur la poitrine, sur l'estomac, sur les épaules et le long de l'échine, et à son bas, comme un sauvage. Je vous laisse à penser ce que veut dire cela. Si le proverbe est vrai, que personne ainsi velue est ou riche ou lubrique, celle-là a l'un et l'autre, je vous en assure ; et s'en fait fort bien donner, se voir et désirer".

A propos du poil pubien :

"Les unes y ont le poil nullement frisé, mais si long et pendant que vous diriez que ce sont les moustaches d'un Sarrazin ; et pourtant n'en ôtent jamais la toison, et se plaisent à la porter telle, d'autant qu'on dit : Chemin jonchu et c.. velu sont fort propre pour chevaucher. J'en ai ouï parler de quelqu'une très-grande qui les porte ainsi.
J'ai ouï parler d'une autre belle et honnête dame qui les avait ainsi longues qu'elles les entortillait avec des cordons ou rubans de soie cramoisie ou autre couleur, et puis se les attachait à ses cuisses ; et en tel état quelquefois se les présentait à son mari et à son amant ; ou bien se les détortait de son ruban et cordon, si qu'elles paraissaient frisonnées par après, et plus gentilles qu'elles n'eussent fait autrement.
(...)
Aucunes, au contraire, se plaisent le tenir et porter ras comme la barbe d'un prêtre.
D'autres femmes y a t-il qui n'y ont de poil point du tout, ou peu, comme j'ai ouï parler d'une forte grande et belle dame que j'ai connue ; ce qui n'est guère beau, et donne un mauvais soupçon : ainsi qu'il y a des hommes qui n'ont que de petits bouquets de barbe au menton, et n'en sont pas plus estimés de bon sang, ainsi que sont les blanquets et les blanquettes*".

(* blanc-bec)

Charlotte Roche qui demande ici aux dames d'avoir de l'imagination pour mettre en valeur leur pilosité au lieu de la détruire, devrait bien s'inspirer de nos aïeules !:)

Aujourd'hui malheureusement on va jusqu'à faire une publicité intempestive pour l'épilation des jeunes filles mineures comme le signale Sophie Gourion du blog "tout à l'ego". Plus nue que nue et cela dès l'enfance ! Mais à part ça il y a du progrès sur le front de l'oppression féminine, si, si.

14 commentaires:

  1. @Euterpe, j'irai encore plus loin que vous pour affirmer qu' à la dictature du non poil il faut ajouter la dictature du non poids et la dictature de la non odeur. Et ça me gonfle! A tous les sens du mot!

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    1. Tout à fait d'accord avec vous ! Il s'agit d'être lisse comme du plastique, ne pas prendre de place et être imperceptible à l'odorat comme à la vue (on peut facilement nous confondre avec des mannequins de vitrine) et puis nous ne devons de préférence pas faire de bruit non plus. Être inexistante, quoi ! En allemand, on dit "sich dünn machen", la traduction littérale est "se faire mince" mais le sens réel est : "disparaître".

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  2. Merci Euterpe pour ces références, je vais les rajouter à mon site au chapitre sur la pilosité dans la littérature en mentionnant votre blog. ;)
    Concernant la pub en anglais, l'industrie cosmétique n'a pas son pareil pour raconter des bobards mais avec l'épilation, on atteint des sommets de bêtises et de mensonges. En effet, il est souvent question de "prendre soin de soi" quand on parle épilation. Or, vu les produits que la plupart des femmes doivent mettre sur leur peau pour apaiser par la suite et la douleur ressentir par bcp, prendre soin de soi serait plutôt de ne pas y toucher.
    Oui mais non. L'industrie cosmétique ne vend pas de produits pour embellir les poils du corps. Elle ne vend que ce qui permet de les enlever. Ne pas les enlever, ça ne rapporte rien du tout aux marchands de rasoir. Du coup, pour faire passer la pilule, on explique aux femmes que c'est indispensable de s'enlever les poils ("free your skin", selon V**t), comme si les poils emprisonnaient les femmes. Mais bien sûr, V**t ne parle que des poils sexuels, pas ceux sur la tête qui n'emprisonnent pas la peau.
    On peut s'enlever les poils pour de bonnes raisons mais celles mises en avant dans les pubs sont à gerber.

