jeudi 11 avril 2013

Claire Villeneuve, caricaturistesse féministe

Je ne doute bien que certain.e.s puristes(ses) de la langue puissent être effaré.e.s de me voir utiliser un mot comme caricaturistesse et ne pas du tout comprendre quelle nécessité je peux ressentir à créer un tel "barbarisme" avec deux suffixes qui se succèdent tels les wagons d'un petit train dont la locomotive serait à l'arrière.
Il s'agit bien entendu de personnes qui se préoccupent peu de rechercher des femmes ayant exercer telle ou telle activité ou profession sinon elles comprendraient très vite que la langue francaise ne se prête à aucune recherche de ce genre.
Obtenir des femmes caricaturistes nécessite d'utiliser deux termes "femme" et "caricature". Or des caricatures de femmes, c'est à dire des femmes que l'on a caricaturées jusqu'à en faire de véritables séries intitulées "les bas-bleus" ou la femme moderne" et j'en passe...., il y en a une quantité innombrable, et c'est donc ce vers quoi nous mène la double occurence dans notre pas belle langue quand il s'agit de chercher des femmes. C'est pourquoi ma recherche à moi s'effectue en allemand, langue qui possède, elle, son féminin pour chaque profession, dans le cas qui nous intéresse "Karikaturist" pour un homme, "Karikaturistin" (double suffixe) pour une femme.

Beaucoup ne savent pas que des féminins pour chaque profession ont existé en francais et ont été supprimé au début du XXe siècle dès que les femmes ont commencé à exercer les activités désignées par ces noms, soit en nombre plus important que dans l'Ancien Régime, soit pour "de vrai".
Pour exemple : librairesse (activité déjà exercée), mairesse et ministresse (désignaient les femmes de maire et de ministre), doctoresse, etc...

Aujourd'hui, il paraît même qu'utiliser "compositrice" est un sacrilège....

Ce tabou sur le nom de profession féminin lorsqu'il touche des domaines que veulent se réserver les hommes est très malin. Autrefois, il permettait de ne donner dans un lexique que des exemples masculins en relation avec telle ou telle profession, maintenant cela s'applique à tout le web*.
Pour cette raison, je n'ai pas trouvé la caricaturistesse ci-dessous sur le web mais ailleurs. (Les dessins sont de 1927. Je n'en sais pas plus sur la personne).

   Elle utilise d'ailleurs un mot très surprenant elle-aussi : le "ressarcissage" ! Si quelqu'un.e peut me dire ce que c'est...
TWL-2002-417.jpg L
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 D'autres illustrations se trouvent ici.

*Pour trouver des femmes caricaturistes, il faut donc créer un SEUL mot !

11 commentaires:

  1. Voilà un billet qui me donne envie illico de passer de lectrice à commentatrice, tu t’en doutes ! Je comprends ton point de vue et ton insistance sur ces suffixes, cela participe vraiment de ton combat féministe tous azimuts.
    J’ai cherché « une caricaturiste » sur Google et j’ai trouvé trois dessinatrices dans les dix premiers résultats, mais je suppose que tu considères que l’article ne suffit pas ; c’est vrai que quand on indique une profession derrière un nom, on ne met pas l’article et le genre alors n’apparaît pas (par exemple, Claude Villeneuve, caricaturiste – h/f ?).
    Sur ta lancée, j’ai rouvert « Le bon usage » de Grevisse pour rechercher tous ces vieux noms en –esse comme apothicairesse, clownesse, jésuitesse ou seigneuresse, typesse et même Turquesse. Plus d’un de ces féminins passe pour péjoratif ou familier, ce qui en dit long.
    En Belgique, contrairement à la France, la féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre, est recommandée. Je t’ai sans doute déjà signalé le petit guide de 2005 (première édition 1994) : http://www2.cfwb.be/franca/femini/ La liste comprend 1619 entrées. Au départ, elle voulait allier « prudence et respect du génie de la langue », mais dix ans plus tard, « les usagers se sont montrés plus audacieux que les linguistes ». L’avant-propos du guide conclut sur la « liberté des utilisateurs » (en dehors des actes administratifs) en considérant que les usagers de la langue la construisent peu à peu, évacuent certaines formes, en banalisent d’autres (on l’a vu pour « courriel » dans un autre domaine) – certains diront « la maire », d’autres « la mairesse », pourquoi pas ?
    Personnellement, je ne comprends pas pourquoi même des féministes françaises tiennent tant à garder le masculin pour « neutraliser » la fonction, disent-elles, mais peut-être cela évolue-t-il quand même, sous l’influence de leurs voisines ?
    (Ressarcissage inconnu, sans doute pour rapiéçage, d’après le dessin.)

