Roland est furieux parce que la belle Angélique dont il est amoureux lui préfère un obscur soldat du nom de Médor. Dans cette histoire est imbriquée d'autres histoires, comme celle de Fleurdépine, princesse amoureuse d'une femme guerrière, Bradamante. Cette sous-histoire est d'autant plus intéressante qu'il est rare de trouver des amours entre femmes dans des oeuvres aussi anciennes, plus rare encore que des amours entre hommes. Mais dans le Roland furieux on trouve les deux : Anselme, un juge réputé est amoureux d'un homme de basse extraction (un couple homosexuel, inter-classe sociale et inter-ethnique !) à qui l'Arioste ne se donne même pas la peine de prêter un nom (il se contente de l'appeler "l'Ethiopien") et dont il blâme fortement les relations.
L'amour de Fleurdépine et de Bradamante est décrite, elle, comme impossible et c'est finalement un certain Roger qui épousera Bradamante fondant avec elle la dynastie d'Este.
Les désirs homosexuels de Fleurdépine et de l'Ethiopien sont sanctionnés et niés. Une intéressante analyse de l'oeuvre de l'Arioste à ce sujet à lire ici. On y apprend par exemple qu'il existe un traité nommé De Sodomia Tractatus d'un certain Ludovico Sinistrari (1632-1701), dans lequel il est dit que les Éthiopiennes auraient un clitoris surdimensionné. Les accoucheurs le brûleraient au fer rouge à leur naissance pour en stopper la croissance.
On retrouve là le fantasme du pénis surdimensionné de l'Africain.
Mis à part que l'Africain lui-même a peur. Peur de l'Africaine !
(Apparemment l'épée de Bradamante n'effraie pas autant l'homme que le clitoris de l'Ethiopienne).
Pour l'occidental "africain-e" ou "noir-e" semble être synonyme d'"Éthiopien-n-e" aussi bien au XVI qu'au XVIIe siècle.
Mais pour ce qui est des fantasmes sur le corps, les moeurs et les "civilisations" du sud, ils semblent qu'ils restent tout aussi forts de nos jours lorsque l'on entend ce que les membres du gouvernement français se permettent de dire pour ratisser les voix de la plèbe et quand on est obligé de constater qu'ils y arrivent !
Le/la noir-e reste donc suspect-e au/à la blanc.he.
Tiens pour la circonstance, j'ai envie de relayer cette vidéo de "Du goudron et des plumes" sur le film "Ziemlich dicke Freunde" qui passe en ce moment à Berlin.
Goudron sur l'écran - Intouchables from Du goudron et des plumes on Vimeo.
Du coup je me demande : le "Noir de banlieue" ne serait-il pas un peu "Éthiopien" par hasard ?
La vidéo de "Du goudron, etc." est excellente: je ne sais pas si c'est vraiment conscient mais les monteurs de la bande-annonce ont réussi à réunir tous les clichés racistes et sexistes sur quelques minutes et ils ne se font pas louper !
RépondreSupprimerA la réflexion, je ne crois pas que ce soit inconscient: une bande-annonce est conçue avec précision pour attirer le chaland, elle doit être un condensé de ce qu'il recherche ... soit une stigmatisation des personnes d'origine étrangère avec la pointe de sexisme qui va bien. Film plébiscité par 19 millions de spectateur.e.s quasiment unanimes, y a encore du boulot ...