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    1. Merci pierregr ! Je n'ai pas encore tout lu de votre site mais il est extrêmement intéressant. En effet, il n'y a bientôt plus que les hommes qui ont le droit de porter leurs poils, quoi que certains l'enlèvent aussi mais personne ne les y contraint vraiment. Le poil est donc bien un symbole de pouvoir. Et bien sûr l'épilation fait le profit des marchands de poisons et d'instruments de torture.
      Mais comme vous le dites sous couvert de "prendre soin de soi" on nous demande de nous mutiler car l'arrachage de poils est odieux et laisse des séquelles.
      En France, il est déjà extrêmement bien ancré dans l'esprit des filles qu'il faut s'épiler mais en Allemagne, je me demande si ce n'est pas pire car les jeunes filles s'épilent également les avant-bras (dès l'âge de 12 ans), une zone du corps qui présente parfois une pilosité importante.
      Sinon, il y a ici et là des groupuscules qui font de la résistance mais certains regards vous font comprendre qu'ils ne vous considèrent pas vraiment comme faisant partie de l'humanité normale (ceux de la prof de sport, par exemple, quand j'exhibe mes aisselles blondes au cours des exercices où il faut lever les bras :)). L'aliénation est déjà bien avancée.

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  3. J'aime beaucoup ton intro avec le parallèle nature/femmes. La nature "naturelle" dérange, il leur faut la policer pour la dominer. Le contrôle du corps des femmes est dans la même veine un instrument de domination, j'en suis plus que convaincue.

    PS: moi aussi, je me suis fait repérer aux cours d'étirements avec mes poils aux aisselles ! Et je me dis que si nous avions été deux au moins, nous aurions pu faire réfléchir les autres. Seule, tu passes toujours pour une marginale ...

    PPS: je ne suis pas super dispo en ce moment, désolée donc pour mes apparitions irrégulières :/ Mais je suis toujours dans les parages attendant des jours plus calmes !

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    1. Merci Hélo. Ce qui est marrant c'est qu'avec Brantôme on peut même voir que la logique a changé du fait du changement de moyen de locomotion. Tant que le mode de locomotion était le cheval (qui un être vivant appartenant à la nature), le poil était vu comme un avantage (le con devait être herbu parce que les chemins herbus étaient les meilleurs pour chevaucher comme il le précise) et lorsqu'on est passé à la tuture, l'herbe est devenu gênante, on s'est mis à asphalter les routes parce que plus une route est lisse et droite, mieux on roule.
      Il y a donc bien un rapport avec le développement technologique et notre aliénation.

      C'est vrai, on est seules dans nos coins avec nos aisselles poilues...j'ai bien des copines ici qui ne s'épilent pas mais elles ne sont pas dans mon groupe sportif, malheureusement. Néanmoins, je me dis parfois que je vais peut-être finir par en faire craquer une...il faut bien rêver !:)

      Merci pour ton PPS car tes apparitions toujours enrichissantes me manquent beaucoup. Je te souhaite des jours plus calmes qui ne se fassent pas trop attendre ! :)

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  4. Délicieux ces petits extraits sur les poils ! D'autant plus que certaines savaient bien en tirer parti ;))

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  5. en tant que Portugaise, je n'ose commenter... si ce n'est pour protester ;))) car j'ai plus le système pileux de l'Asiatique que celui de la Méditerranéenne... J'ai longtemps souffert de cette stigmatisation-là, et il m'était difficile d'en rire. Aujourd'hui face à mon corps qui, avec le temps, devient de plus en plus imberbe (ma grand-mère m'avait prévenue, vieille, elle était redevenue comme une jeune fille, plus aucun poil nulle part, ni sous les bras, ni sur les mollets, ni..., me disait-elle d'un air coquin). Laissons-nous être ce que nous sommes, tout simplement.

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  6. http://www.cqfd-journal.org/Liberation-surveillee

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  7. j'ai adoré toutes ces idées à faire avec ses poils... une fois qu'on les aura laissé pousser (perso j'ai pas la patience ;o) déjà pour les cheveux je suis une rapide alors le reste ;o) mais c'est vraiment trop mignon, trop romantique ^^ tu sais il suffirait que ça devienne une mode et on verrait revenir tout ça. Mais les épilations rapportent trop de pognon :o)

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  8. Quel sympathique billet!
    Ha, les poils... dans les années '60 et '70, ils étaient bien présents, tout comme au temps de celui ou celle qui nous dépeint avec candeur, dans ton billet, la pilosité des dames du temps.

    Je suis moi-même très velue et très foncée; jambes, bras, moustache, alouette! J'ai résisté le plus longtemps possible à la pression sociale avant de commencer à m'épiler les jambes. J'avais environ 17 ans. J'avais les jambes tellement velues, que cela me semblait une mission impossible!

    C'est ma belle maman de l'époque qui s'est chargée de m'enlever ces méchants poils à la cire. J'ai tellement hurlé, que mon copain venait voir de temps à autre si j'étais encore vivante!! J'aurais accouché, que je ça aurait pas pu paraître pire! Sauf qu'au bout du processus je n'avais pas un rougeaud bambin dans les bras, mais bien une paire de jambes rougeaudes! Aïe! Mais j'ai poursuivi, et avec le temps, la douleur s'est amoindrie.

