jeudi 24 janvier 2013

Marie Coupe-bourse (actualisé)

Il est écrit dans la Bible :

"Tout homme qui porte un vêtement féminin est maudit, et toute femme qui porte un habit d'homme est également maudite. Notre vêtement nous a été donné comme marque distinctive par où différencier les sexes" (Deutéronome 22-5)

Au XVIe/XVIIe siècle, une Anglaise se vêtit pourtant "officiellement" en homme (en dehors de la reine Marie de Hongrie qui l'avait déjà fait avant elle mais elle était reine, c'est différent), à savoir une certaine Mary Frith (1584-1659), pickpocket notoire à moitié redresseuse de tort qui osait se produire sur la scène d'un théâtre populaire (pourtant interdit aux femmes) vêtue en homme pour y chanter des chansons obscènes en jouant du luth.

Cela se passait dans l'Angleterre de Jacques Ier où parut bientôt (en 1620) un pamphlet contre les femmes virilisées intitulé "Hic Mulier".
Une réponse anonyme, "Haec Vir" fut publié la même année contre les hommes efféminées par le vêtement et la parure.
Car à partir des années 1570, le "cross-dressing" (sorte de changement de sexe par le vêtement) avait fait son apparition et commencé à faire rage dans la société anglaise. Les hommes avaient multiplié les rubans et les colifichets dans leurs tenues tandis que les femmes s'étaient amusées à porter des hauts-de-chausses, justeaucorps, chapeaux à plumes, rapières et poignards au côté, comme des hommes.
C'est dans ce contexte qu'est apparu la figure atypique de Mary Frith, fille d'un cordonnier et d'une femme au foyer. Je ne peux pas tout traduire de l'anglais en ce qui la concerne, parce  que le temps me manque, mais disons qu'elle a fasciné les gens de son époque. Elle fumait la pipe telle une vraie George Sand avant l'heure, mis à part qu'elle évoluait dans un milieu plus populaire et il semble qu'elle jurait comme un charretier.
On dit que ce fut la première femme en Angleterre à avoir fumé et aussi qu'elle avait installé chez elle des miroirs partout pour pouvoir s'admirer dans chaque pièce.
Il se disait en ce temps que les femmes qui s'habillait en homme était incontrôlable sexuellement mais Mary Frith affirmait qu'elle ne s'intéressait pas au sexe.
Elle se maria pourtant en 1614 avec le fils d'un auteur dramatique.
Il semble qu'elle mourut vers l'âge de 74 ans.
Sa bio d'après Wiki.
Elle a inspiré toutes sortes de pièces de théâtre et il existe plusieurs biographies la concernant mais elle semble complètement inconnue en France. 
On la surnommait "Moll Cut Purse" (Marie Coupe-bourse) (puisqu'elle était pickpocket à ses heures et subit plusieurs fois les châtiments des voleurs de l'époque (paumes des mains brûlées).

Ajout du 27 janvier : le lien associé au nom "Marie Coupe-bourse" mène en fait aux "Mémoires et aventures de mademoiselle Moll Flanders écrits par elle-même ["Moll Flanders" étant un autre surnom de Marie Coupe-bourse] traduit de l'anglois" et publié en MDCCLXI (1761). C'est écrit de manière vivante et entraînante, si bien que l'on n'a pas du tout envie de lâcher le fil ! Pour l'adaptation aux anciennes casses, remplacer les "f" maigres par des "s" et la compréhension du texte sera totale.

Cela commence ainsi : "Comme mon véritable nom est si bien connu dans les registres de Newgate* [*prison de Londres] et qu'il y a même quelques petites affaires indécises sur mon compte, j'ai jugé à propos de me servir du sobriquet que m'ont donné mes camarades, tant pour l'honneur de ma famille que pour éviter toute brouillerie avec la justice. Ainsi je ne me ferais connaître dans ces mémoires que sous le nom emprunté de Moll Flanders.
J'ai oui dire que dans certains pays, lorsqu'un criminel est condamné à la mort ou aux galères, le gouvernement adopte les enfants qu'il laisse, et les entretient à l'hôpital jusqu'à ce qu'il soit en état d'apprendre un métier pour gagner leur vie.
Si cette loi eût prévalu dans ma patrie, je ne me serais point trouvée seule sans secours, sans habit et sans pain, dans un âge où je n'étais pas capable de faire réflexion sur mon état. Je n'aurais point non plus été entraînée dans un genre de vie, où je risquai selon le cours ordinaire de perdre et le corps et l'âme.
Ma mère fut condamnée à être pendue, pour un vol de peu de conséquence ;
elle avait trouvé le moyen d'enlever d'une boutique trois pièces de toile fine. Cependant comme elle se trouvait enceinte, on lui donna un répit de sept mois.
Pendant cet intervalle, elle accoucha de moi. On lui sût si gré d'avoir donné une nouvelle citoyenne au monde, qu'elle obtint sa grâce à condition de passer en Amérique. Pendant son absence, je restais en très mauvaises mains, comme vous pouvez le croire. Comme je n'étais âgée que de six mois, je ne puis me rappeler ce qui m'arriva dans ce temps-là. La première circonstance qui me vient à l'esprit (...)

Passionnante autobiographie que je ne vais pas transcrire au complet ici puisque le livre est scanné et libre d'accès.

6 commentaires:

  1. Non, pis "coupe-bourse" ça peut être lu en double sens, si tu vois ce que je veux dire ;)) OK, je sors...

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    1. Ce sont les english,ses compatriotes, qui l'ont appelée comme ça ! J'ai rien dit, moi ! ;)

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  2. J'ignorais l'existence de cette Anglaise excentrique.
    Hier, la caisse du supermarché était tenue par un jeune homme très maquillé, les temps changent.

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  3. On a eu un débat ici sur les femmes qui n'auraient jamais pu s'habiller en homme dans des temps aussi reculés, voilà bien la preuve du contraire, en tout cas.
    Un jeune homme très maquillé à la caisse du supermarché, dis-tu ? À Berlin, tu en verrais d'autre ! :) Maquillé, piercé, tatoué, scarifié, les cheveux bleu, rose ou jaune fluo, rasés d'un côté, long de l'autre avec des arabesques sur le côté rasé, la peau des lobes d'oreille tendue comme des tambours de chaque côté de la tête...et pas seulement les jeunes ! Et pas seulement les hommes ! Il y a un mot en allemand pour décrire cet aspect : "schrill" qui veut dire "strident" en francais mais "strident" n'est pas un mot que l'on utilise pour l'allure, En allemand, si.

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    1. "Schrill", je retiens le mot, merci pour les nouvelles de Berlin.
      Et bon sang bien sûr, Moll n'avait pas fait tilt, mais je l'avais déjà rencontrée chez Daniel Defoe : sa Moll Flanders s'inspire "de plusieurs femmes qui avaient défrayé la chronique, parmi lesquelles "Moll, la coupeuse de bourses", voleuse célèbre qui avait dirigé un gang de malfrats et qui fut incarcérée à Newgate." (Introduction au roman aux éd. J'ai lu)

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    2. Ah oui ! Très intéressant ! Du coup, j'ai découvert qu'il y a un Wiki intitulé "Moll Flanders". Il y est écrit ceci : "Moll Flanders est un personnage de fiction" ! Et peut-être que Defoe s'est contenté de réécrire à sa manière les mémoires de Moll Flanders, l'originale, lui volant sa renommée. Si j'écris cela bien que n'ayant pas lu le roman, c'est parce que je trouve curieux que le livre de Defoe ait été publié si peu de temps (1722 ou 1724) après la parution (1721) des vraies mémoires de l'authentique Moll Flanders.

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