A Héloïse : oui c'est vrai. Il ne manque pas un cliché. D'un autre côté, ce film donne une idée peu reluisante du mâle blanc dominant : friqué certes mais au prix de quoi ? Il est coupé de son corps, de ses sensations physiques les plus élémentaires, c'est une épave humaine qui n'existe pas sans prothèse et sans domestique pour le servir. Il assujetit tout et tout le monde mais il n'a plus rien de ce qui fait le sel de l'existence à commencer par pouvoir se mouvoir indépendamment. Le "Noir de banlieue" physiquement plein d'énergie est voué à l'état de larbin d'un être diminué. Mais le public n'y voit là qu'une fable sur l'amitié entre des contraires. On présente les antagonistes comme le "sauvage" et le "civilisé" s'embrassant, fusionnant, se complétant. Alors que le "sauvage" est là pour donner au "civilisé" tout ce qui lui manque mais en échange de quoi ? D'argent. Cet argent qui dans ce film semble conduire tout droit à l'état d'épave. Mais le rêve du pauvre étant d'aller dormir dans les draps en satin du riche quelles que soient les conditions (pense à Peggy Sastre) pour peu que celui-ci veuille bien lui ouvrir sa porte, cela doit en faire fantasmer plus d'un.e. Le rêve du riche est de pouvoir compter sur la générosité illimité de ceux/celles que se laissent si gentiment plumer le reste du temps. Et puis ce qui doit marquer les esprits dans ce film c'est qu'il est dit dans la bande-annonce "...basé sur une histoire vraie". Ah, les histoires vraies ! Il n'y a que ça de vrai !:(
RépondreSupprimerA propos du succès d'Intouchables, on s'émerveille déjà en France de ce qu'il apporterait la preuve que les français ne sont pas racistes (entendu dans plusieurs medias) ; à chaque fois on nous fait le coup -coupe du Monde de foot de 98, gagnée parce que nous serions un pays multicolore ! Tu parles ! Essaie donc d'aller passer un entretien de recrutement quand tu es noire, handicapée, femme senior, femme de 24 ans, minorité ethnique habitant une cité mal réputée, juste pour voir comme on est un pays multicolore ! Foutage de tronche, oui. Je suis d'accord avec ton analyse, Euterpe.
RépondreSupprimerEn ce qui concerne ton billet sur le clitoris des Ethiopiennes, ce ne serait pas de là que vient l'excision, cette coutume barbare de ceux qui ont peur des femmes et craignent leur puissance sexuelle ?
A Hypathie : pas impossible...d'après ce lien http://www.univers-l.com/les_lesbiennes_sous_le_microscope_page2.html
RépondreSupprimerl'insupportable images des filles se satisfaisant elles-même grâce au clitoris est plutôt la vraie raison.
Mais morphologiquement, les petites filles prématurées ont apparemment un énorme clitoris. Cela vient du fait que les grandes lèvres ne sont pas finies (elles se développent en milieu extra-utérin).
Peut-être les Ethiopiennes naissaient-elles tendanciellement prématurées ?
je peux vous confirmer qu'en 1980 à Addis -Abeba on continuait à vanter le clitoris exceptionnel des prostituées éthiopiennes non excisées comme un plus pour le consommateur !
RépondreSupprimerA Anonyme : j'espère que vous avez néanmoins conscience qu'un être humain n'est pas une marchandise ! Dans ce contexte que pouvons-nous savoir de l'artificialité ou non d'une telle particularité anatomique ? Les proxénètes peuvent se servir d'un mythe millénaire pour appâter le chaland et les filles peuvent être trafiquées chirurgicalement, nous ne le savons pas. En tout cas, c'est immonde. Mettre son nez dans la culotte d'un peuple est une atteinte insupportable à l'intimité/intégrité de la personne et relève d'anciennes pratiques de vente d'esclaves + d'actuelles pratiques de commerce du bétail, ne trouvez-vous pas ?
RépondreSupprimerAh! c'est dur! moi qui avais tant rigolé en voyant ce film! je dois manquer sérieusement de discernement!je n'avais pas vu tous ces clichés alors que maintenant, ils me sautent aux yeux...enfin je m'aperçois que je serai toujours aussi bon public!
RépondreSupprimerA claire felloni : ils ne sont pas si faciles à voir, c'est vrai. Moi je n'ai vu que la bande-annonce, en fait, et la seule chose qui m'ait sauté aux yeux c'est le coup des bas de contention avec cette connivence typiquement sexiste qui permet aux hommes de copiner sans avoir rien d'autre qui les relie en dehors du mépris des femmes. Je n'ai même pas vu le racisme !
RépondreSupprimerOn est tellement habituées depuis toutes petites à rigoler du mépris nous visant et même à le partager ! Alors pour ce qui est des clichés racistes... Mais en fait, c'est cela qui est dur : d'avoir intégré de telles violences comme tellement normales qu'elles nous amusent.
Sexisme et racisme présentés sur le ton du divertissement, c'est fatal !