mercredi 24 avril 2013

Anaïs Ségalas, poétesse anticatholique

Très beau morceau choisi de la poésie d'Anaïs Ségalas "Les oiseaux de passage" et je comprends en la lisant qu'elle ne soit pas étudiée à l'école dans un pays où il est si mal vu de remettre en cause la religion :


J’étais, au cimetière, et j’y rêvais, un soir,
Regardant les tombeaux et les croix de bois noir,
Et tous les noms gravés, noms de cendres humaines
Je marchais au milieu, de deux files de morts

Songeant que je sentais seule, entre tous ces corps,
Un cœur dans la poitrine et du sang dans les veines.

Je me disais : « Chacun a sous ces tertres verts
Quelque front qu’il baisait et que rongent les vers,
Une perle, une fleur qui parait sa demeure.
Quels yeux n’ont à leur tour versé des pleurs d’adieu !
Nous ne savons pas tous comme on rit ; mais, grand Dieu !
Nous savons bien tous comme on pleure !

« C’est donc ici que vont les trésors des maisons :
Le père aux cheveux blancs l’enfant aux cheveux blonds,
La jeune femme folle et rose encor la veille !
Nous avons tous quelqu’un qui manque sous nos toits,

Un visage qui, manque à nos yeux, une voix
Qui nous vibrait au cœur, et manque à notre oreille,

« Que deviennent ces morts ? m’écriai-je beau ciel,
S’en vont-ils voir Jésus, Marie et Gabriel ?
Ont-ils l'habit de lin avec la palme verte ?
Sont-ils dans des cités de vapeurs et de feu ?
Montre-moi ces cités, Saint des Saints, Seigneur Dieu,
Laissez-en la porte entr’ouverte !»


Le ciel resta voilé. « Que deviennent les morts ? »
Dis-je aux tombeaux je vis dans les fosses, alors,
Des chairs où mille vers font des festins profanes,
De longs squelettes creux, des corps de marbre blanc,
De la poussière d’homme et je crus, en tremblant,
Lire le mot néant écrit sur tous les crânes.

 J’entendis une voix atroce dans mon cœur
La voix qui fait pâlir, la voix qui dit malheur :
C’était la voix du doute. Et les yeux vers la terre,
J’écoutais ; je sentais de longs frissons d’effroi,
J’étais épouvantée, et mon corps était froid,
Comme les corps du cimetière.

A propos de catholicisme, une satire très hilarante sur Frigide Barjot se trouve ici.
Observez l'affolement de Laurent Ruquier et autres après la parodie du Christ. Il est même question de dire que rien n'était "blasphématoire" dans le sketch. En est-on déjà à parler comme en Russie d'éventuel crime de "blasphème" ? C'est choquant vu d'Allemagne où une telle parodie ne mettrait pas les modérateurs/trices ainsi sur des charbons ardents. 
Grave.
Et à propos de la mort, autre lien intéressant, cette fois chez bab : une passionnante vidéo sur le nucléaire synonyme de "mort".
Tiens, je me demande s'il y a beaucoup de cathos antinucléaires étant donnée leur adoration pour un cadavre...

12 commentaires:

  1. Ce poème me parle énormément, merci de me le faire connaitre, je vais aller rire un peu avec la satire, cela console de la c....rie ambiante

    RépondreSupprimer
  2. Je suis ravie que ce poème te parle ! Il est beaucoup plus long, en fait, mais on ne peut malheureusement pas le copier/coller de Gallica où je l'ai trouvé.

    Je te souhaite une bonne rigolade avec le sketch. C'est un peu trash mais bien envoyé ! :)

    RépondreSupprimer
  3. En bien plus modeste voilà ce que j'avais écrit avant de devenir athée.... (c'est dire comme c'est loin)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pas aussi loin que du temps d'Anaïs Ségalas quand même ! ;)

      Supprimer
  4. Oh, oui, nous avons tous une/des voix qui manque/ent sous nos toits...comme Dominique, il me parle beaucoup, un cri de désespoir aussi.
    Merci, je ne connaissais pas du tout cette poétesse.

    Le reste, à vrai dire, je ne connais pas trop...
    Belle soirée Euterpe.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'ai guère de mort à déplorer, en ce qui me concerne, je ne perçois donc ce poème que sous l'angle de sa "trahison" en la foi chrétienne qui venait à peine d'être autorisée avec la Révolution et je m'étonne que l'on permette l'enseignement de Baudelaire mais pas d'Anaïs Ségalas.

      Je comprends néanmoins un peu votre ressenti à Dominique et à toi...

      Pour "le reste", j'évoque une personne très conservatrice qui sévit en ce moment France et qui confond allègrement lourde vulgarité et humour. Une sorte de clownesse sinistre aux idées nauséabondes dont l'aspect multicolore fait plus penser à l'eau potable polluée par de l'huile de vidange qu'à la splendeur de l'arc-en-ciel. Si la parodie peut paraître elle aussi bien vulgaire, ce n'est rien à côté de l'original-e ! Mais ce sont, bien sûr, les médias qui offre une tribune à cette personne...Pour faire honte aux femmes peut-être ?

      Supprimer
  5. Religions et manque d'humour et d'ouverture d'esprit = pléonasme !
    Le constat est assez effrayant, la société devient de plus en plus procédurière, avec une morale de culs bénits. Finis les temps où nous pouvions rire d'à peu près tout sans problèmes et sans risquer le procès pour " atteinte aux bonnes moeurs ";
    Merci pour le lien chez Babe, je fais suivre ! et merci pour Ségalas qui ne craint pas de douter. Magnifique ce poème !
    Bonne soirée Euterpe, salue l'Allemagne pour moi !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On est d'accord, Sable du temps ! ;)
      On est loin d'avoir de tel.le.s intégristes en Allemagne, heureusement. Pourvu que la tendance s'arrête à la frontière !

      Je t'envoie plein de soleil d'Allemagne, qui te salue aussi :)

      Supprimer
  6. Je trouve que ce poème est magnifique, et par certains aspects j'ai ressenti moi aussi la même chose, les mêmes doutes, les mêmes frissons surtout dans des circonstances où on ne comprend pas ce que peut bien vouloir dire cette fameuse "justice" de Dieu tant adulée dans nos pays dits civilisés.
    Je respecte infiniment ceux qui croient en un surnaturel,celleux qui élèvent la pensée, mais j'ai des frissons d'effroi lorsque j'écoute tous ces "beaux" discours , surtout ceux des catholiques intégristes qui bien souvent ne respirent que la haine de l'autre , de celui qui ne croit pas à ces histoires inventées par des hommes pour les hommes dans le seul but d'affirmer leur pouvoir.
    Je ne connaissais pas cette poétesse mais j'avoue qu'avec ce poème j'ai été touché.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, de toute beauté, n'est ce pas ?
      Mais comme c'était une féministe qui a participé, au milieu du 19e siècle, à la rédaction d'un journal féministe, journal qui a fini par être interdit, le patriarcat la jette aux orties.
      Quand il s'agit de maintenir ce pouvoir que vous dénoncez, les nonnes sont toujours plus appréciées, même par les athé.e.s, que les femmes qui luttent pour l'égalité !

      Supprimer
  7. Encore une poétesse de talent jetée aux oubliettes que vous nous faites découvrir, merci Euterpe :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout le plaisir est pour moi, Sylphe :) Et puis je les découvre d'abord moi-même et je m'étonne terriblement !

      Supprimer