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    1. Merci Tania pour la longue réponse. Oui, mais quand tu cherches avec "une caricaturiste", tu cherches aussi avec deux mots et même si tu obtiens trois femmes, cela ne permet pas de trouver des femmes caricaturistes du passé, c'est cela qui me chagrine. Et puis trois sur dix, tu avoueras que c'est peu quand tu penses à toutes les "caricaturistesses" qui existent ! Rien qu'en France, il y a en a déjà pas mal ! Oui, il semble qu'en Belgique et au Pays-Bas (et en Allemagne) le machisme soit un peu moins violent en ce qui concerne la langue et le lien est super intéressant ! Bon du coup je me suis amusée à cliquer sur les mots qui se terminent en "iste" et bien sûr il n'y a pas de "istesse", ce système de double suffixe est propre aux langues du nord + non latine.
      Il faudrait pourtant donner autant de place au féminin dans la langue qu'on a envie d'en avoir dans l'espace réelle. La langue n'est finalement qu'un miroir.
      "rapiéçage" : ah oui, merci, j'avais oublié ce mot !

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  2. Une petite caricature vaut autant que toutes les savantes analyses féministes ! Ça devrait être obligatoire d'afficher ça dans toutes les classes des écoles de la république, pour l'édification des garçons et la prise de conscience des filles.

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    1. N'est-ce pas ? Et au lieu de cela, c'est juste hyper difficile de repêcher ces caricatures du néant.

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  3. Article juste et précis. A travers votre blog, vous exhumez les femmes perdues dans l'espace-temps, effacées de l'Histoire écrite par les hommes. Or, supprimer la désinence féminine des professions telles que auteur, compositeur, sculpteur etc... est le premier pas à effectuer pour effacer les autrices, compositrices, sculptrices... des annales.
    Sur un autre blog, j'avais lu le post d'un commentateur qui écrivait que le terme écrivaine était employé par des féministes ecervelées trop contentes d'insulter la langue française et qu'il fallait dire écrivain. Nous ne sommes pas sorties de l'auberge. En tout cas, cette histoire de terminologie tient drôlement à coeur aux patriarches, preuve que la langue est le premier outil de l'oppression.

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    1. Oui c'est sans arrête harro sur les vilaines féministes qui terrorisent le monde et veulent défigurer la langue française, l'insulter, la mutiler, la piétiner (l'éradiquer peut-être ?).
      Toucher au masculin universel du français, c'est de l'ordre du blasphème. Et bien sûr ce sont pour moitié des femmes qui sont sur le pied de guerre à ce sujet tandis que quelques hommes sont plutôt d'accord avec les féministes.
      Le problème est là, malheureusement.
      Si toutes les femmes étaient féministes, au moins au sujet de la langue, il y a longtemps que nous aurions l'égalité femmes/hommes.

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  4. une commission avait été créée en 1984 (présidée par Benoîte Groult) pour réfléchir et faire des propositions à ce propos "la féminisation des métiers, grades, etc.", voici quelques liens :

    féminisation

    rapport de la commission générale de terminologie

    Il faudrait sans doute poursuivre les efforts de recherche, car lorsqu'on clique pour essayer d'accéder au guide édité par l'INALF on aboutit sur "erreur 404" : la page n'existe pas...

    Il semblerait qu'on se contente au fil des ans (depuis 1984) de répéter qu'on a décidé de s'en occuper... voici ce qui a été défini en 2012, un renvoi au passé :

    observatoire parité

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  5. le premier lien hypertexte ne marche pas (ça semble être une constante sur blogspot), voici l'adresse :

    http://www.culture.gouv.fr/culture/dglf/cogeter/feminisation/accueil-feminisation.html


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    1. Merci lucia mel. Il ne faut pas se demander qui fait obstruction. A commencer par les vieux hiboux de l'Académie Française, Jean Dutourd et couillesort en tête ! Bon Ok Jean Dutourd est mort mais pas son esprit.
      Ce n'est pas non plus d'Ormesson qui va se précipiter pour faire progresser quoi que ce soit dans ce domaine, trop occupé de sa propre personne et de son autocélébration qu'il est.

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  6. Oui, j'avoue que ce vocabulaire essentiellement masculin me trouble . Je pense à un mot qui me pose un problème, c'est le mot : témoin ? Comment l'écrire au féminin ?

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    1. Oui, bonne question : "témoigneresse" ? On trouve ce mot dans le dictionnaire du moyen-âge en tout cas : http://cnrtl.fr/definition/dmf/t%C3%A9moigneresse.

      Mais il y en a encore plein d'autres comme : successeur, prédécesseur, vainqueur, serviteur,...... et je m'étais promise d'en faire une liste mais je ne l'ai toujours pas faite !

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