    C'est comme quand ma mère m'a épilé les sourcils la première fois. Qu'est-ce que j'ai hurlé! Mais une fois un sourcil épilé, il a bien fallut faire l'autre! Aujourd'hui, c'est rien.

    Mais tout ce qu'il faut faire pour "être femme", c'est pas possible! J'ai maintenant des favoris qui descendent le long de mes joues (merci la cortisone), mais je m'en fout! Y'en a marre!

    Quant aux poils pubiens, je m'organise pour qu'ils ne débordent pas de mon maillot de bain. J'ai quand même une p'tite gêne...

    Mais le pire du pire, outre l'épilation complète du corps, c'est que la mode est maintenant rendue au blanchiment de l'anus!! Mais jusqu'où les femmes (et même les hommes, dans les milieux gais) devront-elles aller?!?

    Je plains ma jeune nièce qui a déjà commencé à se plier aux présumées exigences de la beauté...

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  9. A Hypathie : oui, avec Brantôme, on a souvent l'impression que certaines femmes s'amusaient vraiment bien :)

    A lucia mel : tu as été victime d'un réel sexisme xénophobe + pilophobe sous couvert d'humour qui sévit en France contre les Portugaises (et pas les Portugais, tu remarqueras). C'est juste immonde. Le Portugal a le malheur d'être un petit pays sans frontière commune avec la France. Comme le sexisme et la xénophobie sont le fait de la lâcheté, on ne va pas s'en prendre aux ressortissants d'un grand pays voisin direct (ni aux hommes).
    Et le poil c'est l'animalité. C'est donc ravaler les gens à des animaux pour ceux qui se sentent supérieurs aux animaux (dont je ne fais pas partie).
    Les femmes ne sont évidemment pas plus poilues au Portugal qu'ailleurs ! Tu as toute ma compassion pour ce qu'on t'a fait.

    Merci jfs47 ! "Les entrailles de Mademoiselle" a toujours d'excellent article.

    A Emelire : cette mode si on l'impose pas d'en bas, elle ne reviendra pas. Mais les lobbies de l'épilation vont être encore plus agressif pour empêcher que l'on cesse de s'épiler. Si ca continue, ils vont créer une police antipoil pour ne pas perdre leurs parts de marché ! Comme quoi l'oppression de la femme est un facteur de richesse au même titre que la traite des noirs puis la traite des blanches et entre les deux l'extermination des juifs (je n'ai pas peur de l'écrire).
    Pour mettre fin à cela, il est vraiment nécessaire que les femmes arrêtent de s'épiler mais elles sont dressées à le faire maintenant. Ce n'est pas facile de s'en sortir !

    A lucrecia bloggia : dommage d'avoir accepté de se faire enlever une belle fourrure comme celle-là !:) J'ai une copine qui en a une probablement pareil et c'est très chouette, en fait. Elle a décidé de la garder et je l'en félicite très fort. Bien sûr, comme on n'est plus habitué, les gens regardent ses jambes comme terrorisés. Moi, je suis blonde/rousse et j'en ai moins, cela ne se remarque pas immédiatement. Mais j'ai déjà eu des réflexions par derrière notamment de francais.e.s. Les allemand.e.s ne disent jamais rien sur des sujets qu'ils/elles considèrent comme archi-privés, juste qu'on voit qu'ils n'en pensent pas moins.
    Oui 17 ans, c'est l'âge où la pression sociale est impossible à vaincre. Je me revois moi-même m'épiler les mollets avec une pince ! Les heures que j'ai perdues !
    Moi j'ai des poils sur la face interne des cuisses et là aussi j'ai eu droit à une réflexion une fois qui ne m'a pas plu. Mais je ne les ai épilés que deux ou trois fois puis j'ai arrêté. Même le maillot, je ne me l'épile plus. D'autant que j'aime les poils, moi. Les hommes poilus, les femmes poilues,peu importe.Je n'ai jamais trouvé le poil "disgrâcieux".
    Pour le blanchiment de l'anus, oui, c'est dans la logique de ressembler à un mannequin en plastique. Moins on ressemble à des êtres vivants, mieux c'est, apparemment.

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  10. Ceci dit les hommes commencent à subir les mêmes pressions. Il est de plus en plus difficile de se faire accepter par une fille lorsqu'on porte la barbe drue, même si on dit clairement qu'on accepte d'une fille qu'elle ne se rase pas les jambes. Les hommes aussi souffrent du sexisme et des complexes d'image que l'on fait subir aux femmes.

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    1. Je vous l'accorde ! Mais voilà jusqu'où est capable d'aller le diktat de l'épilation pour les femmes : http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.de/2010/11/jy-crois-pas.html

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